
Comment envisager le sujet de l’entretien des flottes automobiles dans un contexte aussi chahuté que le nôtre depuis deux ans ? Confinement, déconfinement, recours au télétravail, modification des lois de roulage et des durées des contrats de location, tout cela sur fond de difficultés logistiques en tout genre et de renchérissement des prix… Sans compter les sujets réglementaires, la volonté de l’État de verdir le parc automobile français, et sans oublier la loi montagne pour les pneus. Telle est la situation à laquelle se trouvent confrontés de nombreux responsables de parc et à laquelle ils ne répondraient pas toujours vraiment. « Les...
Comment envisager le sujet de l’entretien des flottes automobiles dans un contexte aussi chahuté que le nôtre depuis deux ans ? Confinement, déconfinement, recours au télétravail, modification des lois de roulage et des durées des contrats de location, tout cela sur fond de difficultés logistiques en tout genre et de renchérissement des prix… Sans compter les sujets réglementaires, la volonté de l’État de verdir le parc automobile français, et sans oublier la loi montagne pour les pneus. Telle est la situation à laquelle se trouvent confrontés de nombreux responsables de parc et à laquelle ils ne répondraient pas toujours vraiment. « Les clients ne sont pas à l’écoute, remarque Pascal Gradassi, directeur commercial de l’enseigne Point S. Nous n’avons pas constaté de grand changement d’orientation de leur part. »
Il est vrai que le contexte ne permettait pas, et ne permet toujours pas, d’engager une réflexion de long terme sur la gestion du budget de l’entretien automobile. Un sujet qui, dans la hiérarchie des priorités d’une flotte, arrive loin derrière d’autres préoccupations, à l’image bien sûr du carburant dont les tarifs flambent.
La réalité du terrain
Les flottes ont pour la plupart dû faire face aux aléas du moment. Pour les réseaux d’entretien automobile, ces aléas ont paradoxalement apporté des opportunités de croissance : les difficultés d’approvisionnement sur le marché des véhicules neufs et l’allongement de la durée des contrats de location longue durée ont de fait conduit les entreprises à étendre la durée d’usage de leurs véhicules et donc à les faire entretenir plus régulièrement auprès de leurs prestataires.
Mais les flottes pourraient être vite rattrapées par la réalité du terrain. Car la flambée des prix touche à peu près tous les compartiments de l’entretien automobile. En 2021 déjà, les pneus ont connu des augmentations inhabituelles de leurs tarifs. Ces hausses restent moins importantes pour les pièces détachées, un marché moins mondialisé que les pneus, précise Benjamin Filippi, directeur de l’enseigne Eurofleet.
Mais elles sont bel et bien là et elles concernent également les lubrifiants, selon Pascal Gradassi pour Point S. « Le TCO va exploser dans les deux années qui viennent », pronostique Pascal Gradassi. Un sujet auquel il va bien falloir faire face d’une manière ou d’une autre.
C’est sur cette toile de fond complexe qu’est arrivée en mars dernier l’annonce de la création du réseau d’entretien automobile de la marque Arval, une première pour un grand loueur. Certes, le fait d’apposer le nom d’un loueur sur un garage n’est pas nouveau. Mais il y a là une formalisation complète de la création d’un réseau où les clients du loueur peuvent aller faire entretenir leurs véhicules. Une initiative interprétée par certains acteurs du réseau « secondaire » comme un moment important de bascule : l’un des grands acteurs de la location longue durée vient s’ouvrir aux enseignes indépendantes d’entretien automobile grâce à leurs prix compétitifs. Des tarifs environ 30 % moins chers que ceux pratiqués par le réseau « primaire », selon Benjamin Filippi d’Eurofleet.
Arval arrive sur le marché
Un constat aussitôt nuancé par le principal intéressé pour qui cette approche se veut plus une évolution qu’une véritable rupture. Car si la dimension tarifaire reste importante, elle ne constitue pas la principale raison à la mise en place de ce réseau. Un réseau qui sera ouvert à tous, tient à préciser Arval. « Les premiers critères de sélection des garages qui travailleront pour notre réseau préférentiel résideront dans leur capacité à être multi-marques et la qualité du service rendu à nos clients et conducteurs, explique Bertrand Gousset, directeur Global Operations d’Arval France. Nous avons 350 000 véhicules en flotte, le gâteau est suffisamment large pour nourrir tout le monde. Il n’est donc pas question d’exclure qui que ce soit. »
Un double mouvement
De façon générale, les réseaux indépendants semblent constater que les loueurs viennent davantage vers eux. « Il y a une progression des flux vers les réseaux indépendants », confirme Xavier Benard, responsable national grands comptes pour l’enseigne Autodistribution. Parce que ces réseaux indépendants sont moins chers, mais aussi parce qu’ils sont multi-marques. Un argument avancé par Arval : « Les différences entre les réseaux multi-marques et les réseaux constructeurs sont masquées par les forfaits d’entretien automobile pratiqués par les loueurs, reprend Bertrand Gousset. Néanmoins, les grands clients “décloisonnent“ et nous voguons sur ce schéma d’externalisation. »
Un double mouvement donc, de la part des flottes vers les réseaux indépendants en externalisant des prestations de leurs contrats de location, mais aussi de la part des loueurs qui font plus souvent qu’auparavant appel aux services du réseau secondaire. « Il y a aujourd’hui un volume d’affaires plus important avec les loueurs, comparativement aux années 2018-2019 », note Aline Logié, directrice marketing VL de l’enseigne Euromaster. Mais ce changement se fait encore avec lenteur et prudence. Prudence parce que pour les grands comptes, il y a des habitudes à remettre en cause, notamment parmi les cadres.
Vers un modèle multi-marques
« Quand on roule avec un véhicule premium en location longue durée, on préfère aller chez le concessionnaire. C’est aussi une habitude, valide Benjamin Filippi pour Eurofleet. Nous offrons des services identiques mais dans un cadre moins valorisant. Ce sera le rôle des loueurs, mais aussi le nôtre, de savoir communiquer auprès de cette clientèle. » Et les loueurs portent leur attention sur la capacité du réseau en question à apporter le plus grand nombre de services sur un large panel de marques, avec encore une fois cette exigence de proposer du multi-marques. « Pour un responsable de parc, il est important d’avoir un seul fournisseur et un seul interlocuteur. Il faut faire en sorte de lui faciliter la vie, comme en centralisant les processus de gestion », avance Xavier Benard pour Autodistribution.
Précisons que pour les grandes flottes, voire les flottes moyennes, il n’est pas question de se limiter à une seule enseigne, mais plutôt de s’assurer que chaque enseigne soit en mesure de couvrir toutes les prestations demandées par le client, avec tous les processus centralisés attendus. Car la plupart des entreprises s’appuie sur plus d’une enseigne, surtout pour des questions de maillage du territoire. Et ces entreprises font en sorte que chaque conducteur n’ait pas à parcourir de trop grandes distances pour entretenir son véhicule.

L’électrique arrive
Ce sujet de l’entretien multi-marques reste d’autant plus prégnant que l’irruption des véhicules hybrides et électriques impose un modèle purement multi-marques. « Quand le marché va aller vers l’électrique, le schéma mono-marque ne fonctionnera plus », anticipe Eddy Albert, responsable des réseaux mécaniques automobiles d’Autodistribution. « Les marques de véhicules électriques n’ont pas de réseaux de concessionnaires spécifiques », confirme pour sa part Aline Logié d’Euromaster. « Et plus généralement, même si les constructeurs continuent de plébisciter les réseaux primaires, ils commencent à évoluer vers le multi-marques », poursuit Eddy Albert.
Mais pour cela, il faut encore que l’électrique puisse peser suffisamment pour faire évoluer la typologie des réseaux d’entretien automobile. Et cette évolution demeure encore difficile à évaluer. Certes, il y a entre autres la loi d’orientation des mobilités (LOM), promulguée en décembre 2019. La LOM fixe en effet des exigences précises en matière de motorisations lors du renouvellement des flottes, soit 10 % des renouvellements à réaliser avec des véhicules à faibles émissions (VFE, les émissions à l’échappement ne dépassent pas 50 g de CO2/km) pour les entreprises privées en 2022.
De fait, les prestataires constatent l’arrivée des motorisations « vertes » dans leurs ateliers, mais leur appréciation peut varier d’un acteur à l’autre. Pour Pascal Gradassi de Point S, l’hybridation, la vraie précise-t-il, non pas celle qui se targue juste de gains sur les émissions de CO2, commence à exister ; mais c’est déjà moins le cas pour l’électrique, un peu présent mais seulement en local, poursuit-il. Pour d’autres, un véritable mouvement s’est enclenché. « Mais s’agit-il d’une vraie lame de fond ou juste d’un fort démarrage suivi d’une baisse ensuite ? », s’interroge Arnaud Ledun, directeur grands comptes de l’enseigne Alliance Automotive. Difficile à dire mais l’arrêt des motorisations thermiques n’en reste pas moins acté pour 2035.
L’équation électrique
« Les flottes découvrent les avantages des véhicules hybrides et électriques, mais aussi leurs inconvénients, comme les coûts des infrastructures de recharge. Pour un particulier, l’investissement reste faible, il suffit d’une borne. Mais pour les flottes, le passage à l’électrique génère des coûts non négligeables », ajoute Arnaud Ledun.
En outre, l’équation économique liée à l’entretien des véhicules hybrides et électriques demeure encore floue. Avec les modèles 100 % électriques, il n’y a effectivement pas d’entretien lié à la vidange, mais tout le monde a constaté que les moteurs usent plus vite les pneus, voire les freins. Et il est encore un peu tôt pour évaluer l’après-vente dans le secteur de l’électrique. Ce qui n’empêche pas les prestataires de former leurs équipes et d’obtenir les certifications nécessaires pour intervenir sur ces modèles électriques. Point S s’est par exemple tourné vers Qualiopi, une norme de référentiel lié à la qualité des prestations réalisées, que l’entreprise obtient auprès d’un organisme agréé de certification. Pareillement, Eurofleet commence à doter de points de recharge les ateliers de ses trois grands réseaux (Speedy, First Stop et Côté Route).
Contenir les hausses
Quels leviers les flottes peuvent-elles actionner pour contenir les coûts actuels et à venir de l’entretien automobile ? À première vue, leur marge de manœuvre reste étroite. Les responsables de parc peuvent allonger la durée de vie des véhicules et donc les contrats de location, mais cette solution a ses limites, selon Pascal Gradassi de Point S : « Les loueurs ne font pas rouler leurs véhicules au-delà des 180 000 km, seuil au-dessus duquel le coût des réparations devient trop élevé », rappelle-t-il. Les flottes peuvent également jouer sur les enseignes, passer de l’une à l’autre. Mais il faut pour cela que la stratégie des manufacturiers et des équipementiers le permette. Dans ce contexte, recourir aux marques distributeurs peut s’avérer intéressant.
Des marques distributeurs
Ce que propose Alliance Automotive avec sa gamme de produits Napa, de qualité premium mais à des prix plus accessibles, selon Arnaud Ledun. Mais il est vrai, admet-il, que le prix des pièces détachées n’est pas le poste le plus lourd de l’entretien automobile.
De son côté, Euromaster est allé du plus complexe vers le plus simple. Ce prestataire, qui commercialise depuis longtemps ses offres Master Access et Master Control pour la gestion des flottes, vient ainsi de lancer Master Start, en quelque sorte son offre de base désormais. « Master Access et Control se présentent comme des programmes sur mesure. Master Start est un programme standard de base pour tous les clients qui entrent chez Euromaster, détaille Aline Logié. Ils bénéficient alors de conditions valables partout en France. »
Cette offre Master Start s’adresse à toutes les flottes, pour tous les types de véhicules, des véhicules légers aux poids lourds, avec pour objectif de faciliter la vie du gestionnaire de flotte. « Les flottes nous challengent sur la rationalisation et les prises en charge facilitantes », complète Aline Logié. Master Start comprend les services de base indispensables, entretien multi-marques toutes motorisations, facturation mensuelle centralisée, interventions sur site, etc.
Sécurité et prévention
Pour le reste, connues depuis longtemps, les solutions liées à la prévention et à la sécurité existent toujours, comme les ateliers mobiles qui offrent aux flottes de gagner le temps des déplacements en demandant aux prestataires d’intervenir sur site, y compris pour l’inspection des véhicules à titre préventif. « Les offres de journées sécurité et de visites préventives sont de plus en plus demandées, témoigne Aline Logié pour Euromaster. Les situations de crise conduisent à travailler plus finement les coûts généraux. »