
« Il n’y a pas une flotte dans le secteur public mais plusieurs, avec des enjeux et des besoins différents, entre l’État et ses ministères, les établissements publics, les collectivités territoriales, le secteur de la santé et de l’économie solidaire, et le logement social », rappelle Stéphane Spitz, directeur général adjoint de Public LLD, filiale d’Arval destinée aux acteurs publics et à l’économie sociale et solidaire.
Mais malgré cette diversité, l’objectif de baisse des coûts reste partagé par toutes les entités publiques. Du côté de l’État et des établissements publics (hors véhicules de police, gendarmerie et défense), le parc a ainsi...
« Il n’y a pas une flotte dans le secteur public mais plusieurs, avec des enjeux et des besoins différents, entre l’État et ses ministères, les établissements publics, les collectivités territoriales, le secteur de la santé et de l’économie solidaire, et le logement social », rappelle Stéphane Spitz, directeur général adjoint de Public LLD, filiale d’Arval destinée aux acteurs publics et à l’économie sociale et solidaire.
Mais malgré cette diversité, l’objectif de baisse des coûts reste partagé par toutes les entités publiques. Du côté de l’État et des établissements publics (hors véhicules de police, gendarmerie et défense), le parc a ainsi été rationalisé à partir de 2011, passant de 80 000 à 65 000 unités – avec d’importantes économies à la clé. Parmi les actions menées : la suppression des modèles de plus de sept ans, les plus polluants, et le seul remplacement d’un véhicule supprimé sur deux. Dans ce contexte, la question du financement se veut primordiale. Pour les flottes de l’État et des établissements publics, la circulaire du 20 avril 2017 relative à la gestion du parc « proscrit » le recours à la LLD sauf pour les véhicules hybrides et électriques.
L’achat en tout et pour tout
Certains ont donc dû changer leur fusil d’épaule, à l’image du ministère de la Défense qui a racheté 14 000 véhicules sur les 14 500 en LOA auprès du loueur GE Fleet Services depuis 2006. « Ce contrat avait pour but de recenser exactement le nombre de véhicules dont disposait le ministère, de définir un format de parc et de diminuer les coûts », rappelle Christophe Chamoux, gestionnaire du parc de l’administration centrale parisienne du ministère.
En revanche, des structures comme les collectivités territoriales ou les acteurs de la santé ou du logement social ne sont pas astreintes à cette règle de l’acquisition. Et parmi les établissements publics, quelques-uns dérogent, surtout quand les véhicules concernent de gros rouleurs. « Je ne vois pas d’intérêt à acheter. Ensuite, il faut revendre et cela ne fait pas partie de nos métiers. Cela serait un casse-tête, confirme Maryse Diot, déléguée aux services support salariés pour l’établissement public Grand Paris Aménagement. Nos 38 véhicules parcourent environ 15 000 km par an et sont en LLD sur trois ans. Cela permet de les renouveler souvent et nous n’avons plus de diesel. Nous avons même intégré cinq modèles hybrides et deux électriques » (voir son témoignage).
« Parmi les flottes qui font appel à nos services, 90 % fonctionnent en achat et 10 % en LLD au travers d’un contrat spécifique avec Public LLD », indique Florian Prévost, chef du département achat véhicules légers de l’Ugap. Cette centrale d’achat public possède une véritable force de frappe avec 20 000 véhicules commandés par an.
Alors, acquisition ou location ?
Mais globalement, tous véhicules publics confondus, « 50 % des nouvelles immatriculations se font en LLD contre 40 % avec le parc existant, estime Stéphane Spitz pour Public LLD. Quand un passage à la LLD est décidé, nous faisons une offre de rachat des véhicules en place qui sont alors reloués ou remplacés. Cela facilite la transition énergétique en accélérant et en finançant le renouvellement des véhicules les plus anciens devenus incompatibles avec les objectifs liés aux émissions ou avec les nouvelles formes de mobilité », argumente Stéphane Spitz.
Pour le conseil départemental de l’Essonne, l’acquisition reste un choix rentable selon Sandrine Lauraire : « Cette dépense entre dans les crédits d’investissement avec la récupération de la TVA à la clé, d’autant que les crédits de fonctionnement sont limités (financés en LLD, les véhicules seraient pris sur les crédits de fonctionnement et la TVA ne serait pas récupérable, NDLR) », explique cette chef du service de gestion des véhicules départementaux, à la tête de 580 véhicules dont 400 VP. Autre argument : « Nos véhicules sont très majoritairement en pool et certains ont des coups et des impacts, ce qui entraîne des frais importants de restitution. »
La question de l’âge des véhicules
Toujours selon les directives interministérielles, les véhicules de l’État ne doivent pas excéder sept ans d’âge ou 120 000 km au compteur. « Mais dans la réalité, c’est plus compliqué. Nous renouvelons à hauteur de 2 000 véhicules par an en moyenne sous réserve de crédits. En 2017, notre parc est donc âgé de dix ans pour les deux tiers », reconnaît Angélique Pluta, chef du bureau des véhicules de la gamme commerciale pour le ministère de la Défense.
Sans atteindre les dix ans, les véhicules du conseil départemental de l’Essonne affichent en moyenne six ans au compteur. À la mairie de Lyon, les VP sont renouvelés tous les sept ans et les VUL tous les neuf ans. Pour sa part, l’Eurométropole de Strasbourg pousse parfois ses véhicules jusqu’à quinze ans.
« Le dogme de l’acquisition pose le problème de l’obsolescence des parcs, souligne Stéphane Spitz pour Public LLD. En moyenne, les véhicules sont renouvelés entre la septième et la dixième année au mieux, alors que c’est plutôt entre cinq et six ans avec la location. C’est donc contradictoire avec les ambitions publiques de baisse des émissions car la technologie évolue très rapidement. »
Une maintenance à externaliser
Autre règle fixée pour la gestion des véhicules de l’État et des établissements publics : celle de l’externalisation de l’entretien et de la maintenance, en l’occurrence auprès d’ALD Automotive qui a bénéficié de trois contrats successifs. « Cette solution a démontré sa pertinence économique et opérationnelle », d’après la circulaire gouvernementale. Et cette règle de l’externalisation de la maintenance se veut stricte : « Le ministère concerné verra sa dotation globale de fonctionnement réduite de 10 000 euros par véhicule non intégré au dispositif de gestion mutualisée », précise le texte.
Les véhicules de la Défense fonctionnent donc en fleet management auprès d’ALD. En conséquence, les ateliers ont tous disparu et le ministère répare beaucoup moins. « Nous faisons moins de carrosserie par exemple, notamment parce que les véhicules nous appartiennent », constate Angélique Pluta. Cette décision a aussi entraîné la disparition des emplois de l’ensemble du personnel des ateliers. « Dans mon équipe, j’ai beaucoup d’anciens mécaniciens et peintres des ateliers. Nous les avons transformés en gestionnaires de flotte ou en experts auto. Ces personnels apportent une vraie valeur ajoutée. »
Mais cette règle de l’externalisation ne s’applique pas aux collectivités territoriales et certaines, comme les mairies de Lyon ou de Paris, ont conservé des garages en interne. « Il faut du temps pour passer à l’externalisation, d’autant que les garages en interne constituent un enjeu politique en termes de RH. Pourtant, les gains dus à l’externalisation représentent de 10 à 20 % des coûts d’exploitation », avance Guillaume Maureau, directeur général adjoint d’ALD. Ce loueur gère 74 000 véhicules pour le secteur public ; fin 2016, ce parc en fleet management comptait 69 700 véhicules.

Maintenance externalisée : pour et contre
Cette gestion externalisée éviterait aussi de laisser déraper l’âge des véhicules. « Avec ce suivi quotidien, nous notons le moment où l’entretien commence à coûter cher et où il devient nécessaire de changer, défend Guillaume Maureau. Par ailleurs, les véhicules sont de plus en plus sophistiqués, avec toujours plus d’électronique. Ce qui nécessite des investissements élevés en matériel.
La maintenance de véhicules électriques demande aussi des outils et des compétences spécifiques. » « Les tarifs de la main-d’œuvre et des pièces sont contractualisés en amont, reprend Guillaume Maureau. Des équipes techniques, qui se déplacent aussi sur le terrain pour inspecter les véhicules, valident le bien-fondé des opérations et vérifient les factures car nous engageons l’argent de l’État. Tout est refacturé à l’euro près. » Sans oublier un outil de reporting détaillé par centre de coûts et par véhicule pour tracer 100 % des opérations.
Mais tous les acteurs publics ne sont pas convaincus : le conseil départemental de l’Essonne recourt à des garages locaux après appel d’offres. « Le fleet management peut être intéressant pour des véhicules de fonction mais les nôtres sont en pool, ce qui nécessite des agents pour assurer les transitions et le suivi. En effet, les utilisateurs n’indiquent que très rarement quand il y a une révision à faire ou un problème. Six agents assurent donc la gestion, les prises de rendez-vous dans les garages, le transfert des véhicules et peuvent aussi procéder à de la petite maintenance comme les changements d’ampoule ou de batterie », détaille Sandrine Lauraire.
Vers des véhicules partagés
Toujours au sein du conseil départemental de l’Essonne, le nombre de véhicules a commencé à baisser grâce à un état des lieux précis qui a conduit à mieux redéployer les véhicules sur la petite trentaine de sites en fonction des besoins. « La mutualisation a été optimisée avec le logiciel de réservation par site lancé en 2016. Il y a désormais moins d’une cinquantaine de véhicules attribués. Mais le conducteur peut exceptionnellement remiser le véhicule à son domicile s’il l’emploie tard le soir où pour une mission tôt le lendemain. Notre objectif est très clairement de sortir d’un modèle d’attribution des véhicules », affirme Sandrine Lauraire.
Bilan : une réduction de 5 % de la taille de la flotte de l’Essonne et un recul de 15 % de la consommation de carburant. « Le nombre de véhicules a diminué mais aussi les kilométrages : moins de véhicules attribués, cela veut dire moins de kilomètres à titre personnel. Nous avons ainsi pu maintenir l’enveloppe pour le carburant malgré une hausse du prix à la pompe », ajoute Sandrine Lauraire. De la mutualisation à l’autopartage, voire au covoiturage, il n’y a qu’un pas. « Dans notre logiciel de réservation, les agents ont la possibilité de proposer un covoiturage pour aller à une réunion », précise Sandrine Lauraire.
Ce principe de mutualisation devient de fait une constante du secteur public alors que la circulaire de 2017 assigne comme objectif « un minimum de 150 millions d’euros d’économies sur quatre ans dans le cadre d’une politique de gestion mutualisée des véhicules. »

La mutualisation devient la règle
Avec des résultats : à Paris, la flotte ne compte plus de véhicules de fonction depuis 2010 (voir le témoignage d’Hervé Foucart). De son côté, le parc de l’Eurométropole de Strasbourg comprend deux voitures de fonction et 25 véhicules attribués sur un total de 787 (voir le témoignage de Benoît Weinling).
À Lyon, la flotte est passée en dix ans de plus de 900 à 814 véhicules. Christian Gardin a interrogé les directions qui détenaient des véhicules parcourant moins de 3 000 km par an afin de les supprimer, et a installé cinq pools rassemblant 55 véhicules. « Sur un site, plusieurs services géraient 35 véhicules. Passer en pool a amené à en retirer six, expose ce directeur logistique, garage et festivités. Nous avons encore la possibilité de créer un ou deux pools mais nous sommes freinés par la répartition des véhicules sur de nombreux sites » (voir son témoignage).
Pour faire fonctionner au mieux ces pools, Christian Gardin s’appuie sur le logiciel GIR : « Chaque agent accrédité peut réserver un véhicule sur son poste informatique en indiquant le créneau horaire. Le logiciel remonte aussi les informations en cas d’incident après la restitution ». « L’autopartage amène à diminuer mécaniquement la taille de la flotte de 10 à 25 %, un chiffre atteint par la ville de Bondy (93) avec une cinquantaine de véhicules mutualisés », souligne Stéphane Spitz pour Public LLD.

Vers de nouvelles mobilités
Cette démarche favorise aussi l’intégration de l’électrique ou de l’hybride : « On peut panacher entre essence, électricité ou diesel, et l’agent prend la voiture qui correspond le mieux à son trajet. C’est l’usage qui va commander l’utilisation d’une énergie et cela se fait naturellement avec l’autopartage », complète Stéphane Spitz (voir aussi notre article). Une démarche efficace, suivie par Grand Paris Aménagement (voir le témoignage de Maryse Diot).
Le service public se veut souvent exemplaire pour les nouvelles mobilités et les déplacements plus doux. De nombreuses collectivités territoriales misent aussi sur le vélo, comme la mairie de Lyon qui a adossé à chaque pool de véhicules un pool de vélos, avec le même système de réservation. « Chaque année, nous réalisons une journée d’apprentissage du vélo à assistance électrique pour les agents », note Christian Gardin. Le parc comprend maintenant 180 vélos dont une cinquantaine à assistance électrique. Une piste à suivre.
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