
Quand vous demandez à un gestionnaire de flotte ce qu’il pense des forfaits post-stationnement, cela commence par un grand soupir et se poursuit, invariablement, par cette réponse : « C’est un casse-tête. » Casse-tête pour gérer ces taxes liées à l’absence de paiement d’un stationnement ou à un paiement insuffisant, d’autant que celles-ci dépendent désormais des municipalités et sont donc hétérogènes, notamment en termes de tarification. Les montants initiaux peuvent varier de 17 à 60 euros, parfois dans la même municipalité en fonction des secteurs, comme à Lyon.
Un casse-tête
Casse-tête car les entreprises ne peuvent désigner leurs collaborateurs...
Quand vous demandez à un gestionnaire de flotte ce qu’il pense des forfaits post-stationnement, cela commence par un grand soupir et se poursuit, invariablement, par cette réponse : « C’est un casse-tête. » Casse-tête pour gérer ces taxes liées à l’absence de paiement d’un stationnement ou à un paiement insuffisant, d’autant que celles-ci dépendent désormais des municipalités et sont donc hétérogènes, notamment en termes de tarification. Les montants initiaux peuvent varier de 17 à 60 euros, parfois dans la même municipalité en fonction des secteurs, comme à Lyon.
Un casse-tête
Casse-tête car les entreprises ne peuvent désigner leurs collaborateurs fautifs auprès de l’Antai (Agence nationale de traitement automatisé des infractions), comme pour les amendes classiques. Les FPS ne sont en effet plus considérés, depuis le 1er janvier 2018, comme des amendes pénales dues par les conducteurs, et doivent être réglés par le propriétaire du véhicule (voir les réponses de Nicolas Durand-Gasselin, avocat). Casse-tête enfin pour faire payer les collaborateurs ou récupérer a posteriori les sommes dues quand ceux-ci font la sourde oreille et que l’entreprise a préféré régler les FPS pour éviter les majorations et les ennuis judiciaires. « Les FPS perturbent vraiment la gestion courante des responsables de parc car, contrairement aux amendes qui bénéficient d’un traitement automatisé via l’Antai, les FPS arrivent par courrier et leur traitement est totalement manuel. Seules quelques rares municipalités ont mis en place des PV électroniques », confirme Amandine Verdasca, directrice du fleeteur WinFlotte. En citant une flotte de 2 000 véhicules : « Dans cette entreprise, les FPS monopolisent une personne à trois quarts temps pour gérer les relances aux collaborateurs et les justificatifs de paiement. »
Les FPS représentent souvent entre un tiers et la moitié de l’ensemble des taxes et amendes pour infractions au Code de la route. Selon Arval, qui traite 2 200 FPS par an, le ratio s’élève de 0,13 FPS par an et par véhicule (FPS non payés directement par les collaborateurs).
« On reçoit des documents de quatre pages sous format papier, c’est aussi un vrai gâchis. Il faudrait au moins que cela soit dématérialisé, souligne Maxime Sartorius, directeur du fleeteur Direct Fleet. Mais le plus gênant pour les entreprises, c’est de ne plus pouvoir désigner les conducteurs auprès de l’Antai. C’est une vraie régression car cela ne responsabilise pas les collaborateurs et cela alourdit la charge de travail. »
« Il y a deux écoles, précise Amandine Verdasca : des entreprises règlent les FPS, en considérant que ces taxes sont liées à l’activité de leurs collaborateurs. D’autres les font payer mais ont du mal à obtenir les paiements. »
Payer ou faire payer les collaborateurs ?
Arval conseille d’inciter les collaborateurs à payer. « Il est nécessaire de les responsabiliser. Comme pour la consommation de carburant ou l’entretien, c’est le comportement du conducteur qui est l’un des plus importants facteurs de surcoût. Dans tous les cas de figure, il est indispensable de préciser les règles relatives aux FPS dans la politique d’utilisation des véhicules, explique Éric Fulcheri, directeur du service Delivery d’Arval France. Mais si le collaborateur ne règle pas ses FPS, nous conseillons à l’entreprise de payer pour éviter des majorations, voire d’entrer dans un processus judiciaire avec assignation. Cela peut avoir un impact financier important pour elle », complète-t-il.
Au sein de Radio France, les deux pratiques existaient mais sont en train d’être harmonisées : « À Paris, nous avions décidé de payer mais certaines parmi les 44 stations locales demandaient aux collaborateurs de régler leurs FPS. Le dossier est sensible car légalement, les collaborateurs peuvent refuser de payer. Nous ne pouvons donc pas les forcer à le faire et nous payons », constate Amel Djeghidel, responsable du service parc automobile, soit 400 véhicules dont 250 pour Paris (voir le témoignage).
Une gestion chronophage
« Nous essayons au maximum de faire payer ces FPS par les collaborateurs ou de récupérer la somme si nous sommes amenés à les payer. Mais il faut du personnel et c’est d’autant plus difficile que nous passons par un fleeteur, TraXall, pour la gestion de la flotte et que nos équipes sont donc réduites. C’est très chronophage », indique Stéphane Antoinat, responsable du parc du laboratoire pharmaceutique Sanofi France. « TraXall reçoit les FPS, les scanne et se charge d’envoyer un e-mail au collaborateur pour lui demander de régler. Mais dès que cela bloque, que le collaborateur ne peut être joint ou ne paie pas, cela nous revient », poursuit-il.
Le fleeter ou le loueur, quand ils gèrent les FPS pour le compte de l’entreprise, se retrouvent en effet rapidement confrontés aux mêmes problèmes que le gestionnaire de flotte en interne et doivent passer la main. Quand le gestionnaire de parc gère les FPS, il les reçoit soit directement, soit via son loueur « quand le nom du client n’est pas indiqué sur la carte grise, ce qui constitue une minorité de cas », note Éric Fulcheri pour Arval.
« C’est le loueur ou le siège social de l’entreprise qui reçoit le FPS par courrier. Ensuite, il doit le diriger vers le bon service, ce qui n’est pas toujours évident. Puis il faut identifier le collaborateur pour lui demander de payer, ce qui est aussi complexe si le véhicule est en pool », détaille Maxime Sartorius pour Direct Fleet. Pendant ce temps, le compteur tourne et les FPS sont majorés au bout de 90 jours. « Et 90 jours, c’est à la fois beaucoup et peu quand des informations manquent », reconnaît Éric Fulcheri pour Arval.
Un long processus
Première étape : le responsable de parc (le fleeter ou le loueur en cas de gestion externalisée), qui ne peut donc désigner le collaborateur, lui demande de payer directement le FPS, le plus souvent par e-mail, avec en pièce jointe un scan de ce FPS. C’est la pratique la plus courante, bien que l’entreprise ne puisse légalement pas forcer son collaborateur à payer cette taxe dont elle est redevable.

Mais parfois, les collaborateurs sont difficilement joignables. Il peut par exemple s’agir d’un collaborateur en fin de CDD ou en retraite, qui a rendu son véhicule et n’a plus d’e-mail professionnel. « Le problème est similaire quand le collaborateur est en longue maladie, indique Stéphane Antoinat. Chez Sanofi, il a le droit de continuer à utiliser son véhicule pendant six mois mais il ne regarde pas ses e-mails professionnels. » « Je connais une entreprise qui s’est retrouvée avec 30 à 40 FPS non réglés pour un seul collaborateur qui était parti entre temps. Elle a dû payer. Cela peut être très coûteux », relate Maxime Sartorius.
Ensuite, les e-mails peuvent passer sous les radars. « Nos collaborateurs reçoivent des centaines d’e-mails par jour et, comme ils sont itinérants, ils les regardent sur leur téléphone ou leur tablette. Des e-mails peuvent ainsi ne pas être vus. Parfois, les collaborateurs réagissent au second e-mail, une fois le FPS majoré, et nous assurent que la première alerte n’a jamais été reçue ou a dû passer dans les spams. Souvent de toute bonne foi », expose Stéphane Antoinat.
Des situations complexes
Des gestionnaires de flotte soulignent un autre problème : des FPS seraient laissés sur les pare-brise, sans envoi par courrier. « Et parfois, des riverains s’amusent à retirer les avis des pare-brise. Du coup, cela ne permet pas d’anticiper et nous recevons directement la majoration », déplore Bruno Lucien, responsable de la flotte de LS Services, soit 750 véhicules, essentiellement des VU. LS Services est une Scop dont le cœur de métier consiste à relever les compteurs de gaz, d’électricité ou d’eau (voir le témoignage).
Quant à la contestation, elle se révèle compliquée. « Seul le conducteur peut contester le FPS. L’entreprise ne peut le faire car cela reviendrait à désigner », souligne Stéphane Antoinat pour Sanofi. « Pour faire annuler une majoration par exemple, indique Amandine Verdasca pour WinFlotte, il faut prouver que le FPS initial n’est jamais arrivé, ce qui est impossible. Les réponses sont très aléatoires. Une fois, la contestation est acceptée, puis trois autres fois refusée, sans explications. »
Une fois le FPS envoyé au collaborateur, il faut aussi s’assurer de son paiement effectif. Et pour les gestionnaires de parc, il n’est pas toujours facile de savoir quels collaborateurs ont réglé et quels autres ne l’ont pas fait car tous n’envoient pas de justificatifs de paiement au responsable du parc.
« Nous essayons alors d’avoir des récapitulatifs mais ce n’est jamais le même correspondant et ils sont très difficiles à joindre. Parfois, nous obtenons aussi des réponses différentes ! Et quand nous obtenons un récapitulatif, il mentionne des numéros de PV mais aucune immatriculation. On ne sait jamais si le montant affiché est celui de l’amende initiale ou le montant majoré, d’autant que chaque municipalité affiche des taxes différentes. C’est difficile à identifier, explique Stéphane Antoinat. Nous avons même essayé de désigner les conducteurs, ce n’est qui légalement pas possible. De manière étonnante, cela marche parfois, mais c’est rare », ajoute ce responsable.
S’assurer du paiement du FPS
Ensuite, quand le montant dû a déjà été majoré et que le collaborateur ne paie toujours pas, « cela peut aller jusqu’à l’avis à tiers détenteur, avant saisie. Dans ce cas de figure, nous réglons mais nous lui demandons de nous rembourser le montant de l’amende initiale », précise Stéphane Antoinat pour Arval.
« Quand le collaborateur ne paie pas, il n’y a pas vraiment d’actions possibles et légales en termes financiers. Il est toujours possible pour un manager de convoquer ce collaborateur récalcitrant pour l’inciter à régler mais on ne peut l’y forcer », rappelle Amandine Verdasca. D’ailleurs, des entreprises ont décidé de payer directement les FPS et de récupérer ensuite la somme, notamment sur les notes de frais, pour éviter les impayés. Une solution adoptée assez largement, semble-t-il, mais illégale.
Récupérer les montants a posteriori ?
« Nous avons aussi envisagé de demander aux conducteurs une caution sur laquelle il nous serait possible de ponctionner les FPS. Mais cela ne passerait pas du côté des ressources humaines et des syndicats », évoque Stéphane Antoinat pour Sanofi. « La seule solution envisageable, c’est d’instaurer un indicateur lié aux FPS et de jouer sur les primes. Mais il faut que ce soit indiqué dans le contrat de travail », précise Amandine Verdasca.
« On ne peut pas forcer un collaborateur à payer ses FPS mais on peut l’inciter, le relancer. Le manager peut exercer une pression la plus efficace possible, éventuellement effectuer un entretien de recadrage. Cela doit se faire néanmoins en bonne intelligence. Ensuite, il reste la possibilité de sanctions disciplinaires pour les multirécidivistes. Les entreprises ne sont pas totalement démunies », avance Éric Fulcheri pour Arval.
Le premier geste, c’est de payer le stationnement pour éviter les FPS. « Mais nos 1 200 collaborateurs itinérants, des visiteurs médicaux, sont parfois coincés dans une salle d’attente de médecin, alors que la durée du stationnement réglée a expiré. Certes, il y a des applications pour payer à distance mais ce n’est jamais le même logiciel et les petites municipalités ne sont pas toutes équipées. C’est donc difficile de limiter le nombre de FPS », note Stéphane Antoinat.
« L’essentiel, c’est de faire de la pédagogie et de la communication sur les règles d’utilisation des véhicules et les responsabilités des conducteurs car ces FPS peuvent être la source de conflits entre employeurs et salariés. Les conducteurs ont des droits mais aussi des obligations, souligne Éric Fulcheri. Nous conseillons de mettre en place des applications pour faciliter le paiement des stationnements sur le compte de l’entreprise. Ensuite, si les collaborateurs ne paient pas le stationnement, c’est de la négligence ! », ajoute-t-il.
Prévenir plutôt que guérir
Avocat spécialiste du sujet, Nicolas Durand-Gasselin reprend les pistes possibles : « La seule solution, c’est d’essayer de faire diminuer le nombre de FPS par de la formation et en donnant des cartes de stationnement prépayées ou en faisant en sorte que le montant du stationnement puisse être prélevé directement sur le compte de l’entreprise. Il reste ensuite la solution de la sanction disciplinaire – blâme, avertissement ou rappel à l’ordre, voire licenciement – pour les multirécidivistes, tout en respectant le principe de proportionnalité entre la faute commise et la sanction. Cette éventualité doit aussi être mentionnée auparavant dans le règlement intérieur et la charte du conducteur », détaille cet avocat.
« C’est impératif de trouver une solution car cela nous pourrit la vie. L’idéal serait de pouvoir désigner. À un moment, il en était question mais cela n’avance pas », se désespère Stéphane Antoinat pour Sanofi. Amandine Verdasca espère que le traitement des FPS « sera bientôt centralisé et informatisé sur le site de l’Antai. Ce serait déjà une avancée de ne plus recevoir de FPS sous format papier, mais du fait du statut juridique du FPS, il est peu probable qu’il soit possible de désigner dans le futur. » À suivre…