
L’énergéticien Enedis et RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, ont publié les résultats d’une étude consacrée aux « besoins électriques de la mobilité longue distance sur autoroute ». Cette étude évalue le dimensionnement des infrastructures de recharge nécessaires à l’essor des véhicules légers électriques dans l’Hexagone. L’enjeu : anticiper les besoins de raccordement et d’adaptation des réseaux et évaluer les coûts associés.
Pour rappel, la France s’est fixée plusieurs objectifs relatifs à la mobilité électrique pour les VL. Le projet de loi Climat et résilience récemment adopté par le Parlement prévoit la fin de la vente des VP neufs émettant plus de 123 g/km de CO2 WLTP d’ici le 1er janvier 2030 ; tandis que la loi d’orientation des mobilités vise la fin de vente des véhicules particuliers et utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles d’ici 2040. À noter que la Commission européenne a récemment proposé un objectif plus ambitieux, avec une réduction de 100 % des émissions de CO2 des VL d’ici 2035.
Vers 15,6 millions de VL électriques et hybrides rechargeables en 2035
En conséquence, en France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vise à atteindre 1,2 million de VP électriques et hybrides rechargeables en circulation dès 2023, puis 5,3 millions en 2028. RTE a estimé que ce chiffre atteindra ensuite 15,6 millions en 2035 dans une précédente étude publiée en mai 2019. Pour alimenter ces véhicules, le gouvernement veut disposer d’au moins 100 000 points de recharge publics en service et que toutes les aires du réseau routier concédé soient équipées en 2023.
À fin avril 2021, sur les 415 aires de service sur autoroute en France métropolitaine, seulement une centaine étaient équipées de bornes de recharge, indique l’étude d’Enedis et RTE. « Ce maillage correspond en moyenne à une aire équipée d’une station de recharge tous les 130 km sur le linéaire autoroutier », précise-t-elle.
Dans le détail, « à fin avril 2021, les aires équipées ont en moyenne 6 points de charge dont la puissance maximale est comprise entre 50 kW et 350 kW, ce qui représente une puissance totale raccordée de 130 MW, détaille l’étude. 71 aires sont raccordées et équipées de points de charge haute puissance de 150 kW ou plus et de puissance totale supérieure à 500 kW. »
IRVE : des besoins évalués entre 2 et 5 GW sur autoroute en 2035
Or, Enedis et RTE estiment que les besoins d’infrastructure de recharge sur autoroute représenteront une puissance totale comprise entre 2 et 5 GW en 2035 – soit 15 à 38 fois plus qu’actuellement –, répartie à raison de 4 à 12 MW en moyenne par aire (voir le tableau ci-dessous).
Précisons que ces projections se basent sur les hypothèses suivantes, avec des variations entre scénario de référence et scénario haut :
- Sur les 15,6 millions de véhicules rechargeables en circulation en 2035, 22 % seraient des hybrides rechargeables et n’auraient pas besoin de se recharger pour les trajets longue distance ;
- Les véhicules électriques seraient utilisés environ 30 % moins que les véhicules thermiques actuels pour les trajets longue distance, à 73 % de l’utilisation moyenne actuelle dans le scénario de référence (contre 122 % dans le scénario haut) ;
- La capacité moyenne des batteries serait de 73 kWh (89 kWh dans le scénario haut) et la consommation moyenne des VE sur autoroute s’élèverait à 22,7 kWh pour 100 km (23,9 kWh dans le scénario haut).
- Le dimensionnement de l’infrastructure permettrait de couvrir les besoins de recharge seulement 99,7 % du temps sans occasionner d’attente pour les automobilistes, critère actuellement utilisé par les sociétés d’autoroute pour dimensionner les stations essence.
Attention, « ces besoins pourraient être dépassés dans certaines configurations spécifiques et en particulier en cas de développement plus rapide de la mobilité électrique que les trajectoires publiques considérées, avertissent Enedis et RTE. Enfin, ces estimations n’intègrent pas les besoins pour la mobilité lourde dont la prise en compte pourrait conduire à ajuster les besoins exprimés dans l’étude. »
Un investissement de 300 à 600 millions d’euros entre 2020 et 2035
Côté financement, les coûts de développement des réseaux de transport et de distribution nécessaires à l’alimentation des stations sont estimés entre 300 et 600 millions d’euros d’ici 2035, soit entre 20 et 40 millions d’euros par an. « 80 % des coûts correspondent à des investissements sur le réseau de distribution », pointe l’étude.
« Ces coûts sont à comparer aux niveaux d’investissements actuels dans les réseaux électriques, soit 1,5 milliard d’euros pour le réseau de transport et 4 milliards d’euros pour le réseau de distribution en 2019, nuance l’étude. Sans oublier les investissements prévus sur le réseau public de transport qui s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros par an en moyenne sur la période 2020-2035.
Si l’équipement des aires ne pose pas de problèmes techniques à RTE et Enedis, il reste à gérer les délais : « douze à vingt-quatre mois sont nécessaires pour la réalisation des études, l’obtention des autorisations administratives et la réalisation des travaux », rappellent-ils.
En résumé
2028 | 2035 (scénario de référence) | 2035 (scénario haut) | |
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Besoins de puissance totale | 0,6 GW | 2 GW | 5 GW |
Puissance moyenne par aire | 1,5 MW, soit 8 points de charge d’une puissance moyenne de 200 kW *. Jusqu’à 6 MW sur certaines aires. | 4 MW, soit 20 points de charge d’une puissance moyenne de 200 kW. Jusqu’à 16 MW sur certaines aires (80 points de charge). | 12 MW, soit 60 points de charge d’une puissance moyenne de 200 kW. Jusqu’à 40 MW sur certaines aires (200 points de charge). |
Consommation d’électricité | 0,7 TWh par an 0,2 % de la consommation actuelle d’électricité 6 % de la consommation pour la mobilité électrique | 1,8 TWh par an 0,7 % de la consommation d’’électricité nationale 10 % de la consommation totale des VE | 3,5 TWh par an 0,7 % de la consommation d’’électricité nationale 10 % de la consommation totale des VE |
Coûts de développement des réseaux de transport et de distribution pour l’alimentation des stations de recharge | 260 millions d’euros sur la période 2020-2028 600 000 euros par aire en moyenne (plus ou moins 330 000 euros) | 300 millions d’euros sur la période 2020-2035, soit 20 millions d’euros par an (50 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2028) 750 000 euros par aire | 600 millions d’euros sur la période 2020-2035, soit 40 millions d’euros par an 1 200 000 euros par aire (moins de 800 000 euros pour 50 % des aires et jusqu’à 5 millions d’euros pour 4 % des aires) |
* Points de charge permettant une recharge à 80 % d’un véhicule typique en 20 minutes.
Hypothèse de répartition : 20 % des points de charge à 50 kW, 50 % à 150 kW et 30 % à 350 kW.