
Par quel bout commencer ? Cette question, de nombreuses flottes se la posent dès lors qu’il est question de développement durable et de RSE. Que ce soit par conviction ou plus généralement par obligation du fait de la pression réglementaire, les entreprises doivent entreprendre cette démarche qui consiste à faire « plus vert ».
De leur côté, les constructeurs automobiles s’activent pour électrifier leurs gammes. Et les flottes suivent le mouvement en se convertissant aux électrons, avec en ligne de mire la réduction de l’empreinte environnementale. Les enseignes spécialistes de l’entretien et de la réparation ne sont pas en reste. Leur...
Par quel bout commencer ? Cette question, de nombreuses flottes se la posent dès lors qu’il est question de développement durable et de RSE. Que ce soit par conviction ou plus généralement par obligation du fait de la pression réglementaire, les entreprises doivent entreprendre cette démarche qui consiste à faire « plus vert ».
De leur côté, les constructeurs automobiles s’activent pour électrifier leurs gammes. Et les flottes suivent le mouvement en se convertissant aux électrons, avec en ligne de mire la réduction de l’empreinte environnementale. Les enseignes spécialistes de l’entretien et de la réparation ne sont pas en reste. Leur histoire témoigne de ce que peut être cette aventure qualifiée de « travail sans fin » par Stéphanie Decompois, directrice marketing et communication d’Euromaster.
L’apport RSE des enseignes
Vu sous l’angle des flottes, la contribution de ces enseignes au verdissement se limite bien souvent à ce l’on nomme l’« éco-entretien ». Soit, en résumé, faire en sorte que l’entretien automobile soit « plus vert », en englobant les produits utilisés et le recyclage. Pourtant, les enseignes d’entretien et de réparation peuvent apporter beaucoup dans ce domaine de l’environnement, en s’appuyant sur leurs recherches, leurs démarches et les difficultés qu’elles rencontrent. « Nous pouvons proposer des solutions que nous avons testées nous-mêmes en vérifiant si elles peuvent s’appliquer à nos clients », résume Rémi Verdun, fleet manager de Norauto.
D’autant que les flottes s’informent de plus en plus sur l’implication de ces enseignes dans la RSE au sens large. Ainsi, d’année en année, les réseaux constatent l’accroissement du nombre des demandes d’informations dans les appels d’offres. L’objectif des entreprises clientes : intégrer, dans leur propre bilan carbone obligatoire pour les sociétés avec plus de 500 salariés, les résultats obtenus par leurs fournisseurs en matière de verdissement.
« Dans un appel d’offres récent, on nous a questionnés sur la façon dont nous répondons à la réglementation européenne sur la déforestation, relate Stéphanie Decompois, pour Euromaster. C’était la première fois que nous avions une question aussi précise sur un impact environnemental. Il a donc fallu prouver que nos produits ne favorisent pas la déforestation. » Un exemple sans doute singulier, mais appelé à être suivi de nombreux autres.
Une demande des entreprises
« C’est vrai, les appels d’offres demandent plus de détails et les chapitres RSE deviennent toujours plus importants à documenter », confirme pour sa part Frédéric Moulin, directeur innovation, transformation et satisfaction client de BestDrive.
Face à des demandes toutes simples des entreprises, qui se limitent à de l’information, ou face à des questions plus précises, les enseignes d’entretien et de réparation veulent montrer les compétences acquises en termes de développement durable. « La RSE couvre énormément de choses dans notre réseau, explique Frédéric Moulin, pour BestDrive. On choisit celles qui sont à notre portée, avec des effets sur une période courte, et avec l’objectif de créer une véritable dynamique. Si l’on est trop ambitieux, on risque de ne pas aller jusqu’au bout. »
De bonnes solutions ?
BestDrive s’est ainsi penché sur le zéro papier en se lançant dans une numérisation active, mais tout en contrôlant l’émission d’e-mails, elle-même consommatrice d’énergie. Car c’est l’un des problèmes liés aux stratégies de diminution de l’empreinte environnementale : faire en sorte que les solutions trouvées ne génèrent pas de conséquences négatives sur l’environnement. En revanche, Best-Drive n’a pas encore vraiment abordé le sujet des énergies employées pour le chauffage. Majoritairement locataire de ses espaces, l’enseigne doit composer avec les propriétaires des locaux qu’elle occupe. « Et il faut changer l’isolation et les modes de chauffage, autant d’investissements dont le retour sur investissement est long », rappelle Frédéric Moulin.
Une affaire de méthode
Si BestDrive suit des principes directeurs dans sa stratégie RSE, cela ne l’empêche pas de faire appel à des soutiens extérieurs pour structurer sa démarche. À commencer par celui de sa maison-mère, le pneumaticien Continental, très engagé dans le développement durable. Avec, à la clé, des aides mais aussi des contraintes. « Nous devons lui montrer nos plans d’action chaque année, témoigne Frédéric Moulin. BestDrive France est d’ailleurs référent au sein du groupe pour tout ce qui concerne les ateliers embarqués. » BestDrive a aussi eu recours à l’aide du label Collectif Génération Responsable, une labellisation qu’il a lancée fin 2020. Une telle labellisation a l’avantage de mesurer les progrès réalisés grâce à des audits menés régulièrement. « C’est un référentiel très structurant et un véritable atout dans cette démarche », estime Frédéric Moulin. Un label qui du reste vient d’être renouvelé par l’enseigne.
La méthode, c’est donc aussi de savoir sur quelles aides il est possible de s’appuyer pour structurer une démarche que l’on a déjà entamée. Norauto est depuis longtemps impliqué dans l’aventure de la RSE : « Nous avions déjà commencé à travailler sur les filières de recyclage au tout début des années 2000 alors qu’elles n’étaient pas encore obligatoires », se souvient Anne-Danièle Fortunato, directrice développement durable de l’enseigne.
Structurer sa démarche
Et au cours de son histoire, Norauto a acquis la certification ISO 14001, puis le label Eco-Entretien. La quasi-totalité du réseau dispose de ce label accordé point de vente par point de vente. L’enseigne s’est aussi formée auprès de l’Ademe à la méthode ACT (Assessing Low Carbon Transition) qui permet d’accompagner les entreprises dans leur démarche de décarbonation.
Norauto s’est donc fixé des objectifs ambitieux et s’est aussi adjoint pour cela l’aide du cabinet spécialisé Carbone 4 pour observer les émissions de carbone générées et réfléchir à les compenser. « Notre empreinte carbone reste surtout liée à la fabrication de produits qui génère 67 % de nos émissions, révèle Anne-Danièle Fortunato. Suivent nos consommations énergétiques, les carburants, la gestion technique des bâtiments, etc. » Norauto est déjà parvenu à baisser ses émissions de 11 % lors de son dernier exercice fiscal échu le 30 septembre dernier. Et l’enseigne ambitionne de s’attaquer prochainement à d’autres sujets dont celui de la désartificialisation des sols.
Dans ce travail sans fin que constitue la recherche d’une empreinte environnementale moindre, un point délicat suscite l’attention des flottes : d’où viennent les produits et de quoi sont-ils faits ? Anne-Danièle Fortunato le notait précédemment : l’essentiel des émissions de carbone reste lié à la fabrication des produits, d’où l’intérêt de mieux contrôler le sourcing. Mais contrôler ce qui vient de l’extérieur demeure une tache très complexe.
Contrôler son sourcing
Cependant, les réseaux d’entretien et de réparation automobiles restent « structurellement moins exposés que de grands constructeurs ou manufacturiers, constate Frédéric Moulin pour BestDrive. Nous vendons peu d’électronique par exemple. » En outre, de nombreuses pièces de rechange proviennent de la maison-mère Continental qui a les moyens d’un grand groupe pour mieux maîtriser son sourcing. « Il y a un code de conduite chez Continental, une vraie politique d’achats responsables avec des engagements formels et des audits à l’échelle du groupe », reprend Frédéric Moulin. Voilà qui en effet peut faciliter les choses.
Chez Euromaster, qui peut s’appuyer sur le groupe Michelin, le constat reste logiquement très proche. « Mais le sourcing va devenir une véritable exigence, affirme Stéphanie Decompois, pour ce réseau. Nous avons fait le choix de produits premium et le cahier des charges imposé par les manufacturiers est imposant du fait de leurs politiques RSE pointues. »
D’autant que les enseignes ne peuvent pas totalement s’abriter derrière les manufacturiers, et du reste, elles ne sont pas toutes adossées à de grands groupes. Elles doivent donc parfois « mettre les mains dans le cambouis. » Certes, il y a moyen de se reposer sur le référentiel du prestataire Ecovadis. Euromaster, notamment pour ses fournisseurs les plus lointains, leur demande de s’évaluer sur les plates-formes de ce prestataire.
Des labels et de l’économie circulaire
Le standard Ecovadis d’évaluation des politiques RSE a l’avantage d’être international et donc reconnu par des centaines de milliers d’entreprises à travers le monde. A+Glass, spécialiste du vitrage engagé dans une démarche RSE depuis une dizaine d’années, a obtenu ce label Ecovadis. Un label qui aide cette enseigne indépendante dans une démarche de sourcing plus soucieuse de savoir comment sont véritablement fabriqués les produits. « Cela reste néanmoins difficile, admet Marie-Pierre Tanuji de Jongh, présidente du directoire d’A+Glass. Il faut faire attention face aux fournisseurs qui arrivent avec des tarifs alléchants. Il est alors nécessaire d’enquêter derrière, et plus c’est opaque, moins on prend, même si cela doit nous coûter plus cher. C’est un choix partagé par l’ensemble du réseau. »
Problématique connexe à celle du sourcing, l’économie circulaire serait en quelque sorte l’aboutissement d’un cycle d’achat vertueux sous l’angle environnemental. L’économie circulaire consiste à favoriser l’usage du réemploi de façon à donner une seconde vie à de nombreux éléments d’entretien automobile en limitant donc le gaspillage des ressources. A+Glass s’intéresse à l’économie circulaire et a réorienté une partie de ses achats afin de répondre aux attentes de ses clients. Mais selon l’enseigne, pour l’instant, les particuliers se montrent plus sensibles à ce sujet que les flottes. D’ailleurs, les réseaux reconnaissent globalement qu’avec l’économie circulaire, on en est encore au tout début, avec beaucoup de travail sur ce chantier de la deuxième vie des produits, évoque Anne-Danièle Fortunato pour Norauto.
Écologie et économie
Mais face aux attentes de la RSE, l’entreprise doit aussi tenir ses coûts. Dans cet objectif, une démarche de RSE doit s’intégrer dans un cadre économique ou un « business model ». Illustration avec le sujet de l’entretien automobile des véhicules électriques qui, a priori, devrait se montrer nettement moins coûteux que celui des thermiques. Car avec l’électrique, les deux points à surveiller sont les pneus et le freinage ; mais il y aurait moins de prestations à assurer et surtout pas de vidange. « Or, la vidange représente la deuxième entrée des véhicules en atelier derrière les pneus », rappelait à ce propos Stéphane Montagne, directeur des partenariats services clients pour Auto Distribution, dans l’article que nous consacrions à l’entretien des véhicules électriques en juin dernier. Reste que l’on n’évalue pas bien ce que sera l’entretien de ces véhicules électriques. « Ils sont plus lourds, plus énergivores, et de ce fait, nous aurons plus d’interventions sur tout ce qui est liaisons au sol, amortisseurs et freinage, anticipait Stéphane Montagne. Cela étant, à ce stade, nous n’avons pas d’étude assez précise pour avoir une idée du coût de l’entretien de l’électrique. » Jérôme Bonnaire, chef des ventes BtobB de Norauto, soulignait pour sa part que la facturation d’une intervention pour un véhicule électrique était de « seulement » 120 euros HT, contre 250 euros HT pour un thermique.
Des coûts d’usage…
Mais face aux coûts imposés par une stratégie environnementale, la seule véritable option reste de prendre en compte les coûts d’usage, au-delà des seuls coûts d’acquisition. « Quand on étudie bien les contraintes environnementales, on peut arriver à faire des économies, comme en travaillant sur la longévité des pneus », suggère Stéphanie Decompois, pour Euromaster. Et raisonner en TCO, ce n’est pas seulement prendre en compte l’entretien des véhicules qui, optimisé, contribue de fait à une certaine maîtrise des coûts : un véhicule mieux entretenu suppose également moins de carburant consommé, moins d’accidents et donc moins de réparations, moins de frais de restitution, etc. Raisonner en TCO donc, c’est aussi raisonner globalement. Par exemple, les coûts de l’énergie ou de l’eau baissent forcément du fait d’une moindre consommation.

… illustration par l’exemple
Illustration, justement, avec le lavage sans eau. Ce type de lavage ne peut pas se comparer économiquement à un lavage par rouleaux qui ne nécessite pas d’intervention humaine, alors qu’il y a une vraie compétence derrière le lavage sans eau. « Il y a bien le coût de la main-d’œuvre mais le rendu est meilleur », précise Yannick Martinez, responsable communication du prestataire CosmétiCar. « Et c’est important pour les flottes en quête d’image par le biais de leurs véhicules floqués », ajoute Hervé Casquet, dirigeant du prestataire Sineo. D’autant que les deux enseignes ne font pas que nettoyer, elles inspectent les véhicules et remontent des informations aux gestionnaires de flotte sur leur état global : vitrage, pression des pneus, contrôle des organes de sécurité, etc. Un apport qui a aussi un coût à évaluer.
Pour autant, l’équation économique d’une démarche RSE demeure complexe à établir, et les coûts du développement durable pas faciles à amortir. Au point que des enseignes prennent à leur charge les coûts engendrés par cette stratégie. Et que font leurs clients flottes ? Il y a là un vrai débat entre les « puristes » du développement durable pour lesquels nous sommes dans une période où il est nécessaire d’assumer de tels coûts, qui que l’on soit, face aux contraintes environnementales, et les « pragmatiques » pour lesquels l’économie prime encore sur l’écologie. Pour ces derniers, les circonstances ne sont guère favorables à une réflexion sereine sur le développement durable quand les entreprises sont cernées de toutes parts par des problèmes aussi aigus que l’inflation, les coûts de l’énergie, les pénuries ou les problèmes d’approvisionnement.
Quels coûts pour la RSE ?
Pour Stéphanie Decompois chez Euromaster, cette période de crise offre peut-être aussi l’occasion d’impulser les changements nécessaires imposés par la protection de l’environnement. Dans le modèle économique qui naîtra de toutes ces contraintes, il faudra apprendre à maîtriser les données, être efficaces dans leur gestion, dans tous les aspects stratégiques de l’entreprise, y compris pour l’entretien d’une flotte, affirme-t-elle. À voir.
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