
Revoir les coûts à la baisse et intégrer les préoccupations environnementales : voici, en résumé, l’équation sur laquelle les collectivités doivent se pencher. Difficile à résoudre ? Pour trouver la formule la mieux adaptée, les collectivités multiplient les actions. En mai 2010, une enquête réalisée par la Fédération des maires des villes moyennes (FMNV) proposait plusieurs pistes de réflexion à partir l’expérience des flottes d’une soixantaine de leurs adhérents. Une enquête qui dressait aussi le constat de flottes d’une moyenne d’âge relativement élevée, 8,5 ans, et envisageait plusieurs leviers pour faire reculer les coûts, par exemple...
Revoir les coûts à la baisse et intégrer les préoccupations environnementales : voici, en résumé, l’équation sur laquelle les collectivités doivent se pencher. Difficile à résoudre ? Pour trouver la formule la mieux adaptée, les collectivités multiplient les actions. En mai 2010, une enquête réalisée par la Fédération des maires des villes moyennes (FMNV) proposait plusieurs pistes de réflexion à partir l’expérience des flottes d’une soixantaine de leurs adhérents. Une enquête qui dressait aussi le constat de flottes d’une moyenne d’âge relativement élevée, 8,5 ans, et envisageait plusieurs leviers pour faire reculer les coûts, par exemple en agissant sur la taille du parc et, par ricochet, sur le personnel spécifique à cet entretien.
Autre levier suggéré par la FMNV, la mise en pool des véhicules qui se positionne parmi les plus courantes des actions engagées par les collectivités. Au sein de la ville de Lyon, cette mise en pool a débuté en 2007. Mais elle n’a pas encore débouché sur une baisse notable du nombre de voitures. « Des agents employaient leur véhicule personnel pour leurs missions, constate le responsable du garage municipal, Patrick Nowicki. L’un des objectifs de notre démarche est d’éviter cette situation. » Un nécessaire rééquilibrage qui a amoindri l’efficacité du travail de réduction de la flotte, mais sans l’annuler.
Mettre en pool pour diminuer les parcs automobiles
La mairie de Lyon compte environ 8 000 agents dont 3 000 susceptibles de recourir à un véhicule au cours de l’année. Elle possède un parc de 860 véhicules de tourisme, 194 utilitaires légers, 132 utilitaires lourds de type Trafic, 42 poids lourds, mais aussi 71 deux-roues – des scooters électriques jusqu’aux 650 BMW de la police municipale. « Depuis 2007, nous avons supprimé de notre parc 49 véhicules et évité environ 30 créations », précise Patrick Nowicki. Demandé en 2007 par la mairie, ce processus a débuté par un recensement systématique par le service interne des véhicules pour chaque direction de la mairie. « C’est le seul moyen de suivre l’évolution de leur nombre d’année en année », estime le responsable du parc. Sur cette base ont été répertoriés tous les véhicules qui effectuaient moins de 3 000 km/an, avec pour objectif de les retirer. « Avec les directions, nous discutons des constats que nous faisons sur la gestion du parc et de la manière de l’améliorer », reprend Patrick Nowicki. Sont ainsi interrogées en priorité, tous les ans, les directions les plus importantes, soit environ une dizaine sur la soixantaine que compte la mairie, avec des parcs compris entre 20 et 70 véhicules.
« Pas question de supprimer sans concertation », avertit Patrick Nowicki. Une précaution qui amène non seulement à préserver de bonnes relations avec les services, mais aussi à veiller à ce que chacun dispose des véhicules les mieux adaptés aux besoins. De même, des directions peuvent être en demande de nouveaux véhicules. Dans ce cas, et pour tenir l’objectif de réduction, « nous nous arrangeons toujours pour faire du ”un pour un”, explique Patrick Nowicki : un gain pour une direction, c’est une perte pour une autre. » Une méthode efficace pour maintenir constant le nombre de véhicules du parc.
Bien connaître les habitudes, jouer la concertation
Patrick Nowicki met aussi en avant la nécessaire bonne connaissance des usages des directions. « Certaines avaient besoin d’un véhicule de neuf places pour des trajets de groupes et en demandaient l’achat, illustret-il. Nous en avions un dans la flotte ; il servait à transporter des enfants dans le cadre d’animations sportives et ne tournait que pendant les vacances. Durant toutes les vacances scolaires, nous l’avons donc réservé pour les animations sportives et le reste du temps, il est mutualisé pour toute la ville. »
Une démarche semblable de mise en pool se retrouve à Nantes, ce que détaille Bruno Mathieu, directeur des supports logistiques de Nantes Métropole, en charge de la flotte de la ville et de la communauté urbaine qui compte plus d’un millier de véhicules. « Auparavant, il y existait des pools propres à des directions dans une logique d’autonomie », explique-t-il. Cette situation a évolué : la ville et la communauté urbaine de Nantes Métropole comptent désormais chacune des pools inter-directions. « Une direction ne considère plus qu’elle est propriétaire de son véhicule, reprend Bruno Mathieu. En mu tualisant avec d’autres directions, nous arrivons à des économies et à une plus grande souplesse lors des périodes de pointe. » Pour faciliter la familiarisation des personnels avec le principe des pools, un service complémentaire de prêt à court terme a été établi. « Par moment et ponctuellement, des directions peuvent avoir besoin de plus de véhicules, poursuit le responsable. Ce service de prêt évite que chaque direction se dimensionne selon sa propre valeur de pointe ».
Une surveillance plus attentive des véhicules en pool
Mais comme le souligne la FMNV dans son étude, la mise en commun des véhicules dans des pools peut aussi engendrer des dérives, comme la surréservation. Également évoquée dans le document de la FMNV, la dégradation des voitures est aussi une réalité pour les gestionnaires de flottes des collectivités. « C’est un problème », reconnaîton à Nantes où l’on compte sur la mise en place d’une politique de prévention des accidents routiers pour contribuer à améliorer le comportement des usagers. Avec les mises en pool, « plus personne ne se sent concerné par l’état du véhicule. Il devient un objet pour tout le monde. Grâce une surveillance fréquente, de l’ordre du mois, nous arrivons cependant à faire reculer les dégradations », note Dominique Jacqueline. Directeur mécanique de la communauté urbaine de Cherbourg, celui-ci est à la tête d’une flotte de 250 véhicules, dont un quart de véhicules légers, un quart d’utilitaires et une moitié de poids lourds et d’engins.
La surveillance régulière de l’état des véhicules reste aussi un moyen d’évaluer s’ils sont employés à bon escient. « L’avantage du garage intégré, c’est d’être en contact direct avec les utilisateurs et le véhicule. Cela nous permet de voir si ce dernier est adapté et les dégradations qu’il subit », pointe Patrick Nowicki, pour la ville de Lyon.
Un choix des modèles au plus près des besoins
Patrick Nowicki cite le cas d’un Kangoo 5 places dont les sièges étaient systématiquement mis de côté pour transporter du matériel et qui a donc été remplacé par… un utilitaire. Le renouvellement des flottes constitue bien sûr une autre opportunité pour adapter au mieux les véhicules aux usages qui vont en être faits. « Quand nous changeons de véhicules, nous essayons de repérer ”qui roule où” », complète le responsable de la flotte lyonnaise. Et ces renouvellements sont aussi l’occasion d’adapter les motorisations, tout en tenant compte des obligations de respect de l’environnement et des objectifs de réduction budgétaire.
Toujours à Lyon, les véhicules qui roulent en ville effectuent de 7 000 à 8 000 km par an. Ceux qui sont amenés à sortir des limites de l’agglomération parcourent entre 13 000 et 15 000 km. « Quand les véhicules ont tendance à faire 50 % de leur temps en ville, nous choisissons des moteurs essence, précise Patrick Nowicki. Même si elle développe plus de CO2, l’essence est notamment plus intéressante en termes de rejets de particules. Quand les véhicules font beaucoup de route, nous avons tendance à privilégier le diesel. » Autour des motorisations, les arbitrages débouchent le plus souvent sur des économies de carburant. « Sur cette année, nous avons diminué de 4 % nos consommations, indique Patrick Nowicki. En 2010, nous avions consommé 325 000 litres d’essence sans plomb, 350 300 de diesel et 85 000 de GPL. » Un chiffre moins lié au choix de véhicules moins consommateurs qu’à l’effet de la norme Euro 5 pour les utilitaires. « Nous avons six véhicules équipés de start and go et nous espérons arriver à une dizaine d’ici la fin de l’année. En ville, ils consomment entre 5 et 10 % en moins, ce qui participe aux 4 % de baisse du total de nos consommations », conclut le responsable.
« Le montant des économies est complexe à chiffrer », estime-t-on à Cherbourg où ont pourtant été lancées une politique d’acquisition de véhicules propres, des formations à la conduite raisonnable et des mutualisations quand elles sont possibles. Principal responsable : l’évolution du coût du carburant. « Sur les deux dernières années, nous avons connu une légère baisse de 5 % en volume de carburant », constate toutefois Dominique Jacqueline, pour la communauté urbaine de Cherbourg. Mais ce sont principalement les bennes à ordure qui tirent vers le haut la consommation. « Elles consomment 40 % de la totalité du carburant et sur ces véhicules, il est difficile de générer des gains », regrette le responsable.
Prendre en compte le coût de la contrainte environnementale
Ce choix de motorisations est aussi guidé par la politique et la communication des collectivités locales autour de l’environnement. « Pendant des années, nous avons acheté des GPL, que nous renouvelons par des GNV. La technologie GNV est bien au point et elle présente de meilleurs résultats pour son bilan écologique. Progressivement, nous substituons aussi du biodiesel au diesel afin d’améliorer le bilan environnemental. La filière biodiesel est engagée dans un processus de certification environnementale, ce qui nous encourage dans cette voie », décrit Bruno Mathieu pour Nantes.
De telles politiques ont un coût : sur Nantes Métropole, le budget consacré à ces véhicules « verts » s’élève à 138 000 euros cette année. Un surcoût compensé par les économies réalisées par ailleurs grâce à la réduction du parc. Ce sont aussi bien l’achat de véhicules bi-carburation que de modules complémentaires de compression pour la station gaz qui ont alourdi le budget. 21 000 euros de plus sont également dépensés en frais de fonctionnement : le biodiesel, qui répond non seulement à des préoccupations écologiques mais aussi éthiques, en matière de déforestation surtout, est plus onéreux. Enfin, les économies réalisées sur les coûts de carburant par le renouvellement de la flotte peuvent mécaniquement aboutir à augmenter la taille de celle-ci.
Toujours dans ce souci de préservation de l’environnement, les véhicules électriques deviennent incontournables dans les réflexions des gestionnaires de flotte. « Nous nous intéressons aux véhicules électriques et nous en aurions l’utilité, indique Dominique Jacqueline pour Cherbourg. Nous avons même eu des démonstrations sur site de la Mia. Mais pour le coût, nous sommes presque à deux fois celui d’un véhicule thermique en moyenne, ce qui n’est pas très engageant », déplore le directeur mécanique.
Avec l’audit, faire entrer un regard extérieur sur la flotte
Mise en pool des véhicules, réduction de la taille des parcs, modèles électriques : les modifications des habitudes ne sont pas toujours bien perçues par les personnels. D’autant que pour certains, l’usage d’une voiture est devenu, au fil des années, un acquis sur lequel il n’est pas évident de revenir : « C’est ma voiture, j’ai en besoin », répondent aux gestionnaires de flotte les plus récalcitrants aux changements. Pour mener à bien la rationalisation des flottes, les collectivités peuvent aussi faire appel à un intervenant extérieur. Ce dernier constitue non seulement un moyen de s’assurer de la fiabilité des résultats mais aussi d’amortir le poids des décisions à prendre vis-à-vis du personnel de l’administration. « Il est toujours plus «pratique» d’avoir un oeil extérieur qui va préconiser les mesures à prendre », confirme Dominique Jacqueline, pour la communauté urbaine de Cherbourg.
Pour Bruno Mathieu, de Nantes Métropole, les résistances sont aussi d’ordre structurel : « L’auditeur voit les mesures à prendre avec un oeil externe. Ensuite, il faut les mettre en oeuvre ce qui n’est pas toujours facile, souligne-t-il. Il y a des objectifs légitimes d’économie et d’écologie d’un côté et, de l’autre, les objectifs d’efficience opérationnelle de chaque directeur. Il faut savoir concilier les deux. »
Outre l’intérêt d’un regard plus objectif sur la gestion des flottes, le recul des auditeurs peut aussi donner un éclairage sur la gestion globale des déplacements au sein des collectivités. C’est en tout cas dans cet esprit qu’un organisme comme l’Ademe en Poitou-Charentes promeut son accompagnement financier des audits. « Nous finançons l’audit à 70 %, avec un plafond de 15 000 euros », indique Sébastien Bourcier, ingénieur responsable des transports pour l’organisme régional. L’étude réalisée fait non seulement le bilan de la flotte et de ses performances environnementales mais s’intéresse plus largement aux trajets des personnels, sur le modèle des plans de déplacements d’entreprise (PDE). « Nous voulons amener la collectivité à se poser une question d’ensemble sur sa mobilité », insiste le responsable de l’Ademe.
En élargissant l’approche aux trajets des agents, l’audit apporte aussi une meilleure anticipation de l’efficacité des mesures envisagées, particulièrement en matière de réduction des parcs. À bon entendeur…
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