Pour Fabrice Norgeux, ingénieur conseil et référent risque routier à la Carsat Aquitaine, « la gestion des compétences » constitue un des points clés de la prévention aux risques routiers. « Les conducteurs de camions ont une formation initiale particulière et une formation continue obligatoire tous les cinq ans. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour des salariés qui passent 50 % de leur temps, voire plus au volant ? Et a fortiori pour les conducteurs de VUL. Il a été question un temps d’une formation complémentaire pour les VUL mais rien n’a été fait. Certes, une formation continue de cinq jours entraînerait une immobilisation importante des salariés. Il faudrait adapter la durée », estime cet expert. Qui remarque que certains chefs d’entreprise n’hésitent pas à utiliser des véhicules de moins de 3,5 t, essentiellement pour éviter cette contrainte.
L’éco-conduite : un levier intéressant
Pour Julien Tonner, ingénieur conseil au pôle risques physiques et technologiques de la Cramif, la formation est un des leviers qui s’est le plus développé ces dernières années, « grâce à l’attrait pour l’éco-conduite utilisée pour faire baisser la facture de carburant. La motivation entre une formation à l’éco-conduite et celle axée sur le risque routier n’est pas la même. Mais le message transmis est similaire : celui d’une conduite plus sécurisée et de l’importance de l’anticipation au volant. »
Cependant, certains conseils donnés lors de formations à l’éco-conduite sont contradictoires avec une meilleure sécurité, « notamment quand cela incite le conducteur à freiner tardivement pour avoir une conduite plus souple. L’éco-conduite a toujours pour but principal l’optimisation du fonctionnement du véhicule. Ce qui n’est pas toujours compatible avec la sécurité », ajoute Julien Tonner.
En revanche, « une simple formation à la sécurité routière a également un impact non négligeable sur la consommation », souligne Alain Rohel, président de l’association La Vie routière qui propose des formations d’une journée sur la base de quatre ateliers : sur route avec de l’informatique embarquée pour analyser le comportement, sur simulateur pour une mise en situation d’accidents, un atelier de code de la route et un autre sur les manœuvres.
Simulateur, e-learning, formation sur circuit
« Le simulateur de conduite permet d’exposer virtuellement le conducteur au risque, de le confronter à des situations à risques comme une voiture qui débouche d’un parking, un croisement caché, etc. C’est donc pertinent, à condition d’utiliser un simulateur adapté et non les outils standards employés dans les auto-écoles pour le passage du code, souligne Jean-Claude Robert, délégué général de l’association PSRE. Il faut y introduire des éléments de variabilité à chaque fois pour que le salarié ne revoie pas deux fois le même scénario. »
L’e-learning, qui a fait de nombreux adeptes du fait de sa facilité de mise en place, « ne peut en revanche qu’être complémentaire. Il est cependant utile en phase d’évaluation des besoins pour permettre au formateur de mieux connaître les profils », note Jean-Philippe Monnatte, P-DG de l’Automobile Club Prévention, qui considère « les formations avec une vingtaine de stagiaires comme inutiles ».
« Pour évaluer et mémoriser le risque, prendre conscience de ses limites et apprendre à ne pas se retrouver en situation dangereuse, la formation sur piste est la plus intéressante, ajoute Jean-Philippe Monnatte. On peut reproduire des situations comme le verglas, la plaque de gasoil, le piéton qui traverse, etc., et confronter le conducteur à ces situations, à 40 km/h, puis 80 km/h. Il comprend vite la différence ! »
De son côté Marc Bodson, directeur de Beltoise Évolution, souligne « un intérêt accru pour les formations sur site, afin d’éviter les déplacements des collaborateurs. Ce qui représente un gain de temps. Nous organisons ainsi des formations d’une journée sur simulateur et sur route, axées à 90 % sur la sécurité routière et à 10 % sur l’éco-conduite. Cette dernière était plus demandée quand le prix du carburant était élevé. En outre, les marges de réduction de la consommation se font de plus en plus faibles, les véhicules étant plus économes. »
Des ateliers ludiques peuvent également apporter un plus : « Cela peut se faire en interne, à l’occasion d’évènements, explique Jean-Philippe Monnatte. Ces ateliers peuvent tourner autour de plusieurs thématiques : le téléphone au volant, le constat à l’amiable, le Code de la route, etc. Nous avons mis en place un atelier qui a beaucoup de succès sur la conduite sous addictifs ou alcool. En modifiant la vision, des lunettes spéciales mettent le conducteur en situation. »
Adapter la formation aux profils
Pour être efficace, la formation doit s’adapter aux profils des conducteurs et aux risques spécifiques liés à leur activité. « Certains profils sont particuliers, comme les chauffeurs qui effectuent 20 ou 25 livraisons par jour. Ils ont tendance à se faufiler, à s’arrêter n’importe où. Il faut alors travailler sur les mauvais comportements mais aussi sur l’organisation », souligne Marc Bodson.
« Ces risques doivent être analysés au préalable. Il faut se poser plusieurs questions : qui circule, sur quel type de routes, avec quelles charges, s’agit-il de tournées, etc. ? Dans certains cas, il faudra mettre l’accent sur la manœuvre, dans d’autres sur la manière de charger un véhicule. Il faut trouver les failles, les situations vulnérables spécifiques aux collaborateurs », explique Jean-Claude Robert. Ensuite, ces formations doivent être réévaluées en fonction de l’évolution des collaborateurs et des nouveaux risques.