
Les temps changent. Si les supercars, modèles sportifs et très nombreux SUV ont bien sûr été des attractions majeures, la mobilité numérique a constitué l’un des thèmes principaux mis en avant lors du 67e salon de Francfort. Confirmation avec la venue de Sheryl Sandberg, P-DG de Facebook, aux côtés d’Angela Merkel pour l’inauguration, tandis que Google était partenaire de la soirée médias.
Cette volonté des organisateurs s’est aussi concrétisée avec le New Mobility World, soit un demi-hall et une zone de démonstration consacrés à la mobilité de demain. Une tentative de rassembler dans un même espace les acteurs de la mobilité connectée, à l’image du salon des hautes technologies CES de Las Vegas, mais de façon encore trop modeste pour rivaliser. Le Mondial de Paris a lui aussi des projets dans ce sens pour offrir une palette complète de la mobilité d’aujourd’hui aux visiteurs professionnels comme au grand public.
Autonomie, connectivité, électricité
Conduite autonome, connectivité, services de mobilité, énergie électrique : autant de thèmes centraux dans cette partie du parc des expos de Francfort, que l’organisation a choisie comme lieu pour la conférence de presse officielle – encore un symbole.
Autre point commun avec le Mondial de l’Automobile et tendance de fond, certains constructeurs avaient choisi de ne pas faire le déplacement. Peugeot, DS, Fiat, Alfa Romeo, Jeep, Nissan, Infiniti, Mitsubishi ou Volvo n’ont pas eu de stand à Francfort. Une stratégie d’économies qui reflète aussi un changement des modes de consommation, avec un public moins assidu et une manière de s’adresser à la presse plus concentrée sur des événements à part, hors de la cohue, pour mieux retenir l’attention. Deux illustrations : la Nissan Leaf a été révélée deux semaines avant le salon ; le Volvo XC40 a levé le voile sur ses lignes juste avant la fin du salon, une dizaine de jours après les journées presse.
La mobilité connectée, autonome et surtout électrique est donc devenue l’un des éléments forts de la communication des constructeurs, à grands coups de concepts cars préfigurant leurs ambitions zéro émission. Une évolution renforcée par la crise du diesel, un thème important dans le cadre de la campagne électorale allemande qui connaissait sa phase finale lors du salon.
Dans ces domaines, les faiblesses des constructeurs d’outre-Rhin les motivaient d’autant plus à montrer toute la force de leur stratégie. C’était flagrant lorsque l’on pénétrait dans le hall du Groupe Volkswagen qui a annoncé pas moins de trente véhicules électriques entre 2020 et 2025. Des dizaines de concepts personnalisaient ainsi les ambitions d’électrification de chacune des marques du groupe.
Rappelons que la part de marché de l’électrique en Europe demeure pour le moment inférieure à 1 %. Mais la donne va forcément changer avec une offre grandissante dans les trois prochaines années, des produits très attractifs avec une autonomie dépassant les 500 km, et des politiques incitatives.


Le tout-électrique en version germanique
La visite se doit de commencer par les constructeurs locaux qui ont monopolisé l’attention avec leurs halls géants, dont le Groupe Volkswagen. Phénomène assez rare et intéressant, on a noté l’apparition de deuxièmes versions de concepts déjà révélés, à l’image du Volkswagen I.D. Crozz, vu d’abord au salon de Shanghai, et montré ici dans une version retouchée. Objectif : offrir au concept un aspect plus proche de ce qu’il pourrait donner une fois produit en série en 2020, fort de 500 km d’autonomie (NEDC).
On a donc noté des détails plus réalistes, comme les ceintures de sécurité ou les phares de ce SUV aux lignes sportives et à traction intégrale (225 kW de puissance cumulée), à l’habitacle généreux et très ouvert. Une commande vocale permet, par exemple, d’ouvrir les portes. À ses côtés, l’I.D., au format proche de celui d’une Golf, complétera le lancement de la gamme électrique du constructeur qui vise 100 000 voitures produites dès 2020.

Pour ce qui est des nouveautés, le stand de Volkswagen présentait aussi au grand public les dernières générations de Polo et de T-Roc, précédemment montrées à la presse et dans ces pages, et la version restylée du Sportvan.
VW planifie trente nouveaux véhicules électriques
Chez le voisin Skoda on retrouvait un concept électrique déjà vu à Shanghai, le Vision E, doté de 500 km d’autonomie, de 225 kW de puissance et d’une conduite autonome de niveau 3. Chez Seat, l’Arona, petit SUV très classique (4,14 m), jouait les crossovers plutôt que les SUV purs et durs. À partir de 16 500 euros TTC, il concurrencera de front les 2008 et Captur. La marque était aussi la première à annoncer, à terme, l’intégration dans ses véhicules de l’assistant vocal Alexa d’Amazon.
Toujours dans le hall du Groupe Volkswagen, au-delà des spectaculaires nouveautés des stands Bentley (Continental GT) et Bugatti (Veyron), Audi exposait la dernière génération de son vaisseau amiral, l’A8 révélée cet été. Aussi sobre que finement dessinée, cette A8 impressionne surtout par son intérieur bien moins clinquant que ceux des rivales de chez BMW (Série 7) et Mercedes (Classe S tout juste restylée). Une vitrine du savoir-faire technologique d’Audi.
Pour ce qui est du futur, la marque aux anneaux avait amené pas moins de deux concepts à Francfort. L’un avait des airs de déjà-vu et c’est logique : il s’agit d’une évolution du concept e-tron Sportback vu à Shanghai. Un grand SUV électrique aux lignes de coupé (4,90 m), capable de conduite autonome et fort de 320 kW de puissance répartis sur les quatre roues (un moteur par roue), pour une autonomie dépassant les 500 km selon l’optimiste norme NEDC. On peut compter environ 25 % de distance en moins en usage réel.



Audi se met à l’intelligence artificielle
Pour ce modèle, Audi souligne l’intégration de calculateurs plus puissants et capables d’intelligence artificielle – les lettres « AI » de son nom – pour une conduite autonome sur autoroute avec changements de file automatiques ou stationnement autonome. Des technologies dont Audi affirme que la mise au point est suffisante pour se rapprocher de la série.

Enfin, toujours dans le Groupe Volkswagen, Porsche misait sur son gros SUV Cayenne troisième du nom. Sous une apparence assez proche de son prédécesseur, il se fait un peu plus long (+ 6 cm) et moins haut. Sa plate-forme sera commune avec le futur Touareg présenté bientôt. Ce Porsche réussit à gagner 100 l de coffre mais reste un modèle 5 places. Il reçoit deux versions hybrides et deux diesel dans un second temps, en V6 et V8.
De mémoire de journaliste automobile, on n’aura rarement vu autant de nouveautés dans le hall d’un constructeur que chez BMW-Mini cette année. Un festival avec de multiples concepts cars et quelques modèles de série.
Festival de concepts cars chez BMW
Commençons par le plus spectaculaire. L’i Vision Dynamics a été immédiatement qualifiée d’anti-Tesla Model S par de nombreux observateurs. Assez classique et très dynamique dans ses lignes, cette berline semble en effet proche d’une version de série à même de compléter la gamme électrique « i » de BMW. Elle aligne 600 km d’autonomie, d’excellentes accélérations (0 à 100 km/h en 4 s) et des prestations haut de gamme.
D’ici 2025, douze modèles électriques sont annoncés chez BMW qui a été précurseur avec notamment l’i3, légèrement restylée pour Francfort où elle a reçu une version S voulue plus performante, voire sportive.

Au fil du stand, on tombait nez-à-nez avec une magnifique ébauche quasi définitive du coupé Série 8 qui reviendra dans sa version finale l’an prochain. Un très musculeux roadster Z4, prévu pour 2018, était également mis en avant sous forme de concept abouti aux formes complexes. On remarquait aussi l’immense et très caricatural concept X7 iPerformance, très massif SUV de 6 places et hybride rechargeable, appelé lui aussi à rejoindre le marché en 2018. Il inaugure un langage stylistique destiné au très haut de gamme. Au vu de ses lignes, on peut imaginer que le marché chinois, friand de représentation exacerbée, est celui que les designers avaient en tête au moment de se pencher sur la planche à dessin.
Pour les véhicules de série, citons l’ultrasportive mais très emblématique M5, passant à la traction intégrale et forte des 600 ch de son V8 : et observons la Série 6 Gran Turismo, nouvelle tentative plus finement dessinée de la Série 5 GT, berline à hayon devenue plus élancée.
Enfin, Francfort a aussi offert l’occasion à BMW de rappeler sa collaboration dans la conduite autonome avec le cartographe Here et le fabricant de processeurs Intel. Ce dernier est très impliqué dans ce domaine alors qu’il vient de racheter Mobileye, spécialiste des capteurs et du traitement de leurs données. Une phase de test avec quarante Série 7 est d’ailleurs lancée.
Chez Mini, deux concepts étaient au rendez-vous dans des genres très différents et tous deux assez futuristes, sur la base de la sacro-sainte silhouette de la Mini : la Mini Electric Concept et la John Cooper Works GP Concept, cette dernière cherchant à maximiser la notion de performance à bord.

Mercedes entre électrique et hypercars
Comme à chaque édition du salon, la véritable cathédrale éphémère de Mercedes se faisait très impressionnante. Peut-être un peu plus que la très attendue hypercar AMG Project One au moteur transplanté de la F1. Car visuellement, l’auto semble presque trop proche des classiques supercars que l’on connaît, alors que son concept est proprement incroyable : un moteur hybride V6 1.6 de F1 dans une voiture homologuée pour la route, avec 1 000 ch, moins de 6 s pour passer de 0 à 200 km/h, et 350 km/h en pointe – de quoi laisser bon nombre de concurrentes K.O. debout.
De son côté, le GLC Fuel Cell (pile à combustible), doté d’un moteur électrique de 147 kW, donnait peu avant sa commercialisation un avant-goût de ce dérivé du SUV actuel. Il emmène 4,4 kg d’hydrogène, avec à la clé une autonomie de 437 km, auxquels s’ajoutent 49 km avec la batterie embarquée (NEDC). La Classe S 560e hybride rechargeable a pour sa part rejoint le marché, arborant le design tout juste retouché du vaisseau amiral de la marque et une autonomie de 50 km en 100 % électrique.
Beaucoup plus fou mais plein de solutions technologiques pertinentes, le gigantesque concept car Vision Mercedes-Maybach 6 Cabriolet a attiré les regards avec ses immenses portes antagonistes ouvertes sur des écrans sans fin autour de l’habitacle. Le pick-up Classe X, basé sur le Nissan Navara, se veut quant à lui positionné plus haut de gamme dans un marché en pleine dynamique.

De discrètes françaises
En l’absence de Peugeot et DS, les nouveautés les plus marquantes des constructeurs français se résumaient à une voiture de série, la déjà connue Citroën C3 Aircross montrée pour la première fois ici au grand public, et au concept Symbioz de Renault. Ce dernier traduit la vision du losange d’un véhicule autonome et connecté, électrique évidemment, comme un prolongement de la maison.

Quant à Dacia, il mettait en avant la deuxième génération du Duster. Proche visuellement de son prédécesseur, ce SUV confirme que les constructeurs évitent de prendre des risques en renouvelant un modèle à succès… Ce Duster s’enrichit en équipements de sécurité (avertisseur de présence en angle mort, etc.) et en confort (accès mains-libres, etc.), et l’on attend pour 2018 une version allongée à 7 places. La présentation intérieure reste basique pour respecter une politique de prix agressifs.
Comme le Groupe Volkswagen, les deux constructeurs coréens sont arrivés assez tard sur le très porteur marché des SUV compacts, et chacun dans son style. À Francfort, Hyundai révélait pour la première fois au grand public un Kona au dessin assez torturé, qui jouait la carte du baroudeur ludique, tandis que Kia se montrait plus sage et plus sportif dans le design de son Stonic. Kia alignait aussi un concept car remarqué, le Procee’d, une interprétation sous forme de coupé 5 portes très sportif de ce que pourrait devenir la Cee’d, berline compacte de la gamme.

Chez Opel, le local de l’étape, c’est le Grandland X, construit sur base du Peugeot 3008, qui a tenu la vedette, devenant un symbole de l’acquisition de la marque par le Groupe PSA. Une future version hybride rechargeable du Grandland X annoncée ici constitue une innovation chez Opel, si l’on fait abstraction de la première Ampera.
La voiture volante, un fantasme ?
En conclusion, en plus des énergies alternatives et de concepts cars plus ou moins originaux, on notait l’incursion de quelques autos volantes, comme le Volocopter qui trônait devant le hall de Mercedes – le constructeur a investi dans cette start-up allemande avec son label EQ –, ou encore l’Aeromobil, autre exemple au principe de fonctionnement différent. Utopie ? En tout cas, cela a le mérite de relativiser les obstacles législatifs qui peuvent entraver la conduite autonome, devenue du coup une problématique presque simple…