
Pour les gestionnaires de parc, une certitude s’impose : une car policy, aussi élaborée soit-elle, ne suffit pas à optimiser le TCO d’une flotte. Un constat décourageant ? Loin de là, mais cela signifie notamment que la négociation a atteint ses limites en amont et qu’il faut aller chercher les gains en aval.
« Nous sommes arrivés au bout du modèle », résume ainsi Olivier Romeu, responsable des achats du groupe Société Générale. La flotte du groupe bancaire est utilisée par les salariés des agences françaises de la Société Générale et du Crédit du Nord. Elle se compose de 3 500 véhicules, à 80 % de voitures de segment B, Clio et 208,...
Pour les gestionnaires de parc, une certitude s’impose : une car policy, aussi élaborée soit-elle, ne suffit pas à optimiser le TCO d’une flotte. Un constat décourageant ? Loin de là, mais cela signifie notamment que la négociation a atteint ses limites en amont et qu’il faut aller chercher les gains en aval.
« Nous sommes arrivés au bout du modèle », résume ainsi Olivier Romeu, responsable des achats du groupe Société Générale. La flotte du groupe bancaire est utilisée par les salariés des agences françaises de la Société Générale et du Crédit du Nord. Elle se compose de 3 500 véhicules, à 80 % de voitures de segment B, Clio et 208, conduites par les conseillers clientèle ; les 20 % restants regroupent des voitures du segment C pour les directeurs et responsables d’agence.
Un marché de l’automobile à son point bas
Pour Olivier Romeu, impossible donc d’affiner encore les choix de la car policy pour des véhicules plus économiques. Les dispositifs en place sont plus qu’éprouvés : sélection des modèles, massification des commandes et enchères électroniques offrent sur le papier la garantie d’un TCO très largement optimisé.
« Nous sélectionnons les modèles les moins chers, les moins polluants, les moins consommateurs en carburant et les moins coûteux en maintenance, détaille le responsable. En 2013, à la suite d’appel d’offres électronique, le gagnant a remporté le marché avec 50 centimes d’avance sur le deuxième en loyer mensuel ! », relate le responsable de la Société Générale.
Pour des entreprises aux achats très structurés, les gains à attendre proviendront essentiellement d’un effet d’aubaine dû aux conditions du marché. « Aujourd’hui, les niveaux de prix des véhicules sont au plus bas car l’offre reste largement supérieure à la demande. Par ailleurs, les taux financiers demeurent aussi très faibles, ce qui entraîne des loyers peu élevés si l’on prend soin de choisir des modèles avec de bonnes valeurs résiduelles », confirme Robert Maubé, directeur consultant du cabinet RRMC, spécialiste de la gestion des flottes et consultant pour Flottes Automobiles.
Reste un constat unanime : pour optimiser encore le coût d’un parc automobile, les gains sont désormais à chercher du côté de l’usage des véhicules. « Ce n’est pas tellement sur les loyers ou le prix que l’on peut dégager des économies, reprend Robert Maubé. Là où l’on peut en faire, c’est avant tout sur les frais liés au comportement du conducteur. »
Certains postes d’économies potentielles sont déjà bien connus des responsables de parc, à l’image des frais de restitution pour les flottes en location. Mais « bien connus » ne signifie pas nécessairement « maîtrisés ». De fait, les frais de restitution demeurent presque impossibles à évaluer en amont, lors de la définition de la car policy, et d’autant plus difficiles à maîtriser par la suite.
« Le manque d’attention entraîne une dégradation qui amène des coûts de restitution parfois très élevés en fin de contrat. En moyenne, nous avons des frais de remise en état des véhicules de 400 euros, l’équivalent de presque deux mois de loyer, soit une sur-dépense importante. Ces frais représentent 500 000 euros sur une année et vont de 0 à 3 600 euros selon les conducteurs », détaille Olivier Romeu pour la Société Générale.
La piste méconnue des frais de restitution
Les solutions : définir une procédure stricte de restitution et, plus difficile, responsabiliser les conducteurs pour tout ce qui concerne l’entretien des véhicules et la sinistralité. Avec une difficulté : il faut identifier les personnes « à risques » afin d’entamer un travail de sensibilisation. Et il faut prendre en compte les choix de management de l’entreprise, notamment la politique de ressources humaines et les outils disponibles.
Selon les entreprises, les dispositifs vont d’une communication générale à l’intention des salariés sur la nécessité de l’entretien de leurs véhicules, jusqu’au suivi individualisé des comportements routiers, nettement plus contraignants. « Nous avons récemment démarré une communication sur l’impact financier d’un mauvais entretien du véhicule pendant le contrat », illustre Olivier Romeu pour la Société Générale.
Sensibiliser le conducteur pour baisser les coûts
Dans une entreprise comme Pernod, la démarche se veut beaucoup plus personnalisée et s’adapte aux dérives constatées pour chacun des conducteurs. Pour le fabricant d’alcools, qui compte dans sa flotte 350 véhicules dont une grande majorité de VP, la sensibilisation à l’entretien de la voiture passe par une mobilisation des échelons hiérarchiques au-dessus du conducteur : « Deux fois par an, nous faisons systématiquement un tour de véhicule pour en vérifier l’état avec le n + 1 du collaborateur : propreté intérieure et extérieure, entretien, validité des papiers (assurance et permis de conduire), remontée du kilométrage », décrit Luce Gellibert, responsable de la flotte de Pernod.
« Je reçois une fiche de contrôle et je réagis en fonction de ce qui a été marqué. Cela contribue à diminuer les frais de restitution et d’entretien », complète Luce Gellibert. Et la responsable veille à ce que les anomalies soient rapidement corrigées. Elle relance les conducteurs si ces derniers n’ont pas effectué dans les temps les réparations de dégradations comme les éclats sur les pare-brise, ou s’ils n’ont pas fait réaliser les entretiens prévus.
Pernod et JCDecaux suivent de très près les véhicules
Ce suivi se double d’un contrôle du comportement routier et des éventuelles dérives des conducteurs, avec une information de leur hiérarchie. « Tous les trimestres, nous envoyons aux directeurs régionaux les nombres de sinistres, d’amendes et de kilomètres parcourus par collaborateur. En un clic sur son ordinateur, chaque directeur régional visualise une photographie de son parc ou de la consommation du carburant ; il peut aussi vérifier si les véhicules sont plus ou moins proches des données constructeurs », explique Luce Gellibert.
Autre entreprise, autres modalités chez JCDecaux. La flotte du spécialiste du mobilier urbain se compose de 2 000 modèles, avec en LLD pour l’essentiel 600 véhicules de fonction et de service et 1 250 utilitaires, et en propriété 150 poids lourds et remorques. Responsable de la logistique de la société, Jean-Claude Joyeux suit de très près la sinistralité et l’entretien : « Nous bénéficions d’un suivi précis des dépenses d’entretien puisque tous les devis de réparation supérieurs à 1 000 euros sont systématiquement validés par mes soins en central », expose le responsable.
Au-delà des frais de la partie liée à l’entretien et à la sinistralité, d’autres postes de dépenses très dépendants du comportement du conducteur sont aussi à surveiller pour éviter les surcoûts. C’est bien sûr le cas du carburant. Pour limiter les surconsommations, les dispositifs à mettre en œuvre sont connus. Outre la mobilisation de la hiérarchie directe pour signaler au conducteur ses éventuels écarts comme chez Pernod, les entreprises déploient des formations, aussi bien d’éco-conduite que de prévention routière.
Une cible de choix : le carburant
Illustration au sein de la Société Générale : « Nous avons débuté plusieurs expériences de formation à l’éco-conduite dans différentes directions régionales. Nous réfléchissons maintenant au suivi des collaborateurs formés et à la mesure des résultats de ces formations. La tendance est prometteuse, nous observons une diminution de la consommation chez ces collaborateurs« , relate Olivier Romeu.
Fonctionnement identique chez JC-Decaux qui donne une évaluation précise de ses gains : « En 2004, nous avions établi un plan d’éco-conduite visant à réduire l’accidentologie et la consommation de carburant. Ce plan a été réactivé en 2013 avec comme résultat un recul de la sinistralité de 50 % et une économie de carburant de 10 % », rappelle Jean-Claude Joyeux.
Au-delà du levier comportemental, efficace s’il est actionné dans la durée, la baisse de la consommation passe aussi par une remise à plat complète de cette dépense. « Le budget carburant constitue un poste important, qui pèse environ 25 % du budget global du parc », indique Frédéric Faure, responsable de la flotte de Frans Bonhomme. Ce distributeur français de canalisations et de raccords plastiques a recours un parc de 1 500 véhicules dont 600 modèles de tourisme financés en LLD.
Repenser l’utilisation de la carte carburant
Frans Bonhomme table sur la mise en place à venir d’outils de gestion pour optimiser le suivi du parc et détecter également les anomalies dans l’emploi des cartes carburant. Dans cet esprit, « nous limitons déjà les risques de dépenses excessives en bloquant les cartes durant les week-ends et les jours fériés », poursuit Frédéric Faure.
Les entreprises peuvent aussi choisir de sortir le carburant de leur contrat de location afin d’obtenir auprès d’un prestataire extérieur des conditions plus avantageuses, notamment grâce à un éventail plus large de choix d’enseignes où les conducteurs peuvent s’approvisionner. Avec cependant à la clé des coûts de gestion…
D’autres pistes sont aussi possibles du côté des cartes carburant. Ainsi, plutôt qu’une carte Total avec un prix fixe sur toute la France, la Société Générale réfléchit avec le pétrolier à proposer à ses conducteurs une carte restrictive au réseau « low cost » de Total pour certains conducteurs. « Aujourd’hui, nous nous situons dans une offre traditionnelle Total, avec une remise moyenne nationale. Avec ce partenaire, nous étudions un paramétrage des cartes sur mesure par collaborateur selon son rayon d’action et la zone géographique où il évolue », détaille Olivier Romeu.
Revoir les contrats de location, mettre en concurrence les prestataires sur leurs spécialités : pour tirer les coûts vers le bas, ces démarches deviennent aussi plus fréquentes pour des postes comme les pneumatiques. Dans ce cadre, l’émergence de prestataires avec de nouveaux outils, comme les plates-formes internet de gestion de pneus, pousse les gestionnaires à repenser leur fonctionnement.
S’attaquer aux pneus pour dégonfler les coûts
Orangina-Schweppes a par exemple fait appel à l’offre Master Parc d’Euromaster. « Nos véhicules en LLD sont désormais commandés sans pneus. Auparavant, le nombre des pneus compris dans le contrat de location était calculé en fonction du nombre de kilomètres. Mais j’ai remarqué que beaucoup de collaborateurs ne consommaient pas les pneus auxquels ils avaient droit. Euromaster récupère dorénavant quatre pneus par contrat, il gère aussi les pneus supplémentaires et les pneus hiver », explique Jean-Pierre Tran, responsable de la flotte du spécialistes des boissons.
« Ce contrat débouche pour nous sur des remises supplémentaires grâce aux volumes et nous avons pu négocier une remise de fin d’année », ajoute Jean-Pierre Tran, à la tête d’une flotte de 500 véhicules dont 400 VP en LLD et 100 utilitaires en location courte et moyenne durée. Jean-Pierre Tran ne connaît pas le gain réalisé par le biais de cette opération, ce type de calcul dans l’entreprise étant plutôt réalisé par le service des achats, mais il tient pourtant une certitude : « Au pire des cas, nous sommes équilibrés, au meilleur des cas, cela nous fait gagner de l’argent. »
Plus inattendu, un autre levier d’action sur le TCO reste souvent méconnu avec l’optimisation de la fiscalité. « La fiscalité favorable nous a orientés vers les hybrides », confirme Jean-Pierre Tran qui a référencé le 3008 hybride de Peugeot dès 2012 pour la flotte d’Orangina-Schweppes. En mettant en avant une réflexion à iso-coûts : « L’objectif n’était pas de diminuer les coûts pour ce type de véhicule qui reste orienté haut de gamme et réservé à une certaine catégorie hiérarchique de collaborateurs. Le but était surtout de proposer à coût identique un véhicule plus écologique, bien équipé avec GPS, Bluetooth, vision tête haute, etc. »
Aussi intéressante soit cette solution de l’hybride, Jean-Pierre Tran n’envisage pas sa généralisation : « Nos vendeurs de terrain sont de gros rouleurs qui parcourent en moyenne 5 000 km par mois. Afin que les hybrides soient attractifs pour eux, il faudrait que les constructeurs en proposent plus dans toutes les gammes. » Et notamment en hybridant de petits modèles. « Il existe des solutions en essence mais elles ne correspondent pas à notre politique fiscale », conclut le responsable.
Pour sa part, Robert Maubé suggère de pousser encore plus loin le travail sur la fiscalité. « Les entreprises qui calculent convenablement le TCO oublient la plupart du temps d’inclure la fiscalité indirecte dans les choix de car policy. Sur des véhicules de fonction, le poids des avantages en nature (AEN) et des amortissements non déductibles (AND) peut pourtant faire varier le TCO de 10 à 25 %« , fait remarquer le consultant.
Repenser avantages en nature et amortissements
Pour mémoire et pour un VP, n’est pas déductible l’amortissement du véhicule pour la fraction du prix d’acquisition qui excède 18 300 euros si le véhicule émet moins de 200 g de CO2. Ce plafond est abaissé à 9 900 euros pour les véhicules qui émettent plus de 200 g et qui ont été mis en circulation à compter du 2 juin 2004. Si la barre des 200 g est difficile à franchir, celle des 18 300 euros est à surveiller plus attentivement. Autre point souligné par Robert Maubé : « Deux véhicules, l’un avec un coût de 40 000 euros et une valeur résiduelle de 20 000 euros, et l’autre à 30 000 euros pour une valeur résiduelle de 10 000 euros, pourront avoir un loyer égal… mais une fiscalité bien différente. En effet, les AND sont assis sur la valeur d’achat. Et c’est aussi souvent vrai pour les AEN ! Le véhicule le plus cher générera donc plus de fiscalité », démontre le spécialiste.
Sur ce sujet de la fiscalité, les prestataires vont dans la même direction en promouvant leurs outils. James Newton, Senior Business Development de Masternaut, valorise ainsi la télématique embarquée et notamment l’apport d’une meilleure exploitation des relevés de données : « Pour les flottes de fonction, les entreprises constatent souvent sur ces relevés que la part du kilométrage réalisé à titre privé tourne autour de 15 %, contre les 30 % habituellement forfaitisés pour les AEN. En s’appuyant sur des chiffres précis, les entreprises déclarent en mode réel à l’Urssaf les kilométrages privés et professionnels. »
Selon James Newton, le salarié y gagne avec des AEN moindres mais aussi un impact positif sur ses impôts. « Et certaines entreprises peuvent arriver à des économies de 50 à 60 euros par mois et par véhicule rien que sur les charges sociales des AEN », complète le représentant de Masternaut.
Location longue durée : 36, 48 ou 60 mois ?
Une autre variable va obliger à considérer avec une attention croissante le poids de la fiscalité : l’allongement éventuel des contrats de location. Au sortir d’une période de difficulté économique au cours de laquelle les prolongements se sont multipliés, des loueurs proposent de fait de renouveler les contrats sur des durées plus longues que les trois ans classiques.
« Les taux d’intérêt sont assez bas, la négociation avec les constructeurs est plutôt favorisée, justifie Grégory Libre, directeur marketing et commercial d’Arval France. Les conditions d’achat et de financement sont donc exceptionnelles, autant les sécuriser avec des contrats sur une longue période ». Et Grégory Libre s’appuie sur des chiffres : « Pour une berline française classique de 95 ch, à 105 g de CO2, avec un contrat de 36 mois et 75 000 km, passer à 48 mois et 100 000 km dégage environ 1 700 euros d’économies. À 60 mois et 125 000 km, le gain s’élève à 3 370 euros. »
Des gains sur la fiscalité à peser au cas par cas
Pour étayer son raisonnement, Grégory Libre énumère les éléments suivants : « Quand une entreprise renouvelle son véhicule tous les quatre ou cinq ans, elle ne paie les cartes grises et les frais de remise en état que tous les cinq ans. Le raisonnement est semblable pour les charges administratives liées à la restitution et à la mise à la route. L’entreprise économise aussi du temps alloué, donc une partie du TCO de la flotte. »
Autre gain, cette fois du côté de la fiscalité : « Il n’y a qu’un bonus ou un malus en début de contrat. Avec un contrat de location sur quatre ou cinq ans, on est certain de toucher le bonus existant aujourd’hui et qui n’existera pas forcément pour le prochain véhicule, note Grégory Libre. Et en choisissant le bon véhicule dès le départ, on peut sécuriser l’impact de la fiscalité entre la quatrième et la cinquième année. Le surcoût lié à la maintenance et à l’entretien est faible, compte tenu des avancées technologiques, et intégré dans nos calculs d’impact sur le TCO. » À condition, permettons-nous d’ajouter, de toucher le bonus en se situant sous les 91 g de CO2, que ce bonus vaille le coup et que la TVS ne change pas entre temps…
Reste aussi à convaincre les conducteurs. « Les prolongations ont du sens pour eux aussi, répond Grégory Libre. On peut bénéficier d’une partie de l’économie réalisée sur le contrat en donnant accès à des véhicules mieux équipés. Cela aide à repousser les résistances éventuelles des collaborateurs. »
Car si l’équation de l’optimisation du TCO n’est pas nouvelle, l’une de ses variables impose de rester attentif aux attentes des acteurs impliqués dans l’utilisation des véhicules : conducteurs et responsables des ressources humaines. Une écoute qui peut se révéler productive : chez Pernod par exemple, gestion de flotte et gestion du personnel ne s’opposent pas, bien au contraire : « La société ne souhaite pas externaliser la gestion de la flotte et des conducteurs parce qu’elle considère celle-ci comme une partie de la gestion du personnel, constate Luce Gellibert : connaître les conducteurs, impliquer leur hiérarchie dans la prévention, c’est important pour l’émulation. » Une conclusion à méditer.
Les pistes à suivre pour optimiser son TCO flotte
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