
Directrice des marchés entreprises de Carglass, Nadège Scapin se souvient des premiers pare-brise équipés de ces fameux ADAS, les systèmes automatisés d’assistance à la conduite : « Cela a bouleversé le marché et il n’y a eu ni annonce, ni accompagnement de la part des manufacturiers. Il nous a fallu plusieurs mois pour pouvoir calibrer ces pare-brise, période durant laquelle nous avons été obligés de refuser les interventions sur ces véhicules. »
Certes, les volumes des véhicules en question restaient faibles, « mais les gestionnaires de flotte sont plutôt avant-gardistes, rappelle Nadège Scapin, ils acceptent volontiers des voitures équipées...
Directrice des marchés entreprises de Carglass, Nadège Scapin se souvient des premiers pare-brise équipés de ces fameux ADAS, les systèmes automatisés d’assistance à la conduite : « Cela a bouleversé le marché et il n’y a eu ni annonce, ni accompagnement de la part des manufacturiers. Il nous a fallu plusieurs mois pour pouvoir calibrer ces pare-brise, période durant laquelle nous avons été obligés de refuser les interventions sur ces véhicules. »
Certes, les volumes des véhicules en question restaient faibles, « mais les gestionnaires de flotte sont plutôt avant-gardistes, rappelle Nadège Scapin, ils acceptent volontiers des voitures équipées de ces technologies. » C’était en 2015 et depuis, les prestataires apprennent à intégrer petit à petit toutes ces nouveautés, que ce soit dans le domaine du pare-brise ou ailleurs. Une adaptation lente, nécessaire et qui ne résout pas tout : « Nous ne serons jamais à 100 % sur les véhicules neufs, les réseaux constructeurs ne le sont pas non plus », souligne Nadège Scapin.
Des équipements et des coûts en hausse
Ces tendances de fond ont un impact à la hausse sur le coût des véhicules. Et de fait, les budgets consacrés à l’entretien et à la réparation augmentent aussi, en tout cas sur certains aspects devenus plus techniques. Et les relations entre les flottes et leurs prestataires s’en ressentent, à commencer par un renforcement de la LLD, peut-être par souci de mieux contrôler le TCO de chaque véhicule.
« Dans les modes de financement, nous observons un changement de comportement au bénéfice de la LLD qui se répand jusque dans les PME », confirme Rémi Husson, responsable marketing et process b to b de Feu Vert. La pénétration de la LLD dans les grandes entreprises serait supérieure à 60 % et d’environ 10 % pour les petites, selon Louis De Lamaestre, directeur b to b et partenariats de Norauto. Avec aussi une forte tendance à sortir les pneus de ces contrats et de plus en plus l’entretien courant.
Pour les réseaux indépendants, ces tendances de fond se traduisent par une pression supplémentaire, alors que les loueurs longue durée favorisent les liens avec les réseaux constructeurs. Et ce d’autant plus que face à la concurrence des indépendants, les constructeurs ont amélioré leurs offres et tiennent plus volontiers compte de l’entretien dans le calcul du TCO en combinant la vente ou la location des véhicules avec des stratégies agressives d’après-vente.
À cette stratégie d’offre globale les réseaux indépendants répondent en combinant des savoir-faire complémentaires. Des partenariats naissent et visent à séduire les flottes avec la possibilité de recourir à plusieurs prestataires en même temps et dans un même lieu, pour agir sur des prestations différentes : le vitrage et les pneus notamment.
Les enseignes s’allient
C’est le sens du partenariat établi par Carglass et Norauto au printemps dernier, un partenariat qui a conduit le spécialiste du vitrage à acquérir l’activité correspondante chez Norauto et à en assurer l’exercice. « Ce sont nos techniciens avec nos méthodes qui interviennent dans 470 centres Norauto », affirme Nadège Scapin pour Carglass. « Quand on n’a pas l’expertise, mieux vaut choisir un partenaire qui fait référence », explique pour sa part Louis De Lamaestre pour Norauto. Pour Carglass comme pour Norauto, ce partenariat complète une stratégie d’alliances qui leur permet d’associer des compétences complémentaires. Carglass est ainsi présent auprès du réseau Total, ce qui porte à quelque 1 000 points de vente les endroits où le spécialiste du vitrage peut intervenir. Et Norauto a noué d’autres partenariats, comme celui avec Parkopoly, expert en services de voituriers.
Un signal de grandes manœuvres pour l’ensemble du secteur ? Euromaster devrait conclure un partenariat avec un des leaders du vitrage sur le mode de la sous-traitance, révèle Laura Ostyn, responsable des marchés professionnels VL de l’enseigne. « Avoir un seul interlocuteur pour le gestionnaire, c’est gagner en efficacité et réduire son budget d’entretien », justifie-t-elle. Euromaster lorgne aussi vers d’autres partenariats, entre autres du côté des voituriers, avec des initiatives prises en Île-de-France et dans le sud du pays, pour tester les offres susceptibles d’être proposées aux flottes.
Feu Vert n’exclut pas non plus un partenariat avec un spécialiste du vitrage, bien que l’enseigne ait revendu sa filiale Mondial Pare-Brise à Auto Distribution. Un paradoxe ? « Nous ne pouvons pas tout faire et un partenariat est en effet tout à fait envisageable », estime Rémi Husson.
Des partenariats en tous genres
First Stop imagine aussi des partenariats pour renforcer la mobilité des conducteurs : « Des services comme ceux liés aux voituriers peuvent améliorer cette mobilité, note Philippe Rives, directeur grands comptes de l’enseigne. Mais si cela peut parfois faire la différence, ce n’est pas un souci majeur. Car le mouvement de fond porte plus sur l’éventail de services que l’on peut apporter dans nos sites à un prix attractif », nuance Philippe Rives.
À l’image d’Actiglass, des acteurs récents et relativement peu connus des flottes songent aussi à passer par de tels partenariats à l’avenir. « Des entreprises clientes parmi les plus importantes nous demandent de vérifier aussi les pneus », avance Frédéric Fourgous, directeur général de l’enseigne. Spécialiste du vitrage qui intervient avec ses ateliers mobiles, Actiglass envisage donc de s’associer à d’autres enseignes pour créer des « clusters ». Objectif : opérer directement sur les sites des entreprises avec des véhicules ateliers pour l’entretien, les pneus, le vitrage, la vidange, etc. « C’est préférable à une diversification de notre offre, trop complexe à mettre en œuvre selon nous », ajoute Frédéric Fourgous (voir aussi l’article).
Concentrer les compétences
Autre acteur encore plus jeune, Rapid Pare-Prise a lui sauté le pas grâce à son rachat par ITM Automobile, pôle entretien du groupe Les Mousquetaires. Une entité déjà propriétaire de l’enseigne Roady, spécialiste de l’entretien, y compris de l’entretien mécanique lourd. Des offres communes devraient être commercialisées auprès des flottes par les deux partenaires dès l’an prochain (voir l’article). Notons que ce mouvement de rachats est exactement inverse de la tendance constatée il y a quelques années où l’on a vu plusieurs grandes enseignes élargir leurs offres pour couvrir le maximum de segments de l’entretien automobile.
Pour les gestionnaires de flotte, il y a une vraie cohérence à rationaliser au mieux les interventions des prestataires pour gagner du temps et donc diminuer les coûts. Et dans ce cadre, le « one stop shopping » entraîne un gain de temps en concentrant des compétences d’entretien et de réparation en un seul endroit – une logique qui plaît beaucoup aux TPE-PME. Sans oublier que ces partenariats amènent aussi les enseignes à s’appuyer sur un maillage plus dense du territoire – une attente importante de la clientèle des grands comptes. Et plus classiquement, les enseignes poursuivent leurs efforts de développement, à l’image de First Stop qui continue sa politique de recrutement et entend porter son réseau de 300 à 400 points de vente à terme.
Cette stratégie globale se fait en parallèle du lancement d’offres plus ciblées et plus « différenciantes », avec pour objectif de répondre à des demandes toujours plus spécifiques. C’est vrai de la possibilité de prendre des rendez-vous à distance, par téléphone ou sur internet. Jusque-là, rien de bien neuf apparemment.
Faire la différence
Mais avec le pare-brise, cela demande une vraie préparation en amont. « L’organisation des rendez-vous est en réalité très complexe quand il s’agit de remplacer un pare-brise parmi 40 000 références. Il faut voir s’il faut travailler en atelier ou sur site, et choisir la bonne pièce. Nous sommes sollicités pour personnaliser au mieux le parcours du client », décrit Nadège Scapin pour Carglass. Un prestataire qui par ailleurs fournit des services sortant de son strict univers du pare-brise avec notamment, lors d’un diagnostic du véhicule, la possibilité de changer la batterie avant qu’elle ne tombe en panne. Un service que Carglass entend réserver en toute logique aux petites entreprises.
Le sujet des visites préventives s’impose aussi chez les prestataires comme au sein d’Euromaster. L’enseigne a formalisé au printemps dernier une offre qu’elle dispensait déjà mais de façon non contractuelle. Pour l’instant limitée à l’Île-de-France, cette prestation doit générer de réelles économies. « Une visite préventive, c’est 30 % de pannes en moins. Nous identifions les anomalies, vérifions la pression des pneus et d’autres parties des véhicules. Contractualiser cette offre et intervenir régulièrement, avec une remontée des informations sur un portail dédié, assurent un bon entretien des flottes », argumente Laura Ostyn pour Euromaster.
Des tarifs à ajuster
Dans le même esprit, Norauto aligne depuis trois ans un service diagnostic pour les révisions effectuées à partir des 120 000 km. « Cela anticipe les défauts de fonctionnement moteur qui peuvent représenter des sommes importantes », souligne Louis De Lamaestre. Ce diagnostic est facturé 30 euros.
Cette recherche du juste service s’accompagne bien sûr d’une optimisation des tarifs et là aussi, il y a toujours à faire pour mieux appréhender la diversité des comportements des entreprises. « Certaines préfèrent des tarifs qui correspondent strictement au juste consommé, d’autres optent pour une visibilité sur les coûts dans la durée avec un lissage au kilomètre », expose Louis De Lamaestre. Dans le premier cas, il faut en amont une grille tarifaire précise, dans le second une offre tarifaire pour lisser ces coûts, et c’est ce qu’entend commercialiser Norauto dès cet automne avec son « pass entretien ». Ce service déjà proposé aux particuliers a été adapté aux entreprises avec quelques briques supplémentaires.
L’optimisation passe aussi par les outils informatiques mis à disposition par les enseignes. « Nous informatisons en totalité les contrats avec nos clients, tout est prévu et renouvelé en amont, avec une liste précise de prestations qui évite tout débordement. Une entreprise qui ne souhaite pas faire de géométrie sur ses pneus verra cette possibilité bloquée d’emblée, ou si elle ne veut pas telle marque de pneus, sa volonté sera respectée en amont », explique Rémi Husson pour Feu Vert.
En mode digital
La digitalisation génère de fait de vastes opportunités mais d’aussi vastes défis pour l’ensemble de la profession. Comme nous l’avons vu au début de cet article, les pare-brise, équipés désormais de technologies embarquées, ont posé des problèmes aux réparateurs. Et ils n’ont pas fini d’évoluer ! « Nous avons accès à des bases de données pour voir les procédures à mettre en place et ce que nous pouvons faire ou pas. Par exemple, s’il faut un nouveau calibrage, nous ne le faisons pas et envoyons le véhicule dans le réseau de la marque, ce qui est un peu coûteux pour nous, illustre Frédéric Fourgous pour Actiglass. Nous testons en ce moment une solution pour intervenir plus facilement, mais les fabricants nous le disent : les technologies vont vers l’auto-calibrage, cela arrivera. »
La situation des enseignes indépendantes n’est donc pas des plus confortables : elles font face à des modifications de leur environnement technique susceptibles d’aller encore dans des directions inconnues, mais aussi à des modifications des usages et des comportements, dans un modèle économique encore peu sûr. Et pourtant, « on sait qu’on va y aller » puisque les constructeurs l’imposent. Les boîtiers de télématique embarquée sont tout à fait illustratifs de cette situation.
Et la télématique embarquée ?
« L’immatriculation d’un véhicule est une donnée personnelle, or il n’existe pas encore de modèle de collecte de cette donnée pour apporter un vrai service », note Rémi Husson de Feu Vert en évoquant la télématique. Et se pose aussi la question du lien qu’induirait l’existence de boîtiers télématiques dans une flotte, entre celle-ci et son prestataire. « Les boîtiers donnent pour l’instant l’information aux constructeurs et ce sont eux qui rappellent les véhicules en entretien ; nous ne voudrions pas devenir dépendants d’un tel lien. Peut-être développerons-nous quelque chose en interne », commente Sylvain Grazillier, responsable parc du loueur DLM Location, à la tête de plus de 7 000 véhicules (voir le témoignage).
Avec la télématique, le groupe 2BR Mobilité se montre beaucoup plus enthousiaste. Ce spécialiste du transport scolaire a doté ses 2 700 véhicules de boîtiers pour remonter entre autres des données de consommation de carburant ou de maintenance préventive. « Et la télématique nous permet aussi d’aider les forces de police à retrouver les véhicules volés. Enfin, elle constitue un élément factuel de contestation de PV automatiques liés à des doublettes ou des erreurs de lecture des plaques d’immatriculation, complète Jean-Charles Houyvet, directeur du parc automobile. La télématique pour nous un outil de gestion avec lequel nous espérons aller encore plus loin, certains constructeurs étant en avance sur ce sujet. Dans ce domaine, nous découvrons les choses au fur et à mesure. »
La télématique, rappelons-le, ne concerne encore qu’un nombre réduit de véhicules et ne se généralisera que dans quelques années, le temps pour chacun de trouver les moyens de s’adapter. Cela est vrai de toutes les évolutions, comme l’arrivée de l’électrique dans les flottes. Ainsi Norauto travaille-t-il au sein d’un site pilote sur les moyens de charger un véhicule pendant son entretien. Il n’y a pas que les véhicules qui connaissent une révolution…
Dossier - Entretien et réparation : les réseaux face aux mutations du marché
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