
Pas d’urgence pour l’appel d’urgence européen. Après avoir repoussé l’obligation d’équiper les véhicules à plusieurs reprises et après plus de quinze ans de travaux et de discussions, le Parlement européen a fini par imposer une date définitive pour obliger les différents acteurs à se mettre à l’eCall.
À partir du 1er avril 2018, tous les nouveaux véhicules devront donc embarquer la technologie nécessaire au fonctionnement de ce service. Présent dans un premier temps sur les VP et VUL, le système sera évalué par la Commission européenne dans les trois ans pour se généraliser aux bus, cars et poids lourds. D’ici 2035 et au rythme du renouvellement...
Pas d’urgence pour l’appel d’urgence européen. Après avoir repoussé l’obligation d’équiper les véhicules à plusieurs reprises et après plus de quinze ans de travaux et de discussions, le Parlement européen a fini par imposer une date définitive pour obliger les différents acteurs à se mettre à l’eCall.
À partir du 1er avril 2018, tous les nouveaux véhicules devront donc embarquer la technologie nécessaire au fonctionnement de ce service. Présent dans un premier temps sur les VP et VUL, le système sera évalué par la Commission européenne dans les trois ans pour se généraliser aux bus, cars et poids lourds. D’ici 2035 et au rythme du renouvellement du parc, tous les VP et VUL devraient en être équipés.
« Déployer le système d’urgence embarqué eCall basé sur le 112 dans l’Union Européenne contribuera à améliorer la sécurité routière dans les États membres. Le Parlement européen a souligné à plusieurs reprises que la diminution du nombre de décès et de la gravité des blessures sur les routes constitue sa priorité. En tant que service public gratuit pour tous les citoyens et quels que soient le type de véhicule et son prix, l’eCall contribuera à cet objectif commun », résume Olga Sehnalová, rapporteure du texte pour le Parlement européen.
Accorder les parties prenantes
Les divergences d’intérêt entre les parties impliquées expliquent le retard pris par ce projet. Difficile d’accorder les violons de l’ensemble des constructeurs, des opérateurs de téléphonie mobile, des équipementiers, des sous-traitants, des sociétés d’assistance, des forces de l’ordre, des pompiers, des Samu, des sociétés de remorquage et des gestionnaires d’autoroute. Et ce d’autant plus qu’ils appartiennent à 27 pays.
Ainsi, Allemands et Français ont-ils défendu des solutions techniques différentes. Les industriels français souhaitaient que, lors de l’accident, les messages empruntent deux canaux : l’un pour la position géographique, l’autre pour la transmission de la voix. Pour leur part, les Allemands voulaient imposer un seul canal pour les deux types de messages, une solution que les Français considéraient comme moins fiable, notamment pour identifier le sens de circulation du véhicule sur autoroute.
L’autre pomme de discorde entre Français d’un côté et Allemands et Anglais de l’autre, concernait le traitement des appels. Les Français voulaient qu’une plate-forme d’assistance privée reçoive l’appel d’urgence et diligente les secours auprès des organismes compétents. Ce service aurait donc été payant. Quant aux Allemands et aux Anglais, ils souhaitaient qu’un seul centre centralise les appels et active les urgences. Finalement, l’Europe accepte la coexistence de plusieurs modèles.
2 500 vies sauvées chaque année
D’après le Parlement européen, les accidents de la route ont coûté la vie à 25 700 personnes dans l’Union Européenne en 2014, et en ont blessé 1,5 million en 2012. Avec des délais d’intervention en recul de 40 % en environnement urbain et de 50 % en zone rurale, l’eCall devrait faire baisser ce bilan de 10 %. 2 500 vies devraient donc être sauvées chaque année en Europe, soit 250 à 300 en France. Avantage induit : en intervenant plus rapidement, les services de secours libèrent la route ou l’autoroute plus vite, limitent les embouteillages et réduisent les coûts liés à ces encombrements.
Parallèlement aux conséquences tragiques liées aux morts et aux blessés, les accidents de la route généreraient 160 milliards d’euros de perte financière chaque année. Un chiffre établi par le HeERO, consortium composé de quinze pays européens en charge du déploiement de l’eCall. Selon cette source, la généralisation de l’appel d’urgence économiserait 30 milliards d’euros chaque année.
Déjà mise en œuvre par plusieurs constructeurs pour leurs propres clients et par les spécialistes de la télématique pour d’autres fonctionnalités, la technologie de l’eCall est désormais éprouvée. En 2013, Bruxelles estimait à 0,7 % la part des véhicules équipés d’un système d’appel d’urgence géolocalisé privé. Aujourd’hui, en France, le SNSA (Syndicat National des Sociétés d’Assistance) estime cette part à 3 %.
Depuis plusieurs années déjà, le SNSA s’est fortement impliqué dans le projet de la Commission Européenne. À l’origine, ce dernier prévoyait que les appels au 112 de l’eCall devaient être réceptionnés par des centres publics de traitement d’alertes. Ces PSAP (Public Service Answering Points) ou services publics d’appels d’urgence correspondent en France aux plates-formes gérées soit par le Samu, soit par les pompiers en fonction des départements.
Le SNSA en chef de file
Dès le début des discussions, le SNSA a fait valoir que la transmission directe de ce type d’appels vers le 112 serait de nature à fortement désorganiser les centres d’appels de ces services publics avec la réception de demandes excédant le champ de leurs missions. Autrement dit, avec la généralisation de l’eCall, le Samu et les pompiers auraient été submergés d’appels et vite débordés.
Le SNSA a eu gain de cause et l’État lui a confié la mission de créer une plate-forme d’appels pour le compte de l’ensemble des sociétés d’assistance françaises qu’il fédère. Ce déploiement bénéfice des précédents travaux du syndicat. Un vaste chantier a été engagé pour fluidifier et sécuriser tous les ordres de mission de dépannage et de remorquage.
En 2015, ces travaux ont abouti à la mise en place de la plate-forme Nomad. Commune à l’ensemble des sociétés d’assistance membres du SNSA, elle a d’abord fédéré les prestataires de remorquage et de dépannage. Dorénavant, elle s’élargit aux services de secours et à l’ensemble des métiers de l’assistance.

Des sociétés d’assistance pionnières
La plate-forme d’appels du SNSA recevra les appels de l’eCall et missionnera les dépanneurs ou les services de secours. Le délai de mise en relation avec les services d’intervention ne devrait pas dépasser les 75 secondes. D’après le SNSA, 30 000 appels d’urgence devraient être traités par cette plate-forme en 2018, 150 000 en 2019 et 400 000 en 2020.
Membre du SNSA, Mondial Assistance gère les appels d’urgence géolocalisés pour le compte de BMW et de Volvo. À ce titre, la société d’assistance a déjà une longue expérience en la matière. « Si l’eCall va limiter le nombre des morts, le nombre d’accidents ne va pas reculer, souligne Nicolas Géhin, responsable du marché automobile à la direction marketing et digital du prestataire. À ce jour, c’est plutôt la répression et la prévention qui limitent le volume des sinistres. »
D’après Mondial Assistance, les premiers services d’eCall sont apparus avant 2013 et se sont développées ensuite. Au départ, la société d’assistance est intervenue pour un service déployé par DaimlerChrysler. Qu’ils soient baptisés Peugeot Connect SOS, Citroën Appel d’Urgence Localisé, Volvo on Call, BMW ConnectedDrive ou Opel OnStar, ces services sont maintenant bien connus et leur efficacité éprouvée. Avec l’eCall européen, la nouveauté consiste à l’imposer à tous les véhicules neufs. Ce service ne doit pas être optionnel ni avoir de valeur marchande.
Nicolas Géhin établit un lien entre l’ABS et l’eCall : « Il a fallu beaucoup de temps pour que le système de freinage d’urgence devienne obligatoire. Lorsque les autorités se sont aperçues de son efficacité, elles ont fini par l’imposer. Cette logique a prévalu pour l’eCall. »

Filtrer et orienter les appels
Mondial Assistance est, avec Inter Mutuelles Assistance (IMA), l’un des prestataires à qui le SNSA a confié la gestion de la réception des appels en provenance de l’eCall. Ces sociétés d’assistance possèdent déjà l’organisation et les technologies pour cela. « Neuf appels en provenance de l’eCall sur dix ne nécessitent pas d’intervention d’urgence, explique Nicolas Géhin. Il faut pouvoir filtrer les appels. Nous détenons ce savoir-faire et il est logique que nous gardions la main sur l’ensemble du dispositif. »
Axa Assistance travaille avec les flottes, notamment à travers des partenariats avec les neuf plus grands courtiers du marché. La société d’assistance répond à des appels d’offres pour des parcs de 50 à 25 000 véhicules. En 2016 et en France, Axa Assistance a réalisé un chiffre d’affaires de 464,4 millions d’euros. Sur le segment des flottes, ce spécialiste couvre 700 000 véhicules pour lesquels il a réalisé 71 000 interventions l’an passé.
D’après Axa Assistance, le retard pris par l’eCall s’explique par des intérêts divergents entre prestataires. « Le principe est simple mais implique de nombreux intervenants qui doivent se mettre d’accord pour standardiser les technologies, constate Jean-Pierre Lerin, directeur des services automobile et mobilité d’Axa Partners. Lorsqu’a été soulevée la question de connaître l’identité de celui qui allait supporter l’investissement, un long moment de silence a suivi. Finalement, les constructeurs vont répercuter le surcoût dans leurs tarifs. »
Un partage limité des données

Des voix se sont élevées pour mettre en cause la sécurité de l’eCall face aux pirates informatiques. Dans les faits, le système est dormant et ne s’active qu’en cas d’accident ou de pression sur le bouton dédié. En temps normal, il n’est pas détectable et ne peut faire l’objet d’un suivi.
Pour renforcer la protection de la vie privée, les députés européens ont aussi introduit de nouvelles contraintes. Selon ces dispositions, l’appel automatique transmettra uniquement aux services d’urgence des données de base comme le type de véhicule, le carburant utilisé, l’heure et le lieu exacts de l’accident, ainsi que le nombre de passagers.
Selon le texte voté en 2015, les données collectées par les secours ou les sociétés d’assistance ne doivent pas être transmises à des tiers sans l’accord explicite de la personne concernée. Autre obligation, les industriels devront s’assurer de la possibilité d’effacer totalement et irrémédiablement ces données.
L’eCall, un service gratuit ?
Selon la Commission Européenne, le coût de la technologie atteint 100 euros par véhicule. En outre, les opérateurs de téléphonie sont obligés de transmettre gratuitement les appels. Si l’eCall a été conçu pour être totalement gratuit, les constructeurs devraient donc répercuter le surcoût de cette technologie dans leur prix de vente. Et en France, les primes d’assurance devraient très légèrement augmenter pour tenir compte des investissements nécessaires à la construction d’infrastructures informatiques et à l’administration du service.
L’eCall ne devrait pas bouleverser les pratiques des sociétés d’assistance. Seul changement : les prestataires vont recevoir un nombre important d’appels et de données, et devront répondre à des contraintes qualitatives élevées pour transmettre les informations aux services de secours dans les meilleurs conditions et délais possibles.
La technologie embarquée va aussi amener à proposer de multiples services avec d’un côté des applications d’urgence réunis sous le nom d’eCall (e pour emergency, soit urgence en français), et de l’autre des fonctionnalités de confort comme le bCall (b pour breakdown, panne en français) ou la conciergerie.
« Sans devenir des spécialistes de la télématique, nous allons élargir notre palette de services », précise Jean-Pierre Lerin pour Axa Partners. Et grâce aux données sur les habitudes de conduite, les assureurs et les courtiers vont pouvoir affiner leur plan d’actions en matière de prévention des risques et d’éco-conduite. Quant aux constructeurs, grâce aux informations collectées, ils vont pouvoir lancer de nouveaux services.
« Dans les flottes, la maintenance prédictive va se développer pour par exemple remettre à niveau les fluides ou remplacer les plaquettes de frein si besoin. Et les interventions sur site vont également se multiplier », anticipe Renaud Hardy, directeur commercial d’Axa Assistance en France. Pour Axa Assistance, la généralisation des services télématiques annoncée par l’eCall risque de renforcer la responsabilité du chef d’entreprise au regard de la loi. « Aujourd’hui, il n’a aucun moyen pour surveiller l’état des véhicules de sa flotte, note Renaud Hardy. Demain la télématique le lui permettra et les autorités pourraient le mettre en cause plus facilement. »
En novembre 2016, Arc Europe Group a racheté la totalité du capital d’Acta Assistance dont il possédait déjà 6,4 %. Arc Europe Group intervient dans 40 pays en Europe et couvre plus de 45 millions de véhicules. Ses dirigeants revendiquent 39 % de parts de marché en Europe. Raphaël Guignier, le directeur général d’Acta France, « sponsorise » le comité de pilotage eCall du SNSA.
Plus d’informations, plus de prestations
Acta Assistance et Arc Europe Group assurent déjà l’assistance pour le système d’appel d’urgence du groupe Jaguar Land Rover sur l’ensemble du territoire européen. « Si ce service a de nombreux points communs avec l’eCall, certaines différences existent en raison d’exigences normatives spécifiques », avance Julien Derré, directeur commercial et marketing d’Acta Assistance.
Avec la montée en puissance de la voiture communicante, le cœur de métier d’Acta Assistance demeure l’assistance, le secours en cas d’urgence et le remorquage en cas de panne. Mais ce spécialiste commercialise aussi une assistance au bord de la route et des services de conciergerie. « Nous avons identifié une autre voie de développement, ajoute Julien Derré. Avec la capacité grandissante des constructeurs à récupérer et à transmettre des données liées au véhicule et à sa conduite, nous pourrions conclure des partenariats pour anticiper les pannes. »
Vers la maintenance prédictive
Les technologies de l’eCall (GPS, téléphonie mobile, etc.) évoluent plus vite que les cycles automobiles. Dans ces conditions, les boîtiers embarqués pourraient très vite devenir obsolètes. D’après Acta Assistance, il n’en est rien : « Il existe des similitudes entre le téléphone mobile et l’automobile, observe Julien Derré. Tesla en est une bonne illustration avec les mises à jour de ses logiciels à distance. Les autres constructeurs le font en concession et pourront le faire demain à distance. » L’eCall représente bel et bien une nouvelle étape vers la voiture connectée puis autonome.
Dossier - Assistance : l’eCall annonce la voiture connectée
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