
Le vélo, depuis le déconfinement, tout le monde en parle. « La bicyclette fait partie de toutes les discussions avec nos clients qui veulent changer de mode de transport, acquiesce Lucas Quinonero, président de Mobeelity, un prestataire qui développe une solution de mobilité tout en un. À l’école de management HEC Paris, notre système a par exemple permis de réduire l’utilisation des navettes en les remplaçant par du vélo ou du covoiturage. Soit une économie de 100 000 euros la première année pour cette entreprise de 750 salariés et quelque 3 000 d’étudiants. »
L’impact de la crise sanitaire
Cet intérêt pour le vélo est un phénomène...
Le vélo, depuis le déconfinement, tout le monde en parle. « La bicyclette fait partie de toutes les discussions avec nos clients qui veulent changer de mode de transport, acquiesce Lucas Quinonero, président de Mobeelity, un prestataire qui développe une solution de mobilité tout en un. À l’école de management HEC Paris, notre système a par exemple permis de réduire l’utilisation des navettes en les remplaçant par du vélo ou du covoiturage. Soit une économie de 100 000 euros la première année pour cette entreprise de 750 salariés et quelque 3 000 d’étudiants. »
L’impact de la crise sanitaire
Cet intérêt pour le vélo est un phénomène qui devrait s’intensifier, crise sanitaire oblige. « Avec les flottes de vélos, il y a un avant et un après covid-19, ajoute Alexandre Fournier, directeur marketing de Mobility Tech Green, un prestataire d’autopartage à la tête de 7 500 véhicules. Désormais, un client sur quatre souhaite intégrer le vélo dans son plan de mobilité. Ce taux était d’un pour vingt en 2018. »
Antoine Repussard, président de Zenride, une start-up créée en 2018, ne dit pas autre chose : « Nous proposons de la LLD de vélos sur le modèle de la voiture de fonction. Pour un vélo à environ 2 000 euros, notre offre “clef en main“ coûte en moyenne 43 euros TTC par mois à l’employeur et elle peut s’adresser à l’ensemble des salariés d’une entreprise. Depuis le déconfinement, 80 entreprises nous contactent par semaine, contre quinze en février 2020 avant l’épisode de covid-19. »
Ce développement s’inscrit aussi dans les statistiques de l’association Vélo & Territoires. La structure gère 182 compteurs de trafic répartis à travers la France. Avec ce constat : l’usage du vélo a bondi de 44 % en France lors de la première semaine du déconfinement, en ville mais aussi dans le péri-urbain et à la campagne. Et les hausses les plus fortes ont été enregistrées dans les zones péri-urbaines (+ 138 %) et rurales.
Conclusion : tout le monde s’y met et certaines flottes ne sont pas en reste. La meilleure illustration vient de Nantes. Où s’est implantée en 2010 la société Ze Plombier. « Dans un rayon de 5 km autour de l’épicentre nantais, nous réparons, rénovons, construisons des plomberies pour des chantiers d’une durée d’une heure à cinq jours », expose Sonia Boury, la cogérante en charge de la gestion de sept vélos.
Des vélos pour les TPE
Dès le début, Ze Plombier a décidé que sa flotte se composerait de vélos tri et bi-porteurs électriques. « Nous transportons tout sur nos vélos cargos, de la baignoire à la chaudière en passant par les tuyaux. Et quand les volumes sont plus gros, nous les faisons livrer par nos collègues transporteurs en vélo. Nous sommes aujourd’hui six plombiers et trois administratifs, et nous devrions lancer deux franchises avant la fin 2020 », anticipe Sonia Boury.

Pour cette responsable, circuler en vélo dans le centre-ville de Nantes génère aussi des économies importantes face aux 5 000 euros que coûte le triporteur : pas de frais de parking, pas d’amende, pas de points de permis retirés et donc pas de suspension de permis, peu de vols et peu de concurrence tant la ville ouvre difficilement l’accès à son centre aux camionnettes. « Les vélos nous offrent en plus une publicité ambulante. On nous arrête, on nous parle et mes plombiers peuvent réaliser sept interventions par jour alors que nos collègues en camionnette en effectuent quatre. Cette flotte nous coûte de cinq à six fois moins cher qu’une flotte automobile. Pour mon comptable, notre société est rentable car nous n’avons pas de frais de voitures… Et c’est aussi bon pour le client car nos déplacements sont facturés 20 euros HT contre 30 à 60 euros HT pour un plombier en camion. Il y a dix ans, on se moquait de nous », se rappelle Sonia Boury.
Des vélos pour les grands comptes
Les très petites entreprises de centre-ville ne sont pas les seules à choisir le vélo comme mode de déplacement. De plus grandes structures s’y sont mises et les flottes de la fonction publique ne sont pas en reste. « Notre politique est de promouvoir les mobilités douces et notamment le vélo et autres mobilités alternatives, illustre Hervé Foucard, chef du service technique des transports automobiles municipaux à la ville de Paris. Nous mettons donc à disposition des agents 335 vélos à assistance électrique (VAE), 187 vélos à propulsion humaine, 100 trottinettes et quelques gyropodes. » Soit un quart du parc de la ville de Paris, composé de 2 696 véhicules dont deux tiers d’utilitaires et 424 modèles électriques.
« Et nous voudrions que ce chiffre passe à 30 % en 2025. C’est une vraie alternative à la voiture. Tous les trajets à l’intérieur du périphérique sont concernés car cela contribue à diminuer notre empreinte carbone. C’est aussi une demande du personnel qui préfère le vélo au transport en commun et une recommandation de la médecine du travail dans sa lutte contre la sédentarité et le surpoids », poursuit Hervé Foucard. En rappelant que s’équiper de vélos peut aussi constituer une bonne opération financière : « Nous achetons ainsi huit à dix vélos avec le coût d’un véhicule. Pareillement, un véhicule thermique coûte, en moyenne, pour l’entretien réalisé en interne, 300 euros par an sans les pièces. L’entretien d’un VAE avec les pièces est de l’ordre de 40 euros par an », détaille Hervé Foucard.
Le secteur public en pointe
Autre établissement public, le CEA de Grenoble impulse lui aussi une politique en matière de promotion du vélo. « 21 % de nos 4 000 salariés emploient le vélo pour se rendre sur leur lieu de travail dans Grenoble, ville plate », indique Bruno Renard. Directeur de la responsabilité sociétale de l’entreprise au CEA de Grenoble. Bruno Renard est en charge de la gestion de la flotte, soit 125 véhicules, 1 000 en flotte de service dont 500 en vélos attribués de manière individuelle et 100 vélos connectés cadenassés à prendre en partage sur le site.

Le CEA de Grenoble attribue 400 euros par salarié cycliste avec un kit cycliste, une réparation une fois par an, des abris à vélos et des douches pour les salariés. « Cela fait quinze ans que nous développons cette politique privilégiant le vélo, la trottinette et la marche à pied. Nous offrons aussi des semaines d’amélioration de la santé physique des salariés. Nous y incluons des formations de remise en selle et des cours de conduite de vélo. Tout cela rend notre société plus attractive. Nous recrutons des diplômés bac + 8 pour innover. Cette politique vélo fait partie des petites mesures, avec une restauration de qualité, qui peuvent déclencher une embauche d’experts très sollicités », pointe Bruno Renard.

Même façon de voir les choses pour Hélène Billon, directrice Facilities & Mobility Management d’Orange. « Notre société a été la première des gros employeurs à recourir aux indemnités kilométriques vélo dans le cadre d’un accord de mobilité nationale. Nous y ajoutons aussi une aide à l’acquisition d’un vélo allant jusqu’à 200 euros, précise-t-elle. La sortie de la crise de covid-19 va, de plus, être l’occasion de développer cette politique car nous souhaitons que nos salariés privilégient le vélo et les déplacements doux. Ensuite, une partie des salariés maintiendront leurs trajets à vélo car cela leur convient et qu’ils découvrent le plaisir du vélo et son intérêt pour la santé. Nous allons pousser dans ce sens. Mais cela va-t-il toucher plus de 10 % de nos salariés ? J’en doute », conclut Hélène Billon.
Des freins aux vélos
Car les freins au vélo restent encore nombreux. Tout d’abord, ce système de locomotion ne couvre que des trajets de tout au plus 10 km. Ensuite, cela devient compliqué et réservé à des sportifs. Ces déplacements peuvent donc s’effectuer dans les grandes métropoles. Autre écueil : l’hiver. Les saisons froides rebutent l’ensemble des cyclistes bien qu’il soit possible de les équiper en pantalons et combinaisons de pluie. Enfin, avec un professionnel travaillant en vélo, le client peut s’imaginer que seuls de petits services sont possibles. Il faut donc éduquer et expliquer que le vélo, bien organisé, est idéal pour tout type de travaux.

Quoiqu’il en soit, l’évolution sera lente. Est-elle cependant inéluctable ? « Oui », répond le militant et chef d’entreprise Mathieu Eymin, président des Boîtes à Vélo. Cette association rassemble 117 entreprises et 300 individus. Leur credo est de réaliser au moins 75 % de leurs déplacements en vélo. Mathieu Eymin, lui-même paysagiste, effectue d’ailleurs tous ses travaux en vélo à assistance électrique. « Tous les politiques basculent, les uns après les autres, du côté vert, ajoute-t-il. Nous poussons à la roue en développant par exemple des conseils gratuits pour que les créateurs d’entreprise puissent circuler en vélo sans passer par la case voiture. Bref, nous évangélisons. »
LLD : le vélo face à la voiture
Les loueurs se montrent évidemment moins enthousiasmes tant leur modèle est concentré sur la voiture. « Les véhicules thermiques génèrent 99 % de notre chiffre d’affaires, tempère Fabrice Denoual, directeur général délégué d’ALD Automotive France, et président de la commission communication du Sesamlld, le syndicat des loueurs. Mais nos clients nous demandent de plus en plus d’intégrer la mobilité douce à nos propositions. Nous avons ainsi lancé ALD Urban Mobility, un service de LLD de trottinettes électriques. Nous louons aussi des vélos et nos commerciaux remontent l’intérêt des clients pour ces mobilités vertes. Les mobilités alternatives ont de beaux jours devant elles. C’est vrai pour l’urbain mais la voiture sera nécessaire pour les longs trajets et les besoins industriels. Le plombier aura besoin de camionnettes. Le business de la location de voitures reste et restera important », anticipe Fabrice Denoual.

De très nombreux gestionnaires de flotte partagent cette analyse. « Dans notre activité industrielle, le vélo ou la trottinette ne sont pas d’actualité », résume un responsable de parc automobile au sein de la SNCF. « Nous n’avons pas mis en place de politique de mobilité incluant les trottinettes et les vélos pour le moment, expose Alexandra Melville, responsable de la flotte et de la mobilité du cabinet de conseil Accenture. Mais nous encourageons les employés à venir en vélo au bureau en mettant à leur disposition des places de parking protégées et sécurisées et des recharges de batteries pour vélos électriques. » Pour mémoire, Accenture est à la tête d’un parc de ses 450 VP tous électrifiés
« Nous sommes dans une démarche globale de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Le vélo, mais pas que, fait partie de cette politique, commente, rassembleur, Laurent Petit, chef du département marketing et business développement du loueur Alphabet France. Pour l’offre de VAE, nous ciblons les collaborateurs qui doivent effectuer des trajets courts sur des infrastructures routières facilitant la place des cyclistes. Ceci précisé, nous n’avons pas ressenti d’effet covid. À l’heure actuelle, nos clients veulent reprendre leurs activités le plus vite possible. Les nouvelles solutions de mobilité ne font pas partie de leurs préoccupations. Nous devons donc éduquer car nous estimons que le vélo représente une tendance de fond. Cela va se développer mais prendra du temps », poursuit Laurent Petit.
Une question de temps
Le chemin vers les flottes de vélos sera donc encore long. « Mais je sens une accélération de la demande de la part de mes clients, note Olivier Rigoni, formateur et fondateur du cabinet Cogecar, spécialiste du conseil en gestion de flotte. Dans le public, un client sur deux intègre le vélo à sa réflexion. Dans le privé, cela concerne 25 % de nos demandes clients. Il s’agit alors d’employeurs travaillant dans les grandes métropoles et qui recherchent un transport alternatif. Il y a trois ans, une société d’agroalimentaire n’avait pas exprimé d’intérêt pour le vélo. Aujourd’hui, ses jeunes salariés nous ont demandé ce qu’ils pouvaient faire avec une voiture de fonction en bord de Seine, un engin “ingarable“. Nous allons donc proposer un crédit mobilité de 500 euros par mois pour louer une voiture, un vélo, et régler les transports en commun, le tout en développant le télétravail », décrit Olivier Rigoni. Un bon départ.