Parc naturel du Pilat : les défis de la mobilité verte en milieu rural

Le parc naturel du Pilat regroupe 47 communes et 17 villes-portes sur 700 km2, entre Saint-Étienne (42) et Lyon (69). Ce syndicat mixte a construit dès 2010 un plan de déplacement inter-administrations (PDIA). Depuis, cette collectivité locale multiplie les expérimentations de solutions alternatives de mobilité qu’il lui faut adapter au milieu rural.
- Magazine N°246
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À la tête d’une flotte de huit véhicules, le parc naturel du Pilat a mis en autopartage un véhicule essence. Cette voiture est utilisée par les employés du parc, ceux du centre hospitalier de Pélussin et des habitants de cette commune. (c) Parc du Pilat

Tout n’a pas commencé en 2010. Dès 2002, le parc naturel du Pilat a basculé une partie de sa flotte en GPL. Aujourd’hui, il s’appuie sur huit véhicules dont six véhicules de service essence-GPL et deux diesel : une camionnette pour les équipes vertes et un 4×4 pour les écogardes. « Nous avons soutenu la création d’une station GPL sur le territoire et veillons à entretenir les véhicules GPL chez des garagistes locaux », indique Florence Costé, responsable de communication du parc.

Les choses se sont accélérées il y a huit ans, suite à une enquête interne sur les déplacements de la trentaine d’employés du parc, essentiellement des chargés de mission, fonctionnaires ou personnes en contrat plus court. Cette étude a révélé que les déplacements professionnels concernaient pratiquement 80 % des collaborateurs. « Ces derniers sont souvent sur le terrain et effectuent des trajets réguliers sur notre territoire, mais aussi dans la région et dans toute la France, précise Florence Costé. Au total, nous parcourons 120 000 km par an, soit trois fois le tour de la Terre. »

Tenir compte des déplacements

« Nous n’avons au maximum que 15 % de déplacements courts, nous avons donc besoin de véhicules terrestres à moteur, complète Rachel Voron, responsable mobilité du parc. Ce sont généralement des véhicules de service pour 50 % des trajets, mais nous utilisons aussi des voitures personnelles, d’où l’intérêt d’offrir des alternatives. » L’enquête a aussi montré l’existence d’une forte dichotomie en termes de déplacements domicile-travail : « 15 % de nos collaborateurs habitent à moins de 1 km de nos locaux et 30 % à moins de 5 km ; inversement, 70 % habitent loin, voire très loin, dont environ 15 % à plus de 20 km », énumère Rachel Voron.

(c) Parc du Pilat
(c) Parc du Pilat

Ces résultats ont permis au parc de définir un plan d’actions et de bâtir un plan de déplacements inter-administrations (PDIA), maintenant appelé plan de mobilité (PDM). Un véritable défi en milieu rural où il existe peu de transports en commun et peu de grosses entreprises. « Les parcs régionaux existent par rapport à un objectif de développement de territoires. Notre objectif à horizon 2025 comporte tout un axe de travail sur la sobriété énergétique et dans lequel s’intègre la mobilité. Or, nous devons avoir éprouvé et testé les choses avant d’essayer de les essaimer sur le territoire. Sachant que nous sommes en milieu rural et donc que la mobilité a un contour un peu spécifique », expose Florence Costé.

Un PDM pour donner l’exemple

« Alors que le parc travaille sur la réduction des consommations d’énergie, le vivre ensemble et même la santé, l’idée était d’avoir un peu valeur d’exemple », poursuit Rachel Voron. En ajoutant cette précision : « Le constat de base à l’échelle nationale est que les voitures sont à l’arrêt 23 h 10 sur 24 et qu’elles prennent un espace énorme. Il faut donc s’organiser. Ce sujet touche tout le monde. Cependant, l’intérêt est d’agir sur tous les modes de transport et cela fait parfois un peu peur. »

Télétravail et visioconférence

Le parc s’est d’abord penché sur le travail à distance qu’il autorise depuis 2013 : « Nous avons rédigé une nouvelle charte de télétravail, à disposition sur notre site internet pour ceux qui souhaiteraient s’en inspirer. En parallèle, nous avons mené une politique d’installation de la visioconférence dans le territoire et nous faisons régulièrement appel à ce système », décrit Florence Costé.

En outre, la collectivité facilite le covoiturage des personnes qui viennent en réunion. « Cette mesure a fait économiser 40 000 km de trajets par an », se félicite Florence Costé. Les collaborateurs sont aussi autorisés à transporter des personnes qui ne font pas partie du parc lors de leurs déplacements professionnels. Un choix de direction, selon Rachel Voron : « À partir du moment où une voiture est assurée, toutes les personnes qui voyagent à l’intérieur le sont, comme l’a instauré la loi Badinter en 1985. Notre assurance autorise aussi le prêt de volant entre les collaborateurs qui covoiturent. »

Désormais, le parti-pris du parc est d’acheter le moins possible de véhicules et sinon de les mettre en autopartage. « La voiture reste un super moyen de transport, souple, flexible et rapide, mais l’objectif est de la mutualiser, résume Rachel Voron. Cela ne demande pas beaucoup de sous mais du temps. » Il n’y a ainsi plus de voitures de fonction depuis déjà dix ans ; et le dernier véhicule acheté en propre est partagé entre les équipes du parc et celles du centre hospitalier de Pélussin, mais aussi avec les habitants via le réseau d’autopartage Citiz.

Un véhicule essence-GPL partagé

« L’autopartage est un pari que nous avons fait il y a quatre ans, ajoute Rachel Voron. Il fonctionne très bien en milieu urbain car il est complémentaire des autres modes de transport, surtout pour les gens qui n’ont pas besoin d’une voiture tous les jours. En milieu rural, il n’y a pas de complémentarité avec les transports en commun mais l’autopartage fonctionne grâce à la complémentarité avec les mobilités actives, surtout la marche et le vélo. L’autopartage remplace soit la voiture principale, soit la deuxième voiture, notamment pour des personnes à la retraite ou des indépendants. »

Selon cette responsable mobilité, pour que le système fonctionne, « l’important est que les véhicules partagés soient employés par deux ou trois structures à 70-80 % du temps, plus des particuliers les soirs et week-ends ». Actuellement, huit à dix particuliers recourent au véhicule partagé, et le parc prévoit d’en acheter un deuxième, cette fois-ci hybride. Il sera d’abord testé en interne à compter de juin, et suivi par un troisième véhicule 100 % électrique cette fois-ci.

En pratique, Citiz gère la voiture et contrôle régulièrement son état. Pour rassurer les utilisateurs, un état des lieux est fait. « Mais en vérité, à partir du moment où l’on partage quelque chose, les gens en prennent plus soin que de leur propre voiture. Si vous récupérez une voiture propre avec le plein, vous la rendez dans le même état, c’est un cercle vertueux », estime Rachel Voron.

Encourager l’autopartage

Pour encourager l’usage de ce « nouveau service de mobilité », l’office du tourisme du Pilat propose un badge réservé aux utilisateurs occasionnels pour tester le service sans souscrire d’abonnement. « Nous avons aussi un service dédié avec une personne et un numéro de téléphone, note Rachel Voron. Cela ne sert à rien de déployer des services s’il n’y a personne pour expliquer comment cela fonctionne. En interne pareillement, il faut accompagner, avec de l’information en direct et de proximité, d’autant que de nouveaux collaborateurs arrivent sans arrêt au parc. »

En plus de ce véhicule en autopartage, le parc a cherché à aller plus loin dans la mutualisation : « Nous avons signé une convention avec le Conservatoire botanique national qui possède une flotte de véhicules employés surtout l’été. Les salariés du parc peuvent donc se servir de ces véhicules lorsque cela est possible », explique Rachel Voron.

Enfin, cette démarche de partage est en cours d’application avec le vélo électrique. « Nous en avons acheté un pour le tester en interne et l’avons mis à disposition des salariés qui l’empruntent pour des déplacements professionnels dans Pélussin », complète Florence Costé.

Des initiatives qui essaiment

Au-delà du verdissement de la flotte, ces initiatives doivent permettre à la collectivité d’éprouver ces « nouveaux services de mobilité » pour ensuite les essaimer sur son territoire. « Quelques collectivités sont partantes pour tester l’autopartage l’année prochaine et partager leur flotte, dont des maisons de retraite et des Ephad. Cela offre un service intéressant aux salariés de ces structures », avance Rachel Voron. Mieux : « L’un des résultats à noter depuis 2010, c’est que le comportement des collaborateurs a changé dans leur vie privée, conclut Florence Costé. Certains collègues ont acheté un VAE personnel pour leurs trajets domicile-travail, d’autres ont pris un abonnement au réseau d’autopartage Citiz et nous avons même des collègues qui ont acheté à deux un véhicule en autopartage. »