
La commission d’enquête du Sénat a procédé pendant sept mois à un travail d’enquête et d’audition des SCA. Son rapporteur, le sénateur de l’Essonne Vincent Delahaye, a ainsi pointé trois failles dans les négociations du contrat de concession passé en 2006. Un contrat signé par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Économie et des finances, et les trois grandes SCA.
La première : les concessionnaires ont réalisé une économie d’au moins 6,5 milliards d’euros sur l’achat des concessions. Un profit dû au manque de révision des contrats de concession et des relations avec l’État lors de la cession des SCA au privé. Mais aussi à l’absence d’appel d’offres lors de la prolongation de la durée de concession.
40 milliards d’euros de bénéfices en perspective
Deuxième constat : les SCA sont « particulièrement bien armées pour discuter avec les services de l’État », note la Commission. Elles ont ainsi négocié leurs actions de service public pour privilégier la fructification de leurs biens. Et ce, notamment en appliquant « des taux de rentabilité internes particulièrement élevés ». Troisième conséquence, ces SCA ont donc engrangé 24 milliards d’euros de dividendes entre 2006 et 2019. Avec la perspective d’atteindre 40 milliards à l’échéance des concessions.
De surcroît, la pandémie de covid-19 n’a pas privé les SCA de bénéfices. Vinci Autoroutes (ASF et Escota) et Eiffage (APRR et AREA) auront donc réalisé leur retour sur investissement dès 2022, soit dix ans avant l’échéance de leur contrat. Ce qui porterait leur profit commun à 32 milliards d’euros. Cofiroute, qui bénéficierait d’une rentabilité déjà élevée, l’augmenterait encore sensiblement entre 2020 et 2034, date de la fin de sa concession. Seul le groupe Sanef (Sanef et SAPN) « serait en ligne avec les prévisions ».
Un cadre contractuel à revoir
La commission sénatoriale écarte la solution d’un rachat anticipé des concessions. En effet, celui-ci coûterait entre 45 et 50 milliards d’euros à l’État. Mais recommande de ne pas prolonger la durée des concessions au-delà de la date prévue. Et de préparer la suite si le principe des concessions est conservé. Ce qui suppose de revoir le cadre contractuel et de rééquilibrer le partage du risque entre État et SCA.
L’État établira préalablement un inventaire des biens. Celui-ci tiendra compte du fait que les autoroutes sont construites. Il définira aussi un équilibre économique et financier des concessions. Et renforcera les pouvoirs de l’Autorité de régulation des transports (ART) afin que celle-ci identifie les véritables marges des SCA. Ainsi, l’État pourra imposer aux SCA des actions destinées à reverser à l’État et aux usagers une partie des bénéfices réalisés.
Compensations en faveur de la mobilité
Déjà, la Commission du Sénat propose d’imposer aux SCA de consacrer une part de leurs profits à des actions en faveur de la mobilité. Par exemple en déployant massivement des bornes de recharge électrique sur l’ensemble du réseau. Mais aussi en abaissant leurs tarifs pour les véhicules non polluants, pour les pratiquants du covoiturage et les transports collectifs. La Commission suggère aussi au gouvernement d’imposer aux SCA une augmentation immédiate de leur participation au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).