
Certes, les évolutions régulières de la fiscalité des flottes ne facilitent pas la maîtrise du TCO. Au fil des années de détention des voitures en parc, le calcul de cette partie de leur coût se modifie régulièrement en fonction des textes de loi, rendant difficile l’anticipation des dépenses.
Pour 2017 par exemple, le malus annuel, qui comptait douze tranches de paiement selon le grammage de CO2 en 2016, est passé à 66 tranches ; les plafonds de déduction de l’amortissement ont été modifiés pour les véhicules électriques et hybrides, baissés pour les modèles les plus polluants, etc. (voir notre dossier sur la fiscalité 2017).
Une anticipation...
Certes, les évolutions régulières de la fiscalité des flottes ne facilitent pas la maîtrise du TCO. Au fil des années de détention des voitures en parc, le calcul de cette partie de leur coût se modifie régulièrement en fonction des textes de loi, rendant difficile l’anticipation des dépenses.
Pour 2017 par exemple, le malus annuel, qui comptait douze tranches de paiement selon le grammage de CO2 en 2016, est passé à 66 tranches ; les plafonds de déduction de l’amortissement ont été modifiés pour les véhicules électriques et hybrides, baissés pour les modèles les plus polluants, etc. (voir notre dossier sur la fiscalité 2017).
Une anticipation sur la durée
Par ricochets, ces changements complexifient la création d’une car policy pérenne. Mais la tâche n’est pas insurmontable. Tout d’abord parce que le législateur donne une certaine visibilité sur les évolutions à venir. La loi de finance 2017 a ainsi fixé les plafonds des amortissements déductibles jusqu’en 2021, soit largement la durée d’une loi de roulage moyenne. De quoi laisser la possibilité d’anticiper le choix des modèles les plus pertinents pour les années à venir.
Mais surtout, ces changements ne doivent pas faire oublier certaines constantes fiscales qui génèrent des coûts fixes, parfois négligés dans le calcul du TCO. L’une d’entre elles reste la taxe sur la plus-value de la revente des véhicules, aussi appelée taxe sur les plus-values (ou moins-values) de cession d’actif. Celle-ci, qui ne concerne que les véhicules achetés, pèse un poids non négligeable et pourtant peu pris en compte dans le TCO.
« Lorsqu’une entreprise veut revendre une voiture au bout de sa durée d’amortissement, elle doit prendre en compte le fait que sa valeur comptable est de zéro. Le prix qu’elle en obtiendra à la revente sera donc soumis à la taxation sur les plus-values de cession d’actif, égale le plus souvent à l’impôt sur les sociétés, soit de l’ordre de 33 % », explique Robert Maubé, spécialiste de la gestion des flottes d’entreprise et consultant pour Flottes Automobiles.
Ne pas oublier les plus-values de cession
Un élément à intégrer donc dans le calcul du TCO : « Ce point est important : quand un client achète de bonnes voitures avec une bonne valeur résiduelle, il ne faut pas oublier qu’en raison de la taxe sur les plus-values de cession d’actif, il n’obtiendra que les deux tiers de cette VR », poursuit Robert Maubé.
Autre élément de fiscalité dont le montant est parfois négligé, celui des avantages en nature (AEN). Malgré sa récurrence, cet élément de la fiscalité n’est pas toujours pris en compte dans le calcul du TCO de la voiture et à plus forte raison optimisé. « Certains clients suivent des règles simples pour calculer l’AEN mais n’optimisent pas ce calcul. Or, le paiement de cet AEN constitue un effort partagé par l’entreprise et le salarié, et aboutit à un total important. D’autant plus important que des entreprises intègrent dans leur car policy des véhicules premium », avertit Théophane Courau, président du fleeter Fatec, à la tête d’un parc d’environ 40 000 véhicules. Pour ce dernier, le montant des AEN peut inciter à reconsidérer, dans certains cas, le mode de financement de la flotte.
Les AEN, une piste de travail
« Pour un conducteur qui roule peu et avec des coûts faibles, l’AEN doit se baser sur un coût mensuel du véhicule », conseille Théophane Courau. À l’inverse, pour un conducteur qui roule beaucoup, le coût d’un paiement mensuel de l’AEN sera élevé. Alors que le coût d’acquisition du véhicule, lui, restera inchangé : « Il vaut donc mieux partir sur le paiement d’un AEN selon la règle du pourcentage du prix d’acquisition. Cet AEN s’élèvera à 9 % du coût d’achat TTC du véhicule pour les modèles de moins de cinq ans si l’employeur ne paie pas le prix du carburant », décrit ainsi le responsable de Fatec.
Pour Théophane Courau, entre la location ou la LOA qui entraînent un AEN de 30 % du coût annuel de la location, ou l’achat qui entraîne un AEN de 9 % quand l’employeur ne règle pas le prix du carburant, l’arbitrage doit se faire sur la réponse à une question simple : « Combien de kilomètres effectue le collaborateur ? »
Et avec les AEN, d’autres pistes d’optimisation sont possibles, comme recalculer mensuellement ce poste. « La règle communément admise est de faire une moyenne et de prendre un montant identique chaque mois pour toute l’année, observe Théophane Courau. Une illustration : tous ceux qui roulent en véhicule 5 places, 308 ou équivalents, sont alignés sur les mêmes tarifs. Pour des modèles standards, cela fonctionne. Mais pour des véhicules premium, de plus de 40 000 euros par exemple, il peut être intéressant de recalculer le montant de l’AEN chaque mois pour le réajuster le mois suivant. » Ce calcul intégrera notamment les frais ponctuels de réparation, les pneus, la maintenance, etc.
AEN : d’autres modes de calcul
Dernière piste de réflexion pour alléger le poids de l’AEN dans le TCO, la possibilité d’un autre calcul qui se base sur les frais réels (voir le tableau ci-dessous). Sans oublier les possibilités offertes par des offres télématiques de distinguer les parts personnelle et professionnelle du kilométrage en donnant la possibilité aux salariés d’appuyer sur un bouton lors des changements d’utilisation du véhicule.
Renault Talisman – Évaluation des différents coûts d’AEN | ||||
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Durée | km/an | AEN en achat à 9 % | AEN en coûts mensuels au réel à 30 % | AEN en coûts mensuels au forfait à 30 % |
12 mois | 20 000 | 202,00 € | 253,00 € | 259,00 € |
12 mois | 50 000 | 202,00 € | 271,00 € | 286,00 € |
24 mois | 10 000 | 202,00 € | 138,00 € | 142,00 € |
24 mois | 20 000 | 202,00 € | 143,00 € | 149,00 € |
24 mois | 50 000 | 202,00 € | 192,00 € | 207,00 € |
36 mois | 10 000 | 202,00 € | 107,00 € | 111,00 € |
36 mois | 20 000 | 202,00 € | 125,00 € | 131,00 € |
36 mois | 50 000 | 202,00 € | 176,00 € | 191,00 € |
Source : Fatec. Les coûts au réel sont évalués sur la base d’un entretien pris en charge par Fatec. |
Et maintenant, au tour des AND
Et si ce poste de l’AEN peut s’optimiser, il existe aussi des pistes d’économies potentielles sur un autre segment de la fiscalité souvent un peu oublié des gestionnaires de flotte : l’amortissement non déductible (AND). Un coût fiscal important et peu visible mais qui représente une part importante du prix du véhicule au-delà du plafond défini par la loi en vigueur (voir le tableau ci-dessous).
Barème du plafond de déductibilité des amortissements | |
---|---|
Taux d’émissions de CO2 (en g/km) | Plafond (en euros) |
Jusqu’à 19 | 30 000 |
De 20 à 59 | 20 300 |
De 60 à 154 | 18 300 |
À partir de 155* | 9 900 |
Ces montants s’appliquent aux véhicules de tourisme au sens de l’article 1010, acquis ou loués entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017. * 155 g pour les véhicules acquis ou loués entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017 ; 150 g entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018 ; 140 g entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 ; 135 g entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020 ; 130 g à compter du 1er janvier 2021. |
L’optimisation de cet AND peut prendre différentes formes. Celle du choix de motorisations moins polluantes bien sûr. Pour rappel, le montant de la somme déductible sur cinq ans pour l’entreprise est plafonné à 9 900 euros pour les voitures aux émissions égales ou supérieures à 155 g de CO2 en 2017, un seuil qui descendra par étapes à 130 g en 2021. Ce seuil est plafonné à 30 000 euros pour les véhicules électriques et ceux susceptibles d’émettre moins de 20 g de CO2 jusqu’en 2021. Compte tenu de ces contraintes fiscales, le choix de véhicules sur le marché des VO peut contribuer à optimiser les plafonds imposés par le législateur.
« Plutôt que d’acheter des véhicules neufs remisés, un de nos clients opte pour des modèles qui ont 18 ou 24 mois, avec des décotes de l’ordre de 40 % par rapport au prix du neuf. Du coup, le montant des AND est quasiment nul et l’AEN fortement réduit », relate Théophane Courau. Avec cette précision : « Un tel modèle d’acquisition est possible pour des voitures destinées à des conducteurs qui ne roulent pas énormément et sont prêts à garder les véhicules au-delà de 40 mois. » Sans compter que la car policy peut y perdre en attractivité.
Avec de telles stratégies, les responsables de parc n’appréhendent plus les règles de fiscalité comme des sources de dépenses mais bien comme un levier d’allégement. Une autre mesure va pouvoir s’utiliser dans ce sens : celle de l’alignement graduel des fiscalités du diesel et de l’essence (voir le tableau ci-dessous). Pour rappel, les taux de TVA récupérable sur les dépenses de diesel et d’essence vont s’aligner progressivement entre les deux carburants pour être équivalents en 2021, à 80 %. Un alignement qui va amener à reconsidérer les TCO de ces motorisations, et va bouleverser les arbitrages en matière de car policy.
Barème de déductibilité de la TVA pour l’essence | |
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Date d’entrée en vigueur | Pourcentage de TVA déductible |
1er janvier 2017 | 10 % |
1er janvier 2018 | 20 % |
1er janvier 2019 | 40 % |
1er janvier 2020 | 60 % |
1er janvier 2021 | 80 % |
La question de la TVA
« Aujourd’hui, un modèle offre une valeur de revente de 10 % supplémentaires en diesel plutôt qu’en essence. Cela le rend donc plus intéressant financièrement en diesel, bien que son coût d’achat soit supérieur de l’ordre de 2 000 euros », rappelle Robert Maubé. Mais déjà, les arbitrages qui poussent les entreprises à s’orienter prioritairement vers le diesel sont remis en cause : « Cette année, celles-ci peuvent récupérer une première tranche de 10 % de la TVA sur l’essence », reprend le consultant.
Aussi, des flottes ont débuté leur réflexion sur les changements de leur car policy. Chez Assystem, avec 1 450 véhicules en parc, la réflexion est bien engagée. « Nous sommes plutôt proactifs sur cette partie », indique Jean Ménétrier, directeur des achats et immobilier de ce spécialiste du conseil en ingénierie et en innovation.
« Sur certains modèles, nous sommes déjà passés à l’essence dans la car policy. Le juge de paix reste toutefois la partie économique et la récupération de seulement 10 % de la TVA pour 2017 demeure un frein. Dès la troisième ou quatrième année de rééquilibrage, nous migrerons sans doute les véhicules vers des motorisations essence », complète Jean Ménétrier (voir son témoignage).
Des flottes en essence
Pour Robert Maubé, des modifications de la car policy sont envisageables dès cette année, par exemple pour des flottes à usage urbain : « Il peut y avoir un intérêt à choisir dès maintenant l’essence sur le segment B (Clio, 208, C3) et SUV, ainsi que pour des modèles du segment C (308, Mégane, Golf), pour des véhicules parcourant moins de 15 000 km par an comme en milieu urbain à Paris et en petite couronne. »
Non seulement le prix d’achat en essence est moins élevé, mais ces véhicules supportent mieux les trajets urbains. « Dans ce cas de figure, si l’on considère un TCO purement théorique, un TCO essence est a priori encore moins avantageux qu’un TCO diesel. Mais en réalité, le coût d’entretien est plus élevé avec le diesel. Au final, le TCO essence peut donc se révéler plus intéressant dès 2017, malgré une déductibilité de la TVA encore limitée. Le gestionnaire de flotte doit donc ajuster le TCO selon son expérience, ajoute Robert Maubé.
Toujours sur ce secteur de Paris et en petite couronne, même à raison de 35 000 à 40 000 km par an, une flotte verrait un impact sur son TCO dès 2018 », estime ce consultant.
Chez Assystem, Jean Ménétrier préfère patienter un peu. Car ce qui déterminera le basculement vers une proportion de véhicules essence plus importante, ce seront les incitations venues des loueurs : « L’anticipation de la migration du diesel vers l’essence, ce sont les loueurs qui vont la mettre en œuvre : ils vont augmenter les prix des diesel et a contrario les loyers des essence vont diminuer. » Pour Jean Ménétrier, ce basculement sera l’occasion de tirer parti des grilles de fluidité de ses contrats de location : « Nos contrats sont flexibles, pour nous il n’y a pas de risque. En revanche, le loueur va nous faire payer une partie du risque », anticipe ce responsable.
En attendant la loi
Selon Robert Maubé, c’est à l’horizon 2019 que le rééquilibrage des TVA entre les deux carburants commencera à avoir des conséquences notables sur les choix de motorisations des flottes. Cette année-là, le pourcentage de TVA déductible sur l’essence s’élèvera à 40 %. « En plus de cette déductibilité progressive, on peut penser que le gouvernement va poursuivre la hausse des taxes sur le diesel et la baisse sur celles de l’essence, ce qui aura un impact sur le TCO, entre autres pour la partie relative aux coûts d’utilisation », prévoit le consultant.
De fait, la TICPE, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, tend aussi à s’unifier entre diesel et essence. Des éléments qui vont contribuer à aligner les prix de l’essence et du diesel dans cinq ans. « La tendance à la réduction de la fiscalité sur l’essence peut nous intéresser si l’État suit avec la TVS car des hybrides essence seraient plus adaptés à notre usage », pointe de son côté Régis Tersiquel, responsable administratif et RH chez Pygram, spécialiste de l’informatique à la tête d’une vingtaine de véhicules (voir son témoignage).
L’éternelle question des VR
Pour l’instant, ce responsable reste sur le diesel « pour des questions de coût » : « Je ne pense pas qu’il y aura une perte des valeurs résiduelles sur les diesel, argumente Régis Tersiquel. Il faudra d’abord changer les mentalités : ce qui est vrai à Paris ne l’est pas en province où les collaborateurs roulent plus et ne sont pas soumis à une forte pollution. Selon moi, le diesel va donc rester encore un temps. La déperdition se fera surtout ressentir sur les vieux diesel, à cause de Crit’Air notamment, mais pas tout de suite sur les modèles plus récents, qui sont ceux dont nous disposons en LLD. »
Car si la fiscalité est importante dans le TCO, elle n’est pas la seule variable à prendre en compte. Et dans le cadre de certains usages, les motorisations diesel peuvent continuer de tirer leur épingle du jeu… jusqu’à preuve du contraire.
Dossier - Fiscalité : un TCO à optimiser et anticiper
- Fiscalité : un TCO à optimiser et anticiper
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