
Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), les flottes de deux-roues, notamment les vélos, peuvent constituer une réponse. Qui intéresse les gestionnaires de flotte. « Nous avons enregistré une hausse de 50 % des demandes de vélopartage entre mars 2021 et mars 2022. Celles-ci émanent à 50 % de PME et d’ETI. Aujourd’hui, chez nous, le vélo est inclus dans un dossier traité sur quinze, et il est mentionné dans 15 % des demandes. Nous nous devons donc proposer une offre de vélos », indique Alexandre Fournier, le directeur marketing de Mobility Tech Green, un spécialiste de l’autopartage à la tête de 7 500 véhicules. En avançant...
Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), les flottes de deux-roues, notamment les vélos, peuvent constituer une réponse. Qui intéresse les gestionnaires de flotte. « Nous avons enregistré une hausse de 50 % des demandes de vélopartage entre mars 2021 et mars 2022. Celles-ci émanent à 50 % de PME et d’ETI. Aujourd’hui, chez nous, le vélo est inclus dans un dossier traité sur quinze, et il est mentionné dans 15 % des demandes. Nous nous devons donc proposer une offre de vélos », indique Alexandre Fournier, le directeur marketing de Mobility Tech Green, un spécialiste de l’autopartage à la tête de 7 500 véhicules. En avançant qu’un vélo partagé correspond à dix vélos individuels.
Vélos : les pour et les contre
Mais les spécialistes doutent que la petite reine soit l’avenir de la mobilité. En ce qui concerne le vélo dans les flottes, il y a les pragmatiques. Et les autres. Les premiers s’intéressent à la part du vélo dans les transports d’entreprise. Et pour eux, le deux-roues demeure un épiphénomène, « soit 1 à 2 % des flottes en France, commente Marie-Hélène Benarouch, consultante achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil DB Consulting. Quelques groupes se montrent intéressés quand ils rencontrent des problèmes importants avec les parkings dans les très grandes villes, ou lorsque les charges à transporter sont faibles. Ou bien lorsque les populations concernées sont des jeunes qui n’ont pas connu la voiture de fonction et ne cherchent pas à circuler le week-end. Mais je n’imagine pas des commerciaux aller en rendez-vous en vélo électrique », conclut Marie-Hélène Benarouch.
Mais le vélo a aussi ses défenseurs, toujours plus nombreux, à commencer par les cyclistes. Les statistiques publiées par Strava, une communauté sportive agrégeant quelque 93 millions d’athlètes, soulignent tout l’engouement du transport à vélo en France. Selon leur étude publiée en début 2022, « les trajets en vélo sur Paris ont crû de 45 % entre 2019 et 2021 ».
Pareillement pour « Les Échos » du 8 mai 2022, le développement du vélo est acté. « L’argent est là, précise le quotidien. La quasi-totalité des marques sont rentables ou en passe de l’être : le marché a réellement explosé depuis 2020. Il s’est vendu 11 000 vélos cargos en France cette année-là, soit 30 % de plus qu’en 2019. »
Le marché explose
Depuis, le dynamisme du secteur ne se dément pas. « Les perspectives de ventes sont très nettement à la hausse, affirme Virgile Caillet, délégué général de l’organisation professionnelle Union
Sport & Cycle, toujours dans « Les Échos ». Il devrait s’écouler environ 60 000 vélos cargos par an désormais. Nous estimons que, dans cinq ans, 300 000 de ces vélos circuleront en France. »
« Je note, entre 2020 et 2021, une explosion de l’usage du vélo en général et du vélo à assistance électrique (VAE) en particulier, confirme Thomas Verstrepen, consultant pour le cabinet Wavestone et expert des nouvelles mobilités. Ces VAE portent tout le marché du cycle tant en volume qu’en valeur. Et les vélos de fonction vont se répandre car ils pourront satisfaire les cadres les plus jeunes. Cette politique devrait aussi être appuyée par la volonté des entreprises d’améliorer leur marque employeur. D’ici 2030, ces transports doux devraient progresser considérablement, poussés par un coût des énergies fossiles qui va grimper et des villes qui refusent de plus en plus les moteurs thermiques », résume ce consultant.
Cette volonté d’utiliser le deux-roues intéresse de fait les professionnels. C’est le cas de l’école de management nantaise Audencia (450 salariés). Selon sa DRH Delphine Lambert, l’établissement a mis sur pied un plan de mobilité avec Nantes Métropole pour promouvoir la mobilité douce avec le covoiturage, les transports en commun et le vélo.
Circuler mieux et plus vite
« Désormais, avance Delphine Lambert, 20 % de nos salariés emploient le deux-roues pour se déplacer, de chez eux au travail ou entre deux sites de nos écoles. Nous avons aussi construit des locaux couverts et sécurisés pour garer les vélos. Et nous avons comme objectif en 2022 de disposer d’une flotte de vélos pour les trajets entre nos trois sites », anticipe cette DRH.
Autre entreprise passée au vélo : id verde, un spécialiste français de l’entretien des espaces verts. Cette société possède 55 bureaux en France dont l’un à la Courneuve (93) en région parisienne. « Depuis quatre ans, explique Benoît Chasson, le responsable d’agence, nous nous servons de VAE pour travailler dans Paris intra-muros, avec des triporteurs à coffre avant et des vélos avec remorque. »
id verde était notamment confronté à un problème : « À Paris, un chauffeur est souvent occupé à “tourner“ pour trouver une place de parking, rappelle-t-il. L’autre solution était de payer des amendes qui se montaient à 1 500-2 000 euros par mois. Nous avons donc décidé d’aller faire nos travaux d’entretien en vélo. Nos VAE s’adaptent parfaitement au milieu urbain dense et nos jardiniers rentrent sur site avec leur engin. Et comme nous roulons sur les pistes cyclables, ces salariés ne connaissent pas les bouchons parisiens », conclut Benoît Chasson. Ce responsable y voit aussi d’autres bénéfices : « Nous estimons que faire appel aux VAE améliore notre productivité de 20 à 25 %. Et c’est aussi un moyen d’entrer en contact avec le public, voire avec de futurs clients », poursuit-il.
L’aiguillon des contraintes réglementaires
Le deux-roues incarne aussi l’avenir face aux interdictions qui se profilent pour les véhicules thermiques dans les prochaines années. « En 2026, les évolutions réglementaires, liées à l’extension des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) ou à la fermeture des villes aux moteurs thermiques, nous imposent d’anticiper le développement d’une offre allant du deux-roues au véhicule pouvant transporter 20 m3 de marchandises. C’est important pour nous de commercialiser cette version verte du transport. Et nous pourrons aller jusqu’à la livraison à pied », expose Quentin Dampierre, directeur général adjoint du groupe Top Chrono, un acteur de la livraison du dernier kilomètre.
Avec aussi, pour le groupe Top Chrono, un véritable gain de temps : « Nous allons plus vite et nous évitons les bouchons. Mais le tout-vélo n’est pas envisageable pour des entrepôts situés parfois à 40 km de Paris, ou encore pour des marchandises trop volumineuses ou trop lourdes. En 2025, nous nous appuierons sur une flotte composée à 80 % de modèles électriques et 50 % de notre activité est éligible aux vélos cargos », anticipe Quentin Dampierre.
Le parc du groupe Top Chrono comprend 650 véhicules dont 70 vélos cargos. « Nous avons multiplié par dix notre flotte de vélos entre 2021 et 2022. La principale raison de cette évolution reste notre volonté de déployer une stratégie “verte“. C’est une demande de nos clients car cela représente un critère d’achat, voire d’inclusion dans leurs appels d’offres. Les vélos sont donc l’avenir de la livraison », avance Quentin Dampierre.
Répondre aux appels d’offres
Une conclusion validée par Vincent Menardo, responsable de secteur pour le groupe de restauration collective Elior. Cette multinationale française a en effet décidé de mettre l’accent sur sa flotte de scooters. « Nous avions besoin de véhicules pour les livraisons à partir de nos cuisines centrales. Nous avons des véhicules thermiques pour cela. Mais nous avons décidé de nous procurer aussi des triporteurs électriques réfrigérés Curbee », relate Vincent Menardo.
Ce changement s’inscrit dans la volonté d’Elior de réduire son empreinte carbone et de transporter ses produits le plus écologiquement possible. « Mais il correspond aussi aux demandes de nos clients qui, dans leurs appels d’offres, exigent que nous transportions les marchandises en rejetant le moins de GES », complète Vincent Menardo. Dans les cinq ans, le groupe Elior, comme nombre d’entreprises françaises, devra miser sur un transport plus vert.
Le recours à ces triporteurs électriques se veut donc une façon de les tester pour démontrer leur utilité, de voir comment accroître leur usage et de mettre en avant ce type de transport auprès d’un nombre croissant de clients.
Cette nécessité de répondre aux attentes de RSE des clients se retrouve aussi chez le transporteur Miist. « Aujourd’hui, nos clients emploient nos services pour leur RSE. Cette responsabilité sociétale des entreprises est devenue un passage obligé pour l’ensemble des appels d’offres auxquels nous répondons, et elle couvre un tiers de notre chiffre d’affaires », confirme Ouelid Sassi, dirigeant de Miist.
La RSE, passage obligé
Une obligation, soit, mais qui a aussi des conséquences positives. « Elle nous a permis de nous développer, reprend Ouelid Sassi. Nous sommes implantés dans douze villes mais également en Belgique et en Italie. Autre exemple, nous allons ouvrir un hub cyclo-logistique de 3 000 m2 à Paris, entre République et Bastille, avec un atelier de réparation qui pourra intervenir pour plusieurs entreprises comme la nôtre. Nous avons aussi installé une infrastructure de recharge pour recharger 200 batteries simultanément », détaille Ouelid Sassi qui s’appuie sur une flotte de 200 véhicules électriques dont des vélos.
Des vélos de fonction
Cet engagement dans la RSE se retrouve au sein de la société Foodles. Cet acteur de la restauration à domicile a fait le choix de mettre à la disposition de ses collaborateurs des vélos de fonction. « Cela coûte 144 euros par an à l’employé. Nous subventionnons à hauteur de 360 euros annuels le reste de l’abonnement vélo », calcule Aurélien Antoine, le responsable RSE.
Ces évolutions des modes de déplacement ont aussi des conséquences sur l’organisation même des entreprises. « Avec les VAE, nous fonctionnons différemment, reprend Benoît Chasson pour id verde. Nous nous appuyons sur de petits dépôts de proximité pour remiser les outils et charger électriquement les vélos. Ce fonctionnement suppose des salariés plus indépendants et nous en avons embauché spécialement pour ces missions à vélo. Ils sont ravis d’être indépendants, autonomes et de conserver leur forme physique. En sus, nous avons rajouté une prime “vélo“ de 100 euros par mois », décrit ce responsable.
Benoît Chasson pointe un seul souci : le retrait des déchets verts générés par les activités de jardinage. « Nous recherchons des solutions pour les proposer à des associations dans le cadre de la récupération du compost. Mais, je suis certain que notre type de transport va se multiplier avec le renforcement des ZFE- m », pronostique ce responsable.
Repenser l’organisation
Pour le transporteur Miist, Ouelid Sassi souligne une évolution plus globale. « Le transport change avec l’explosion de l’e-commerce. Je suis persuadé que dans dix ans, à l’horizon 2030, 100 % des transports urbains se feront avec des véhicules propres et adaptés en tout-électrique à l’espace urbain, écologiques, sans bruit, sur les pistes cyclables que l’on voit émerger. Une grande partie de nos transports peuvent déjà se réaliser ainsi », expose ce dirigeant. Qui imagine aussi un transport fluvial avec des relais de vélos triporteurs électriques pour le dernier kilomètre et des camionnettes électriques pour les charges lourdes.
« Nous souhaitons être la cheville ouvrière de ces politiques de décarbonation. Nous constatons, par ailleurs, que les sociétés historiques de transport ont du mal à se mettre au transport écologique alors que nous avons intégré cette dimension depuis le départ. Le jour où les moteurs thermiques seront interdits, nous serons donc prêts », assène Ouelid Sassi. À bon entendeur…
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