
Pour comprendre les habitudes de la profession en matière de flotte automobile, il faut prendre en compte trois éléments essentiels. Le premier concerne la taille de l’entreprise : plus celle-ci est importante, plus elle aura tendance à passer à la location afin d’externaliser la gestion de son parc », explique Éric Vallin, président de la commission marketing du SNLVLD (Syndicat national des loueurs de véhicules en longue durée).
Éric Vallin, président de la commission marketing du SNLVLD.
Deuxième critère : le type de véhicule et son utilisation. « La location longue durée (LLD) est intéressante pour un véhicule particulier (VP), un véhicule de société deux places (VS) ou une fourgonnette de base avec des aménagements simples, comme un châssis cabine ou une benne classique, ajoute Éric Vallin. Mais dès que d’importants aménagements sont prévus, la LLD n’est pas la solution. C’est ainsi vrai d’un plombier qui transforme son fourgon en atelier avec des rangements spécifiques pour son matériel et un système de sécurité pour protéger son équipement. » Dans cette hypothèse, l’entreprise doit aussi s’assurer efficacement contre le vol et la perte du véhicule et de son contenant ; les aménagements et le matériel transporté coûtent parfois plus cher que le véhicule lui-même. « S’il tourne essentiellement sur des chantiers, il faut enfin intégrer l’usure du véhicule en raison des frais de dépréciation appliqués par les loueurs lors de la restitution », complète Éric Vallin. Dernier critère : le kilométrage annuel. « Les contrats se signent en général pour une durée de trois ans et un kilométrage de 100 000 km. Certes, cela est adaptable, mais si le véhicule roule trop peu, la location revient alors plus cher au kilomètre et n’est pas rentable sur une période supérieure à trois ou quatre ans. »
Payer un loyer ou bien investir ?
Dans tous les cas de figure, l’étude de financement doit prendre en compte les fonds propres de l’entreprise – et donc sa capacité à investir –, et de nombreux paramètres comme le coût d’un véhicule de remplacement, des réparations et des révisions. Sans oublier des critères plus subjectifs comme le désir de changer régulièrement ses véhicules. « Pour mes prochains renouvellements de VU, je compte choisir la location. J’éviterai de prendre un emprunt et je bénéficierai de modèles neufs. Dans notre métier, le véhicule est souvent la première image de marque de l’entreprise. Or, quand on investit dans un véhicule, on a tendance à le garder longtemps et jusqu’au bout », constate Jean-Marie Bellocchio, de Minich SAS. Basée à Nancy et spécialisée dans l’équipement électrique, son entreprise emploie une dizaine de VU. « Il n’y a pas de solution idéale mais quand on roule plus de 30 000 km par an, la location peut être une option intéressante », souligne-t-il.
La LLD est cependant loin d’être favorite dans le milieu des PME du bâtiment où la gestion du kilométrage se pose souvent en casse-tête : « De manière générale, nos VU ne roulent jamais au-delà de 50 000 km par an. Mais cer- taines années, c’est beaucoup plus, si nous avons un chantier à l’autre bout de la France, et d’autres années beaucoup moins, si les chantiers sont situés dans le département. La LLD n’est donc pas rentable : soit nous prévoyons d’emblée un contrat avec trop de kilomètres, soit nous dépassons le kilométrage. Et cela revient très cher », précise Céline Joffrin, responsable du parc de véhicules chez CMD2, société de métallerie installée à Estissac (Aube). « Notre parc comprend quatre VUL que nous changeons deux par deux en investissant sur nos fonds propres et grâce à de petits emprunts. Ainsi, nous disposons de deux Iveco de 2010 prévus pour les chantiers et les longs trajets. Les deux autres Iveco ont une dizaine d’années et l’un sert en dépannage ou pour les livraisons de dernière minute », poursuit la responsable. Pour les deux VP, l’entreprise privilégie en revanche la LLD : « C’est pratique et nous pouvons renouveler les véhicules tous les trois ans, en évitant les frais de réparation. »
La LLD : une quasi-nécessité pour les majors
Pour les grands groupes comme Vinci, le financement par l’intermédiaire de la LLD est automatique. La taille de l’entreprise demeure un élément clé dans ce choix : « Avec 24 000 véhicules et un renouvellement tous les trois ans, cela nécessiterait de financer 8 000 véhicules par an à l’achat, soit une immobilisation de fonds gigantesque. Nous avons des contrats pour un maximum de 54 mois/150 000 km pour les VU et les véhicules de société, et 36 mois/150 000 km pour les véhicules de fonction. Nous définissons le kilométrage en fonction des besoins de l’utilisateur et nous affinons au fur et à mesure si nécessaire », détaille Pascal Janody, responsable de la flotte pour la direction déléguée Rhône-Alpes Nord de Vinci Construction.
Vinci bénéficie d’une plateforme dédiée chez les trois grands constructeurs nationaux, soit Diac et Crédipar, et les différentes structures ou régions du groupe choisissent leurs véhicules au sein d’une grille préétablie. « Nous prenons des véhicules prêts à rouler et déjà équipés, selon les besoins, d’habillages bois, de gyrophares, de crochets d’attelage, etc. L’aménagement, l’entretien et les pneumatiques sont inclus dans le contrat. Dans l’accord-cadre, une grille distingue d’un côté ce qui ressort de l’usure, et de l’autre les dégradations qui font alors l’objet de frais de dépréciation », reprend Pascal Janody.
Mais toutes les structures du Vinci n’appliquent pas la même politique de gestion. « Nous avons eu de mauvaises surprises avec les frais de dépréciation. Au retour du véhicule, les dégradations étaient indiquées sur le bordereau, mais rien n’était chiffré. La note arrive ensuite. Nous avons donc décidé de passer par un carrossier avant restitution pour tous les véhicules qui ont des dommages autres que les quelques rayures acceptées par le loueur », justifie Adrien Tinarran, responsable flotte pour Verdino Construction et Travaux du Midi. Ces deux responsables de Vinci ont par ailleurs choisi de ne pas retenir l’option du véhicule de remplacement.
Disposer de véhicules en permanence
« Le coût est élevé pour un risque faible, estime Pascal Janody. Nos véhicules sont toujours restitués avant d’atteindre 150 000 km et nous avons donc peu de frais liés à des pannes. En cas de sinistre, cela entre dans le cadre de l’assurance. »
Chez Bec Provence, entreprise de 150 salariés implantée à Marseille et filiale du groupe Fayat, la LLD constitue aussi une habitude de longue date. « Notre parc rassemble 27 véhicules dont 5 VP. Les VU regroupent essentiellement des Expert, Partner et 207 de Peugeot. Il nous reste quelques Ford Connect liés à nos anciens contrats de LLD. Depuis mon arrivée il y a un an, j’ai revu et affiné l’ensemble des contrats, après avoir étudié le kilométrage réel de chaque véhicule. Nous passons désormais par Arval, avec des contrats sur 36 mois au lieu de 24 avec Ford Business Partner », expose Philippe Thomas, responsable matériel et prévention. Avec ce changement, la société a économisé 46 000 euros de location et 15 000 euros en gasoil car les véhicules actuels consomment environ 5,5 l/100 km, contre 7,5 l pour leurs prédécesseurs.
« Je considère les véhicules comme du consommable. Avec ce système de LLD et des prestations complémentaires comme la maintenance, le véhicule relais en cas de panne ou d’accident, et l’assurance perte-vol, je suis assuré d’avoir en permanence un véhicule récent en état de marche et un remplacement à l’identique, si nécessaire. La vétusté du véhicule est souvent source d’accidents et de perte de temps », ajoute Philippe Thomas.
En LLD ou à l’achat, les aménagements représentent souvent un coût complémentaire non négligeable. « Avec le Peugeot Pack Finition 3 pour les Partner, ceux-ci sont équipés, dès la livraison, d’une grille de protection et d’une bâche entre la caisse et l’habitacle. La grille obligatoire protège le conducteur d’éventuels objets qui pourraient atterrir dans l’habitacle et la bâche évite les poussières et les déperditions de chaleur ou d’air froid pour la climatisation », explique Philippe Thomas.
L’aménagement : un coût à financer
Outre ces protections incluses dans le contrat de LLD, Bec Provence investit dans un aménagement supplémentaire réalisé par un carrossier : des protections intérieures bois pour les parois et le sol de la caisse. Pour Philippe Thomas, « ce coffrage est un atout supplémentaire. Il protège le véhicule et le conserve en meilleur état. Les frais de restitution sont donc moindres. Avant d’installer cette protection, nous devions à chaque fois repeindre en raison de petits renfoncements, visibles à l’extérieur et causés par de nombreux petits coups à l’intérieur, inévitables avec le chargement et le déchargement de matériel. » Certes, ces aménagements repartent avec le véhicule en fin de contrat, mais l’économie réalisée sur les frais de restitution demeure appréciable. Enfin, les véhicules offrent une valeur ajoutée accrue pour le loueur lors de la revente.
Prévoir la restitution des utilitaires
Pour Céline Joffrin, l’aménagement demeure aussi un critère essentiel dans le choix du financement. « Nous aménageons les véhicules avec des galeries extérieures porteverres et des galeries sur le toit. Nous faisons aussi réaliser des aménagements intérieurs en fonction des besoins de l’utilisateur. Mais quand nous devons retirer tous ces aménagements pour restituer un véhicule au loueur, cela entraîne de nombreux frais de réparation sur la carrosserie », déplore-t-elle.
Raymond Midali, dirigeant d’une société de travaux publics installée à Theys (Isère), a un avis encore plus tranché : « Si je restitue mon fourgon au bout de quatre ans, je perds les 5 000 à 6 000 euros d’aménagements intérieurs qui sont rarement adaptables. Je finance donc mes véhicules en leasing ou à crédit, selon les taux pratiqués lors du renouvellement. Mais je n’hésite pas à faire appel à la location de courte durée pour des besoins ponctuels. J’ai déjà tenté la LLD pour de petits véhicules. En cas de problème, je disposais d’un véhicule de remplacement pendant huit à dix jours, ce qui est rarement suffisant. Ensuite, je devais continuer à régler un loyer, tout en restant sans véhicule. » Ce chef d’entreprise, qui recourt à une trentaine de fourgonnettes de chantier et à une vingtaine de petits VU, tous logotés, conserve les premiers environ six ans et les plus petits trois à quatre ans. Ensuite, il les revend sur le marché de l’occasion ou utilise le système de la reprise au moment du rachat d’un véhicule neuf.
Tenir compte des coûts d’entretien et de réparation
Une forte personnalisation des véhicules peut aussi devenir un handicap à la revente. « Je les aménage avec des protections de sol et des casiers de rangement. J’investis aussi dans la peinture. Ils sont également logotés avec une sérigraphie des quatre côtés car je préfère les personnaliser. Certes, cela rend la revente plus difficile. Je fais donc le choix de les garder longtemps », décrit Pascal Toggenburger, dirigeant d’une entreprise d’équipements électriques (voir le témoignage page 12). Le logotage présente toutefois un avantage indirect : il limite les vols de véhicules ou aide à les retrouver plus rapidement.
Dans le bâtiment, le véhicule reste l’outil de travail indispensable et il faut gérer la panne, la réparation ou l’indisponibilité quand les flottes ne sont pas en LLD ou en leasing. Des structures importantes comme celle de Raymond Midali, qui doit aussi entretenir une vingtaine de camions, font le choix du garage en interne. Dans tous les cas, « la meilleure solution, c’est de bien entretenir le véhicule. Je privilégie l’entretien préventif et non correctif », indique Pascal Toggenburger. « Nous nous situons en zone rurale et nous entretenons de très bons contacts avec notre garagiste. Nous pouvons ainsi réaliser les révisions le weekend. Et nous avons un contrat d’assurance afin d’obtenir un véhicules de remplacement pendant cinq jours si nécessaire », complète Céline Joffrin. « Mes huit camionnettes de chantier, toutes équipées de rayonnages, et mes cinq petits VU sont tous de marque Peugeot : j’ai de fait un seul interlocuteur pour les révisions et les réparations. L’important, c’est la notion de service. Parfois, les équipes rentrent à 18 h 00 et il faut réparer en urgence. Le concessionnaire et garagiste le fait. Il me prête de même des véhicules si besoin. Dans une petite localité de 6 000 à 7 000 habitants, c’est possible. Mais c’est aussi une question de bonnes relations : j’ai réalisé récemment l’extension de ses bâtiments… », relate Nicolas Brisard, patron d’une société de 45 salariés dans la construction métallique à Gray (Haute-Saône). Ce chef d’entreprise préfère être propriétaire de ses véhicules : « L’entreprise est saine et peut se le permettre et je les conserve jusqu’au bout. Après quatre ans, aucun concessionnaire n’accepterait de reprendre mes véhicules à un prix intéressant. Alors, je les fais durer jusqu’à environ 300 000 km, soit sept ou huit ans », conclut-il.