Electric Road : l’électrique à la charge

Véhicules, recharge intelligente, automatisée et par induction, énergies renouvelables, etc. : la cinquième édition du congrès Electric Road s’est tenue à Nantes les 18 et 19 juin. L’occasion de faire un tour des innovations destinées à apporter la mobilité électrique dans les rues et sur les routes, en se centrant sur la question cruciale de la recharge.
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Electric road

« Electric Road est une conférence technique fondée il y a cinq ans sur la recharge électrique du futur », a expliqué lors de la conférence d’ouverture Jean-Patrick Teyssaire, président du salon. Aujourd’hui, l’événement regroupe à la fois un congrès de professionnels et une exposition ouverte au grand public, consacrée aux innovations pour « la rue et la route électriques ».

De nombreux modèles étaient ainsi présentés, dont les Tesla Model S et X, la Nissan Leaf, la BMW i3 ou la Bolloré Bluecar. Le groupe chinois Jiayuan exposait aussi, via sa filiale européenne ASPP, le Cityfun : un véhicule électrique et sans permis qui se décline en version cargo ou van.

ASPP Cityfun
ASPP Cityfun

Sur le segment des VU, la marque belge Addax Motors, vieille de deux ans, mettait en avant la fourgonnette MT destinée à la livraison urbaine. Ce petit véhicule peut embarquer 1 000 kg sur son châssis et tirer une remorque de 2 000 kg. Il dispose de 80 à 110 km d’autonomie, se recharge en 3 à 4 heures, et peut rouler jusqu’à 120 km/h, tout en s’équipant d’une connectivité 3G.

Addax MT
Addax MT

Avaient aussi répondu à l’appel le Nissan e-NV200, l’Electron II de Gruau en version frigorifique et un Renault Kangoo Z.E. amené par La Poste. Les NVEI (nouveaux véhicules électriques individuels) étaient aussi de la partie avec les VAE de la société nantaise Suncity ou la trottinette Trotlux. Plus rare, l’association Polyjoul, du lycée La Joliverie exposait son prototype hydrogène Cityjoule 2 qui a parcouru la distance record de 1 350 km avec 1 l d’hydrogène équivalent essence.

La recharge avant l’autonomie ?

Mais le cœur du congrès concernait la recharge électrique, qui pourrait être plus importante que l’autonomie. « Il y a trois éléments importants pour passer du marché de niche au marché de masse : l’offre, un coût de possession réellement compétitif et pas de limitation de rayon d’action. Une longue autonomie permet un long voyage aller, mais si la recharge dure une nuit, le rayon d’action reste assez court », a résumé Rémi Bastien, président de l’institut Vedecom, lors de la première conférence plénière.

Le développement de l’électrique passera donc par la simplification de l’accès à la recharge. Une situation bien illustrée par Gruau : « L’Electron II peut parcourir jusqu’à 170 km en conditions réelles de conduite. Mais l’un de nos clients à La Roche-sur-Yon (85) effectue jusqu’à 225 km par jour car il se recharge entre ses tournées, a indiqué Jean-Charles Landais, commercial chez Gruau. L’Electron II se recharge en 3 heures et la plupart de nos clients ne descendent jamais au-dessous de 20 % d’autonomie. »

Gruau Electron II
Gruau Electron II

Simplifier la recharge

Et les pistes sont nombreuses pour optimiser la recharge. L’entreprise GFI Informatique présentait au congrès la solution Electrific, développée dans le cadre du programme européen Horizon 2020. Celle-ci regroupe une application GPS pour le conducteur, un logiciel « smart charger » pour les propriétaires de bornes et un « smart scheduler » pour les gestionnaires de flotte. Ce système complet de gestion coordonne ainsi les plans de déplacement et les horaires de recharge, en priorisant les bornes alimentées en énergies renouvelables. Des essais sont menés en Allemagne, en Espagne et en Belgique. L’entreprise recherche d’ailleurs des flottes pour expérimenter la solution.

Pour la recharge, le branchement reste aussi une contrainte. « Plusieurs gestionnaires de flotte nous ont indiqué qu’il arrivait à leurs salariés d’oublier de brancher leur véhicule en fin de journée », a témoigné Benoît Thévenot, ingénieur de la start-up Gulplug. Cette dernière a eu l’idée de concevoir une prise magnétique combinant la simplicité de la recharge par induction aux avantages d’une prise classique. « La puissance est transmise par conduction, ce qui garantit un rendement électrique de 100 % et l’absence de rayonnement électromagnétique, a exposé Benoît Thévenot. De plus, elle se pose au sol et se branche sans technicien. »

Gulplug
Gulplug

La solution de Gulplug se présente en effet sous la forme d’un plot contenant plusieurs bobines concentriques et d’un cœur de prise contenant des aimants permanents. Lorsque le véhicule se gare au-dessus du plot, ce dernier est automatiquement détecté : cela déclenche la descente un câble de recharge, situé sous le châssis de la voiture, qui s’aimante sur le cœur de prise. Une authentification RFID est possible pour restreindre l’accès à la recharge. Le prototype délivre 3 kW, soit l’équivalent d’une prise domestique, mais Gulplug est en train de développer une prise de 22 Kw et rien ne s’oppose au développement de prises plus puissantes encore. Et cette dernière autorise de plus la recharge inversée (V2G). « Celle-ci pose problème sur l’induction car l’énergie est transférée en haute fréquence, ce qui nécessiterait l’installation d’un convertisseur dans la voiture », a pointé Benoît Thévenot.

Que la voiture alimente l’infrastructure en énergie, c’est aussi ce qu’imagine l’association Eco Solar Breizh. Mais celle-ci va encore plus loin : elle a lancé en janvier 2018 Hx2, un projet de véhicule électrique urbain autonome en énergie grâce à 4 m2 de panneaux solaires déployés sur sa carrosserie. Ce véhicule a été conçu grâce aux technologies développées pour la compétition au travers du modèle Heol. « Il sera deux fois plus lourd, mais nous nous sommes fixé comme objectif de ne pas dépasser 50 kW/h de consommation à 50 km/h, une vitesse qui correspond à un usage urbain », a ajouté Jean-Luc Fleureau, président d’Eco Solar Breizh.

Eco Solar Breizh ‒ Heol
Eco Solar Breizh ‒ Heol

« Notre projection prévoit une autonomie de 50 km par jour à Brest où l’on bénéficie de 1 500 heures d’ensoleillement annuel selon le cadastre solaire, de 80 km par jour à Bordeaux et de 200 km à Nice. Notre véhicule pourrait convenir aux déplacements domicile-travail et aux véhicules de service, d’autant qu’une pile à combustible est prévue pour les jours gris », a détaillé Jean-Luc Fleureau qui espère faire un premier tour de route d’ici un an.

Et l’électricité renouvelable ?

Car derrière la recharge se pose la question de l’origine de l’énergie utilisée pour alimenter les véhicules. « Plus de 40 % des émissions de GES d’origine humaine sont dues à la production d’électricité, a rappelé Rémy Bastien de Vedecom. Nous avons donc besoin d’actions concertées dans les domaines de la mobilité et de l’énergie. Or, la transition industrielle vers les renouvelables nécessite des capacités de stockage auxquelles peuvent répondre les batteries des modèles électriques. » Un sujet que nous avons notamment traité en page xx de ce numéro.