
C’est un constat amer pour les gestionnaires de flotte. Autant les employeurs surveillent les investissements dans les machines-outils ou la bureautique, autant, quand il est question de voitures, le laxisme peut rester de mise. « Les dirigeants entretiennent un rapport “différent“ à l’automobile, explique le consultant et formateur en gestion de flotte Robert Maubé. Ce n’est pas pour eux un objet d’entreprise mais plutôt de pouvoir et d’image. Conclusion : tout le monde sous-estime la gestion des voitures et considère le métier comme peu important. »
Pour comprendre encore plus finement le phénomène, il faudra ajouter d’autres explications...
C’est un constat amer pour les gestionnaires de flotte. Autant les employeurs surveillent les investissements dans les machines-outils ou la bureautique, autant, quand il est question de voitures, le laxisme peut rester de mise. « Les dirigeants entretiennent un rapport “différent“ à l’automobile, explique le consultant et formateur en gestion de flotte Robert Maubé. Ce n’est pas pour eux un objet d’entreprise mais plutôt de pouvoir et d’image. Conclusion : tout le monde sous-estime la gestion des voitures et considère le métier comme peu important. »
Pour comprendre encore plus finement le phénomène, il faudra ajouter d’autres explications « internes ». Pendant des années, on a confié la gestion de flotte à d’anciens comptables, des spécialistes de la maintenance ou des services généraux. À noter, il n’existe pas non plus de cursus spécifique. Alors, même si la situation évolue à grande vitesse, le gestionnaire peut éprouver des difficultés à mettre son métier en avant dans l’entreprise. C’est pourtant l’une des meilleures façons de se promouvoir. Et cela passe souvent par l’entretien annuel d’évaluation. À condition de bien le préparer.
Se préparer à l’entretien d’évaluation

« Chaque année, je reçois une convocation pour m’entretenir avec mes supérieurs hiérarchiques lors d’un entretien d’évaluation, relate Didier Dupeyron, gestionnaire du parc automobile du CHU de Grenoble-Alpes (150 véhicules en gestion). Pour 2021, mon objectif a consisté à renouveler le parc manutention (gerbeurs, chariots, etc.) afin de passer à la location. J’ai préparé cette rencontre en menant un audit sur les coûts en location et en achat. J’ai aussi réalisé une étude de marché sur nos véhicules. »
La consultante, coach et formatrice Dominique Berthod travaille pour le formateur Demos. Elle dispense le cursus « Mener l’entretien annuel d’évaluation. » Elle donne aux gestionnaires de flotte « quatre conseils principaux pour mener à bien ce type de discussion. » D’abord, cet exercice est à préparer avec soin. Un entretien d’évaluation suppose, pour le salarié, de prendre la parole 75 % du temps. Le responsable de flotte doit notamment y préciser les moments forts de son année. Mais aussi les problèmes rencontrés et les performances réalisées. Ce qui nécessite de préparer cet entretien toute l’année.
Être factuel
« Ensuite, il faut être le plus factuel possible en donnant des informations de qualité sans jugement de valeur », expose Dominique Berthod. On ne donne donc que les faits étayés par des chiffres. Il ne faut pas préciser : « J’ai renforcé la mobilité de nos salariés », mais avancer le fait que : « L’an dernier, 6 % des collaborateurs utilisaient le vélo et que le taux cette année a atteint 20 % », illustre Dominique Berthod. Qui recommande enfin au gestionnaire de flotte lors de l’entretien d’évaluation de placer la relation avec son supérieur sur un pied d’égalité. « Le gestionnaire ne doit pas se dévaloriser. C’est une discussion entre deux professionnels responsables qui veulent faire avancer les choses », conclut cette formatrice.

Encore plus concrètement, la DRH de la société de conseil One Man Support, Marie-Alix Sourisseau préconise, pour préparer son entretien, « d’y consacrer au moins deux heures, et un peu plus en visio. » Marie-Alix Sourisseau effectue 25 entretiens d’évaluation par an dont un tiers en distanciel. « Dans ce cadre, l’objectif reste de faire un bilan de son année et de peaufiner son projet en matière de formation continue et d’évolution professionnelle », poursuit-elle. Cela signifie aussi de rédiger, noir sur blanc, ses desiderata pour son avenir à courte et à moyenne échéance, en déterminant les compétences nécessaires et les formations éventuelles. « Cela envoie un message de sérieux à son supérieur. Plus c’est précis et factuel, plus la discussion sera riche », ajoute Marie-Alix Sourisseau.
Bien évidemment, il faudra être ponctuel, couper son téléphone, ne pas faire autre chose lors de l’entretien, ce qui arrive souvent en visio. Puis, après l’entretien, il s’agira de suivre avec attention toutes les décisions prises. Ces décisions doivent se traduire par une action à mener. Si ce n’est pas le cas, il faudra s’enquérir de la suite à donner.
Attention à l’apparence physique
Pour le gestionnaire de flotte, la préparation à l’entretien d’évaluation suppose aussi une attention particulière à son apparence physique. « Le fond est certes important mais ce n’est que le tout début de la réussite, note Charlie Clarck, fondateur de Whistcom, spécialiste en stratégie orale. 93 % des points se jouent ailleurs. Et tout d’abord sur l’apparence (57 % de son impact) et le ton de sa voix (36 %). Les arguments ne vont hélas jouer qu’à 7 % dans la réussite d’un entretien. Le non-verbal est donc prépondérant et cela exige une préparation. On peut tout d’abord, c’est une version bas de gamme, se préparer devant sa glace pour repérer ses tics de langage, ses hésitations. On peut aussi se filmer pour visualiser les mauvaises attitudes, et/ou répéter devant des proches », détaille Charlie Clarck. Qui résume : « L’important est donc de préparer son oral à l’oral. »
Que mettre en avant en entretien pour le gestionnaire de flotte ?
Pour convaincre son supérieur hiérarchique durant l’entretien d’évaluation, il faudra d’abord miser sur ses compétences techniques. On peut étayer son discours en précisant avoir suivi des formations courtes sur des sujets précis comme le calcul de TCO ou la mobilité. Cela peut aussi passer par des rencontres que l’on évoquera auprès de son supérieur lors de l’entretien, avec des professionnels de son milieu. Ces rencontres ont eu lieu par le biais de salons, des réseaux sociaux, ou encore par la lecture de la presse professionnelle pour recueillir les meilleures pratiques de gestion de flotte.
Ensuite, il faut savoir communiquer sur ses compétences, expliquer son travail, se vendre en interne. Or, les responsables de parc ne proviennent généralement pas de fonctions où la communication fait partie intégrante des compétences métiers. En outre, la gestion de flotte suppose de beaucoup communiquer en interne. Alors qu’il est plus facile de communiquer en externe. « Ces techniques s’apprennent, rassure le consultant Robert Maubé. Et elles doivent être mises à profit pour réussir au mieux son entretien d’évaluation. »
Le retour des collaborateurs
Il faut aussi mettre en exergue des indicateurs de satisfaction des clients. Par exemple, une étude pour évaluer le retour des collaborateurs à l’aide un questionnaire de type Google Forms. « Dans notre collectivité, nous avons développé une enquête qualité auprès des collaborateurs. L’idée est de mesurer ce qui leur a plu et ce qui a moins bien fonctionné. J’évalue alors leur degré de satisfaction », relate Jérémy Lucot, gestionnaire de flotte au conseil départemental de la Côte-d’Or (620 véhicules) à Dijon.
Ensuite, il est essentiel de décrire sa façon de gérer son service avec une analyse des coûts annuels et du respect du budget. À cela, on peut ajouter des indicateurs techniques sur la diminution des émissions de CO2. Ou celle des surcoûts liés à des coûts cachés comme les frais de remise en état des véhicules. C’est le cas pour ce gestionnaire qui préfère garder l’anonymat. « En moyenne, ces frais sont de l’ordre de 1 000 euros par voiture. J’ai réussi à les faire baisser, grâce à ma gestion et à ma communication auprès des collaborateurs, à 500 euros pour des véhicules avec quatre ans d’ancienneté. C’est un résultat que j’ai mis en avant lors de mon entretien d’évaluation. »
Mais pour les réductions des coûts, avec l’obligation de verdir les flottes, cette analyse sera difficile à valoriser. En effet les coûts des véhicules « verts » sont plus élevés que ceux des voitures thermiques. Sauf si l’on réduit le nombre de véhicules en parc et/ou à développer une politique de crédit-mobilité.
Gestionnaire de flotte : valoriser en entretien d’évaluation ses réussites
Enfin, il sera intéressant de montrer à son supérieur l’ensemble des démarches menées au cours de l’année. Au sein du département de la Côte-d’Or, Jérémy Lucot rencontre ainsi tous les ans les constructeurs pour se tenir au courant de leurs évolutions. « Je maîtrise alors les nouveautés et je peux proposer aux collaborateurs et à mes élus le matériel le plus en pointe possible. »
« Mon premier conseil au gestionnaire de flotte est valoriser, lors de son entretien d’évaluation, ses réussites en termes de réduction des coûts, avance le consultant Marc Jaubert, en charge de la pratique flottes automobiles et mobilités pour la société de conseil Cristal Décisions. Le budget automobile représente le deuxième ou troisième coût d’une entreprise. Ce métier est de plus en plus important et complexe. Avec l’arrivée du télétravail, de l’électrification ou du développement de la mobilité. Certains de mes clients gestionnaires de flotte analysent les retours des autres services comme celui des achats ou des RH. »
D’autres gestionnaires abordent la question de leur catalogue voitures à destination des collaborateurs. C’est vrai pour Thierry, fleet manager en charge de 400 véhicules pour une entreprise du Sud-Ouest de la France. « J’ai mis en place un catalogue avec plusieurs motorisations pour répondre aux demandes des salariés, explique-t-il. Je teste ainsi la manière dont les conducteurs de véhicules électriques emploient leurs engins. Je dégage les points forts et les points faibles des différentes motorisations et je livre les conclusions à ma direction. Cela va aussi me permettre de déployer l’électrification du parc qui va être une obligation. »
Chiffrer les gains
Au CHU de Grenoble-Alpes, Didier Dupeyron évoque les « formations offertes aux salariés, comme des cursus en ligne sur l’éco-conduite, avec à la clé un recul de consommation de carburant de l’ordre de 15 à 20 %. »
Par ailleurs, outre les compétences techniques, « des compétences comportementales (« soft skills ») sont attendues par le supérieur hiérarchique. Il s’agit du savoir-être et du faire savoir, rappelle Stéphane Lhermie, coach associé du cabinet de conseil en ressources humaines parisien &changer et auteur d’Évaluer les compétences professionnelles (Gereso Éditions). Là encore, il faudra minimiser les impressions, les sensations, les sentiments. Pour ensuite évoquer son développement professionnel, sa mobilité, son projet professionnel. »
Pour quels résultats ?
L’entretien d’évaluation peut déboucher sur une promotion et une hausse de salaire. C’est le meilleur des cas. Mais les responsables de parc semblent éprouver des difficultés à « monétiser » leurs compétences.
« Moi, confie Élodie, gestionnaire de flotte (2 400 véhicules) pour un équipementier de l’Est de la France, je prépare mon entretien d’évaluation pendant une heure en répondant aux questions que l’on m’envoie au préalable. Je mets en avant le fait d’être “indispensable“ aux salariés. Je suis en contact avec tous les services. Ensuite, j’explique comment je réalise des économies tous les jours grâce à de petites mesures comme l’abaissement du tarif de 10 euros pour les cartes de lavage ou par des gains conséquents en changeant le catalogue pour introduire des marques peu connues et moins onéreuses. »
Et de poursuivre : « En tout, j’ai réussi à dégager quelque 200 000 euros d’économie. J’ai alors demandé une augmentation. Malheureusement, le travail du gestionnaire de flotte est méconnu. Mon supérieur a refusé. Et mon dirigeant m’a précisé que si cela me déplaisait, je n’avais qu’à partir… Ce que j’ai fait. Je ne ferai plus partie des effectifs dans deux mois. J’ai accepté un poste de gestionnaire de flotte dans une entreprise où l’on respecte mon travail. Et je suis passée de 41 000 à 47 000 euros bruts par an… »
Privé et public
Les responsables de parc du secteur public se plaignent moins de la méconnaissance de leur métier par leurs directions. En revanche, l’entretien d’évaluation n’a pas, non plus, beaucoup d’incidence sur une quelconque revalorisation salariale ou sur une prime. « Un bon entretien d’évaluation n’a pas d’effet sur mon salaire, se désole une gestionnaire de flotte d’une commune de 80 000 habitants de la région Grand-Est. J’ai été recrutée sur mes compétences et ma stratégie. J’ai négocié un salaire et suis devenue fonctionnaire. Mais il n’existe pas ici de lien entre l’atteinte des objectifs et une éventuelle prime. Je perçois 3 000 euros nets par mois. Et même si je donne pleinement satisfaction, je ne serai ni augmentée, ni promue… »
Dossier - Entretiens d’évaluation : comment valoriser sa gestion de flotte
- Entretiens d’évaluation : comment valoriser sa gestion de flotte
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