
À l’image des entreprises, les collectivités, les administrations publiques et l’État sont particulièrement incités à passer rapidement aux véhicules propres. De fait, la loi impose aux collectivités de prendre au moins 20 % de véhicules à faibles émissions (inférieures à 60 g/km de CO2) jusqu’au 30 juin 2021, plancher qui passera progressivement à 37,4 % en 2026. Pour les véhicules de l’État et des établissements publics, ce chiffre atteint 50 %.

La multiplication des zones à faibles émissions (ZFE) va aussi dans ce sens. Une tendance qui devrait...
À l’image des entreprises, les collectivités, les administrations publiques et l’État sont particulièrement incités à passer rapidement aux véhicules propres. De fait, la loi impose aux collectivités de prendre au moins 20 % de véhicules à faibles émissions (inférieures à 60 g/km de CO2) jusqu’au 30 juin 2021, plancher qui passera progressivement à 37,4 % en 2026. Pour les véhicules de l’État et des établissements publics, ce chiffre atteint 50 %.

La multiplication des zones à faibles émissions (ZFE) va aussi dans ce sens. Une tendance qui devrait se renforcer avec les dernières municipales. Une ZFE est ainsi en projet à Strasbourg. « La priorité est de sortir les Crit’air 5 ou les plus anciens véhicules qui n’ont pas de vignette. Ensuite, nous nous attaquerons aux Crit’air 4 qui ne devraient plus pouvoir rouler à partir de 2023 », indique Benoît Weinling. Ce chef du service parc des véhicules gère les deux flottes de la ville et de l’Eurométropole, soit 1 090 véhicules dont 795 VL.
Des contraintes réglementaires
Une contrainte à laquelle va aussi faire face l’Établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN), spécialisé en santé mentale, à la tête d’un site principal à Brumath et d’autres sites, hôpitaux de jour ou centres médico-psychologiques, dans l’Eurométropole.
« Strasbourg se dirige vers le zéro diesel à plus ou moins courte échéance. Cela va nous inciter à opter pour des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Cette dernière option est privilégiée pour les agents qui parcourent l’ensemble de la région pour des raisons d’autonomie. Pour l’instant, nous avons un seul hybride, un véhicule de fonction. Nous envisageons d’acquérir un ou deux hybrides rechargeables en sus cette année, mais cela équivaut au budget de quatre diesel », souligne Carine Rose, responsable achats et patrimoine qui suit 133 véhicules (voir aussi notre article).
Enjeu identique pour la ville de Grenoble : « Les véhicules Crit’air 4 ne peuvent plus circuler depuis juillet. Nous les vendons actuellement aux enchères, voire en pièces détachées s’ils sont trop anciens. Sur les quarante véhicules concernés cette année, trente sont changés et dix retirés. Et un ancien diesel Crit’air 4 a été retrofité en électrique par une start-up grenobloise », explique Fayçal Amrani, gestionnaire du parc de 476 véhicules de moins de 3,5 t, dont 130 petits véhicules de service, 270 camionnettes de type Kangoo et 76 VUL de type Boxer ou Trafic.
Anticiper les interdictions
À partir de 2022 à Grenoble, cette exclusion touchera les Crit’air 3 et en 2025, les Crit’air 2. Le programme de renouvellement a commencé dès 2018 et 98 véhicules sont électriques dont 70 Goupil. Pour les VU, avec une offre électrique plus limitée, la ville intègre des Maxi Doblo et des Ducato au gaz. Au total, 85 VUL roulent au GNV, des Doblo et Panda essentiellement. « L’objectif est d’arriver en 2025 à une répartition comprenant un tiers d’essence, un tiers d’électrique et un tiers de GNV », poursuit Fayçal Amrani. Soit zéro diesel.

Dans les Hauts-de-France, un important plan pluriannuel d’investissements de 2 millions d’euros par an pour les renouvellements a débuté en 2019. « Si nous poursuivons ce plan pour la troisième année consécutive en 2021, nous aurons changé au total environ 30 % de la flotte avec 160 véhicules propres. Et nous allons au-delà de l’obligation réglementaire des 20 %, avance Gilles Ruysschaert. Nous n’achetons plus aucun diesel, sauf sur le segment des fourgons de type Master, car nous attendons des versions électriques aux autonomies suffisantes, ajoute ce directeur général adjoint du pôle supports techniques qui gère 540 véhicules. En revanche, nous avons récemment acquis une dizaine de Kangoo Z.E. De plus, cela fait marcher l’économie régionale puisqu’ils sont fabriqués à Maubeuge. »
Électrique : la question de l’autonomie…
La région Hauts-de-France a aussi jeté son dévolu sur des Toyota hybrides fabriquées à Valenciennes, et 36 ont rejoint le parc en 2020. « Nous choisissons l’hybride pour les véhicules qui roulent sur l’ensemble du territoire, soit cinq départements, car l’autonomie de l’électrique ne suffit alors pas », précise Gilles Ruysschaert (voir le témoignage).

La Moselle va pareillement au-delà des 20 % de renouvellements en électrique : le parc est passé de fin 2019 à fin 2020 de 16 à 28 véhicules électriques sur un total de 407, et ce chiffre devrait plus que doubler l’an prochain.
« En 2021, nous allons changer 43 véhicules dont 30 en électrique. Il devrait s’agir essentiellement de Zoé et de e-208 dont l’autonomie atteint environ 300 km. Le principal frein concerne les utilitaires de type Master dont la version électrique coûte deux à trois fois plus cher. Et comme ces VU roulent dans l’ensemble du département, leur autonomie ne suffit pas toujours », constate Thierry Fristot directeur de l’environnement de travail et de la mission de la mobilité pour le département de la Moselle (407 véhicules légers dont 34 VU de type Kangoo ou Master). Ce dernier a toutefois intégré deux Kangoo Z.E. pour la distribution du courrier, des véhicules « dont le périmètre d’intervention est restreint à l’agglomération messine. »
Ces freins, Marc Picard les évoque également : « Lors du dernier appel d’offres lancé en 2018, tous les prestataires n’offraient pas de modèles électriques avec des autonomies excédant 150 km. Afin d’ouvrir le plus possible le champ concurrentiel, nous avons revu nos prétentions. En outre, ces modèles sont toujours plus chers que les thermiques », rappelle ce responsable des 225 véhicules du parc du Haut-Rhin. Comme Diac Location (groupe Renault) l’a emporté, ce département a cependant pu faire entrer seize Zoé dans son parc. « Et nous envisageons d’accroître le nombre de modèles électriques dans un avenir très proche, d’autant que les autonomies suffiront pour la quasi-totalité de nos déplacements », anticipe Marc Picard.
Avec l’électrique, se posent aussi les questions de la recharge (voir notre article) et de l’équilibre financier essentiellement lié aux lois de roulage : plus le véhicule électrique roule, plus il génère des économies. Et c’est là que le bât blesse pour des collectivités dont les véhicules parcourent souvent 30 à 50 km par jour. Pour la mairie de Paris, qui a fortement électrifié son parc (431 sur 2 680 véhicules), si le TCO de l’électrique s’améliore, il demeure toujours 5 à 10 % supérieur à celui d’un véhicule thermique pour un kilométrage de 8 500 km par an. Pour Thierry Fristot de la Moselle, « avec un kilométrage annuel de 7 000 à 8 000 km, les véhicules électriques ne sont pas assez employés pour être rentables. Il faudrait atteindre les 10 000 à 12 000 km. Nous essayons de tendre vers cette loi de roulage. »
… et la question du coût

« Le surcoût est de l’ordre de 10 000 euros à l’achat entre une Zoé et une C3 essence, calcule Pierre-Thomas Blaise, directeur du parc matériel de Bordeaux Métropole. Mais le gain est important sur le carburant. Le véhicule thermique consomme, en fonction de notre loi de roulage moyenne, environ 1 000 euros de carburant à l’année ; le coût des recharges est de l’ordre de 300 euros pour ce kilométrage. Sur dix à douze ans, le TCO est presque équivalent, en prenant en compte les économies d’entretien » (voir le témoignage).
Un avis partagé par David D’Amario, responsable garage et transport pour la ville du Plessis-Robinson (92), à la tête de 85 véhicules. Malgré une faible loi de roulage, de l’ordre d’une trentaine de kilomètres par jour, donc défavorable à l’électrique, ce gestionnaire, qui conserve les véhicules environ dix ans, estime que le TCO de l’électrique est équivalent à celui du thermique sur le long terme, entre autres en raison des économies sur l’entretien. « Il n’y a pas, comme sur les thermiques même s’ils roulent peu, de filtres à changer, de joints qui sèchent, de vidanges à effectuer, etc. Avec l’électrique, il n’y a guère que l’usure des pneus. Et les batteries ont conservé leurs autonomies au bout de huit ou dix ans », énumère-t-il.
Moins de déplacements
C’est la leçon tirée de la crise sanitaire : tous les déplacements ne sont pas indispensables. L’Eurométropole de Strasbourg a ainsi intensifié le recours aux visioconférences et au télétravail : « Aujourd’hui, c’est dans un but sanitaire ; demain, cela évitera des trajets », souligne Benoît Weinling. Une tendance confirmée dans la Moselle où Thierry Fristot incite les agents à utiliser les transports en commun pour circuler en ville, avec des tickets gratuits à leur disposition.
Dans les Hauts-de-France, depuis le déconfinement en mai dernier, les agents sont incités à moins se déplacer et à privilégier les visioconférences. « Nous allons accroître nos équipements dans ce sens. Au final, c’est moins de dépenses de carburant et de frais de péage. Les pratiques vont continuer à être un peu différentes après cette crise », prévoit Gilles Ruysschaert.
Par ailleurs, la région Hauts-de-France a lancé, avant le covid-19, un projet de plan de déplacement (PDA) pour réfléchir à des trajets plus vertueux. « Il devrait aboutir en 2021, avec un peu de retard en raison de la crise sanitaire. Nous avons lancé une enquête auprès des agents pour connaître leurs lieux de domicile et la proximité des transports en commun, mais aussi leurs habitudes et contraintes comme la nécessité d’aller chercher les enfants à l’école. Une fois ce plan en place, chaque agent recevra des conseils personnalisés pour ses trajets », anticipe Gilles Ruysschaert. En précisant que la région rembourse 75 % des abonnements aux transports en commun.
Mutualiser les véhicules
Pour faire rouler plus les véhicules électriques, une des solutions reste de les partager. Dans le Haut-Rhin, quasiment tous les véhicules sont ainsi mutualisés, sauf ceux attribués à des services pour des métiers ou missions spécifiques. « Les pools regroupent plusieurs services géographiquement proches. En priorité, l’agent obtiendra un véhicule de son service mais si aucun n’est disponible, l’outil de réservation, effectif depuis 2013 et développé en interne, lui signalera un véhicule dans un service proche », expose Marc Picard. Cette mutualisation représente un levier important de baisse des coûts : « Cela a amené à diminuer de 15 % le nombre de véhicules en quelques années car les besoins sont mieux connus et analysés. L’application détecte notamment si plusieurs personnes se rendent au même endroit à la même heure, et leur propose le covoiturage, mais sans contraintes », souligne Marc Picard.
Pour la Moselle, Thierry Fristot incite aussi au covoiturage avec un outil de réservation développé en interne : « C’est incitatif mais nous réfléchissons à du directif. » Ce département, qui mutualise 320 véhicules sur 407 dans 65 parcs relais, a déjà réussi à en sortir une quarantaine et compte en retirer chaque année une dizaine supplémentaire : « Notre volonté est d’optimiser le kilométrage. Nous sortons ceux qui roulent peu. Mais dans certains sites éloignés dotés de quelques véhicules seulement, nous sommes parfois obligés de les maintenir bien qu’ils roulent peu. Nous faisons alors tourner les véhicules pour y mettre les plus anciens », explique Thierry Fristot. La prochaine étape devrait consister à automatiser la remise des clefs et la prise en main des véhicules avec un outil de type autopartage.
Le choix de l’autopartage
D’autres collectivités misent sur l’autopartage comme les Hauts-de France via le prestataire Fatec. L’Eurométropole de Strasbourg a une approche différente et compte s’appuyer sur le réseau d’autopartage existant en voirie et géré par le prestataire Citiz : « Nous lançons un appel d’offres en ce sens. L’objectif est que 1 200 agents puissent utiliser ces véhicules avec leurs badges. Cela devrait conduire à sortir une cinquantaine de véhicules du parc, en l’occurrence les plus anciens et les plus polluants, anticipe Benoît Weinling. Cela permet aussi de soutenir l’autopartage en ville et, du fait de l’important maillage existant, de rapprocher l’offre des lieux de travail des agents dispersés sur 200 sites », analyse-t-il. Ce gestionnaire compte aussi lancer un appel d’offres pour un outil de réservation au sein des pools afin de faciliter le covoiturage et de « mettre en avant les transports en commun ou le vélo en fonction des distances et des destinations. »
À Grenoble, un plan d’optimisation du parc a été lancé en 2016 avec la création de deux pools pour une trentaine de véhicules. Ce nombre devrait fortement augmenter avec le regroupement des services et la création d’un troisième pool. « Les agents ont aussi la possibilité d’emprunter les véhicules de Citiz. Quand les véhicules roulent peu, c’est plus intéressant de les retirer et de donner aux agents des abonnements pro pour ce service très fonctionnel en centre-ville », avance Fayçal Amrani qui a pour objectif « idéal » de réduire d’un tiers la flotte.
Le vélo fait son entrée
Enfin, pour rouler plus vert, rien de tel que le vélo. Et les trajets des agents des collectivités sont souvent courts, ce qui favorise ce mode de transport. La ville de Grenoble, « qui offre l’avantage d’être plate », souligne Fayçal Amrani, a intégré deux fois plus de vélos que de véhicules en parc : un millier dont une trentaine à assistance électrique. « Il s’agit de vélos de service mais aussi de vélos attribués qui peuvent se remiser à domicile. En outre, ceux qui emploient un vélo personnel bénéficient du forfait mobilité durable mis en place par la LOM, à hauteur de 200 euros par an », détaille ce responsable.
L’Établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) a acquis une dizaine de vélos pour les agents intéressés qui effectuent des visites à domicile à Strasbourg. « Nous avions envisagé de passer par le prestataire Vel-Hop pour louer des vélos en libre-service mais les tarifs sont trop chers », note Carine Rose. Par ailleurs, un garage à vélos sécurisé avec casiers et douches a été installé sur le site principal de l’EPSAN à Brumath.
À Strasbourg, le pli est pris : « Nous avons 1 100 vélos en parc dont une cinquantaine en pool. Et nous commençons à développer les vélos à assistance électrique avec une vingtaine en parc », décrit Benoît Weinling. La région Hauts-de France réfléchit de son côté à accroître son parc encore limité de deux-roues : quelques dizaines sur les sites de Lille et Amiens. « Comme pour l’autopartage, nous envisageons des services automatisés de vélopartage », prévoit Gilles Ruysschaert.
Convaincre les agents
Dans le Haut-Rhin, la pratique du vélo « a encore un peu de mal à prendre, reconnaît Marc Picard. Sur une cinquantaine de bicyclettes disséminées sur l’ensemble du territoire, une quinzaine sont proposées aux agents sur le site de l’hôtel du département. Principal avantage : elles ne sont pas uniquement disponibles pour des déplacements professionnels et peuvent s’utiliser à l’heure du déjeuner ou pour se rendre le soir à la gare. »
Enfin, un grand nombre de collectivités du Grand Est participent à l’opération « Au boulot, j’y vais à vélo ». « Ce challenge d’une semaine consiste à comptabiliser le nombre de participants, le nombre de jours pédalés et les kilomètres parcourus à vélo par les salariés, de leur domicile à leur lieu de travail », expose Marc Picard. Dans le Haut-Rhin, des opérations de maintenance et de réparation sont également organisées sur les sites. Et le département loue auprès de Colmar Vélo, de mai à octobre-novembre, dix à douze vélos afin de les mettre à disposition des agents et de renforcer ses moyens durant la période estivale. Les bicyclettes ajoutées dans ce cadre sont alors mutualisées comme que les autos.
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