
Quand c’est le « serial entrepreneur » et, de ce fait, milliardaire Richard Branson qui le dit, il faut le croire : « L’expérience client, c’est bien. Mais améliorer l’expérience salarié, c’est mieux. Ces derniers se chargeront ensuite de satisfaire les attentes des clients. »
Sur ce thème, une minorité de gestionnaires de flotte se sont approprié ce credo pour faciliter la vie des salariés et leur proposer un service irréprochable en matière de déplacements professionnels. Ils associent alors voiture de fonction, autopartage, flotte de vélos, de trottinettes, voire pas de trajet du tout via le télétravail ou les rencontres en visio-conférence...
Quand c’est le « serial entrepreneur » et, de ce fait, milliardaire Richard Branson qui le dit, il faut le croire : « L’expérience client, c’est bien. Mais améliorer l’expérience salarié, c’est mieux. Ces derniers se chargeront ensuite de satisfaire les attentes des clients. »
Sur ce thème, une minorité de gestionnaires de flotte se sont approprié ce credo pour faciliter la vie des salariés et leur proposer un service irréprochable en matière de déplacements professionnels. Ils associent alors voiture de fonction, autopartage, flotte de vélos, de trottinettes, voire pas de trajet du tout via le télétravail ou les rencontres en visio-conférence.
Le bien-être des conducteurs

Si cette question du bien-être des salariés n’apparaît pas dans toutes les car policies, loin de là, elle n’en est pas moins dans toutes les têtes. Ainsi, pour la société de distribution d’eau et de café Château d’Eau, Mohamed Amrane a pour ambition d’offrir un parc adapté aux besoins des conducteurs des 217 véhicules qu’il gère en France et au Luxembourg. « Nous avons mis en place cette année des boîtes automatiques dans nos véhicules pour le confort et la santé des conducteurs. Et nous avons verdi la flotte – nous sommes passés du diesel à l’hybride – pour appuyer et se conformer à notre politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Nos salariés apprécient », expose ce responsable de la supply chain et du parc automobile.
« Je mène en ce moment une mission sur ce thème, appuie Robert Maubé, expert conseil et formateur en gestion de flottes automobiles pour le cabinet RRMC. C’est une nouvelle préoccupation des responsables de parc. Pour que les salariés se comportent au mieux avec les clients, pour qu’ils soient bien dans leur peau, il faut les choyer le plus possible. Avec des salariés mobiles, la voiture est l’un des éléments qui favorise l’expérience salarié », constate-t-il.
Certes, ce niveau de réflexion n’est pas majoritaire dans la gestion de flotte. « Nous avons tous en tête des situations où le responsable de parc est injoignable, débordé, illustre un fleeteur très au fait des pratiques du métier. Et quand on le joint, c’est pour se faire “engueuler“. » Reste que la graine de la satisfaction salarié est semée. Comment alors la récolter ?
Pour améliorer cette « expérience salarié », pour attirer et fidéliser les collaborateurs, une série de meilleures pratiques a vu le jour ces dernières années. Le service minimum reste de retoucher, en continu, sa car policy. Cette dernière se doit d’être dans la moyenne ou légèrement au-dessus du marché pour une fonction et un secteur donnés en matière de types de voiture.
Les meilleures pratiques
« Pour qu’une car policy réponde aux besoins des salariés, le gestionnaire de flotte doit la travailler régulièrement, rappelle Théophane Courau, président du fleeteur Fatec Group (70 000 véhicules en gestion pour une centaine de clients). La car policy intégrera par exemple des modèles qui répondent aux enjeux de RSE comme les voitures électriques. Redéfinir chaque année sa car policy prend à peu près quinze jours. Cela implique de bien connaître ses conducteurs et le nombre de kilomètres parcourus. »
L’autre réflexe pour développer sa marque employeur reste d’offrir des voitures de fonction qui renforcent la sécurité des salariés. On voit encore beaucoup d’employés qui assurent leurs déplacements professionnels par le biais des indemnités kilométriques. Et roulent parfois dans des véhicules en piètre état, pour certains sans assurance…
Pour le salarié, la voiture se veut aussi un avantage financier de l’ordre de 7 000 à 10 000 euros par an. Un chiffre loin d’être négligeable : cela constitue un treizième voire un quatorzième mois de salaire. Quand le salarié a le choix entre deux employeurs, l’avantage va logiquement à celui qui offre une voiture de fonction.
Ensuite, le responsable de parc doit mettre en avant un « service de flotte » avec pour but final que le salarié ne s’occupe de rien – au même niveau de qualité que celui d’un service destiné à un client externe. C’est le cas de la politique de maintenance des véhicules pour en limiter l’immobilisation. Mais aussi celui de la fluidité des processus de gestion avec comme principe que tout doit être simple et à moins de « trois clics » d’une solution, ce qui suppose d’organiser sa gestion en numérisant et en simplifiant (voir l’encadré ci-dessous).
Un service de flotte
Enfin, pour valoriser sa marque employeur, il faut impliquer les autres départements comme les achats, la DSI, les RH et sa direction pour appuyer sa politique. « En respectant tout cela, le fleet manager fait vivre une excellente expérience salarié à un coût raisonnable, assure Robert Maubé pour RRMC. Tout est lié. »
D’autres mesures se montrent aussi efficaces pour des populations plus restreintes comme celles des salariés sédentaires dotés de véhicules statutaires. Pour ces employés très choyés, il est possible de miser sur des crédits mobilité. Ce qui consiste à supprimer le véhicule de fonction ou à le remplacer par un modèle plus petit, et à compenser par le recours à une location de voiture le week-end ou les vacances, au train, au taxi, à l’avion pour soi et sa famille.
C’est notamment la solution employée par un laboratoire pharmaceutique parisien à la tête de 1 500 véhicules dont 500 pour ses cadres dont la moitié venaient en transport en commun. Le gestionnaire de flotte a donc suggéré de substituer à la voiture de fonction un crédit mobilité. Avec à la clé des gains notables par an et par collaborateur selon la taille de leur voiture.
Mobility as a Service
Le vélo et les mobilités douces peuvent aussi se présenter comme des vecteurs d’attractivité. Pour les plus convaincus, il s’agira de coupler ce type de trajets avec la voiture. « Car le tout-voiture, le monomodal vit ses dernières années, juge Benoît Beroud, consultant en mobilité durable pour le cabinet de conseil Mobiped. Le responsable de parc aura donc tout intérêt à réfléchir en termes de “Mobility as a Service“ en incluant la voiture, la trottinette, le vélo, le taxi, etc. Et il diminuera l’empreinte carbone des grands déplacements non substituables en privilégiant l’éco-conduite et l’électrique. L’image de l’entreprise sera valorisée avec des actions de ce type. »
« Les salariés veulent aujourd’hui trouver un moyen de transport écologique qui leur évite d’être contaminés dans le contexte de la pandémie, avance Séna Adjovi, président de Green Riders, importateur et loueur de trottinettes électriques. Notre solution aide aussi à contourner la pénurie de stationnements dans les parkings et propose aux jeunes générations des déplacements écologiques et rapides. Et avec nos engins, l’entreprise gagne aussi en productivité. »
La carte du vélo
D’autres membres de cet écosystème du transport doux apportent des arguments intéressants. C’est le cas d’Alexis Angioletti, fondateur de Fleeter. Ce spécialiste de la LLD de vélos à assistance électrique assure des locations de VAE à 200 employeurs : « 80 % de nos clients sont des clientes, précise-t-il. Ces salariées souhaitent éviter les transports en commun et se protéger, en ce moment, du covid-19. De plus, trente minutes de vélo par jour réduisent de 18 % les risques d’accidents cardio-vasculaires. On perd aussi du poids au bout de quelques mois, tout en se mettant en accord avec les valeurs de protection de la planète. »
Un discours partagé par Mathieu Eymin, président de la SAS Velab, une société de conseil et de vente qui vise à faire entrer le vélo en entreprise. Mathieu Eymin est aussi président de l’association Les Boîtes à vélo-France. Celle-ci regroupe 150 employeurs chez qui 75 % des trajets s’effectuent en petite reine. « Nos salariés apprécient ces déplacements doux pour au moins quatre raisons, pointe-t-il. Le vélo est un facteur de baisse du stress, d’augmentation du plaisir et de la ponctualité, avec une amélioration de la forme physique et donc de la santé. » Cerise sur le gâteau : cette mobilité douce renforce aussi l’image de la marque employeur des sociétés qui y recourent. « Une entreprise qui met en avant cette façon écologique de circuler valorise son image globale et son attractivité auprès des jeunes candidats qui veulent changer le monde », ajoute Mathieu Eymin. Pour ce dernier, les déplacements de moins de 10 km peuvent tous se réaliser en vélo, électrique ou non.
À noter que ces employeurs peuvent mettre en avant leurs engagements en devenant membres des employeurs « Pro Vélo » labellisés par la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub) et l’Ademe, sur le modèle du « Cycle Friendly Employer » lancé et soutenu par l’European Cycling Federation (ECF).
Mais pour nombre des spécialistes que nous avons interrogés, ces changements ne concernent encore que peu de monde et démarrent lentement. « Échanger une voiture de fonction contre une prime mensuelle reste un phénomène marginal, rappelle Maxime Sartorius, président du fleeteur Direct Fleet (trente collaborateurs, 10 000 voitures en gestion). Mais c’est un signal faible d’un changement en cours qui s’explique par la fermeture des villes aux voitures polluantes et par le désintérêt de certains jeunes pour l’automobile. »
Des démarches encore limitées
Maxime Sartorius cite un de ses clients qui va lancer en janvier 2021 une car policy avec une prime pour remplacer la voiture de fonction. « Mais, pour être franc, je considère que le marché de la mobilité implique encore avant tout la voiture, poursuit-il. Je ne vois pas de gestionnaires de flotte qui se transforment en mobility managers. Nous ne sommes pas aux Pays-Bas ! » Reste à savoir pour combien de temps encore.
Avec ces politiques, le gestionnaire de flotte améliore donc la qualité de la vie des salariés. Mais il peut, en parallèle, s’en servir pour se promouvoir. Ce que valide Mohamed Amrane au sein de l’entreprise Château d’Eau, en rappelant que cette démarche lui permet aussi de montrer sa valeur ajoutée et de maintenir son employabilité : « J’évolue et je fais évoluer les choses en maintenant les coûts, en respectant la car policy définie par le comité de direction et en améliorant les conditions de travail de tout le monde », expose ce responsable de la supply chain et du parc automobile.
Pour Cornerstone OnDemand, un éditeur de logiciels spécialisés dans le développement et la gestion des talents, Geoffroy de Lestrange ne dit pas autre chose : « Pour le gestionnaire de flotte, cette démarche offre l’occasion d’être créatif et d’accroître le périmètre de son emploi. C’est aussi défensif car ce poste peut être menacé dans des entreprises qui veulent diminuer leur flotte. Et c’est offensif car cela amène à anticiper le mouvement sociétal qui vise à faire reculer la consommation d’énergie fossile », avance ce directeur marketing produit et communication international (voir le témoignage).
Assurer sa promotion
Pour utiliser cette communication afin de se promouvoir en tant que responsable de parc, il faut alors montrer à tous ses chefs de département que la gestion de flotte est intégrée au plan de mobilité employeur obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés. Il faut donc en discuter avec la DRH et son dirigeant pour vérifier que la gestion de flotte constitue bien l’une des composantes de ce plan de mobilité.
« Si ce plan de mobilité n’existe pas, ce peut être aussi l’occasion pour le gestionnaire d’en proposer un en partant de sa flotte pour, par exemple, analyser quoi faire sur les trajets domicile-bureau, conseille Bruno Renard, directeur de la responsabilité sociétale du CEA de Grenoble (130 véhicules). On peut aussi suggérer des mutualisations avec d’autres gestionnaires de flotte d’entreprises contigües. Le gestionnaire pourra alors exister dans la stratégie de responsabilité sociétale des entreprises », détaille Bruno Renard, également président de l’association PDIE Grenoble Presqu’île/GIANT (voir le témoignage). Sans oublier de demander que ces nouvelles fonctions fassent bénéficier le gestionnaire d’une promotion et d’une augmentation.
Pour faire passer les bons massages et se promouvoir, « il faut être force de proposition », renchérit le responsable de flotte Alain Teig, président d’Echomobility Auvergne-Rhône-Alpes. Cette association fédère une vingtaine de gestionnaires de flotte actifs dans cette région, l’une des plus dynamiques de France.
Savoir communiquer

« Le gestionnaire doit être capable d’informer sa hiérarchie, d’analyser l’évolution des marchés et de la mobilité, de mettre en avant des solutions, de faire remonter les informations du terrain. Après, tout dépend de l’entreprise et de sa hiérarchie », note Alain Teig. En rappelant que ces messages passent moins bien quand on travaille dans les services généraux plutôt qu’en relation directe avec son dirigeant. « Il faut aussi avoir en tête de communiquer sur son travail. La gestion de flotte est souvent considérée comme une tâche facile : il faut mettre en avant sa complexité », recommande Alain Teig. Le responsable valorise alors son poste et il est toujours plus écouté et sollicité pour tout ce qui touche à la mobilité. Ce qui suppose aussi de dépasser le stade de la gestion pure et de demander des formations pour progresser dans sa carrière.
Dossier - Gestion de flotte : cap sur « l’expérience salarié »
- Gestion de flotte : cap sur « l’expérience salarié »
- Bruno Renard, CEA de Grenoble : « La flotte fait partie de notre politique de marque employeur »
- Geoffroy de Lestrange, Cornerstone OnDemand : « Transport : comment assurer la qualité de vie des salariés ? »
- Patrick Dumoulin, Great Place to Work : « Comment renforcer l’attractivité d’un employeur ? »