
« Nous avons noté un engouement, surtout pour l’éco-conduite, avec la multiplication des démarches RSE, les fortes pressions environnementales, mais aussi les changements de motorisations dont les hybrides », souligne David Raffin, directeur général du prestataire Actua Formation.
Chez Beltoise Évolution, Marc Bodson, directeur général, constate plutôt une stagnation de l’éco-conduite. En revanche, les formations à la sécurité routière connaissent une demande croissante : « Les entreprises prennent conscience de la nécessité de prévenir le risque routier auquel les salariés sont exposés », indique Marc Bodson. Et de plus en plus d’assureurs...
« Nous avons noté un engouement, surtout pour l’éco-conduite, avec la multiplication des démarches RSE, les fortes pressions environnementales, mais aussi les changements de motorisations dont les hybrides », souligne David Raffin, directeur général du prestataire Actua Formation.
Chez Beltoise Évolution, Marc Bodson, directeur général, constate plutôt une stagnation de l’éco-conduite. En revanche, les formations à la sécurité routière connaissent une demande croissante : « Les entreprises prennent conscience de la nécessité de prévenir le risque routier auquel les salariés sont exposés », indique Marc Bodson. Et de plus en plus d’assureurs proposent des stages chez des prestataires et un accompagnement, ou incitent leurs clients à former les conducteurs.
Former sur le quotidien
« Auparavant, nous formions les personnels à l’éco-conduite, relate Daniel Rosenberger, expert sécurité auprès des forces de vente de Danone produits frais France, mais avec des gains limités. Le jour J, la diminution de la consommation pouvait atteindre 30 %, mais elle se repliait rapidement à 7 ou 8 %. En outre, cela pouvait entraîner des comportements dangereux : si les conducteurs recherchent une performance optimale, ils évitent de toucher aux freins et peuvent donc se mettre en danger. »

Danone a donc opté pour une approche 100 % sécurité. « L’éco-conduite découle de la conduite sécuritaire. Nous avons une douzaine de formateurs en interne pour nos 1 000 commerciaux. La formation se fait sur route dans leur environnement quotidien, c’est important pour travailler les distances de sécurité : 98 % de nos conducteurs ne les respectent pas alors qu’ils sont persuadés de le faire », expose Daniel Rosenberger. Ce responsable forme tous les commerciaux embauchés pendant trois jours ; puis des formations d’une journée sont prévues en fonction des indicateurs ou sur demande des managers.
« Les enjeux de ces formations sont à la fois humains, juridiques, environnementaux et économiques, analyse David Raffin pour Actua Formation, qui chiffre à 15-25 % les économies potentielles sur l’ensemble du périmètre de la flotte. Au bout de six mois, le coût de la formation est souvent amorti grâce aux gains sur le carburant. Le recul de la sinistralité, du nombre de véhicules relais, du nombre d’arrêts de travail et des frais de remise en état lors de la restitution, ainsi que l’impact positif sur les consommables comme les pneus et les plaquettes de frein, c’est du bonus ! », affirme-t-il.
Un projet d’entreprise
Mais la réussite dépend de plusieurs facteurs. « Pour optimiser les résultats des formations, la démarche des entreprises doit être réfléchie et l’accompagnement complet. La première étape consiste à effectuer un audit et identifier les besoins », rappelle Patrick Clemens, chargé de développement du département prévention du risque routier pour le prestataire ECF.
« La démarche est trop souvent incomplète, sans analyse précise de la sinistralité et diagnostic pertinent. Or, quand on ne sait pas d’où l’on part, il est difficile de se fixer des objectifs et de mesurer les résultats. Pour un vrai retour sur investissement, il faut mettre en place un plan de prévention dans le cadre d’une démarche structurée », confirme Marc Bodson pour Beltoise Évolution. Pour Patrick Clemens, l’audit de départ doit « identifier les conducteurs les plus accidentogènes car plus ces derniers multiplient les accidents, plus le risque de survenue d’un accident grave augmente. » Autres populations à cibler : « Les nouveaux embauchés, les conducteurs qui changent de véhicule et ceux qui, avec un permis B, prennent le volant d’un VUL dont ils n’en maîtrisent pas toujours le gabarit. »
« La formation doit aussi être adaptée en fonction des besoins et des métiers, recommande Geneviève Valette, directrice des activités prévention et mobilité de Codes Rousseau. Avec les VUL, il faut donner des conseils sur la préparation du chargement, l’arrimage, etc. Avec des conducteurs qui roulent de nuit régulièrement, les messages porteront sur l’hygiène de vie. Quant aux commerciaux, ils devront faire attention au téléphone et apprendre à ne pas se préoccuper des dossiers au volant. »
Autre clef pour réussir une formation : « L’implication des managers et la culture environnementale de l’entreprise. Si celle-ci n’est pas performante, si elle n’incite pas à limiter et trier les déchets, si elle ne donne pas de consignes pour fermer les lumières dans les bureaux vides, elle n’accompagnera pas ou mal ses conducteurs », note Patrick Clemens. « L’exemplarité est indispensable. Il faut que cela se traduise par un véritable projet d’entreprise », renchérit Marc Bodson.
« Nous formons les managers pour accompagner les collaborateurs et ne pas les exposer à des situations à risque, reprend Geneviève Valette. Cela leur permet aussi de parler régulièrement de sécurité routière et de rappeler des messages simples lors des réunions d’équipe. Enfin, ils doivent utiliser les outils comme les entretiens post-accident ou l’e-learning pour le suivi des collaborateurs. »
Un conseil suivi par le spécialiste de la santé Johnson & Johnson : « L’engagement se fait à tous les échelons hiérarchiques », pointe Martine La Roche, responsable du parc qui forme chez Beltoise Évolution l’ensemble des collaborateurs bénéficiant d’un véhicule, soit 40 % des salariés (voir le témoignage).
D’abord les managers
« Nous nous appuyons sur les managers pour renforcer la culture de la sécurité. Ils insistent fortement sur l’interdiction du téléphone portable au volant, y compris avec un kit mains libres. Nous leur fournissons des kits de communication et des vidéos pour aborder et animer les sujets de sécurité routière lors des réunions d’équipe. Nous misons sur une sensibilisation permanente. Et les objectifs de sécurité font partie intégrante de la performance annuelle, au même titre que les objectifs business », poursuit Martine La Roche. Chez Johnson & Johnson, l’évaluation de cette performance se fait avec les indicateurs du programme Safe Fleet : absence d’accidents et d’infractions, état de la voiture lors de la restitution, présence aux formations et réalisation d’entretiens post-accident, etc.
Chez Danone, Daniel Rosenberger forme les managers afin de « leur donner les compétences sécurité nécessaires pour accompagner efficacement leurs équipes sur le terrain, ce qui implique un niveau d’exigence, une exemplarité et une capacité à coacher en fonction des risques. »
Quels types de formation ?
Éco-conduite ou risques routiers ? La plupart des stages mêlent les deux approches avec des synergies importantes : « Une formation à l’éco-conduite a aussi un impact sur la sinistralité avec une conduite plus apaisée, tandis qu’une formation à la sécurité routière générera des gains sur le carburant, souligne Geneviève Valette pour Codes Rousseau. Ce qui a une réelle efficacité, ajoute-t-elle, c’est d’accompagner les collaborateurs dans les véhicules en tournées pour prendre en compte la réalité des contraintes “métier“. Les exercices sur simulateur constituent aussi un bon complément. »
« Circuits, route, simulateurs… il faut un peu de tout. Diversifier les approches renforce nos compétences et affine notre compréhension du risque », complète Martine La Roche. Les formations à la sécurité routière de Johnson & Johnson portent leurs fruits : les accidents liés à la circulation, « les plus dangereux, précise-t-elle, ont reculé de 20 % entre 2016 et 2018. »
« Le premier niveau, explique Marc Bodson de Beltoise Évolution, consiste à sensibiliser les collaborateurs avec des conférences et de petits ateliers. Il est aussi possible d’envoyer des messages réguliers de prévention pour rappeler l’importance des distances de sécurité ou du gonflement des pneus. Ces dispositifs entretiennent une culture de la sécurité mais ils ne sont pas assez efficaces. La mise en situation fonctionne mieux : elle amène à visualiser les risques, notamment ceux liés aux distances de sécurité. Cela peut se faire sur circuit car des exercices sont impossibles sur route ouverte. Cela peut aussi se faire au sein de l’entreprise avec des simulateurs et des parcours routiers pour que le stagiaire soit au volant. C’est nécessaire », conclut Marc Bodson.
Changer les comportements
« Le travail doit être comportemental, d’autant qu’il y a presque toujours un grand écart entre ce que le conducteur pense de sa conduite et la réalité. Nous travaillons sur ce décalage et beaucoup sur l’auto-évaluation, indique Patrick Clemens pour ECF. Certains conducteurs nous disent : “J’ai 35 clients à livrer par jour. Pour moi, ce n’est pas faisable”. Nous cherchons alors à prouver qu’ils ne perdent pas de temps, tout au contraire, en adoptant les bonnes pratiques, avec plus d’anticipation et moins de freinages brusques. »
Patrick Clemens met par ailleurs en avant un effet pervers lié aux formations très techniques : « Il faut travailler plus sur la prise de conscience du risque. De fait, on s’aperçoit que plus le conducteur estime bien maîtriser les techniques et son véhicule, plus il prendra des risques. Le bon comportement vise à ne pas se mettre dans des situations de danger. Ce qui implique de se poser les bonnes questions sur les équipements et d’être prêt à annuler un rendez-vous si les routes sont trop enneigées. » Patrick Clemens met aussi en garde contre la course aux résultats : « Si je promets une réduction de 20 % de la consommation et que celle-ci n’est pas au rendez-vous, il y a un risque de déception et de rejet de la part du manager et des conducteurs : ils auront l’impression de “ne pas y arriver”. Il ne faut donc pas se fixer d’objectifs irréalisables. L’important, c’est le changement de comportement. »
La limite des chiffres
D’autant que les nouveaux modèles de véhicules se montrent de plus en plus performants : « Cela rend difficile de différencier la part de la baisse de consommation due à ces véhicules, de celle liée à l’amélioration des comportements, regrette Martine La Roche pour Johnson & Johnson. Et impossible de se baser sur la consommation affichée par les constructeurs pour comparer : il y a un écart avec la réalité. »
« La diminution de la consommation lors d’une formation peut atteindre 15 %. Mais ensuite, les chiffres passent souvent à 7-8 % du fait du stress et de l’usure des messages. Mais avec de gros rouleurs, cela offre déjà des gains importants, avance Geneviève Valette pour Codes Rousseau. L’impact de la formation sur la consommation dépend aussi du choix de la motorisation, du chargement du véhicule, etc. et des conducteurs. Certains sont plus performants que d’autres au départ », ajoute-t-elle, en rappelant que le comportement compte « pour 46 % dans le calcul du TCO ». « La réduction de la consommation n’est pas pérenne, confirme Marc Bodson pour Beltoise Évolution, d’autant que les conducteurs ne paient pas le carburant. Il faut alors les motiver, par exemple avec des challenges. Ils se sentent plus concernés par la sécurité routière car leur sécurité est en jeu et ils en prennent conscience avec les formations. Cela marque ! » Et parfois, les formations peinent à porter leurs fruits, « du fait d’un turnover important ou par manque d’implication des managers », note Geneviève Valette.
L’importance du suivi
« Les mauvais comportements ne disparaissent pas au bout d’une journée de formation », rappelle David Raffin qui met en avant l’importance du suivi des conducteurs sur « une durée d’un à trois ans pour pérenniser les formations ». Actua Formation propose ainsi, en partenariat avec des assureurs, Optiformation. « Après une journée Écoprévention de formation à l’éco-conduite et à la sécurité routière, cette prestation inclut un suivi analytique de la sinistralité et de la consommation, avec un état des lieux tous les trois mois. Si, au bout de six mois, la conduite du collaborateur n’a pas évolué au vu de nos indicateurs, nous le formons à nouveau gratuitement. Les conducteurs peuvent aussi suivre un petit cours de moins de dix minutes avec une application sur smartphone », détaille David Raffin.
Dans le cadre des accompagnements complets, Beltoise Évolution envoie des flashs trimestriels sur l’avancement du programme et des résultats, et les présente annuellement aux responsables de l’entreprise. « Ce qui permet de réajuster le dispositif si nécessaire », reprend Marc Bodson.
Un sinistre coûte en moyenne 4 500 euros, selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (Onisr). « Mais avec des réalités très différentes entre les petits incidents liés à des manœuvres, soit en moyenne la moitié de la sinistralité, et les accidents plus importants », décrit Marc Bodson. Et le coût peut vite monter lorsque l’entreprise est assurée au tiers ou en auto-assurance.
Les gains multiples de la formation
« Au-delà, poursuit Marc Bodson, des coûts indirects, rarement mesurés, sont importants comme l’impact sur la prime d’assurance et les montants des franchises, le temps perdu, les véhicules de remplacement, etc. En cas d’accident corporel, il faut ajouter les arrêts maladie, voire l’augmentation des cotisations “accidents du travail”, qui touche l’ensemble de la masse salariale. » Parfois, remarque Marc Bodson, une partie de la sinistralité est masquée : « Des collaborateurs ne déclarent pas les petits chocs qui s’accumulent et cela se voit avec la flambées des frais de restitution. » « Suite à une formation, ces frais peuvent diminuer jusqu’à 20 % », argumente David Raffin, et le recul de la sinistralité non responsable, hors bris de glace « peut atteindre 40 % ».
« La majorité des flottes que nous suivons ont des ratios de sinistralité de 0,5, ce qui est déjà bon, à 1, c’est-à-dire un accident par véhicule et par an. À ce stade, quand le plan est bien structuré, la sinistralité peut être divisée par moitié sur trois ans », constate Marc Bodson. Une performance atteinte par Danone : la sinistralité des commerciaux a été divisée par deux en cinq ans. « Nous enregistrons 100 incidents par an sur 1 000 véhicules », résume Daniel Rosenberger. Soit un ratio de 0,1 ! « L’impact des formations se voit plus sur les chocs avant et arrière mais il est beaucoup plus limité sur les sinistres liés à des incidents de manœuvre ou de parking », relativise Patrick Clemens pour ECF.
Moins de stress pour les conducteurs
À la tête des 2 696 véhicules de la mairie de Paris, Hervé Foucard valide cette analyse : « En ville, il s’agit surtout de petits chocs de manœuvre et de parking. Notre sinistralité, qui reste faible, a tendance à stagner, ce qui est déjà positif. Avec un effet direct sur les frais de maintenance qui ont tendance à baisser grâce à un meilleur usage du frein moteur : les pneus et les plaquettes de frein sont moins sollicités. Et les véhicules ont une meilleure apparence car l’éco-conduite incite les collaborateurs à en être plus respectueux » (voir le témoignage).
Autres effets moins mesurables : « Les formations amènent une plus grande sérénité : les conducteurs ont l’impression de moins subir la route et arrivent plus apaisés à destination », note Patrick Clemens. « Nos salariés anticipent plus, sont moins stressés, complète Daniel Rosenberger pour Danone. Pour atteindre ce résultat, il faut aussi proscrire le téléphone au volant, une source de stress. Les salariés qui transgressent cette règle perdent leurs primes et sont entendus par leur manager qui peut prendre des sanctions. »
« Nous travaillons sur la représentation de la voiture et sur la nécessité du déplacement qui peut parfois être remplacé par une visio-conférence. De même, un conducteur, qui doit parcourir 120 km le soir pour rentrer d’un lieu de mission et y revenir le lendemain matin, a tout intérêt à dormir sur place. Et les gains sur la consommation seront supérieurs », avance Patrick Clemens. Ce qui suppose aussi de réorganiser les trajets professionnels, un autre objectif.
Dossier - Éco-conduite et sécurité routière : des formations tout-terrain
- Éco-conduite et sécurité routière : des formations tout-terrain
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