
Quelle que soit la discipline abordée, la nouveauté séduit les avant-gardistes et s’impose peu à peu à la majorité. Mais parfois, la nouveauté perd de son éclat avant d’être reléguée au chapitre des curiosités. Un processus à l’œuvre avec l’éco-conduite : toute nouvelle, toute belle, cette pratique a convaincu de nombreuses entreprises avant qu’elles ne s’en détournent. « L’attrait pour la nouveauté est retombé, explique Patrick Clemens, chargé de développement pour le formateur ECF. Aujourd’hui, peu d’entreprises nous demandent de formations entièrement consacrées à l’éco-conduite. »
L’éco-conduite à la peine
Au début des années 2010,...
Quelle que soit la discipline abordée, la nouveauté séduit les avant-gardistes et s’impose peu à peu à la majorité. Mais parfois, la nouveauté perd de son éclat avant d’être reléguée au chapitre des curiosités. Un processus à l’œuvre avec l’éco-conduite : toute nouvelle, toute belle, cette pratique a convaincu de nombreuses entreprises avant qu’elles ne s’en détournent. « L’attrait pour la nouveauté est retombé, explique Patrick Clemens, chargé de développement pour le formateur ECF. Aujourd’hui, peu d’entreprises nous demandent de formations entièrement consacrées à l’éco-conduite. »
L’éco-conduite à la peine
Au début des années 2010, l’éco-conduite a émergé et suscité une forte demande. Son succès a connu son plus haut au milieu de la dernière décennie avant de décliner. Pour Marc Bodson, directeur général de Beltoise Évolution, l’éco-conduite est bel et bien passée de mode : sur les 12 000 stagiaires formés par ce prestataire en 2016 puis en 2017, seuls 200 ont suivi un cursus entièrement consacré à l’éco-conduite. Comparé à 2015, ce volume a fondu de moitié.
Constat identique pour Mobigreen qui accompagne les entreprises engagées dans l’éco-conduite avec l’offre BeMobi Formation. La filiale du groupe La Poste forme 8 000 à 10 000 personnes chaque année. Depuis trois ans, ce volume reste stable mais demeure en deçà des résultats obtenus dix ans auparavant. « Les formations spécifiques à l’éco-conduite ont vécu, constate Delphine Janicot, directrice générale de Mobigreen. J’observe une certaine lassitude à ce sujet. Et puis le prix des carburants a diminué et rend moins attractives ces formations. » Ce repli des prix du carburant constitue de fait une raison majeure de cette désaffection : « Après avoir atteint 2 euros le litre, ces tarifs ont reculé et l’intérêt économique de l’éco-conduite faiblit », note Marc Bodson.
Autre raison mises en avant, les progrès technologiques réalisés par les constructeurs portent leurs fruits avec des consommations en retrait. « Quand les véhicules consommaient 9 l/100 km, les entreprises pouvaient tabler sur un gain de 1,5 l grâce à l’éco-conduite, complète Marc Bodson. Avec les véhicules actuels à 6 ou 6,5 l/100 km, une conduite plus souple autorise une baisse de seulement 0,5 à 1 l. » Du fait d’un potentiel d’économie plus faible, l’éco-conduite devient moins prometteuse.
« L’intérêt des entreprises est retombé car, à chaque génération, les véhicules consomment moins, confirme Patrick Clemens pour ECF. De plus, les technologies se sont développées chez les constructeurs avec de nouveaux outils pour évaluer la conduite et réaliser des économies. »
La question des gains mais aussi du ROI
Sur ce sujet, les prestataires avancent quelques chiffres peu favorables au retour sur investissement de l’éco-conduite. « En rassemblant trois stagiaires encadrés d’un formateur, chaque session est onéreuse, pointe Patrick Clemens d’ECF. L’entreprise n’arrivera pas à la rentabiliser. Pour que ce soit le cas, l’économie de carburant devrait atteindre 10 % et le véhicule parcourir 100 000 km. »
De même, l’éco-conduite n’aurait de sens qu’avec une forte taxation des émissions de carbone. « Mais en l’état actuel du marché, considère Patrick Clemens, il est plus facile d’acheter un véhicule qui consomme moins que de développer l’éco-conduite. » Dans cet ordre d’idée, supprimer un déplacement de 100 à 200 km au profit d’une visio-conférence génère 15 euros d’économie de carburant pour le trajet aller-retour. Le gain est supérieur à celui promis par l’éco-conduite.
Vers un retour en grâce
Comme ses confrères, Codes Rousseau observe ce mouvement de repli des entreprises. « Cela étant, affirme Geneviève Valette, directrice des activités mobilité, l’éco-conduite a été en vogue, ne l’est plus mais va le redevenir. » D’après Geneviève Valette, l’éco-conduite devrait en effet connaître un regain d’intérêt dans les années à venir. Le prix du carburant et le coût moyen des sinistres vont grimper ; pour maintenir leur TCO à un niveau acceptable, les entreprises vont donc renouer avec la conduite responsable et économe.
En attendant ce retour en grâce, les formations s’adaptent. Et si les cursus entièrement axés sur l’éco-conduite intéressent moins les entreprises, ces pratiques continuent d’être enseignées à travers des modules spécifiques intégrés à une formation plus large sur la prévention des risques routiers. Éco-conduite et prévention se complètent : un conducteur économe court moins de risques d’avoir un accident.
Codes Rousseau a ainsi élargi les anciennes formations spécialisées dans l’éco-conduite à la sécurité et aux manœuvres. « Sécurité et éco-conduite sont très proches », résume Geneviève Valette. Et le but reste inchangé : optimiser l’ensemble du TCO.

Vers la prévention des risques routiers
Pour Actua Organisation, l’éco-conduite reste pareillement indissociable de la prévention des risques routiers, partant du constat que jamais une entreprise n’a réclamé une formation réservée exclusivement à l’éco-conduite. Et les stages et actions d’Actua Organisation misent sur des gains sur l’ensemble du TCO. « Nous avons une réelle plus-value, avance David Raffin, directeur du développement. Le retour sur investissement est calculé au préalable et nous nous engageons sur ces résultats. »
Un constat confirmé par Mobigreen pour qui l’approche des entreprises a évolué autour de la notion de TCO. Il ne s’agit plus seulement de réaliser des économies de carburant grâce à l’éco-conduite, mais de considérer le TCO dans sa globalité et d’identifier les postes dont les coûts partent à la dérive et pour lesquels le potentiel d’amélioration reste important.
« La mobilité est vue dans sa globalité », souligne Delphine Janicot. La directrice générale de Mobigreen ajoute : « Principale nouveauté, les entreprises commencent à lancer une démarche globale qui intègre des formations sur le long terme. » Dans ce cadre, la formation se veut une première brique essentielle à la prise de conscience des conducteurs. Ensuite, la télématique suit les performances des conducteurs et accompagne l’entreprise avec davantage de précision et d’efficacité (voir notre article).
Prendre en compte les nouvelles mobilités
Autre évolution à souligner, les formations à l’éco-conduite et à la prévention des risques routiers s’adaptent aux nouvelles mobilités. « Aujourd’hui, reprend Patrick Clemens, le collaborateur peut recourir à trois modes de transport différents pour adopter le parcours le plus sûr, le plus économique et le plus neutre possible en matière d’environnement. » Dans cet état d’esprit, ECF vient de lancer une formation pour optimiser la conduite des vélos à assistance électrique. « Avec la seule éco-conduite pour les VP, nous n’arriverions pas à poursuivre nos activités », insiste Patrick Clemens.
Pour Beltoise Évolution, la demande se concentre désormais autour de la conduite des modèles électriques et hybrides afin d’en optimiser l’autonomie. « Cette demande diffère de l’éco-conduite traditionnelle, observe Marc Bodson. Mais le potentiel est faible car les volumes de ventes de ces véhicules demeurent marginaux. »
Parmi les nouveautés d’Actua Organisation figure un stage de conduite de véhicules hybrides. « Si un hybride est utilisé comme son homologue diesel, il consommera davantage », explique David Raffin. Le conducteur d’un hybride qui adopte les techniques de l’éco-conduite peut générer une économie de 25 à 30 % sur la facture de carburant. « Le gain est deux fois plus élevé qu’avec un diesel », s’enthousiasme David Raffin.
VAE, hybride ou encore électrique
Mobigreen propose de son côté des formations sur route, sur piste et sur simulateur, et a déployé des applications spécifiques pour accompagner les collaborateurs sur les outils digitaux. En parallèle, les formations sur vélo se développent. La filiale de La Poste commercialise aussi une formation au remplissage du constat amiable, étape cruciale pour définir les responsabilités avec précision.
D’après Mobigreen, l’éco-conduite va continuer à vivre et à perdurer. Elle permettrait d’aborder des problèmes délicats et complexes sur un mode ludique. Sans être stigmatisés, les collaborateurs concernés s’approprient les règles de l’éco-conduite et préservent leur sécurité, tout en générant des économies.