Après avoir mené les études nécessaires en vue d’électrifier le parc, il faut bâtir des stratégies et trouver les bons véhicules « afin de donner envie aux collaborateurs de franchir le cap, par exemple en proposant des modèles d’une catégorie ou d’un niveau de finition supérieur », suggère Gilles Bellemere, directeur général d’ALD Automotive/LeasePlan France. C’est le choix fait par Mourad Fellah, responsable du parc de Carglass, en intégrant les Tesla Model 3 et Y. Un succès : « Depuis, la plupart des salariés se sont soudain sentis électro-compatibles alors qu’ils étaient peu enclins à choisir l’électrique et avaient, ces deux dernières années, largement choisi le PHEV (30 % de notre parc de VP). »
Bilan pour Carglass : « Alors que nous avions en début d’année un électrique en parc et un en commande, en l’espace d’un mois et demi, nous en sommes à 18 commandes pour les Tesla », assure Mourad Fellah. Autre avantage : « La première Tesla a été livrée en moins d’un mois alors que notre Kia EV6 a mis huit mois avant d’arriver et que nous attendons la seconde depuis plus de six mois », ajoute ce responsable.
Motiver les conducteurs
« Dans la mesure où le TCO du véhicule électrique est souvent avantageux, il est possible d’attribuer des véhicules d’une catégorie supérieure, pour le même TCO, confirme Pierre Marneffe, CEO de Mob Box, spécialiste de l’accompagnement à la transition énergétique. Mais il est aussi possible de proposer un véhicule électrique de taille inférieure et, en complément, un crédit mobilité pour bénéficier d’alternatives modales comme le vélo, le train, etc. Ce qui ajoute de la flexibilité à la mobilité et peut être attractif pour des populations jeunes et urbaines », poursuit Pierre Marneffe.
« Nous conseillons d’y aller progressivement et de commencer par les salariés les plus éligibles, commente Julien Chabbal, directeur des ventes et marketing d’Alphabet. Ce qui nécessite d’analyser les usages. Mais il faut aussi débuter par les plus volontaires, qui deviennent alors des ambassadeurs et vont convaincre les plus réticents. La réalisation d’enquêtes préalables envoie aussi des signaux aux conducteurs qui sont ainsi mieux préparés. » Une idée que rejoint Katia Lehnert, chef de projet mobilité responsable chez le fleeter Fatec Group : « Cela permet d’avoir des retours positifs et d’éviter les déceptions. En outre, essayer un véhicule n’est pas pareil que de choisir sur catalogue. Nous conseillons à nos clients de faire venir dans leurs sites les concessions locales avec quelques véhicules pour que les salariés les testent. En pratique, nous devons répondre aux doutes des collaborateurs mais aussi à ceux des gestionnaires de flotte », poursuit Katia Lehnert.
Pédagogie et flexibilité
Par ailleurs, la mise à disposition d’un véhicule thermique en week-end ou pendant les vacances, solution que proposent de nombreux loueurs, peut lever des freins. « Il y a en effet une demande des clients pour rassurer les salariés. Mais en pratique, quand le collaborateur a pris en main son véhicule, il préfère s’organiser seul et anticiper les recharges sur la route, y compris pour les longues distances, plutôt que de changer de véhicule », remarque Margy Demazy, directrice commerciale d’Arval France. « Les entreprises peuvent aussi conserver un petit pool de véhicules thermiques pour les longs déplacements », conseille Katia Lehnert.
Si la flexibilité peut conquérir les plus hésitants, il ne faut pas non plus sous-estimer la prise de conscience environnementale. « Les fiches que nous réalisons pour chaque salarié sur ses usages et ses possibilités de recharge comportent aussi le bilan carbone de ses déplacements, expose Gilles Bellemere pour ALD. Et c’est souvent un choc, d’autant plus que nous calculons aussi son potentiel de réduction d’émissions avec le passage à l’électrique. Le salarié prend ainsi conscience des enjeux. »
Ces bonnes pratiques, Julien Ferreira, responsable adjoint du service achats généraux de Chronopost, les a appliquées : « Nous avons beaucoup communiqué pour valoriser l’électrique et en démontrer l’intérêt. Nous avons aussi multiplié les tests sur sites. Le principal changement reste l’utilisation de la boîte auto. Mais finalement, il n’y a pas eu de réticences et aucun livreur ne voudrait revenir en arrière. Ils apprécient l’absence de bruit, la souplesse d’utilisation, le confort de la conduite, etc. »
Accompagner et former
« Dans notre flotte de 780 VP, nous avons retiré le thermique de la car policy il y a trois ans, enchaîne Julien Ferreira. Nous ne disposons donc plus que de VP électriques, hybrides et PHEV. Par ailleurs, nous menons une analyse poussée sur la consommation afin de décider du maintien ou de l’abandon de cette typologie de véhicules. »
Du côté d’Alphabet, Julien Chabbal incite aussi à multiplier les formations. « Celles-ci aident à développer les bons réflexes de conduite, à apprendre à bien utiliser le frein régénératif, à anticiper et à conduire différemment. Cela rassure aussi les conducteurs et évite les réticences. » « Un conducteur qui anticipe, en jouant sur les phases d’accélération et de décélération, peut gagner 30 % en autonomie par rapport à un autre conducteur qui roule de manière moins souple », valide Pierre-Thomas Blaise, directeur du parc matériel de la métropole de Bordeaux. Cette métropole dispose de 3 000 équipements roulants dont 785 VP, parmi lesquels 150 sont électriques, et 1 038 VUL (210 électriques). « Nous avons fait des tutos de sensibilisation, continue ce directeur de parc, et nous faisons souvent tester les véhicules électriques pendant deux semaines afin d’éviter les rejets. »
De nombreuses entreprises ont compris l’intérêt de cet accompagnement, à l’image de Carglass. « Tous nos salariés, y compris ceux qui n’ont pas de véhicule de fonction ou de service, participent à un e-learning que nous avons créé pour favoriser une conduite responsable, décrit Mourad Fellah. De plus, ceux qui roulent avec un véhicule de la société passent un stage d’une journée chez Centaure avec leurs propres véhicules. Pour ceux qui roulent à l’électrique, ils bénéficient ainsi de conseils adaptés. »
Prise en main
Car, comme le constate Guillaume Cerdan, responsable du parc de la métropole de Lyon, « le plus compliqué pour les utilisateurs reste de comprendre ce qui a trait aux autonomies et aux recharges. Ce qui nécessite un minimum d’accompagnement. Mais, en général, au bout de trois semaines à un mois, ils ont compris. »
Chez Saint-Gobain, on mise ainsi sur une prise en main détaillée et obligatoire des véhicules électrifiés lors de leur livraison. « C’est une étape essentielle que nous imposons aux constructeurs », note Thierry Calot, directeur de POP3P, en charge de la gestion du parc roulant du groupe en France. Saint-Gobain France compte 55 véhicules électriques et 280 hybrides dans un parc de 8 000 véhicules.
Pour sa part, Sanofi prévoit « une petite formation de type e-learning sur la bonne utilisation des véhicules électriques qui doit être personnalisée selon le modèle ». Et ce, en sus de la formation à l’éco-conduite que suivent tous les itinérants pendant une journée chez Beltoise Évolution, précise Stéphane Antoinat, responsable du parc de Sanofi qui dénombre 1 700 VP dont une centaine de PHEV, une centaine d’hybrides simples et dix véhicules électriques.