
À première vue, ce n’est pas forcément des enseignes d’entretien et de réparation automobiles que l’on attend les principales initiatives en matière de RSE, mais bien plutôt des constructeurs et des manufacturiers. Et pourtant, ces réseaux commencent à être concernés, au même titre que l’ensemble des prestataires.
Entre contraintes réglementaires…
D’abord et tout simplement parce que la réglementation l’exige. Et celle-ci se montre toujours plus contraignante et continuera sans doute à se durcir. Bonne ou mauvaise chose selon les uns ou les autres, les acteurs du marché de l’entretien et de la réparation doivent et devront en tenir...
À première vue, ce n’est pas forcément des enseignes d’entretien et de réparation automobiles que l’on attend les principales initiatives en matière de RSE, mais bien plutôt des constructeurs et des manufacturiers. Et pourtant, ces réseaux commencent à être concernés, au même titre que l’ensemble des prestataires.
Entre contraintes réglementaires…
D’abord et tout simplement parce que la réglementation l’exige. Et celle-ci se montre toujours plus contraignante et continuera sans doute à se durcir. Bonne ou mauvaise chose selon les uns ou les autres, les acteurs du marché de l’entretien et de la réparation doivent et devront en tenir compte à l’avenir (lire aussi l’encadré ci-dessous).
Sans oublier la demande en provenance des flottes. La plupart des enseignes que nous avons interrogées tombent à peu près d’accord : elles se situent au tout début d’un processus où les entreprises et les administrations, particulièrement les plus grandes d’entre elles, commencent à questionner leurs prestataires sur les sujets liés à l’environnement.
Des clients qui sont du reste eux aussi contraints par la réglementation. Ce qu’illustre Stéphanie Decompois, directrice marketing et communication d’Euromaster, avec cette obligation récente pour les appels d’offres publics d’intégrer des pneus rechapés. « Certes, aucun pourcentage n’est demandé par la réglementation. Et si le premier appel d’offres échoue, l’administration peut en lancer un second sans y intégrer de pneus rechapés, explique-t-elle. Ce n’est donc pas encore très “impactant“. » Mais c’est un début.
Pour Frédéric Moulin, directeur du développement, de la stratégie et de l’organisation de BestDrive, « les grands comptes commencent à nous poser des questions assez concrètes sur la RSE : comment nous positionnons-nous ? quelles actions menons-nous ?, etc. » « Ces demandes sont assez souvent orientées sur la gestion des déchets », observe pour sa part Nicolas Strobietti, responsable HSE France de Feu Vert Entreprises. « Il arrive parfois qu’on nous demande combien de véhicules électriques nous avons », ajoute Marie-Pierre Assémat, gestionnaire de catégories marchés entreprises de Carglass.


… et demandes des flottes
Cette demande émergente est appelée à se renforcer, au point d’évoluer bientôt vers des critères environnementaux qui seraient, ou seront, discriminants. Pour les grandes entreprises cotées en bourse, l’aboutissement de cette évolution est lié à la demande d’évaluer son empreinte carbone sous la forme d’une notation extra-financière, basée sur des critères non plus seulement économiques mais bien plutôt environnementaux et sociaux.
Les enseignes d’entretien et de réparation automobile sont pour l’instant épargnées par cette évolution qui touche avant tout les grands faiseurs industriels. Mais rien ne dit qu’à terme, ces réseaux ne finiront pas par être impliqués. « Déjà, quelques entreprises clientes nous demandent dans leurs appels d’offres des réponses à des questionnaires détaillés, voire une notation extra financière de notre politique RSE », remarque Stéphanie Decompois pour Euromaster.
Les enseignes se préparent donc depuis longtemps. Par stratégie ou par conviction, elles ont entamé un véritable processus interne de « verdissement » de leurs activités. Cela a pu commencer il y a déjà une vingtaine d’années, à l’image de Norauto. Carglass s’est lancé il y a plus de dix ans, entre autres en définissant tous les trois ans un plan de développement responsable – le prochain est à échéance 2024. Pour A+Glass, cette démarche a démarré il y a plus de huit ans.
Ces entreprises ont engagé des efforts pour obtenir des labels et des certifications (voir l’encadré ci-dessous). Pour ces prestataires, ces éléments constituent en effet une preuve de leur politique RSE à apporter à leurs clients flottes. Ils démontrent aussi que ces entreprises se positionnement au-delà de ce qu’on appelle le « greenwashing », vu comme « une façon de s’acheter une bonne conscience », juge Stéphanie Decompois.
Pour décrocher ces labels et certifications, les prestataires ont entamé une démarche de longue haleine, qui ne se limite pas à des actions ciblées et partielles, mais touche l’ensemble des processus d’une entreprise. « La RSE est très liée à l’hygiène et à la sécurité », commente Frédéric Moulin pour BestDrive. De fait, la RSE ressemble dans sa démarche aux différents processus menés par les entreprises pour faire que leur fonctionnement obéisse à des critères de qualité, en tout cas ceux émis par des certifications de type ISO.
La conduite du changement
Pour une enseigne, une telle démarche suppose donc une vraie stratégie de conduite du changement. A+Glass, spécialiste de l’entretien des pare-brise et optiques, se base ainsi beaucoup sur des chartes écoresponsables où figurent tous les gestes susceptibles d’aider à réduire l’impact environnemental de ses activités. « Cela recouvre les économies d’énergie, de papier, d’eau », énumère Nelly Perez, directrice réseau de l’enseigne. Avec des chartes pour les collaborateurs, mais aussi des initiatives précises prises par la direction afin de faciliter la tâche des collaborateurs dans ce sens : installation de LED à faible consommation, d’économiseurs d’eau, de robinetteries automatiques, mais aussi de systèmes de récupération des eaux de pluie sur les façades, de systèmes de chauffage thermo régulés, etc. La liste est longue.
Pour mener à bien cette stratégie globale de développement durable, A+Glass a créé une équipe spécifique, « avec les bonnes personnes au bon endroit », selon Nelly Perez. La conduite du changement, c’est aussi savoir à qui l’on s’adresse et donc penser à la meilleure manière de communiquer auprès des collaborateurs concernés. « Les jeunes générations se sentent impliquées par tous ces sujets liés à l’environnement, elles baignent dedans. Pour les plus anciennes, c’est plus compliqué à appréhender. Mais il suffit de montrer les bons gestes et ces personnes se rendent alors compte que ce n’est pas si difficile », poursuit Nelly Perez. Les bons gestes, c’est par exemple se préoccuper des emballages très en amont, ou utiliser du carton plutôt que du plastique, comme le souligne Xavier Chocraux, directeur région Nord – Picardie de Norauto.
Pour un moindre impact environnemental, le souci d’économiser la ressource s’applique aussi aux transports. Pour sa part, Norauto privilégie le ferroviaire ou le maritime à la route. « Chez A+Glass, nous avons rationalisé notre politique d’achat afin de restreindre et d’optimiser les trajets », reprend Nelly Perez. Et ce sujet touche aussi les collaborateurs dans leur quotidien avec des actions pour favoriser le covoiturage ou l’usage des transports en commun. Cette stratégie a permis à A+Glass de diminuer sa consommation énergétique de 18 % en trois ans.
Au sens large, les mesures possibles sont innombrables. Signalons le choix du spécialiste du lavage Sineo, dont le positionnement écologique repose sur l’usage de produits écologiques de nettoyage, de mieux gérer l’usage de l’eau. « Nous intervenons le plus souvent avec des produits sans eau, mais ce n’est pas toujours possible, illustre Caroline Bocquet, gérante de ce prestataire. Nous fonctionnons désormais en circuit fermé, avec un recyclage total de l’eau employée. »
Vers une économie circulaire
Mais cette réflexion des entreprises sur leur impact environnemental cherche à dépasser la seule économie de ressources et d’énergie et, petit à petit, apparaît la notion d’économie « circulaire » portée par la réglementation. « Depuis avril 2019, la loi nous demande de mettre en avant le plus souvent possible des produits recyclés, rappelle Stéphanie Decompois pour Euromaster. C’est assez détaillé mais tous les produits ne sont pas concernés, à l’image des plaquettes de frein où tout n’est pas recyclable », complète-t-elle. Mais la démarche reste possible pour un certain nombre de produits, dont les pneus par le biais du rechapage.
Avec l’économie circulaire, on peut encore aller plus loin dans le raisonnement au-delà des seuls produits recyclés. Illustration avec Sineo qui travaille sur le reconditionnement des véhicules. A priori, on n’aurait pas forcément pensé d’emblée à cette activité en parlant d’impact environnemental. Et pourtant, tout comme un pneu rechapé participe à l’économie circulaire et évite donc de « trop » fabriquer, un véhicule reconditionné revient dans le circuit économique. « Nous nous inscrivons dans un nouveau modèle économique où l’usage du véhicule est complètement repensé », expose Caroline Bocquet, notamment pour coïncider avec l’évolution de l’usage des voitures, surtout parmi les jeunes générations.
Mais du côté des professionnels du véhicules d’occasion, cette évolution suppose de résoudre une équation économique. « Pour le reconditionnement, les délais d’immobilisation d’un véhicule tournent autour de soixante jours en moyenne, ce qui coûte cher. Nous avons donc mis en place une unité capable de reconditionner mécanique et carrosserie en dix jours, ce qui a pour effet de baisser les coûts », relate Caroline Bocquet. Une façon, indirecte mais néanmoins tangible, de participer à l’économie circulaire qui a vocation à croître alors que se diffusent les préoccupations environnementales. En témoigne d’ailleurs l’engagement de plus en plus manifeste des constructeurs dans le reconditionnement, selon la gérante de Sineo, comme Renault avec sa Re-Factory de Flins, vue par le constructeur comme une usine « d’économie circulaire de la mobilité ».
De l’entretien préventif
Mais le développement durable, ce n’est pas qu’un regard sur soi et sur le « verdissement » de ses processus. C’est aussi apporter une aide à ses clients pour qu’eux-mêmes agissent sur l’impact environnemental de leurs activités. À dire vrai, les flottes demandent rarement des actions aussi ciblées. Mais quand demandes il y a, elles s’inscrivent dans une préoccupation plus globale de RSE et de sécurité. C’est un tout indissociable, soulignent les prestataires.
Dans ce cadre, on peut à nouveau évoquer la réparation des pare-brise plutôt que leur remplacement, un enjeu environnemental dans la mesure où la réparation limite le recyclage du vitrage. Ou encore la surveillance de la pression des pneus, garante d’une usure moindre mais aussi d’une consommation de carburant réduite, et bien sûr d’un nombre plus limité d’accidents.
Œuvrer pour les flottes
Pareillement, l’entretien préventif amène à travailler simultanément tous les aspects de la RSE et donc la sécurité des collaborateurs, affirme en substance Stéphanie Decompois pour Euromaster. « Nous pouvons mettre une flotte sous contrôle et prouver, grâce à des simulateurs, les gains économiques susceptibles d’être obtenus sur la sécurité, le temps et la consommation de carburant », énumère-t-elle.
D’autres éléments bien connus des flottes peuvent aussi favoriser une meilleure stratégie environnementale, à l’image des ateliers mobiles. Une intervention sur site sur plusieurs véhicules d’un client, c’est autant de trajets en moins pour tous ces véhicules vers les ateliers des réseaux d’entretien. Sur ce registre, signalons la récente offre de Carglass qui consiste à proposer à ses clients flottes un auto-diagnostic. « C’est un format plus léger que les rendez-vous prévention que nous pratiquons sur site. Nous leur donnons toutes les consignes et nous valorisons alors la notion de réparation. Et si besoin, notre centre d’appels à Poitiers peut revalider cet auto-diagnostic », détaille Marie-Pierre Assémat.
Dans un autre registre, Carglass joue la carte du « gaming » pour sensibiliser de manière ludique les conducteurs à leur impact environnemental. L’enseigne s’est associée au télématicien WeNow qui a créé une plate-forme de gaming pour permettre à tout un chacun de réaliser entre autres son propre bilan carbone. Carglass va lancer une opération de test sur cette plate-forme d’ici la fin d’année.
Assurer la dépollution
Autre prestation susceptible d’aider les flottes à mieux maîtriser leur impact environnemental, le contrôle des rejets des systèmes de dépollution des véhicules diesel. Ce que commercialise Norauto entre autres enseignes. « Ces véhicules sont dotés de filtres à particules qui peuvent s’encrasser avec le temps. Nous contrôlons donc les rejets pour vérifier si les systèmes de dépollution fonctionnent bien et s’il faut nettoyer ces filtres », décrit Xavier Chocraux.
Cercle vertueux
Ces différents engagements ont forcément un coût. Un coût qui peut modifier le modèle économique sur lequel se basent ces prestataires. « Oui, il y a un coût, par exemple avec les audits, note Frédéric Moulin pour Best-Drive. Mais cela reste faible par rapport à l’impact qu’une stratégie environnementale peut avoir, avec des économies brutes sur l’énergie, les matières, la prévention, souligne-t-il. Le ROI peut dans certains cas être quasi immédiat. »
Plus nuancé, mais à peine, le constat fait par Nelly Perez pour A+Glass : « Les économies ne se manifestent pas la première année, mais sur du moyen terme. » Pour la gestion des déchets, l’enseigne demande juste une participation de ses partenaires et des flottes, le restant demeure à sa charge. D’autres démarches restent plus difficiles à amortir. Le choix fait par Norauto de privilégier le train comme mode de transport représente de fait un investissement, mais selon Xavier Chocraux, ne pas se lancer dans cette démarche amènerait plus tard une baisse d’activité. Autrement dit, ne pas investir aujourd’hui, c’est prendre le risque de perdre beaucoup plus demain. Ou après-demain.