
Le garage de marque a longtemps été la seule voie possible pour entretenir sa flotte. Il n’était alors guère nécessaire de réfléchir à la meilleure façon d’assurer l’entretien de ses véhicules. Un seul accroc à cette règle : le recours déjà ancien aux réseaux indépendants pour toute la gestion des pneus, initié par les loueurs longue durée. Bien que partisans du modèle constructeur pour tout ce qui touche à l’entretien et la réparation, les loueurs ont ainsi voulu accroître leurs marges et leur modèle de rentabilité grâce aux tarifs proposés par les enseignes indépendantes, qui ont alors surfé sur le mouvement.
Segmenter les besoins et les...
Le garage de marque a longtemps été la seule voie possible pour entretenir sa flotte. Il n’était alors guère nécessaire de réfléchir à la meilleure façon d’assurer l’entretien de ses véhicules. Un seul accroc à cette règle : le recours déjà ancien aux réseaux indépendants pour toute la gestion des pneus, initié par les loueurs longue durée. Bien que partisans du modèle constructeur pour tout ce qui touche à l’entretien et la réparation, les loueurs ont ainsi voulu accroître leurs marges et leur modèle de rentabilité grâce aux tarifs proposés par les enseignes indépendantes, qui ont alors surfé sur le mouvement.
Segmenter les besoins et les demandes
Aujourd’hui, cette mainmise des réseaux constructeurs sur l’entretien et la réparation par le biais de la LLD se fait moins forte : d’abord parce qu’il y a toujours des flottes en propriété qui ont toute liberté d’organiser leurs prestations d’entretien ; ensuite parce que les flottes ont pris l’habitude de segmenter leurs besoins et leurs demandes.
L’autre prestation d’entretien toujours plus externalisée reste le bris de glace. Son faible coût comparativement à d’autres postes, mais aussi son occurrence plus réduite ont incité les entreprises à sortir cette prestation des contrats d’assurance, considérant ces derniers comme inadaptés économiquement.
Puis est venu l’entretien courant qui, lui, sort peu à peu des traditionnels réseaux constructeurs alors que l’entretien sous garantie constructeur, ouvert aux réseaux indépendants, demeure toujours de fait plus ou moins l’apanage des constructeurs. Pour les responsables de parc, les opportunités sont bel et bien là : il est possible d’assembler ces prestations comme un « meccano », un jeu subtil qui nécessite du doigté afin d’utiliser le meilleur de chacun des réseaux en fonction des spécificités de sa flotte.
Cette offre désormais plus variée est-t-elle la panacée ? Pour Olivier Rigoni, P-DG du spécialiste du conseil Cogecar, inutile de chercher midi à quatorze heures pour une petite flotte : « Une cinquantaine de véhicules en LLD ne nécessite pas de solutions alambiquées, mieux vaut se contenter des services d’un loueur que l’on aura bien sûr mis en concurrence au préalable. »
La taille du parc, mais aussi la réalité économique de ce que représente l’entretien automobile, doivent donc permettre de mieux cerner les besoins pour faire appel à différents prestataires.

Un raisonnement avant tout global
Le coût de l’entretien varie selon les sources. Pour Laura Ostyn, chef de marché VL pro chez Euromaster, l’entretien pèse pas loin de 15 % du budget automobile d’une entreprise si l’on raisonne en coût complet (TCO). Pour Olivier Rigoni, ce coût n’est pas si élevé, 4 à 8 % hors pneus, estime-t-il : « Quand le roulage est important, l’entretien est plus coûteux, d’où la nécessité de trouver les solutions les plus adaptées aux lois de roulage de chaque entreprise », précise-t-il.
L’enjeu budgétaire incite nombre de responsables de parc à chercher les solutions les plus économiques, tout en tenant compte de leurs exigences en matière de sécurité et de services – le curseur entre ces éléments variant d’une entreprise à l’autre.
Pourtant, en dépit de cette ouverture vers les réseaux indépendants et de cette recherche de la meilleure équation possible, une certaine fidélité se maintient envers les réseaux constructeurs. Pas seulement par souci de sécurité. Mais aussi et peut-être surtout du fait de la nécessité de conserver un pouvoir de négociation directe avec les constructeurs. Car ces derniers ont largement développé des offres compétitives pour contrer l’émergence des réseaux indépendants, couplant l’entretien du véhicule avec son mode d’acquisition ou de location. Ces offres sont relayées par les loueurs, multimarques ou « captives » des constructeurs.
Rapidité et réactivité, les deux clés
Pour les gestionnaires de flotte, le pendant de cette stratégie consiste à faire pression sur une partie de l’offre pour obtenir satisfaction sur l’autre. Ainsi, la SSII Nextiraone a sanctionné un constructeur pour manque d’efficacité en matière de service, en diminuant sensiblement les commandes de véhicules à cette marque.
« Pour une SSII, il n’y a rien de pire que le temps perdu, relate Pascal Belin, responsable des services généraux de Nextiraone. Si le garage n’est pas capable de trouver les bonnes pièces en trois jours et qu’il n’y a pas extension de l’usage de véhicule de remplacement comme cela nous est arrivé, nous sanctionnons la marque en question l’année suivante. Le SAV et l’acquisition de véhicules, c’est un tout » (voir le témoignage de Pascal Belin).
Et sans aller jusque-là, la simple perspective d’abandonner le contrat entretien constructeur pour se tourner vers les réseaux indépendants suffit parfois pour mieux en négocier le montant. Cette volonté de disposer d’un levier de négociation vis-à-vis du constructeur amène des responsables de parc à privilégier les captives au détriment des loueurs multimarques auprès desquels ce levier paraît moins efficace. « J’ai arrêté les contrats avec les loueurs multimarques pour me concentrer sur les captives avec lesquelles mon TCO sera toujours meilleur », confirme Jean-Charles Houyvet, directeur du parc du groupe 2BR Mobilité, spécialiste du transport scolaire d’enfants handicapés (voir son témoignage).
La globalisation de l’offre, intégrant location et entretien, constitue un point fort naturel pour les constructeurs. « Avec les autres réseaux, la différence demeure la connaissance intrinsèque et l’expertise que nos réseaux constructeurs ont de nos produits », argumente Vincent Hauville, directeur général délégué de Diac Location, filiale de Renault. Avec toute la promesse qui va avec : « l’efficience des diagnostics, la disponibilité des pièces d’origine, tout un univers qui va au-delà de l’intérêt financier du contrat de location », reprend Vincent Hauville. Diac Location met aussi en avant l’avantage de bénéficier d’un seul point d’entrée, ce qui induit une simplification de la gestion.
Simplifier avec un seul point d’entrée
Un message relayé par les loueurs multimarques tel Athlon (récemment racheté par Daimler), qui privilégient la relation avec les constructeurs pour assurer une bonne couverture géographique et rassurer les clients, selon Bruno Morizur, son directeur général. Athlon a ainsi noué un partenariat avec un réseau de quelque 400 points de service. Le loueur a signé une charte avec ces partenaires qui formalise cet engagement vis-à-vis de la clientèle professionnelle, sur des critères tels que la qualité de l’accueil, la prise en charge, les solutions de mobilité, etc. Ces éléments sont essentiels, entre autres en cas de délais d’immobilisation trop longs – un reproche fréquent vis-à-vis des réseaux constructeurs jugés moins réactifs que les indépendants.
« Parfois, oui, nous sommes confrontés à des délais d’immobilisation un peu longs, admet Bruno Morizur pour Athlon. Mais nous sommes capables de gérer ensemble les clients et de trouver les solutions les plus adaptées. »


Réduire le délai d’immobilisation
Diac Location surveille ce sujet délicat de la réactivité : « L’enseigne Pro+, au sein de notre réseau, a des engagements spécifiques : révisions à quatre mains, horaires élargis afin d’offrir plus de disponibilité aux professionnels », explique Vincent Hauville. Cette enseigne est présente dans plus de 100 points de vente du réseau Renault « primaire » sur les 400 concessions du réseau.
La force des réseaux constructeurs, relayée par le pouvoir préconisateur des loueurs, n’empêche cependant pas les gestionnaires de flotte de fragmenter leur demande si besoin.Pour cela, ces responsables vont regarder du côté des services et de l’efficacité des interventions des réseaux indépendants. Ceux-ci, habitués à travailler aussi bien par l’intermédiaire des loueurs qu’en direct auprès des responsables de parc, commercialisent les services de gestion qui manquent dans cette seconde configuration.
Des produits et des services de gestion
Un élément important résumé par Jean-Charles Houyvet pour le groupe 2BR Mobilité : « Je fais appel à Euromaster, Feu Vert et Profil+. Ces prestataires alignent un point d’entrée central, une facturation centralisée, des éléments industrialisables qui fonctionnent bien. Mais ce n’est pas vrai de tous les réseaux. »
Signalons au passage que le groupe 2BR Mobilité, qui détient deux entreprises spécialisées dans le transport scolaire, JLI et ST2S, a choisi trois réseaux pour avoir la capillarité nécessaire à son activité et à ses 2 000 véhicules. « J’ai opté pour Profil+ du fait de sa très forte implantation dans tout l’Ouest », poursuit ainsi Jean-Charles Houyvet.
Pour Carglass, il faut de fait distinguer les services apportés aux gestionnaires de flotte et aux conducteurs. Avec, pour les premiers, une cinquantaine de commerciaux, dont une équipe spécifique aux relations grands comptes (grandes flottes, loueurs et courtiers). Pour ceux-ci, Carglass propose des services de gestion à travers des outils simples, un suivi complet avec des indicateurs ou encore la transmission de factures dématérialisées par exemple, afin de pallier l’absence d’un intermédiaire, loueur, courtier ou fleeter.
Faciliter la tâche du gestionnaire
Pour les conducteurs, Carglass mise sur une équipe dédiée à la prise de rendez-vous pour les professionnels, travaille à fluidifier la prise en charge (gain de temps) et met en avant une carte pour aider à l’identification et sécuriser la facturation.
Forcément un peu réducteur, ce résumé témoigne de la façon dont les prestataires indépendants répondent à la demande des responsables de parc qui, pour suivre en direct certaines prestations, vont vouloir des outils de gestion pour se faciliter la vie.
Une qualité uniforme de travail dans les points de vente d’un réseau est aussi importante. Mais l’essentiel, pour de nombreux gestionnaires, reste la réactivité en cas de problème. Aussi bien dans les réseaux constructeurs que chez les indépendants, il faut en effet pouvoir résoudre les problèmes soit par le biais des relations commerciales directes entretenues avec les « têtes de réseau », soit localement (voir aussi le témoignage de Nextiraone).
Une fois rassurés sur la qualité des services qu’ils attendent, les gestionnaires de parc se concentrent sur l’aspect décisif qui va emporter leur décision : les tarifs. Ils vont là aussi avoir une vision globale de l’offre tarifaire avec un objectif qu’ils se seront fixé au préalable.
Citons cette position de principe exprimée par Jean-Charles Houyvet pour le groupe 2BR Mobilité : « L’important est de payer le juste prix. Il ne s’agit pas non plus de payer une prestation au rabais, car on a alors de mauvaises surprises. »
Une vision globale consiste considérer ensemble loyers et coûts de l’entretien. « Les loyers des loueurs multimarques sont souvent inférieurs à ceux des captives, mais ils se rattrapent sur les coûts de maintenance », souligne Frédéric Faure, responsable de la flotte de Frans Bonhomme, société de négoce spécialiste des tubes et raccords plastiques (voir son témoignage).
Le loyer mais pas seulement
Chez les prestataires, la tendance est de forfaitiser les contrats d’entretien afin d’offrir une visibilité des coûts à leurs clients sur toute leur durée. Une visibilité bien accueillie mais encore faut-il que ces coûts forfaitisés correspondent à la réalité économique de l’entreprise. D’aucuns estiment que des forfaits ne sont jamais totalement consommés et de ce fait coûtent plus cher que la réalité de l’entretien.
Sur ce point, il faut dire que les méthodes de calcul des forfaits diffèrent d’un prestataire à l’autre. « Nous avons des propositions adaptées à tous les profils d’entreprise : les grands comptes qui ont une approche analytique des coûts notamment avec le fleet management, les flottes grandes et moyennes pour qui la forfaitisation va lisser et budgéter les coûts d’entretien, et les petites entreprises pour lesquelles les forfaits vont se centrer sur les services essentiels, proches de ceux destinés aux particuliers », détaille Vincent Hauville pour Diac Location.
De quels forfaits parle-t-on ?
Chez d’autres prestataires, les forfaits se calculent autrement. Pour Euromaster, Laura Ostyn fait remarquer que les forfaits « sont à la prestation : ils dépendent du type de travaux à effectuer et non du type de véhicules, comme il est d’usage chez les constructeurs. » L’analyse détaillée des forfaits conduit parfois les gestionnaires de flotte à les renégocier pour les faire mieux correspondre à la réalité économique de l’entretien de leurs véhicules.
Ces équilibres vers lesquels tendent les responsables de parc sont en perpétuel renouvellement, en fonction des changements des marchés automobiles et des véhicules. Et dans ce contexte mouvant, rien n’est simple. Comme l’évoque Olivier Rigoni de Cogecar avec l’illustration des véhicules électriques dont la fiabilité accrue et les technologies soulagent les problématiques d’entretien limitées à de la gestion de consommables. Mais la sophistication grandissante des technologies embarquées accentuent au contraire ces problématiques.
« Les voitures se font de plus en plus intelligentes, dans un environnement qui évolue pareillement. Cela laisse de la place pour l’émergence de nouveaux professionnels. L’électronique est devenue si sophistiquée que parfois les constructeurs eux-mêmes ne savent pas réparer les pannes. Et si aujourd’hui tout le monde est un peu nu face aux technologies embarquées, nul doute que celles-ci vont renforcer les réseaux constructeurs et leur partenariat avec les loueurs qui sont les premiers à remonter les problèmes détectés », conclut Olivier Rigoni. À suivre…