
Les interventions sur site se pratiquent de longue date. Et certaines sont nées avec leur créateur, à l’image d’Euromaster et de Carglass. Mais paradoxalement, ces interventions constituent une prestation à l’usage encore relativement limité, même s’il faut nuancer ce constat. Elles se font ainsi plus courantes pour les pneus que pour le débosselage. Mais elles restent minoritaires parmi toutes les prestations commercialisées par les enseignes d’entretien et de réparation.
Un constat encore plus flagrant si l’on compare à ce qui se pratique dans le secteur des poids lourds. Selon Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet, entité qui regroupe...
Les interventions sur site se pratiquent de longue date. Et certaines sont nées avec leur créateur, à l’image d’Euromaster et de Carglass. Mais paradoxalement, ces interventions constituent une prestation à l’usage encore relativement limité, même s’il faut nuancer ce constat. Elles se font ainsi plus courantes pour les pneus que pour le débosselage. Mais elles restent minoritaires parmi toutes les prestations commercialisées par les enseignes d’entretien et de réparation.
Un constat encore plus flagrant si l’on compare à ce qui se pratique dans le secteur des poids lourds. Selon Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet, entité qui regroupe les enseignes Speedy, FirstStop et Côté Route, une écrasante majorité de prestations d’entretien sont réalisées sur site pour les véhicules industriels, avec un taux supérieur à 90 %. Pour des raisons pratiques, certes, mais aussi pour des raisons économiques.
Des poids lourds réparés sur site
« Les gains sont très visibles pour les véhicules industriels, mais moins évidents et moins immédiats pour les véhicules légers », souligne Benjamin Filippi. Et c’est précisément cette recherche du juste modèle économique qui fait basculer des entreprises vers les interventions sur site pour leurs flottes de VL et de VUL.
Lorsqu’elles ont investi dans les prestations sur site, le credo des enseignes d’entretien et de réparation reste d’apporter un confort aux conducteurs : ces derniers n’ont alors plus à se déplacer pour faire gonfler un pneu, vérifier un freinage ou réparer un pare-brise. Avec à la clé du temps gagné. Car pour nombre d’entreprises, se déplacer en atelier génère une perte de temps, et donc une perte financière.
Mais il faudra encore du temps pour convaincre les gestionnaires de flotte de ce bénéfice, à l’image de la situation qui prévaut avec les restitutions. « Ces responsables ont longtemps privilégié les réparations avant restitution, car pour eux, intervenir régulièrement suppose un coût élevé », illustre Alexandre Sabet d’Acre, président de Dentmaster, spécialiste du débosselage sans peinture et de la carrosserie express à domicile, et créateur de la franchise Carméléon. Si bien que le marché du débosselage n’est pas encore mature selon lui pour les interventions sur site, même si des progrès sont constatés. « Les gestionnaires commencent à regarder les coûts d’un véhicule plus globalement », reprend Alexandre Sabet d’Acre. Mais ils n’ont pas encore réellement comparé les coûts d’une réparation avant restitution et ceux d’un entretien régulier d’un véhicule.
L’immobilisation a un coût
Pourtant, certaines entreprises savent chiffrer ce que leur coûte l’immobilisation d’un véhicule. Euromaster l’a fait pour son propre compte. « Chez nous, un commercial qui ne fait rien pendant une heure coûte 150 euros », précise à ce sujet Marie-Laure Goalard, cheffe des ventes VL pour la région Est de l’enseigne. En toute logique, les entreprises de transport, généralement utilisatrices de poids lourds, sont parmi les premières pour lesquelles ce modèle d’intervention sur site apporte un vrai bénéfice. Les loueurs courte durée ont aussi été parmi les premiers clients importants de cette offre. Et ils ont du reste donné l’impulsion à cette activité pour des enseignes comme Euromaster. « À l’inverse, des professionnels sédentaires vont préférer se déplacer quand ils bénéficient d’un atelier à moins de quinze minutes de leur lieu de travail ou de leur domicile », avance Benjamin Filippi pour Eurofleet.
Pareillement, des entreprises qui roulent beaucoup et dont les véhicules sortent souvent pourraient se montrer plus sensibles au coût d’une immobilisation. « Nous travaillons avec un service d’ambulances dans la région parisienne. Il s’agit en l’occurrence de véhicules un peu atypiques et toute immobilisation pendant une demi-journée entraîne deux ou trois tournées en moins. Ce service pourrait chiffrer sans problème le manque à gagner lié à une telle immobilisation », explique Christophe Daine, responsable commercial de Relaxauto, un spécialiste de l’entretien et de la réparation des véhicules à domicile.

Des clients grands comptes
Le profil des clients concernés surprend parfois les enseignes. C’est le cas de Meetwashing, une société de lavage sans eau créée en 2018, qui intervient sur site pour ses clients professionnels. « Nous pensions travailler surtout avec les PME. Mais ce sont en réalité de très grands comptes qui ont fait appel à nous, soit actuellement 80 % de notre chiffre d’affaires », témoigne Augustin de Baudreuil, son dirigeant fondateur. De fait, les grands comptes, dotés de vrais services de gestion de flotte et donc de contrats-cadres avec les enseignes, sont souvent plus enclins à faire appel aux prestations sur site pour s’éviter une gestion fastidieuse de l’entretien de centaines de véhicules.
D’autres considérations peuvent orienter le profil des clients. Carméléon travaille ainsi plus volontiers avec des entreprises qui ne passent pas par des assureurs pour ces prestations sur site. « Les grandes flottes travaillent souvent avec des courtiers qui ont signé des accords avec des réseaux de carrosserie », complète Alexandre Sabet d’Acre pour ce spécialiste de la réparation de carrosserie.
Le profil de l’entreprise cliente, mais aussi la maturité des segments de l’entretien et de la réparation, conditionnent aussi le recours aux interventions sur site. La situation la plus caractéristique est sans doute celle du bris de glace. Dans ce domaine, les prestations sur site se sont vite répandues dans les flottes, entre autres par le biais des actions de prévention pour identifier des fissures susceptibles d’être réparées immédiatement. Avec ce constat bien connu : mieux vaut réparer que remplacer. Mais la place croissante des ADAS dans les pare-brise complique la donne (voir notre article).
Des prestations parfois disparates
D’autres segments de l’offre affichent également plus de maturité, à l’image des pneus. Un constat particulièrement vrai lors de la monte et la démonte des pneus hiver, une prestation plus confortable quand elle est réalisée sur le site des entreprises. Ce qui évite aux conducteurs de se déplacer et aux gestionnaires de flotte d’avoir à organiser ces trajets.
Mais toutes les enseignes ne proposent pas de prestations sur site, y compris parmi les plus grandes. Et si le recours à ces interventions va croissant, il reste encore désordonné parce qu’un peu jeune. C’est vrai du lavage sans eau. « C’est une prestation assez peu connue malgré le grand nombre de prestataires sur ce marché, décrit Augustin de Baudreuil pour Meetwashing. Et nos clients constatent que pour une même enseigne, il existe une multitude de prestataires et donc de prestations, avec des coûts différents. » Des prestataires qui fonctionnent souvent sur le modèle de la franchise. Ce qui, pour une entreprise qui suit sa flotte à l’échelle nationale, peut alourdir la gestion.

Meetwashing travaille lui aussi avec des spécialistes indépendants du lavage sans eau, sur un modèle légèrement différent de la franchise traditionnelle, avec moins d’exigences financières mais un cahier des charges technique plus contraignant. De sorte que les membres de ce réseau commercialisent des prestations de lavage sans eau avec des compétences et des coûts identiques. Meetwashing se pose alors comme portail d’entrée unique pour ses clients. Et ces derniers font appel au lavage sans eau pour des raisons pratiques et économiques, mais aussi pour des motivations écologiques.
Tenir compte des contraintes techniques…
Avec les interventions sur site, les flottes ont leurs exigences, mais les prestataires ont aussi les leurs. Et ces dernières sont généralement liées à des contraintes techniques et organisationnelles. La première est directement issue de la loi : il est impossible d’intervenir sur la voie publique, il faut donc disposer d’un parking. Et les prestataires demandent souvent un espace d’intervention précis qui dépend de leur spécialité et de leurs spécificités.
Pour Carméléon, il faut une prise et deux places et demie de voiture. Pour Relaxauto, un espace de 1 à 1,5 m est nécessaire autour du véhicule. Pour Carglass, l’espace nécessaire va plus être en hauteur. Et ces questions de hauteur peuvent parfois entraîner d’autres contraintes pour les prestataires, surtout quand ils doivent intervenir dans de grandes villes et dans des parkings souterrains, avec des hauteurs de plafond limitées. Ce qui suppose de s’équiper de véhicules ateliers adaptés à ces espaces. Parfois, pour éviter d’être assujettis aux aléas météorologiques, des prestataires interviennent avec des tonnelles lorsqu’ils doivent travailler en extérieur.
… mais aussi organisationnelles
Autre élément à prendre en compte de la part des clients, l’organisation de cette intervention. Celle-ci nécessite, au moins au début, une préparation. Il n’est pas rare pour les prestataires qui arrivent sur site une première fois de ne pas avoir toutes les clés des véhicules. Ou de ne pas avoir de véhicules sur lesquels intervenir du tout… D’où la nécessité de rappeler en interne l’intervention sur site quelques jours auparavant.
Même quand la flotte s’est habituée à ce mode de fonctionnement et possède de réelles capacités logistiques, il faut préparer le mieux possible ces interventions. « Le plus dur à définir, c’est la date, souligne Marie-Laure Goalard pour Euromaster. S’organiser un 15 septembre pour une intervention le 15 octobre ne fonctionne pas, il faut s’y prendre un peu plus à l’avance. Et le gestionnaire de flotte doit rappeler ou prévenir ses conducteurs quelques semaines auparavant et nous transmettre les immatriculations des véhicules. Ces dernières suffisent pour nous donner toutes les informations nécessaires et notamment le plan constructeur », rappelle cette responsable.
Néanmoins, ces immatriculations ne disent pas tout. La dimension des pneus peut ainsi occasionner des difficultés dans la façon de procéder à l’entretien sur site. « Si ces véhicules sont en 24 ou 25 pouces, on risque de ne pas avoir assez de place, prévient Benjamin Filippi pour Eurofleet. Or, les véhicules de type SUV ou pick-up ont un gros succès, avec des dimensions de pneus qui vont jusqu’à 26 pouces. » Et pour intervenir sur des véhicules totalement électriques, il faut des montes et des accréditations bien spécifiques.
Environnement et sécurité
Autre exigences à ne pas oublier, celles liées à l’environnement, pointe Christophe Daine pour Relaxauto : « Les clients nous demandent ce que nous faisons des pièces usagées et des informations sur leur recyclage. » Car l’air du temps est à la protection de l’environnement mais aussi à la sécurité. « Ce dernier point est non négociable car il s’agit du protocole de sécurité de nos collaborateurs. Ces derniers bénéficient d’un droit de retrait s’ils estiment que les conditions d’intervention ne sont pas entièrement sécurisées », rappelle Marie-Laure Goalard pour Euromaster.
Mais toutes ces contraintes ne sont pas nécessairement handicapantes. Une fois les habitudes prises, l’intervention sur site est très appréciée. « Les conducteurs se battraient presque pour en bénéficier », ajoute Marie-Laure Goalard. Sans oublier les gestionnaires de flotte auxquels l’organisation de ces interventions sur site donne la main, entre autres sur le choix des marques et des modèles de pneus à remplacer.
Ces contraintes ont évidemment un coût : les véhicules mobiles sont de véritables ateliers sur roue. Et selon les types d’interventions, ils doivent disposer d’éléments précis et parfois d’accréditations pour intervenir dans certaines configurations. Sans oublier, pour les enseignes, les coûts liés à la gestion et au renouvellement de ces flottes de véhicules ateliers. Citons, chez Carméléon, les systèmes d’aspiration pour filtrer l’air quand vient la phase de la peinture pour des interventions de carrosserie légère
Quel coût pour intervenir sur site ?
Mais les éléments qui peuvent renchérir le coût de ces interventions sur site restent liés au déplacement et à la main-d’œuvre. Pourtant, selon Alexandre Sabet d’Acre, les interventions sur site de Carméléon sont de 30 à 40 % moins chères qu’en atelier. Pour Relaxauto, Christophe Daine confirme cet ordre de prix, soit 20 à 40 % moins cher que l’intervention traditionnelle dans un garage. « Nous n’allons pas préconiser une intervention sur site si celle-ci n’est pas rentable pour le client. Mais de fait, les gestionnaires de flotte ont tellement de points à observer pour maîtriser les coûts et optimiser les postes de leurs budgets qu’ils ne vont pas considérer les interventions sur site comme indispensables », note de son côté Benjamin Filippi pour Eurofleet.
Le cas extrême est celui de Carglass qui ne facture tout simplement pas cette prestation. « Nous avons pris le parti de l’offrir à nos clients », confirme Nadège Scapin, directrice des marchés entreprises de Carglass. Avec pour ces derniers, dans le cadre des accords globaux passés avec l’enseigne, l’intérêt de bénéficier « de rendez-vous prévention avec un auto-diagnostic réalisé par le conducteur par téléphone et e-mail, complété par l’intervention d’un technicien sur site », argumente Nadège Scapin. Pour cette raison, cette responsable ne cherche pas à démontrer le ratio économique qui permettrait de chiffrer la rentabilité. Mais elle positionne la prestation dans un contexte plus large, lié à la mobilité et à la prévention. Les interventions sur site prennent alors tout leur sens.
Dossier - Entretien et réparation : faut-il recourir aux interventions sur site ?
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