
À quoi rêve professionnellement un futur et jeune gestionnaire de flotte ? Aux voitures peut-être, mais pas seulement. Ses attentes sont aussi environnementales.
« Je souhaite devenir gestionnaire avant tout pour faire de ma passion de l’automobile mon futur métier », répond Baptiste Leroy, 22 ans. Étudiant/apprenti du Master of Sciences (Msc) Transforming Mobility de l’ESC Clermont (63), il alterne ses cours avec un poste de chargé de mission pour Yooliz, un fournisseur de véhicules de flotte à des clients professionnels. « J’ai déjà décroché un DUT en techniques de commercialisation et une licence professionnelle technique sur la question...
À quoi rêve professionnellement un futur et jeune gestionnaire de flotte ? Aux voitures peut-être, mais pas seulement. Ses attentes sont aussi environnementales.
« Je souhaite devenir gestionnaire avant tout pour faire de ma passion de l’automobile mon futur métier », répond Baptiste Leroy, 22 ans. Étudiant/apprenti du Master of Sciences (Msc) Transforming Mobility de l’ESC Clermont (63), il alterne ses cours avec un poste de chargé de mission pour Yooliz, un fournisseur de véhicules de flotte à des clients professionnels. « J’ai déjà décroché un DUT en techniques de commercialisation et une licence professionnelle technique sur la question du véhicule électrique. Mon dernier cursus en gestion de la mobilité devrait me permettre d’intégrer un poste de gestionnaire de flotte ou de gestionnaire de mobilité », anticipe Baptiste Leroy.
L’automobile, mais pas seulement
Au lycée Marcel Callo de Redon, les jeunes du BTS maintenance des véhicules se destinent avant tout à des métiers de chef mécanicien en concession. « Nous diplômons une douzaine d’étudiants par l’apprentissage chaque année, explique Stéphane Wlodarczyk, l’enseignant en charge de ce cursus. En ce moment, trois d’entre eux souhaitent s’orienter vers la gestion de flotte. Pour la voiture, bien sûr, mais pas seulement. Ils veulent faire aussi de la gestion. » Ces étudiants pourront ainsi utiliser ce qu’ils ont appris en matière de maintenance préventive et de numérisation des processus. Un de ces jeunes a notamment mis en place, au cours de son alternance cette année, un système pour supprimer les erreurs dans les devis, avec un taux « d’échecs » passé de 50 à 3 %. « Nos apprentis trouvent des solutions connectées et pratiques pour des problèmes jusqu’ici insolubles », poursuit Stéphane Wlodarczyk.

Quelles sont les bonnes raisons d’intégrer la gestion de flotte ? « Pour exercer ce métier, il faut évidemment être passionné par le monde de l’automobile. C’est plus facile de s’investir quand on aime ce que l’on fait », pose Isabelle Graffeo pour Akka, une société de services et de conseil en hautes technologies. Car Fleet Manager France chevronnée, elle gère seule environ 700 véhicules.
« Mais gérer un parc ne consiste pas seulement à se faire plaisir en essayant des véhicules. Il faut se tenir au courant en permanence des actualités produits des constructeurs, des nouvelles technologies, lire la presse professionnelle, connaître les évolutions fiscales. Il faut ensuite adapter la car policy en fonction de ces obligations. Il est aussi indispensable de mettre en adéquation cette stratégie avec la politique de l’entreprise », rappelle Isabelle Graffeo.
Donner du sens

Ce qui fait beaucoup de connaissances pour un seul salarié. D’autant que le domaine de la flotte évolue et impose de prodiguer des conseils en gestion ou en environnement. Ce qui plaît aux plus jeunes générations. « J’ai aussi suivi ces cours pour donner du sens à mon travail : apporter du conseil aux entreprises maîtrisant mal les enjeux liés à la mobilité durable ou aux flottes électriques », ajoute l’étudiant Baptiste Leroy. Qui se voit comme « un responsable des ressources humaines version véhicules ». « C’est-à-dire celui qui gère et organise les déplacements comme le DRH s’occupe des salariés – mais je sais aussi qu’aucun gestionnaire n’exerce le même métier. J’ai rencontré des gestionnaires en fin de carrière, totalement désabusés, pour qui il est impossible de faire bouger les choses. Moi, je veux participer à la transition énergétique, tout en la démocratisant le plus possible », conclut Baptiste Leroy.
Le parcours de Baptiste Leroy est celui d’un nombre croissant de jeunes étudiants. Car le métier commence à attirer. C’est le point de vue et le pari de Florence Puiseux, responsable de la filière mobilité durable au sein de l’ESC Clermont et responsable du tout nouveau (la première promotion de neuf apprentis sera diplômée fin 2021) Master of Sciences Transforming Mobility, co-accrédité par l’école de management et par l’école d’ingénieurs Sigma Clermont.
Transformer la mobilité

« Le but est de former des étudiants qui vont transformer la mobilité, s’enthousiasme Florence Puiseux. Pour créer cette formation interdisciplinaire, nous avons obtenu le soutien de Michelin, Renault, La Poste ou Engie, mais aussi de petites entreprises sur toutes ces questions de verdissement, de financement ou de transfert de la possession à l’usage. Notre vrai sujet est de faire connaître cette formation aux jeunes car les employeurs nous suivent. La difficulté n’est pas de trouver des employeurs pour embaucher nos alternants. Les entreprises doivent établir des plans de mobilité, consommer moins, faire des économies. Elles ont besoin d’embaucher », souligne cette enseignante.
Mais faire connaître le métier reste compliqué. L’image de la gestion de flotte n’est pas toujours des plus vendeuses. Il faudrait, par exemple, mettre en avant l’ensemble des responsabilités assumées par ces gestionnaires. Il ne s’agit plus de régler les contraventions mais bien de rédiger la car policy, d’améliorer l’image de son entreprise, de générer des gains en repérant les bonnes stratégies pour changer et diversifier les loueurs. Car la profession évolue à grande vitesse. « C’est maintenant que c’est passionnant, constate l’apprenti Baptiste Leroy. C’est aussi un métier où l’on acquiert rapidement des responsabilités alors que j’ai de nombreux collègues, alternants comme moi, à qui l’on confie des missions sans intérêt. Et si l’entreprise n’offre pas la possibilité de développer des responsabilités, il est toujours possible de proposer une amélioration du service, de procéder à une simulation pour montrer combien on peut gagner sur un parc. »
Un contexte favorable
« C’est le bon moment pour débuter sa carrière », confirme Julien, gestionnaire de flotte de 36 ans qui témoigne anonymement. Il gère, à l’échelle européenne, 9 500 véhicules pour un énergéticien francilien du CAC 40. Et constate que le contexte est très favorable, avec de nombreux défis autour de la transition énergétique et de la RSE. « Il devient stratégique, dans de plus en plus d’entreprises, de transformer les flottes, de les faire passer du véhicule statutaire à la mobilité et à la politique de l’usage. Tout cela va être conduit par le gestionnaire de flotte. Avec, à terme, la possibilité de devenir mobility manager en charge demain des voyages, du crédit mobilité, voire de la RSE. C’est pourquoi nous recherchons des jeunes de mieux en mieux formés, plus de femmes, moins d’amoureux de la voiture », poursuit Julien.

Pour Hélène Billon, directrice facilities et mobility chez Orange (17 000 véhicules en parc), la gestion de flotte reste un métier passionnant : « l’essayer c’est l’adopter », plaisante-t-elle. Les jeunes l’intègrent mais « il faut leur montrer l’étendue des fonctions et la possibilité d’y développer de la RSE. C’est très intéressant pour eux d’avoir un impact sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre en verdissant les flottes. J’ajouterai un dernier grand intérêt : la variété des missions. Dans cette fonction, pas de monotonie. Il faut posséder des connaissances en finance, en fiscalité, en gestion. Le métier se situe au cœur de toutes les problématiques du moment : plan de mobilité, éco-conduite, mobilité, etc. », énumère Hélène Billon.
Une image à améliorer
Mais les employeurs devraient faire plus d’efforts pour promouvoir la fonction. « Afin d’améliorer son image de marque, je conseille aux employeurs de venir la présenter et l’expliquer à nos jeunes, dans notre lycée, lors des journées découvertes des métiers, avance Stéphane Wlodarczyk, enseignant en charge du BTS maintenance des véhicules du lycée Marcel Callo de Redon. Cela permet aussi à l’équipe pédagogique de comprendre les attentes des entreprises et de s’y adapter. »

Pour attirer ces jeunes, des professionnels préconisent d’autres mesures de bon sens. « Tout d’abord poursuivre la professionnalisation », expose Alain Teig, président de l’association de gestionnaires de flotte Echomobility qui regroupe une vingtaine de personnes en Auvergne-Rhône-Alpes. « C’est notre rôle de développer des formations pour améliorer le niveau d’entrée des jeunes. Ensuite, il faut communiquer : peu de gens ont vraiment connaissance du périmètre de nos métiers. Il faut l’expliquer pour attirer des jeunes dans une fonction qui offre de très belles carrières. Dans mon entreprise, une manageuse a commencé tout au bas de l’échelle, sans le baccalauréat », illustre Alain Teig.

Cette « fluidité » dans les évolutions constitue un atout ; ici, avec un métier jeune et peu connu, l’ascenseur social n’est pas encore bloqué. « La professionnalisation est en marche, rappelle Hervé Foucard, chef du service technique des transports automobiles municipaux à la ville de Paris (2 652 véhicules à moteur, 600 vélos, une quinzaine de gestionnaires de flotte). La valorisation de ces métiers est sur le point d’aboutir. Cela devrait occasionner une hausse des salaires dans les années à venir », complète-t-il.
Car les entreprises vont devoir développer des plans de mobilité. Et dans ce contexte, la communication globale des employeurs est aussi en jeu. Tous les salariés jusqu’au comité exécutif seront en effet concernés par la gestion de flotte qui va devenir un service de conseil en fiscalité, en RH, en finance, pour fournir des informations de qualité à la direction administrative et financière.
Voilà pour les bonnes nouvelles. Mais d’autres sont moins réjouissantes. La gestion de flotte demeure un monde de services, de « back office », où « l’on a plus de coups à recevoir que de remerciements, confie un vétéran de la fonction. Un commercial qui décroche un contrat se voit immédiatement valorisé. Ce n’est pas le cas de nos fonctions supports et des fonctions liées au service à la personne. Dans ces dernières, on retient surtout les points de frottement. C’est le gros point négatif du métier : bien faire ce qui est à réaliser et ne pas attendre de valorisation », conclut ce responsable.
Sortir du « back office »
Cet écueil, avec son corollaire de salaires bas en début de carrière, pourrait être contourné tant la demande en spécialistes est importante. « Le futur du métier se situe dans la mobilité, ajoute Alain Teig pour Echomobility. Les déplacements sont et seront à prendre au sens large. Un jeune gestionnaire ne s’intéressant qu’à la voiture doit se faire des soucis. Mais, pour les autres, les mieux formés, les horizons vont s’élargir avec la demande des employeurs d’être force de proposition sur les différentes mobilités. Cela demande une grande créativité. »

« Pour attirer les jeunes, il faut, in fine, donner une vision du futur de la gestion de flotte », résume le formateur et consultant Robert Maubé pour le cabinet RRMC. Et ce supplément de sens change tout car l’automobile connaît sa première grande révolution depuis son apparition. Sous l’impulsion des COP (Conferences of the Parties), des normes européennes ou de la loi d’orientation des mobilités (LOM), les bouleversements sont en cours avec un marché de l’automobile qui se transforme en marché de la mobilité.
Un technicien de la mobilité
« Pour le gestionnaire, cela change aussi beaucoup de choses, reprend Robert Maubé. Il devient un technicien de la mobilité avec un enrichissement, une montée en importance de la fonction où vont se croiser des compétences à la fois administratives, techniques, numériques, relationnelles, ou encore de l’achat pour assurer ce qui va compter : la mobilité des salariés. »
Pour les spécialistes, le métier sera alors exercé dans ce cadre par des titulaires d’un diplôme au moins bac + 2/3. Et la fonction deviendra une composante de la direction des moyens généraux. Le gestionnaire gérera la voiture et la façon de se déplacer individuellement, à un coût abordable avec des crédits mobilité, une flotte partagée ou du télétravail. « Le signal le plus symbolique de tous ces changements a été donné par le gouvernement Castex, parachève Robert Maubé. La mission interministérielle du parc automobile de l’État s’appelle désormais “Mission mobilité“, avec la création d’un réseau de référents mobilités. » Cela vaut mieux que de long discours. Alors qu’elle change à grande vitesse, la profession pourrait bien ouvrir un boulevard aux jeunes gestionnaires.
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