
Les formations sur circuit souffrent d’un malentendu. Dans l’esprit de beaucoup, il s’agit d’apprendre à aller encore plus vite et à maîtriser la conduite sportive. « Le circuit n’est pas fait pour se former à la course automobile », corrige Marc Bodson, directeur général de Beltoise Évolution, l’un des spécialistes de la prévention des risques routiers avec 12 000 stagiaires par an.
Pour la moitié de ses missions, Beltoise Évolution intervient sur le site des entreprises avec simulateur de conduite et parcours sur route ouverte. Pour l’autre moitié, les stagiaires se rendent sur les circuits de Trappes, de Lyon et de Haute Saintonge...
Les formations sur circuit souffrent d’un malentendu. Dans l’esprit de beaucoup, il s’agit d’apprendre à aller encore plus vite et à maîtriser la conduite sportive. « Le circuit n’est pas fait pour se former à la course automobile », corrige Marc Bodson, directeur général de Beltoise Évolution, l’un des spécialistes de la prévention des risques routiers avec 12 000 stagiaires par an.
Pour la moitié de ses missions, Beltoise Évolution intervient sur le site des entreprises avec simulateur de conduite et parcours sur route ouverte. Pour l’autre moitié, les stagiaires se rendent sur les circuits de Trappes, de Lyon et de Haute Saintonge (Charente-Maritime) du préventeur. « Pour limiter les coûts et les pertes de temps, les entreprises ont de plus en plus tendance à demander de nous déplacer sur leur site », constate Marc Bodson.
Selon Beltoise Évolution, rares sont les clients réellement impliqués dans un vrai plan de prévention des risques routiers. Les actions sont sporadiques et pas assez régulières pour obtenir des résultats tangibles. Afin d’accompagner les entreprises dans une démarche en faveur de la sécurité routière, Beltoise Évolution réalise un audit et met des outils spécifiques en place avec, notamment, l’analyse systématique de chaque accident, des formations sur simulateur de conduite, sur route ou circuit.
Une sinistralité divisée par deux
Selon les professionnels, les formations sur circuit affichent une efficacité supérieure aux stages sur simulateur. « Mais cette efficacité se mesure seulement après un ou deux ans par le repli de la sinistralité. Plus la situation de départ est dégradée, plus les résultats sont spectaculaires.
En fonction de sa stratégie, de son budget et de ses effectifs, l’entreprise forme tous ses collaborateurs ou uniquement les plus accidentogènes. « Mais une journée de sensibilisation tous les deux ans n’aura aucune efficacité et la sinistralité ne reculera pas, prévient Marc Bodson. Pour obtenir des résultats pérennes, l’entreprise doit déployer un véritable plan de prévention avec un audit de la sinistralité, un benchmark et un programme d’actions avec une évaluation de leur efficacité. »
Si le client est déjà vertueux, les outils déployés seront plus légers. « Mais pour rencontrer le succès, le plan de prévention doit être soutenu par la direction, la hiérarchie doit être impliquée et l’entreprise doit déployer des outils de sensibilisation et des formations », précise Marc Bodson.
Selon le dirigeant de Beltoise Évolution, il n’est pas rare que le plan de prévention aboutisse à une sinistralité en baisse de moitié : « Après notre intervention, une entreprise qui avait déjà de bons résultats a vu sa sinistralité diminuer de 38 % en formant les deux tiers de ses conducteurs. »
90 % des accidents sont évitables
Sur piste comme sur simulateur, les stagiaires sont confrontés à de nombreux exercices. À titre d’exemple, alors que le formateur discute avec le conducteur, un ballon surgit sur la piste et entre en collision avec le véhicule. « Pour qu’il y ait une prise de conscience, nous leur expliquons qu’un enfant pourrait être à la place du ballon, reprend Marc Bodson. Nous ne sommes pas sur le registre de la culpabilisation mais sur celui de la responsabilisation. »
D’après le préventeur, 90 % des accidents peuvent être anticipés et évités en appliquant des règles de bon sens. « Les stagiaires arrivent le matin avec des pieds de plomb, note Marc Bodson. Mais en fin de journée, ils ont adopté un regard différent grâce à une prise de conscience des risques. »
D’après Beltoise Évolution, la moitié des entreprises remplissent le document unique. 80 % identifient la route comme un risque professionnel et seules quatre sur dix mettent en place des actions de prévention. La majorité ne fait rien.

La sécurité routière souvent négligée
« La situation progresse mais il y a encore beaucoup à faire, souligne Marc Bodson. Les organismes de prévention peuvent accueillir 100 000 stagiaires par an alors que 800 000 à 1 million de nouveaux permis sont attribués dans le même laps de temps. Notre capacité reste modeste au regard des besoins théoriques. »
Bemobi Formation reçoit de son côté 8 000 stagiaires par an. Sous ce nouveau nom se dissimule Mobigreen, la filiale spécialisée du groupe La Poste.
Jusqu’à présent, Bemobi Formation se concentrait sur les interventions didactiques en salle. En septembre dernier, à la suite de demandes issues de plusieurs clients, la filiale de La Poste a lancé une formation d’une journée qui combine route et circuit.
Le programme s’inspire des conditions réelles rencontrées par les conducteurs dans l’exercice de leur profession. Objectif : améliorer leur comportement et transmettre les bonnes pratiques. « La formation en salle se poursuit par une conduite en situation réelle pour que les stagiaires prennent conscience de l’importance de l’anticipation », explique Delphine Janicot, directrice générale.

Le danger en toute sécurité
La formation compte plusieurs ateliers de 50 à 60 minutes chacun pendant lesquels les stagiaires expérimentent la perte d’adhérence, la maîtrise des technologies, le freinage d’urgence, les manœuvres d’évitement avec ou sans téléphone, etc. « Le circuit permet d’expérimenter des situations dangereuses impossibles à reproduire sur route ouverte », pointe Delphine Janicot.
Pour Bemobi, les entreprises ne doivent pas adopter les formations sur circuit en première intention. Ce type de stage doit intervenir après avoir expérimenté d’autres actions. Dès lors que l’entreprise a lancé des formations sur route et procédé à des piqûres de rappel, elle peut travailler sur des points spécifiques en organisant une formation sur circuit. « Cette pratique ne sert à rien si le conducteur n’a pas réalisé au préalable une formation pour mieux connaître le code de la route et prendre conscience de l’importance de l’anticipation », insiste Delphine Janicot.
La formation sur circuit devient pertinente si l’entreprise se situe dans une démarche d’amélioration continue, a déjà réalisé des stages sur route et mène des actions récurrentes. « Notre approche est d’abord générale, mais ensuite nous travaillons sur mesure en fonction de la sinistralité du client », reprend Delphine Janicot.
Bemobi Formation couvre l’ensemble de l’Hexagone avec trente circuits et annonce au minimum 20 % de baisse de la sinistralité. Parmi ses clients figurent la SNCF, Orange ou Lexmark.
Le circuit : un outil parmi d’autres
La prévention des risques routiers en entreprise est aussi l’une des trois activités du groupe ECF avec l’auto-école et la formation professionnelle. Structurée récemment, elle est proposée par 180 adhérents ECF disséminés sur le territoire.
« Une entreprise avec 120 collaborateurs sur la route a lancé une consultation pour des formations sur circuit pour l’ensemble d’entre eux, relate Patrick Clemens, le responsable de l’entité prévention. Nous avons remporté le marché. Pour des formations globales avec un nombre de collaborateurs importants, les entreprises choisissent de former sur circuit uniquement les populations à risques pour limiter les coûts. »
À titre d’illustration, une entreprise dotée d’une flotte de 1 500 véhicules définit un plan de prévention pour tous les collaborateurs et ne forme que les 50 conducteurs qui ont enregistré le plus d’accidents. « Le circuit n’a pas davantage d’efficacité qu’un autre outil, affirme Patrick Clemens. Il n’est pas magique et ne constitue que l’un des éléments d’un plan de prévention. »
Une pratique à double tranchant
Pour le responsable d’ECF, la formation sur circuit est à double tranchant. Cette pratique peut être considérée comme ludique et passe pour une récompense pour le stagiaire. Mais donner davantage de compétences à un conducteur pourrait l’inciter à prendre davantage de risques sur la route.
« Avant la formation sur circuit, l’entreprise doit avoir mené un travail en amont pour que les conducteurs affichent une certaine maîtrise, une compréhension et une prise de conscience », complète Patrick Clemens.
Pour ses formations, ECF s’appuie sur les compétences de Gérard Hernja, chercheur à l’université de Nancy et salarié de l’organisme de formation. ECF bénéficie également de l’expérience d’un réseau de consultants en prévention des risques routiers et de formateurs dont les compétences de moniteurs d’auto-école ont été complétées par deux cursus spécifiques de dix jours chacun.
« De nombreuses entreprises délaissent les circuits car le recul de la sinistralité n’est pas vraiment au rendez-vous », observe Patrick Clemens. De plus, 10 à 20 % des sinistres surviennent dans la circulation : la très grande majorité des incidents se produisent lors des manœuvres de stationnement.
Ces incidents n’ont pas de conséquence humaine mais induisent des coûts élevés.
« Alors que les entreprises négocient les loyers à l’euro près avec les loueurs longue durée, elles doivent s’acquitter de frais de restitution importants quand la sinistralité n’est pas sous contrôle », constate Patrick Clemens.
Lors des formations, ECF cherche à éveiller la réflexion du stagiaire sur le risque routier et sa propre conduite. Le décalage avec ses homologues le remet en cause. En fin de formation, la prise de conscience doit se matérialiser par un engagement pour davantage de discipline. Cela étant, Patrick Clemens insiste sur l’inutilité de la seule formation sur piste : « Elle ne se suffit pas à elle-même, sans être accompagnée d’un plan de prévention globale, c’est du sparadrap sur une jambe de bois. » Le message est clair.
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