Électrification des flottes : entre priorités et compromis

Alors que l’électrification des flottes est considérée comme l’un des principaux leviers de la transition énergétique des entreprises et des collectivités, sa mise en place ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Une réflexion s’impose. Un exercice auquel s’adonnent les gestionnaires de flotte qui définissent ainsi priorités et compromis.
- Magazine N°291
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Flotte Enedis
Doté de 18 000 VL dont 5 040 électriques, l’énergéticien Enedis vise, d’ici 2030, 16 000 VL dont 12 000 électriques. En photo, des véhicules électriques du site Enedis de Dévilles-lès-Rouen (76).

Au sein de la métropole de Lyon, l’électrification de la flotte avance à plein régime. « En termes de renouvellement en électrique, nous sommes proches d’un taux de 50 à 60 % pour nos véhicules légers, nous informe Guillaume Cerdan, responsable du parc de cette métropole. Et en 2028 ou 2030, 40 % de nos véhicules seront électriques. » Parmi les 1 378 véhicules légers de la métropole, 167 sont électriques, dont 60 % des VP et 40 % des VUL. « Nous avons commencé à électrifier le parc en 2010, avec des Renault Zoé et des Citroën C-Zéro, se remémore Guillaume Cerdan. Il y a quelques années, nous avons étendu notre projet d’électrification aux camionnettes et, il y a deux ans, aux fourgons. » La métropole gère 804 véhicules particuliers, 297 camionnettes et 277 fourgons.

Dans le privé comme dans le public, les électrons s’invitent dans les feuilles de route. Cas d’école avec Enedis qui gère un bataillon de 18 000 véhicules légers. Chez l’énergéticien, l’électrification e de la flotte a démarré en 2007, avec aujourd’hui 5 040 véhicules électriques – soit 28 % du parc. Et comme pour la métropole de Lyon, des choix et des objectifs dictent la marche à suivre jusqu’en 2030. « Notre objectif, d’ici 2030, est de descendre à une flotte de 16 000 véhicules légers dont 12 000 électriques », souligne Pierre-Olivier Courtois, pilote stratégique du projet mobilité électrique interne d’Enedis.

Enedis s’électrifie

Si Enedis a choisi de ne pas électrifier une partie de sa flotte, c’est loin d’être un hasard. « Les 4 000 véhicules qui ne sont pas couverts par cet objectif d’électrification de la flotte sont nos “véhicules d’urgence“, précise Pierre-Olivier Courtois. Ces véhicules d’intervention rapide, essentiellement des fourgons, circulent dans tous les territoires pour résoudre en moins de 48 heures les incidents graves, c’est-à-dire quand l’électricité n’est plus disponible. Forcément, il n’est pas simple d’assurer une recharge dans ce cas-là. D’où notre choix de ne pas les électrifier. »

Flotte enedis

Les besoins d’abord

« Nous déployons l’électrique en fonction de nos besoins », confirme de son côté Guillaume Cerdan, pour la métropole de Lyon. La diversité des activités du Grand Lyon reste de fait déterminante. Voirie, assainissement, social, etc. : en fonction des services qu’ils assurent, les agents de la métropole parcourent des trajets aux distances variables. En moyenne, les véhicules roulent entre 5 000 et 10 000 km par an. « Mais une partie roulent beaucoup plus, indique Guillaume Cerdan. 20 % parcourent plus de 10 000 km et jusqu’à 15 000 km par an. Dans ce cas, l’électrique n’est pas forcément compatible. Parmi nos véhicules électriques, nous en avons quand même qui roulent plus de 10 000 km, particulièrement ceux destinés aux activités en lien avec le social. À l’inverse, d’autres roulent moins de 5 000 km par an : il s’agit surtout de nos 97 véhicules électriques en autopartage. »

Impossible d’évoquer les besoins en éludant l’autonomie des véhicules, l’une des premières questions à laquelle les responsables de parc doivent s’attaquer. D’autant que les constructeurs aiment surenchérir sur un argument : des autonomies (théoriques) en progression.

Metropole-Lyon
Parmi les 1 378 VL de flotte de la métropole de Lyon, en pleine électrification, 167 sont électriques, dont 60 % des VP et 40 % des VUL. Le taux de renouvellement des véhicules en électrique approche les 50 à 60 % pour les VL.

L’autonomie en question

« En 2007, les autonomies ne dépassaient pas la petite centaine de kilomètres, se souvient Pierre-Olivier Courtois, pour Enedis. La conduite du changement a été complexe. Dans un écosystème mouvant, notre stratégie a alors été de trouver le bon véhicule, avec la bonne autonomie, pour le profil d’utilisation adéquat. Soit un travail de qualification. Et finalement, nous avons constaté qu’une autonomie de 100 km convenait alors à 80-90 % des trajets journaliers de nos salariés. Et actuellement, avec les autonomies standards de 350 à 400 km, nous répondons à 90-95 % de nos profils d’utilisation », complète Pierre-Olivier Courtois.

Les véhicules électriques d’Enedis parcourent en moyenne 13 000 km par an. « Un roulage que nous devons améliorer, constate Pierre-Olivier Courtois. C’est d’ailleurs notre grand défi du moment. En effet, il faut accroître ce chiffre afin que le TCO de ces véhicules devienne rentable. Comme nous achetons nos véhicules, il faut donc rouler un certain nombre de kilomètres pour amortir ces coûts d’acquisition. Notre but : monter à 15 000 km par an. Pour ce faire, nous envisageons plusieurs pistes. »

Parmi ces pistes explorées chez Enedis : la réduction du nombre de véhicules dans la flotte, la formation autour de l’éco-conduite et de l’autonomie, mais aussi la sensibilisation de la part des managers et des « ambassadeurs » et la densification de l’autopartage qui concerne actuellement 800 véhicules électriques dans 90 sites. Le parc électrique d’Enedis se compose majoritairement de Peugeot e-208, e-Partner et e-Expert, et de Renault Zoé et Kangoo E-Tech, avec aussi des Opel Vivaro-e et quelques Volkswagen ID.3.

Quel TCO pour l’électrique ?

Sur ce sujet du TCO, Guillaume Cerdan a calculé, en comprenant tous les postes de dépenses, qu’il faut quatre ans pour que le TCO d’un véhicule électrique, plus coûteux à l’achat que son homologue thermique, devienne intéressant. La métropole lyonnaise garde ses véhicules électriques pendant dix ans en moyenne, ajoute ce responsable. Et il est d’autant plus important de parler de TCO que les autonomies en progression s’accompagnent le plus souvent de prix d’acquisition eux aussi en hausse.

La métropole de Lyon, dont les véhicules circulent dans un périmètre assez limité, intègre pour sa part depuis avril 2022 des Dacia Spring, un modèle avec une petite batterie de 26,8 kWh pour 230 km d’autonomie. « Cette autonomie répond à nos besoins et, de plus, la Spring, à 20 484,42 euros TTC hors bonus, nous fait faire des économies, commente Guillaume Cerdan. Nous en avons 23 en parc ; quinze autres sont commandées et seront livrées avant la fin d’année. » La flotte électrique de la métropole inclut notamment les trois générations de la Zoé, soit une part importante du parc, des Kangoo E-Tech, des ë-Berlingo, des e-Partner, des Master Z.E. et bientôt des ë-Jumpy.

Toujours pour baisser ses dépenses, la métropole de Lyon actionne un levier supplémentaire : le rétrofit pour ses fourgons. « Nous testons en ce moment le rétrofit sur deux Trafic, explique Guillaume Cerdan. Si les retours sont positifs, nous allons lancer le rétrofit plus largement à la fin de l’année. »

La piste du rétrofit pour l’électrification des flottes utilitaires

Le choix du rétrofit s’explique par son coût avantageux par rapport au coût d’acquisition de VUL électriques neufs. « Le tarif du rétrofit atteint les 32 000 euros par véhicule, et nous obtenons une aide de 8 000 euros, soit au final un coût de 23 000 euros, chiffre Guillaume Cerdan. Mais il y a des dépenses supplémentaires, comme le coût de la remise en état de la carrosserie. Nous partons donc plutôt sur un tarif de 25 000 euros par véhicule. » Autre chantier pressant pour la métropole : la recharge.

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