
Les entreprises connaissent- elles vraiment les coûts liés au poste automobile ?
Lorsque nous réalisons un audit, neuf entreprises sur dix sont incapables de communiquer instantanément le coût comptable complet du parc pour l’année précédente : loyers, entretien, fiscalité, carburant, sinistralité, assurance, coût de gestion interne, etc. Pour l’obtenir, il nous faut en général une à deux semaines de discussions et deux réunions avec la comptabilité analytique.
Il y a pourtant une réalité des coûts difficile à ignorer.
L’automobile peut en effet constituer le deuxième poste de dépenses après les salaires et les charges sociales, sans...
Les entreprises connaissent- elles vraiment les coûts liés au poste automobile ?
Lorsque nous réalisons un audit, neuf entreprises sur dix sont incapables de communiquer instantanément le coût comptable complet du parc pour l’année précédente : loyers, entretien, fiscalité, carburant, sinistralité, assurance, coût de gestion interne, etc. Pour l’obtenir, il nous faut en général une à deux semaines de discussions et deux réunions avec la comptabilité analytique.
Il y a pourtant une réalité des coûts difficile à ignorer.
L’automobile peut en effet constituer le deuxième poste de dépenses après les salaires et les charges sociales, sans que l’entreprise le sache. Dans un cas que nous avons rencontré, cette proportion montait à 6,5 % du chiffre d’affaires. Et la flotte reste un poste où il existe encore des gains à réaliser. Sur les trois à quatre dernières années, nous avons obtenu au moins 5 à 7 %, et jusqu’à 15 % d’économies dans 80 % des audits que nous avons menés. Ce qui signifie aussi que 80 % des entreprises surpaient leur flotte…
Cet état de fait est-il dû à une absence d’outils de gestion ?
La gestion de la flotte est morcelée en milliers de factures ou de lignes de factures, ce qui ne simplifie pas les choses. D’autant que les systèmes comptables ne sont pas faits pour analyser des coûts répartis sur différents postes comptables et liés à une plaque d’immatriculation. Et pour donner le coût, les éléments de comptabilité analytique ne suffisent pas. Par définition, une facture peut avoir plusieurs significations : une facture de garage peut être due à un sinistre, avec tiers ou sans tiers, à une usure prématurée ou à un entretien. Et pour mesurer le coût réel de la sinistralité, il faut cumuler des factures de réparation et les franchises des assurances. Les systèmes comptables n’offrent pas cette finesse. Le raison-nement est semblable avec les notes de frais : si des éléments du coût sont traités dans les notes de frais, il devient difficile, voire impossible, de les agréger. Et il faudrait que les entreprises vérifient les factures fournisseurs de leur flotte avec la même attention que les autres. C’est loin d’être le cas…
Et les logiciels de gestion des flottes ?
Jusqu’ici, 800 à 1 000 ont été vendus en France mais la moitié ne sont pas employés et beaucoup ont été abandonnés. Et quand ils sont employés, ils le sont souvent à 10 ou 15 % de leurs capacités. Pourquoi cette situation ? Parce que ces logiciels demandent à être alimentés régulièrement en milliers d’informations, ce qui suppose de les relier au système d’information de l’entreprise. Ce que les DSI ne font pas. Plus largement, si les systèmes en place ne permettent pas de gérer les parcs, c’est aussi parce que l’enjeu n’est pas connu. Un parc aura beau peser plusieurs millions d’euros par an, personne ne s’y intéressera, ou alors uniquement sur « la partie émergée de l’iceberg ».
Le problème est-il aussi lié à la fonction même de gestion de flotte ?
Le problème tient plus à la dispersion de la responsabilité de la flotte en divers endroits de l’entreprise, entre la finance, la DRH, les achats et les utilisateurs. En conséquence, il est rare qu’un dirigeant de haut niveau soit responsable de la totalité du budget flotte devant le comité exécutif et surtout qu’il dispose de vrais moyens d’action, par exemple pour imposer le règlement automobile quand il existe. Pourtant, il faut qu’à un moment donné, tous les leviers soient réunis en une seule main, avec un pouvoir clairement identifié et les moyens d’agir, sur un périmètre de responsabilité et un périmètre budgétaire. Dans les faits, je rencontre des gestionnaires de flotte avisés et compétents mais ils ne sont pas reconnus et n’ont pas le pouvoir d’appliquer les règles. En résumé, on leur demande de mener à bien une mission mais sans leur donner les moyens de travailler.
En matière de gestion, quelle serait l’entreprise idéale ?
Lorsque l’entreprise est suffisamment structurée pour avoir une direction de la logistique ou des moyens généraux, ou alors une direction financière ou des achats qui pilote réellement la partie flotte, le leadership est fort, avec un vrai pouvoir de décision sur la car policy, le règlement automobile et tout ce qui a trait à la flotte. Plus largement, l’essentiel reste la cohérence d’ensemble : il faut faire ce qui a du sens. Ainsi, pour une entreprise qui possède une flotte avec 90 % d’utilitaires, mieux vaut la faire gérer par une direction technique ; avec 90 % de VP, cela reviendra plutôt à une direction utilisatrice comme la direction commerciale.
C’est donc une question d’organisation.
Au-delà de l’organisation, c’est aussi un véritable problème de gouvernance. Quand la flotte ne représente que 0,5 % des coûts, la négliger n’est pas si grave, mais lorsqu’elle pèse 10 à 15 %, cela vaut le coup de s’en occuper. Mais au préalable, il faut connaître la taille de l’iceberg et ses véritables dimensions. À partir de là, il est possible d’établir une vraie gouvernance.
De fait, combien coûte une flotte ?
Au cours de nos audits et missions, en additionnant les budgets de nos clients, nous sommes arrivés à la conclusion qu’en France, en moyenne, une flotte de voitures de fonction suppose un TCO « tout compris » (fiscalité, charges sociales, etc.) de plus ou moins 1 000 euros mensuels par véhicule, soit environ 12 000 euros par an. Ce chiffre se vérifie régulièrement avec les patrons de flotte avisés. 500 voitures, ce sont donc 6 millions d’euros de budget annuel, récurrent et prompt à déraper. Dans toute entreprise, un tel budget est scruté, analysé, optimisé en permanence, débattu en comité de direction… mais pas pour la flotte ! La plupart des entreprises ne gèrent pas ces dépenses avec autant d’attention et de professionnalisme que d’autres familles plus orientées « métier ».
Comment décomposez-vous le TCO d’un parc automobile ?
Dans une flotte, selon qu’elle comprend plutôt des VP ou des VUL, le loyer financier pèse de 32 à 42 % du TCO ; dans les parcs que nous auditons, cette moyenne se situe autour de 34 %. La partie financière constitue donc le premier poste de dépenses du TCO mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg ! Les 66 % restants se répartissent sur une bonne douzaine de postes, une partie liée au carburant et une liée au conducteur, à la fiscalité, etc. Mais à terme, cette répartition va évoluer, essentiellement au profit de la partie conducteur. Pour chiffrer cette évolution, nous avons réalisé en 2011 une étude de cas prospective sur deux flottes regroupant un échantillon de 1 133 véhicules, avec un gazole en moyenne à 1,33 euro/l. Mais lors de l’étude en mai 2012, le gazole se situait déjà à 1,43 euro/l ; nous avons lancé une nouvelle simulation.
Des tarifs supérieurs maintenant…
En effet, si l’on regarde l’évolution du gazole entre 2002 et 2011, nous sommes passé de 0,772 à 1,335 euro/l, soit 73 % d’augmentation. Avec une courbe en dents de scie mais la tendance s’oriente définitivement à la hausse. À partir de ce constat, nous avons réalisé des simulations sur un horizon de sept ans, avec des projections lissées. Ce qui nous amené à un gazole à 1,66 euro/l en 2018, tout en conservant une inflation annuelle moyenne de 1,4 % pour les autres postes. Ceci nous donne les résultats suivants (voir ci-contre). Nous voyons donc bien que la part carburant augmente significativement dans le TCO. Et surtout, nous voyons bien que la part du comportement du conducteur est prépondérante, à près de 40 %, et devient le premier poste de dépenses.
Pour bien faire, il faut donc agir sur ces trois composantes.
Pour optimiser son parc, on peut bien sûr réaliser des économies sur l’achat ou la location, en cherchant les remises chez les constructeurs ou les loueurs. Mais il y a un moment où les limites de la négociation sont atteintes et où il faut agir sur le comportement du conducteur et son utilisation du véhicule. Et pour agir sur le comportement, il faudra travailler en profondeur sur le management, et ce à trois niveaux : sur le comportement du conducteur, qui dépend du management direct en termes opérationnels, management qui dépend lui-même de la direction de l’entreprise.
Pour conclure, quelles seraient vos recommandations ?
Il faut tout d’abord une véritable prise de conscience de la direction et du comité exécutif pour mieux connaître le coût global annuel de détention de leur flotte. Le reste suivra. Ensuite, il faut mener un travail de fond avec les conducteurs : 40 % des coûts d’une flotte dépendent d’eux et cette situation ne pourra évoluer que par le biais du management des salariés. Mais pour cela, il faut que le gestionnaire de flotte ait les moyens de se faire entendre.
"Établir une vraie gouvernance de la flotte" : Robert Maubé, dirigeant de RRMC
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