
Dans un contexte chahuté, avec une augmentation généralisée des postes de dépenses liées à l’automobile, l’entretien des véhicules peut apparaître comme une préoccupation relativement mineure pour les responsables de parc. « Ce n’est pas le cœur du sujet », reconnaît volontiers Stéphane Touquet, responsable grands comptes de l’enseigne Point S. « Le budget entretien automobile pèse 6 à 8 % du budget total consacré à la flotte, complète Olivier Rigoni, directeur projet du fleeter Cogecar. Il y a des postes nettement plus importants, par exemple la fiscalité ou le carburant, auxquels les flottes vont consacrer plus d’énergie et d’intelligence...
Dans un contexte chahuté, avec une augmentation généralisée des postes de dépenses liées à l’automobile, l’entretien des véhicules peut apparaître comme une préoccupation relativement mineure pour les responsables de parc. « Ce n’est pas le cœur du sujet », reconnaît volontiers Stéphane Touquet, responsable grands comptes de l’enseigne Point S. « Le budget entretien automobile pèse 6 à 8 % du budget total consacré à la flotte, complète Olivier Rigoni, directeur projet du fleeter Cogecar. Il y a des postes nettement plus importants, par exemple la fiscalité ou le carburant, auxquels les flottes vont consacrer plus d’énergie et d’intelligence. »
Une bascule…
Parent pauvre certes, l’entretien automobile connaît cependant une évolution notable : en quête d’optimisation des coûts, les différents acteurs, flottes et loueurs longue durée, basculent de fait vers les réseaux indépendants de façon sensible depuis l’an dernier. À ce propos, rappelons que ces réseaux indépendants peuvent, depuis plusieurs années maintenant, intervenir sous garantie constructeur. Mais, par fidélité aux constructeurs, par méfiance aussi, flottes et loueurs sont souvent restés dans le réseau primaire pour l’entretien, alors qu’ils ont recours au réseau secondaire pour les pneus et le vitrage depuis fort longtemps.
Surtout, la bascule des loueurs représente un signal fort dans le secteur de l’entretien automobile. Et dans ce cadre, Arval a frappé un grand coup l’an passé en créant un réseau à sa propre marque, en collaboration avec des enseignes indépendantes. Ce réseau comprend notamment deux labels, avec les Arval Centers et Arval Premium Centers.
La principale raison de ce mouvement des flottes et des loueurs vers les enseignes indépendantes reste le coût des prestations, de 20 à 30 % moins cher selon ces enseignes par rapport aux réseaux constructeurs. Des enseignes qui affirment toutes que leur activité avec les loueurs longue durée a sensiblement progressé depuis 2022.
… vers les réseaux indépendants
D’autres arguments militent en faveur des réseaux indépendants, comme l’affirme Aline Lojié, directrice marketing véhicules légers d’Euromaster : « Les délais des réseaux constructeurs demeurent très longs, pour les prises de rendez-vous ou pour les pièces détachées. Or, pour notre part, nous avons en quelque sorte gagné nos lettres de noblesse, et la confiance s’installe avec les flottes pour l’entretien courant de leurs véhicules », souligne cette responsable.
Est-ce à dire que l’on fait face à une tendance lourde et définitive ? La réponse est un « oui » franc et massif pour les réseaux indépendants, et un « oui » plus nuancé de la part d’Olivier Rigoni pour Cogecar. Ce dernier, de son point de vue plus distancié de fleeter, estime en effet « que l’on paie moins cher dans les réseaux indépendants ; de ce fait, les loueurs ont intérêt à aller vers eux. Ces réseaux se montrent aussi compétents et de plus bien organisés pour la prise de rendez-vous. »
Les réseaux constructeurs résistent
Mais, ajoute aussitôt Olivier Rigoni, il reste un argument fort pour maintenir les liens avec les réseaux constructeurs : « Celui de l’entretien au tout début de la vie en entreprise des véhicules neufs, car il arrive qu’il y ait des défaillances techniques. Les constructeurs relaient alors tout de suite l’information à leurs réseaux qui, de ce fait, sont les premiers à le savoir. Et par ailleurs, les réseaux constructeurs ont en ce moment une carte à jouer avec l’électrique et l’électronique embarquée sur lesquels ils peuvent faire valoir leurs compétences », argumente Olivier Rigoni.
Ce glissement des flottes et des loueurs vers les réseaux indépendants aurait toutefois sa contrepartie. Les gains financiers que les flottes en retirent pourraient les empêcher d’aller plus loin dans l’optimisation des coûts liés à l’entretien et à la réparation automobiles, toutes préoccupées qu’elles sont par d’autres sujets plus urgents et plus complexes, et particulièrement la transition énergétique.
Ne pas oublier la prévention
Pourtant, ces réseaux ne cessent de mettre en avant leurs apports dans le domaine de la prévention en agissant sur de multiples aspects de l’activité des flottes. Prévention par le biais de visites sur site pour vérifier l’état des véhicules, ou encore prévention par le biais de l’éco-conduite auprès des conducteurs.
Une prévention souvent oubliée par les gestionnaires de flotte, selon les enseignes. Un oubli regrettable car, quand des mesures préventives sont prises, les bénéfices s’en font très vite sentir sur la sécurité des conducteurs et de leurs véhicules, avec en outre un impact positif sur les assurances, la consommation de carburant, les frais de restitution que l’on réduit, et l’usure du véhicule dont on prolonge alors la durée de vie. Et sur ce dernier point, la pénurie actuelle de véhicules tend à favoriser l’usage des véhicules déjà en parc, et donc leur entretien pour les « faire durer », ce que constate Lionel Haberlé, directeur marketing de Point S. Pour mettre en place ce cercle durable et vertueux, les enseignes continuent donc d’exploiter activement ce créneau de la prévention, entre autres avec des journées de prévention dont la fréquence irait croissant, selon Aline Lojié d’Euromaster.
Ces réseaux planchent aussi sur un autre aspect important, la gestion des coûts administratifs. En intervenant sur plusieurs prestations, ces enseignes peuvent en effet proposer aux flottes une centralisation des opérations en termes de facturation des services et des produits avec, à la clé, une seule porte d’entrée pour faciliter la gestion de l’ensemble de leurs prestations.

La clé des outils
À cette fin, les prestataires continuent de se pencher sur leurs infrastructures informatiques pour améliorer les flux avec toutes les parties prenantes, gestionnaires de flotte bien sûr, mais aussi conducteurs ou encore loueurs le cas échéant. BestDrive a ainsi rénové son offre numérique avec une plate-forme très récente. Avec des services comme les prises de rendez-vous en ligne, ou l’intégration de tournées dans des outils de planification qui s’adressent aussi bien aux responsables de parc qu’aux conducteurs. « Notre plate-forme peut s’interconnecter avec d’autres outils comme l’ERP du client, grâce à des API standards, détaille Laurent Proust, président de BestDrive. Nous employons déjà cette plate-forme pour les poids lourds et nous commençons avec les VL et les utilitaires. La numérisation, au même titre que la mobilité, constitue un sujet clé sur le marché. » Pour information, une API est une interface de programmation d’application (Application Programming Interface), soit une interface qui connecte des logiciels entre eux.
Auto Distribution mise aussi beaucoup sur la numérisation. « C’est un préalable fondamental et incontournable, avance Stéphane Montagne, directeur des partenariats services clients de cette enseigne. C’est aujourd’hui acquis, mais c’est un travail lourd et qui reste invisible aux yeux des clients. » Auto Distribution met ainsi en avant une solution globale intégrée qui permet à ses garages d’intervenir sur des flottes conformément aux accords-cadres nationaux signés avec elles au préalable. La solution peut gérer ces accords-cadres, les mettre à jour, par exemple pour intégrer de nouveaux véhicules ou mettre à jour des tarifs. Le réparateur est alors au fait de tout ce qui concerne les véhicules et sait donc quoi faire.
Un processus partagé par tous
« Notre système s’équipe d’API : on bénéficie ainsi d’un outil commun pour développer des solutions pérennes », ajoute Xavier Bénard, responsable national grands comptes d’Auto Distribution. Un outil informatique performant offre de fait de bénéficier d’un système calibré à l’échelle nationale et partagé par tous, « avec des processus stables et traçables, indispensables aux grandes flottes », complète Xavier Bénard.
Les réseaux indépendants se soucient également de la façon de toucher les conducteurs, et pas seulement les gestionnaires de flotte – une préoccupation plus que jamais d’actualité. Dans cet objectif, Euromaster travaille sur des outils afin d’alerter les conducteurs quand cela est nécessaire, comme lorsqu’il faut vérifier les plaquettes de frein. « Nous commercialisons, auprès de nos clients, un outil développé par Webfleet, filiale de Bridgestone. Ce boîtier télématique rassemble l’ensemble des données : kilométrage, comportement de conduite, maintenance du véhicule, optimisation des tournées », énumère Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet, enseigne pareillement filiale de Bridgestone.
Toucher les conducteurs
Avec un outil télématique, la difficulté réside cependant dans le dosage de ce qu’il faut proposer pour éviter un sentiment d’intrusion ou de surveillance pour les utilisateurs. « Les clients se montrent plutôt séduits, mais la réticence peut venir des conducteurs à qui nous rappelons que ce boîtier télématique peut se débrancher hors cadre professionnel, et ce pour les véhicules de service employés à titre personnel », poursuit Benjamin Filippi.
Car bien cibler les conducteurs demeure une tâche difficile, autant pour les gestionnaires de flotte que les prestataires. « Les responsables de parc cherchent à entretenir les véhicules avec les coûts les moins élevés possibles. Mais au bout du compte, ce sont les conducteurs qui vont dans les réseaux d’entretien, et il n’y a pas forcément de lien hiérarchique entre les deux », rappelle Aline Lojié pour Euromaster. Mais c’est un autre sujet.
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