
Dans une industrie automobile qui ne cesse d’évoluer, les enseignes d’entretien et de réparation restent aux aguets. « Tout le monde traque les évolutions, résume Pascal Gradassi, directeur commercial de Point S. Quand une mutation est facile à identifier, c’est bien, mais ce n’est pas toujours le cas. » Et parmi les évolutions que tout le monde regarde, il y a au premier rang celle des motorisations avec le verdissement souhaité et programmé par de plus en plus de flottes – fiscalité et réglementation obligent. Ce verdissement, l’ensemble des acteurs de l’automobile le voit venir depuis plusieurs années, mais il contient encore son lot...
Dans une industrie automobile qui ne cesse d’évoluer, les enseignes d’entretien et de réparation restent aux aguets. « Tout le monde traque les évolutions, résume Pascal Gradassi, directeur commercial de Point S. Quand une mutation est facile à identifier, c’est bien, mais ce n’est pas toujours le cas. » Et parmi les évolutions que tout le monde regarde, il y a au premier rang celle des motorisations avec le verdissement souhaité et programmé par de plus en plus de flottes – fiscalité et réglementation obligent. Ce verdissement, l’ensemble des acteurs de l’automobile le voit venir depuis plusieurs années, mais il contient encore son lot d’incertitudes. « Les grandes flottes en parlent beaucoup, mais dans les faits, ce mouvement reste limité », commente Pascal Gradassi.
Former les techniciens
« Si l’on forme trop tôt, on risque de perdre de l’argent », affirme Arnaud Ledun, directeur grands comptes d’Alliance Automotive Group. Les enseignes d’entretien et de réparation doivent donc a minima faire en sorte que les membres de leurs réseaux, affiliés, franchisés ou succursales, aient les habilitations nécessaires pour intervenir sur des véhicules équipés de moteurs électriques. Ce qui inclut les modèles hybrides. Ces habilitations assurent la sécurité de ceux qui interviennent, et sans elles, ces derniers ne peuvent opérer à moins de 30 cm des câbles électriques. « Et changer un pneu sur une Zoé nécessite d’être habilité », rappelle Laurent Decallonne, directeur commercial de Feu Vert Entreprises.
Les réseaux ont donc fait en sorte de former leurs techniciens (voir aussi l’encadré ci-dessous). À ce jour, certains les ont formés en totalité, d’autres en partie, mais à courte ou moyenne échéance, tous ces techniciens seront concernés. Mais cette évolution n’est pas si simple à gérer, avec des véhicules « verts » encore plutôt très discrets au sein des flottes. En réalité, ce ne sont pas tant les parts de marché concrètes qui dictent la stratégie de ceux qui se trouvent en bout de chaîne de toute l’industrie automobile, mais la capacité de montrer qu’ils sont opérationnels sur l’entretien de ces véhicules. « On nous jauge à travers ces nouveaux éléments de motorisations », justifie Laurent Decallonne.
Communiquer avec les clients
Pour un réseau comme Alliance Automotive Group, spécialiste des pièces détachées qui regroupe différentes enseignes d’entretien et de réparation, dont de nombreux garages, la démarche de s’intéresser à ces motorisations « vertes » montre aux clients « que l’importance du sujet est bien comprise, note Arnaud Ledun. La dimension communication est de fait importante avec l’électrique et l’hybride, il faut informer que nos réseaux sont capables d’intervenir sur ces véhicules. » Et vice-versa, montrer à ces réseaux que la demande existe.
La part certes réduite mais croissante des immatriculations de véhicules électriques, surtout du fait des entreprises, conforte les enseignes dans leurs investissements autour de cette motorisation. Mais ces enseignes surveillent aussi d’autres innovations du coin de l’œil. Dont les véhicules hydrogène testés un peu partout en France. L’hydrogène n’en est qu’à ses débuts, avec des immatriculations encore extrêmement restreintes. Mais si à moyen terme l’hydrogène se montrait plus performant que l’électrique, cela pourrait entraîner quelques perturbations. « Des choses émergent, d’autres vont mourir dans l’œuf », observe Laurent Decallonne pour Feu Vert Entreprises. « Et dans le fond, on ne sait pas encore vraiment vers quelles motorisations alternatives les entreprises vont se tourner », ajoute Pascal Gradassi pour Point S.
Tester le modèle économique
Dans l’immédiat, outre la question des habilitations à intervenir sur les véhicules électriques et hybrides, les enseignes d’entretien et de réparation testent le modèle économique qui va avec, pour évaluer s’il est différent de celui pratiqué avec les motorisations traditionnelles. Sans, pour l’instant, de remises en question radicales, mais plutôt des ajustements. « Avec l’électrique, il y a moins de pièces tournantes, donc moins d’interventions. Mais sur le reste, tout ce qui touche à la liaison au sol, aux freins, aux amortisseurs ou aux pneus, le travail reste inchangé », constate Arnaud Ledun chez Alliance Automotive Group.
On pourrait donc imaginer que ces véhicules, théoriquement moins chers à l’entretien, génèrent un manque à gagner pour les enseignes. Mais ce n’est pas le constat qui ressort aujourd’hui. « On note que les véhicules électriques entraînent une usure plus rapide des pneus, souligne Stéphanie Decompois, directrice marketing et communication chez Euromaster. Mais globalement, cela ne change pas le temps d’entretien des véhicules. » Et donc le modèle économique des enseignes.
Des services numériques
Des enseignes qui, à courte échéance, sont plus directement impliquées dans une autre mutation, bien plus perceptible celle-là, la numérisation. Avec d’un côté des utilisateurs habitués et friands d’applications en tout genre, et de l’autre des véhicules toujours plus connectés. Et les réseaux d’entretien et de réparation ne sont pas en reste, avec dans leur besace des offres numériques pour améliorer les services aux clients flottes.
« La vraie veille que l’on doit avoir, c’est sur la data », affirme Stéphanie Decompois. Car ces données contribuent à fluidifier la relation entre flottes et prestataires sur l’état des véhicules. Un enjeu que les enseignes ont pris à bras-le-corps depuis plusieurs années. À l’image d’Euromaster qui, avec ses offres Master Control et son carnet d’entretien connecté, est présent sur cet aspect central de la donnée et de sa transmission. Des offres qui nécessitent d’être encore relayées par la communication. Et plus que jamais les réseaux s’engagent dans la numérisation, avec des solutions que l’on pourrait résumer par un maître mot, le « prédictif ». Soit faire en sorte que les informations remontées contribuent à anticiper tout ce qui peut entraîner une dégradation du véhicule, de ses composants et équipements.
Partager les données
« Le partage de la donnée constitue un élément clé pour le client, il l’aide à anticiper la dépense », avance Stéphanie Decompois. D’où l’importance pour Euromaster de faire du prédictif en tenant compte de la loi de roulage. Un élément également important pour Point S qui met en place un logiciel destiné à établir une sorte de scan du pneu et de son usure. « Lorsque l’on connaît un pneu de véhicule neuf, sa profondeur, et qu’on le mesure huit mois après, le fait de le scanner rend possible le calcul du bon moment pour intervenir par rapport à la loi de roulage et l’usage du véhicule par le conducteur, ce qui sera signalé par un e-mail ou un SMS », décrit Pascal Gradassi.
D’autres enseignes se concentrent aussi sur l’information et sa diffusion de la façon la plus fluide possible. Chez Feu Vert Entreprises, chaque véhicule qui entre en atelier fait l’objet d’un diagnostic complet de ses organes de sécurité. « Les responsables nous demandent de mettre ces données sur leur extranet sous une forme qui permet de les importer dans leur logiciel de gestion de flotte », explique Laurent Decallonne.
Faciliter la prise de décision
Chez Alliance Automotive Group, les outils destinés aux responsables de parc et à leurs conducteurs concernent la géolocalisation d’un garage après un sinistre. Et plus généralement des informations dématérialisées susceptibles de faciliter la prise de décision. « Ces informations arrivent directement sur l’ordinateur du gestionnaire, indépendant des systèmes d’information. Ce sont des algorithmes ou disons une forme d’intelligence artificielle qui lit et transmet la facture au format et au moment souhaités », précise Arnaud Ledun.
Mais il y a encore bien d’autres choses imaginables dans l’automobile. Pascal Gradassi évoque à titre d’exemples les applications sur smartphone pour actionner à distance le chauffage ou le dégivrage d’un véhicule. Et le directeur commercial de Point S s’interroge sur « l’after market » de ces innovations : « On aurait pu craindre une diminution de notre champ d’intervention, mais il n’en est rien en réalité car se sont rajoutés des problèmes de diagnostic », complète-t-il. Des problèmes qu’il faut savoir traiter, et ce n’est pas toujours une mince affaire d’apprendre à le faire.
Le cas des ADAS
Les enseignes spécialistes du vitrage le savent pertinemment, elles qui ont vécu l’apparition des aides à la conduite (ADAS) dans leur domaine, ce qui a pu un temps les désorienter. Ces aides à la conduite se sont généralisés et les enseignes ont appris à chercher l’information là où elle se trouve. Et particulièrement auprès des équipementiers. « Une société comme Bosch nous accompagne beaucoup, elle a développé une vraie stratégie de partenariat avec l’après-vente. Certes, elle alimente la chaîne de première monte en premier lieu, mais elle vient aussi naturellement vers nous », rappelle Laurent Decallonne pour Feu Vert Entreprises. Et ces aides à la conduite pourraient aussi ouvrir la voie vers le véhicule autonome.
Parmi les innovations importantes figure aussi la télématique embarquée vis-à-vis de laquelle les enseignes d’entretien et de réparation demeurent relativement méfiantes. « C’est un sujet que l’on observe depuis longtemps et pour autant, nous n’avons pas trouvé la panacée, note Arnaud Ledun pour Alliance Automotive Group. C’est peut-être génial mais nous n’en voyons pas encore l’utilité pour notre activité. Et la possibilité que la télématique offre de faire du préventif n’apporte rien de plus que de vrais bilans préventifs que nous sommes en mesure de faire », poursuit-il.
Intégrer la télématique
Mais cela n’empêche pas des réseaux de s’y mettre. Euromaster essaie actuellement un petit boîtier fabriqué par Michelin et qui se branche sur la prise OBD. « Nous le testons sur notre propre flotte afin de disposer d’éléments susceptibles de transcrire les données transmises en communication signifiante », détaille Stéphanie Decompois. Il est vrai que ces solutions sont freinées par la crainte des conducteurs d’être surveillés, voire « fliqués ». « Nous devons démontrer les économies possibles, l’intérêt pour une démarche RSE globale, pour les bénéfices entre autres liés à l’éco-conduite et à la sécurité », poursuit Stéphanie Decompois. Mais c’est là un enjeu qui dépasse le champ des réseaux d’entretien et de réparation. Même si ces réseaux, ou en tout cas certains d’entre eux, cherchent à aller au-delà de leur cœur de métier.
C’est peut-être dans cette logique qu’ils s’intéressent aussi aux nouvelles mobilités, une tendance forte, née de la volonté de nombreuses municipalités, à commencer par celles de Paris et Lyon, de restreindre la circulation dans leur périmètre. Avec un impact fort sur les flottes professionnelles, notamment toutes celles qui doivent livrer. À première vue, cette préoccupation liée aux nouvelles mobilités n’implique pas vraiment les réseaux d’entretien et de réparation.
« C’est vrai, nous sommes des acteurs indirects de la mobilité, admet Stéphanie Decompois. Mais nous sommes partenaires et prestataires de sociétés qui, comme les loueurs, se positionnent, elles, en première ligne. Et c’est un sujet important : des modes de consommation apparaissent, les conducteurs ne cherchent plus à être détenteurs de leurs véhicules mais achètent désormais des kilomètres. »
D’où la volonté des réseaux indépendants d’être présents sur le sujet. Après tout, le thème de la mobilité fait partie aussi de leur panoplie de services, sauf qu’il est à entendre dans un sens plus limité, la mobilité ponctuelle d’un conducteur professionnel dont le véhicule est immobilisé. Une offre qui va largement dépendre du maillage géographique des réseaux en question.
Et les nouvelles mobilités ?
Sur ce point, Alliance Automotive Group et Feu Vert Entreprises se définissent comme des réseaux, pour le premier plutôt rural ou « rurbain », comme le qualifie Arnaud Ledun, et pour le second « péri-urbain. » Mais cette évolution va avoir plus d’impact pour les réseaux installés plus franchement dans les villes. D’où la recherche de solutions susceptibles d’être en phase avec ces nouveaux modes de consommation automobile.
Euromaster a ainsi conclu un accord de partenariat avec Rent A Car afin de faciliter l’usage des véhicules de remplacement dans son réseau. Et Feu Vert Entreprises pourrait bien suivre avec un partenariat similaire d’ici la fin de l’année. D’autres enseignes ont plutôt passé des accords avec des spécialistes du covoiturage qui fleurissent sur le marché depuis quelques années. Point S, pour sa part, travaille sur une offre prochaine de mobilité électrique (vélos, scooters, etc.). Bref, des réseaux acteurs indirects des nouvelles mobilités, mais concernés quand même.