
Si l’information est bien le nerf de la guerre, en 2009, l’État manquait cruellement de données pour mener la bataille de l’optimisation de sa flotte. « Le ministère des finances de l’époque s’était trompé de 10 000 véhicules », se souvient Jean-Pierre Sivignon, responsable de la mission interministérielle en charge du pilotage de la flotte de l’État.
Depuis, la situation a radicalement évolué. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et après le passage de deux circulaires (2010 et 2012), la flotte a été réduite de 18 000 unités à un peu plus de 60 000 véhicules ; le budget annuel pour la maintenance...
Si l’information est bien le nerf de la guerre, en 2009, l’État manquait cruellement de données pour mener la bataille de l’optimisation de sa flotte. « Le ministère des finances de l’époque s’était trompé de 10 000 véhicules », se souvient Jean-Pierre Sivignon, responsable de la mission interministérielle en charge du pilotage de la flotte de l’État.
Depuis, la situation a radicalement évolué. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et après le passage de deux circulaires (2010 et 2012), la flotte a été réduite de 18 000 unités à un peu plus de 60 000 véhicules ; le budget annuel pour la maintenance est passé de 52 à 28 millions d’euros, soit une économie de 46 %. Le budget global a reculé pour sa part de 700 à 580 millions d’euros entre 2010 et 2014. La troisième circulaire en préparation fixe un nouvel objectif d’économies de 120 à 150 millions d’euros d’ici à 2017.
Dix thèmes et 35 actions ont été identifiés pour atteindre ces chiffres. Dorénavant, tous les véhicules dont le kilométrage annuel ne dépasse pas les 20 000 km devront rouler à l’essence ou avec des moteurs hybrides ou électriques. Un objectif d’autant plus important qu’en juillet 2012, la mission interministérielle en charge du pilotage de la flotte de l’État et de ses opérateurs s’est vu confier un autre chantier : avec le plan de soutien à la filière automobile, il a fallu réserver le quart des achats à des modèles électriques ou hybrides. Une exigence qui concerne l’administration centrale comme les directions générales et les opérateurs placés sous la tutelle du ministère. En 2013, l’État devait ainsi commander 700 modèles verts. Les chiffres ont été dépassés avec 700 hybrides et 500 électriques qui ont rejoint la flotte.
Un objectif : réduire les coûts liés à l’automobile
Autre piste suivie pour baisser les coûts : alors que l’État est son propre assureur, une réflexion va être menée sur l’opportunité d’externaliser la couverture d’une partie des risques. « En l’absence de statistiques précises sur la sinistralité de la flotte, les courtiers ont des difficultés à évaluer notre risque », constate Jean-Pierre Sivignon.
Autre chantier, sur certains segments de véhicules, l’État pourrait choisir un financement en location longue durée. La revente des véhicules fera aussi l’objet d’une remise à plat pour valoriser le stock de véhicules d’occasion. L’auto-partage constitue un autre levier d’économie. « Pour mutualiser les moyens, l’État devra définir avec précision la place des véhicules dans sa mission de service public au moment où le besoin d’économies est prégnant », reprend Jean-Pierre Sivignon.
Enfin, un outil informatique permettra de centraliser les informations et de piloter la flotte en se concentrant sur le TCO et le métier de gestionnaire de flotte sera sanctuarisé dans le répertoire des métiers. « Avec l’institutionnalisation de la fonction, l’action devient pérenne et ce, même si la volonté politique fléchit », conclut Jean-Pierre Sivignon.
Parmi les ministères et les préfectures engagés dans cette bataille de l’optimisation, certains passent pour les meilleurs élèves de la classe. C’est le cas notamment des ministères sociaux (santé, sports et travail). « En 2010, un plan triennal a été élaboré pour ne renouveler qu’un véhicule sur deux », explique Xavier Regord, chef du bureau des équipements et chef de projet ministériel pour la rationalisation de la gestion du parc automobile.
Cette action s’est accompagnée de l’abandon des véhicules les plus anciens dont les frais d’entretien alourdissaient les budgets. Résultat : entre 2010 et 2013, les volumes du parc des services centraux ont diminué d’un quart. Pour l’ensemble de l’administration centrale, des services territoriaux et des opérateurs, ce retrait atteint 17 %. La totalité de la flotte est passée de 6 685 unités en 2010 à 5 552 en 2013.
Les ministères sociaux montrent l’exemple
Pour les ministères sociaux, cette stratégie a produit des effets immédiats. « Le rajeunissement de la flotte a conduit à éliminer les véhicules les plus coûteux, les plus polluants et à réduire les frais d’entretien », note Xavier Regord.
Autre effet positif, la baisse du nombre de véhicules a entraîné une optimisation de l’utilisation de chacun d’entre eux. La moyenne des kilomètres parcourus annuellement par chaque unité est passée progressivement de 10 000 à 15 000 km. « Les dépenses de carburant ont aussi diminué de façon mécanique avec l’adoption de modèles plus récents et donc plus sobres », ajoute Xavier Regord.
Désormais, les ministères sociaux achètent leurs véhicules auprès de l’Ugap. Grâce aux négociations menées avec les constructeurs, les prix ont reculé de 5 à 10 % selon les modèles. À travers l’externalisation de l’entretien auprès de l’Ugap et d’ALD Automotive, ce poste de dépenses a chuté de 24 %.
Et du côté des véhicules verts, « les ministères sociaux ont été très exemplaires en 2013 », se félicite Xavier Regord. Dans les faits, l’an dernier, 59 % des achats des services santé et sports et 56 % de ceux du travail ont été réservés à des véhicules propres. Sur 316 acquisitions en 2013, 125 étaient des modèles hybrides, 13, électriques et 178, thermiques.
Le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt fait aussi figure de bon élève. En 2010, la flotte du ministère, de l’administration centrale et des directions régionales de l’agriculture se composait de 668 véhicules (634 VP, 33 VUL et 1 poids lourd). Au 31 mars 2014, le périmètre a baissé pour atteindre 561 unités (529 VP, 31 VUL et 1 deux-roues).
Particularité notable, le ministère ne possède pas de véhicules de fonction. Seules certaines activités bénéficient de l’attribution d’un véhicule de service pour réaliser les trajets du domicile au travail avec une interdiction d’utilisation pour des besoins personnels. L’ensemble de la flotte comprend des véhicules de service mutualisés au sein de pools dans les services.
Une flotte raisonnée pour l’agriculture
À la suite de la circulaire du premier ministre publiée en 2010, le ministère a déployé des actions pour répondre au mieux aux exigences demandées. Deux notes de service ont été publiées. La première précisait les objectifs de réduction de la flotte, soit 77 véhicules à supprimer entre 2010 et 2013. Parallèlement, elle fixait précisément les objectifs d’évolution du parc à travers l’externalisation de l’entretien et précisait les taux maximaux de CO2.
La seconde note s’est attachée à définir les modes d’utilisation. Certaines catégories d’agents ont reçu des autorisations pour employer les véhicules ponctuellement ou régulièrement.
Enfin, du côté des véhicules propres, « les résultats obtenus sont très favorables, pointe Dominique Mathon, chef du bureau des moyens logistiques. En 2013, la part des véhicules électriques et hybrides dans les achats du ministère a largement dépassé les 25 % fixés par la circulaire. »
Préfecture de l’Aquitaine : 1,6 million d’euros de gains
Dans cette démarche d’optimisation, les services déconcentrés, présents sur l’ensemble du territoire, ne sont pas en reste. Dès la réception des instructions du secrétariat général du gouvernement en juin 2011, le préfet de la région Aquitaine a ainsi engagé une vaste opération d’optimisation. Le parc des directions départementales interministérielles est passé de 616 véhicules en 2010 à 486 à fin décembre 2013. En trois ans, pas moins de 135 véhicules ont été réformés, soit 22 % de l’ensemble des volumes de départ.
« À travers cette action, plus de 1,6 million d’euros ont été économisés, calcule Josiane Cazenave-Lacrouts de la mission régionale des achats. À ce bénéfice s’ajoutent les gains réalisés grâce à l’externalisation de l’entretien, soit 153 900 euros chaque année. »
En 2014, la préfecture de la région Aquitaine poursuit ses actions. Sur les douze mois, la mission régionale des achats s’est fixé un nouvel objectif de baisse de 20 véhicules, soit 5 %. Les économies budgétaires se doublent d’une amélioration de la qualité des véhicules et d’une diminution de leur empreinte environnementale. Fin 2013, 47 % des véhicules étaient âgés de moins de trois ans. Le taux moyen de CO2 de la flotte est passé de 122,39 g en 2010 à 115 g en 2013, alors que la circulaire du premier ministre du 1er juillet 2010 fixait un objectif de 120 g. Enfin, le coût moyen d’entretien a diminué de 80 euros par an, soit un recul de 20 %.
Autre action couronnée de succès, plus de la moitié des achats réalisés en 2013 ont été réservé aux véhicules hybrides et électriques, soit bien au-delà des 25 % préconisés par la circulaire issue du plan de soutien à la filière automobile.
« Pour obtenir ces résultats, un travail important de renouvellement de la flotte a été menée en 2012 et 2013, relate Josiane Cazenave-Lacrouts. Cet investissement s’est accompagné d’une réflexion sur l’optimisation menée en concertation par la mission régionale des achats et les directions départementales interministérielles.»
Des véhicules d’occasion revalorisés
Résultat de cette stratégie, de nouvelles pratiques ont été préconisées auprès des gestionnaires : permuter les véhicules entre les sites d’un même service pour harmoniser l’utilisation ; limiter les acquisitions en transférant une partie des véhicules destinés à la vente à d’autres directions départementales dont le taux de renouvellement est important ; mettre en vente les véhicules avant l’âge de 9 ans afin d’obtenir un prix de vente supérieur au forfait de 90 euros lié à la destruction ; choisir des équipements valorisés sur le marché de l’occasion ; veiller au bon entretien du véhicule pour obtenir de meilleur prix ; procéder à la vente avant la date anniversaire de la mise en circulation et, de préférence, à l’âge le plus favorable pour éviter une dépréciation trop forte, soit aux alentours de six ans.
« L’ensemble de ces préconisations devrait amener des prix de revente plus élevés avec une enveloppe suffisante pour couvrir le renouvellement annuel du quart de la flotte », estime Josiane Cazenave-Lacrouts.
La préfecture de la région Aquitaine cherche également à adapter le périmètre de son parc au plus près des besoins de ses services. Pour atteindre cet objectif, une méthode a été définie et prend en compte les effectifs de chaque service.
Chaque responsable de flotte dispose de cet outil pour l’aider à prendre les décisions les plus pertinentes. Parallèlement, la préfecture expérimente l’efficacité d’un parc mutualisé entre plusieurs services d’un chef-lieu de département. Objectif : répondre à l’évolution des utilisations au cours de l’année, élargir l’offre de véhicules et partager les coûts d’investissement lors des renouvellements.
Faire appel à tous les modes de transport
Enfin, la préfecture étudie l’opportunité de recourir à Blue Club, le service d’auto-partage de véhicules électriques établi par la communauté urbaine de Bordeaux, en complément des modes de transport existants (bus, tramway) et de la flotte de l’État. « Outre l’optimisation des coûts de déplacement, explique Josiane Cazenave-Lacrouts, la préfecture veut s’inscrire dans la politique gouvernementale qui vise à favoriser la transition
énergétique. »
L’axiome se vérifie encore une fois : une flotte plus économique se révèle aussi une flotte plus respectueuse de l’environnement.
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