
Les flottes françaises doivent incorporer un certain nombre de véhicules à « faibles émissions », selon les quotas imposés par la loi d’orientation des mobilités (LOM). Des objectifs auxquels tentent de répondre les flottes publiques concernées, telle l’université Paris-Saclay dont le parc se compose de 137 véhicules légers (VL) de service. L’établissement a en effet acquis ses cinq premiers véhicules électriques (VE) en 2020. Dix autres rejoindront sa flotte cette année, soit un investissement total de 450 000 euros. Ces VE en autopartage seront mis à disposition des agents et des étudiants en journée et la semaine (voir le reportage).
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Les flottes françaises doivent incorporer un certain nombre de véhicules à « faibles émissions », selon les quotas imposés par la loi d’orientation des mobilités (LOM). Des objectifs auxquels tentent de répondre les flottes publiques concernées, telle l’université Paris-Saclay dont le parc se compose de 137 véhicules légers (VL) de service. L’établissement a en effet acquis ses cinq premiers véhicules électriques (VE) en 2020. Dix autres rejoindront sa flotte cette année, soit un investissement total de 450 000 euros. Ces VE en autopartage seront mis à disposition des agents et des étudiants en journée et la semaine (voir le reportage).
L’électrique en partage

« Cette démarche a été engagée il y a environ cinq ans alors que j’étais chargée de mission pour l’université Paris-Sud, devenue université Paris-Saclay en janvier 2020. La flotte était alors vieillissante », se remémore Jane Lecomte, vice-présidente développement soutenable. « Mais ce sont les récentes consignes de la circulaire du 13 novembre 2020 qui nous ont poussés à repenser le mode de gestion et de renouvellement du parc (voir l’encadré ci-dessous) », poursuit Nathalie Herrbach, directrice générale adjointe des services, missions transverses. « Selon cette circulaire, l’hybride rechargeable pouvait entrer, comme l’électrique, dans le cadre de notre future solution d’autopartage. Mais de récentes études montrent que l’électrique est mieux placé que l’hybride rechargeable pour le CO2. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour le 100 % électrique », justifie Jane Lecomte.
Au-delà de la diminution de son empreinte carbone, l’université Paris-Saclay veut également répondre « à un souhait croissant des usagers de passer à des modes de transport plus respectueux de l’environnement », souligne Nathalie Herrbach. « La fin de l’usage du thermique est une option très médiatisée. Avec l’autopartage, nous espérons obtenir la meilleure adéquation entre le nombre de VE et nos besoins réels en vue de réduire notre flotte à terme », renchérit Jane Lecomte. Néanmoins, l’université peine à électrifier tous ses véhicules. « Les tracteurs pour l’entretien des espaces verts resteront en diesel. Nous n’avons pas trouvé d’équivalents électriques », note Nathalie Herrbach.
La Savoie en électrique
Les collectivités s’affairent aussi à l’image du département de la Savoie. « Début 2020, nos véhicules étaient exclusivement en diesel ou en essence. Nous n’avions pas de stratégie précise pour verdir la flotte. Après une étude portée par ma direction sur comment limiter notre empreinte carbone à l’aide du meilleur choix technologique, la collectivité a décidé de n’acheter que des VL électriques », retrace Vincent Brossard, directeur des systèmes d’information au pôle ressources et moyens. 37 Zoé ont ainsi été livrées en 2020. Forte de 350 VL de service sur 150 sites, la collectivité espère aboutir à une flotte entièrement électrique dans dix ans, en renouvelant chaque année 10 % de son parc, soit une trentaine de véhicules (voir le témoignage).

Si l’électrique fait l’unanimité, la question de l’autonomie revient souvent. Pour y répondre, le groupe IMA (Inter Mutuelles Assistance) a testé l’électrique pour voir si cette motorisation se prête à ses salariés. Ce spécialiste de l’assistance compte plus de 2 500 collaborateurs dans l’agglomération de Niort (79). Une dizaine de véhicules y assurent les déplacements des services généraux.
Autonomie suffisante ou pas ?
« Il y a environ quatre ans, nous avons acquis deux Zoé et un Kangoo Z.E. pour assurer la maintenance des bâtiments. La problématique était d’avoir assez d’autonomie pour intervenir sur chaque site », rappelle Renaud Berrivin, conseiller auprès de la direction générale du groupe IMA, en charge des relations presse et de la RSE. En parallèle, les diesel « potentiellement plus aux normes » ont été cédés.
Face à ce changement, les collaborateurs ne se sont pas montrés réticents. « Sous l’impulsion d’une demande sociale croissante, les véhicules sont désormais plus performants. Leur autonomie, au départ d’une cinquantaine de kilomètres, suffit dorénavant. Grâce à cette avancée, nos équipes pourront se déplacer plus facilement, y compris dans nos autres implantations comme à Nantes. Nous pouvons même imaginer une flotte totalement électrique à long terme », prévoit Renaud Berrivin (voir le témoignage).
Pour l’université Paris-Saclay, l’autonomie n’est aussi plus un frein. « L’électrique est une solution intéressante sur le campus. De fait, sur le territoire de Paris-Saclay, nos collaborateurs parcourent en moyenne moins de 5 km par jour – en particulier les directions et les laboratoires. Les véhicules avec un fort kilométrage annuel sont essentiellement ceux employés pour transporter les étudiants amenés à circuler régulièrement pour leurs stages », indique Nathalie Herrbach.
Lever les freins
L’autonomie a aussi constitué une préoccupation au sein du département de la Savoie. « Près d’un tiers des agents se montraient inquiets. En étant caricatural, un agent qui a un trajet de 150 km à effectuer ne sera rassuré que si l’autonomie atteint 250 km. Ces 100 km supplémentaires représentent une marge psychologique de sécurité, souligne Vincent Brossard. C’est la dernière version de la Zoé, sortie en 2020, qui a permis de franchir le cap et d’acheter massivement des VE », complète-t-il. La puissance de la batterie est alors passée de 41 kW à 52 kW, et l’autonomie de 320 km à 395 km.
Une borne par véhicule électrique
Liée à l’autonomie, la recharge reste l’une des principales craintes des collaborateurs, confirme Vincent Brossard : « Ceux qui n’avaient pas peur de tomber en panne d’électricité n’avaient pas envie de perdre de temps à recharger sur les aires d’autoroute. Car recharger une Zoé peut durer au moins trente minutes, voire 1 h 30. Les agents veulent avoir la certitude de faire tous leurs trajets sans problème dans la journée. »
Pour tranquilliser ses collaborateurs, la Savoie est en train d’installer des bornes, d’une puissance de 22 kW par prise, dans des parkings privés exclusivement réservés à ses agents. « Nous avons appliqué un principe : chaque véhicule stationné doit disposer d’une prise de recharge rapide. Concrètement, nous allons installer vingt points de charge pour les vingt véhicules affectés au siège. Dans les autres sites, il y aura toujours une borne pour se stationner. C’est relativement onéreux mais il n’y a pas d’autres options. Pour circuler sans inquiétude, nos agents doivent être sûrs de monter dans un véhicule parfaitement chargé chaque matin », expose Vincent Brossard.
Des bornes intelligentes
Mais s’équiper en bornes ne suffit pas. Encore faut-il veiller à rendre leur gestion « intelligente ». « À certains moments de la journée, par exemple à 17 h 00, les agents du département peuvent rentrer leurs VE simultanément. Nous avons alors des appels de charge importants. Or, à cet horaire, il n’y a pas d’urgence et cette recharge peut s’effectuer durant la nuit. A contrario, pendant la pause-déjeuner, le besoin de puissance doit être plus important pour assurer les trajets de l’après-midi », explique Vincent Brossard.
Pour s’adapter aux besoins des usagers, le département de la Savoie a opté pour les systèmes de gestion d’énergie de Schneider Electric. Ceux-ci offrent la possibilité d’allouer une puissance maximale à chaque borne. Un dispositif choisi par la collectivité afin d’éviter de dépasser la puissance de son abonnement électrique. Les collaborateurs peuvent aussi recharger sur les infrastructures publiques déployées par la collectivité. « En complément, chaque véhicule possède un badge d’électromobilité Chargemap valable sur l’ensemble du réseau de bornes reliées à la plate-forme Gireve pour recharger sur n’importe quelle borne publique. Un agent partant du siège à Chambéry peut donc recharger dans n’importe quel parking à Lyon », détaille Vincent Brossard.
Anticiper l’infrastructure de recharge
D’autres acteurs ont préféré anticiper la recharge avant même de réceptionner leurs VE. L’université Paris-Saclay a ainsi mis en service 23 bornes durant l’été 2020 sur le campus, c’est-à-dire sur le territoire de Bures-sur-Yvette, Orsay et Gif-sur-Yvette (91). Un déploiement mené dans le cadre d’un appel à projet « Territoire à énergie positive pour la croissance verte », en partenariat avec l’établissement public d’aménagement (EPA) Paris-Saclay. « Le public est encore restreint car il n’y a pas eu de promotion autour de l’électrique. Mais avec l’arrivée des VE achetés pour les directions, les laboratoires et l’autopartage, ces bornes seront bien utiles », anticipe Nathalie Herrbach.

« Néanmoins, l’infrastructure de recharge suppose un lourd investissement », insiste Renaud Berrivin pour le groupe IMA. Qui a installé une douzaine de bornes dans son siège social de Niort pour les salariés et les visiteurs. Et au-delà de l’investissement pour la pose et l’exploitation d’infrastructures, « le coût d’un VE reste très élevé pour les universités, et plus généralement pour la fonction publique qui doit réduire les frais le plus possible », note Jane Lecomte pour l’université Paris-Saclay.
Un coût sur lequel a travaillé le département de la Savoie. « Nous avons mené une étude comparative du TCO entre une Clio et une Zoé sur dix ans. Nous avons compatibilisé : le surcoût à l’achat d’un VE par rapport à un thermique, le coût du véhicule, du carburant (proportionnellement à notre kilométrage moyen par véhicule estimé à 10 000 km par an) et celui de la maintenance (un peu plus faible pour les VE) », énumère Vincent Brossard. Conclusion : sur dix ans, le TCO est équivalent entre un VE et un thermique. « Il n’y a donc aucun intérêt économique dans la volonté de changer de véhicules. D’autant que les VE induisent des contraintes supplémentaires comme l’installation de bornes. Mais ils participent à l’ambition écoresponsable du département », ajoute Vincent Brossard.
L’électrique coûte que coûte
Pour Renaud Berrivin du groupe IMA, les avantages de l’électrique se manifestent à long terme. « L’électrique a un coût plus élevé à l’entrée mais il est plutôt rentable à l’usage en maintenance, en entretien, etc. Il offre aussi des avantages évidents en fiabilité, en qualité du service et en facilité d’intervention pour nos équipes sur leurs différents sites. Sans oublier une empreinte carbone moins négative que celle du diesel. C’est pourquoi nous souhaitons passer la vitesse supérieure », avance ce responsable.
À Lyon, Jours de Printemps aurait aussi souhaité se mettre à l’électrique à vive allure. Mais faute de place suffisante pour la recharge, les 120 salariés de cette agence d’externalisation de services pour les entreprises devront encore attendre avant de conduire un VE (voir le témoignage).
Les limites du véhicule électrique
« Malgré les aides, nous n’avons pas pu lever les contraintes techniques liées à la recharge. Dommage, car si le loyer d’un VE est plus élevé au départ, la recharge revient moins cher que le carburant sur la durée. En prenant en compte le loyer, le carburant et les aides, passer du thermique à l’électrique nous faisait économiser 10 à 20 euros par mois et par véhicule. Sur l’année, ce montant n’est pas négligeable à l’échelle de notre entreprise ! », déplore Isabelle Durand, directrice adjointe de Jours de Printemps. Malgré ces difficultés, en 2020, 29 408 VE d’entreprise ont été immatriculés (+ 45,38 % par rapport à 2019), selon les chiffres de l’Arval Mobility Observatory. La mise sous tension est en marche.
Dossier - Électrification : les flottes s’activent
- Électrification : les flottes s’activent
- Vincent Brossard, département de la Savoie : « Les Zoé se prêtent aux routes montagneuses »
- Renaud Berrivin, groupe Inter Mutuelles Assistance : « Un quota suffisant de véhicules électriques »
- Isabelle Durand, Jours de Printemps : « Des bornes insuffisantes et inaccessibles »
- EPA Paris-Saclay : l’autopartage pour électrifier