
Pour les spécialistes de la RSE, l’utilisation des flottes pour développer ce type de politique constitue une « évidence ». « Ce n’est pas important, c’est indispensable », résume Patrick Martinoli, ancien responsable du parc d’Orange et dirigeant de la société de conseil PCDM Automotive qui aide les entreprises à verdir leur flotte. « La gestion de la flotte est perçue comme un levier essentiel des politiques RSE, confirme Stéphane Rénie, directeur de la responsabilité sociétale et environnementale du loueur ALD Automotive. Et pour cause : cela contribue à mettre très rapidement en concordance le discours et les actes. De fait, l’électrification...
Pour les spécialistes de la RSE, l’utilisation des flottes pour développer ce type de politique constitue une « évidence ». « Ce n’est pas important, c’est indispensable », résume Patrick Martinoli, ancien responsable du parc d’Orange et dirigeant de la société de conseil PCDM Automotive qui aide les entreprises à verdir leur flotte. « La gestion de la flotte est perçue comme un levier essentiel des politiques RSE, confirme Stéphane Rénie, directeur de la responsabilité sociétale et environnementale du loueur ALD Automotive. Et pour cause : cela contribue à mettre très rapidement en concordance le discours et les actes. De fait, l’électrification des parcs de nos clients “entre“ immédiatement dans l’amélioration de leur bilan carbone », complète-t-il.
« Les responsables de parc ont l’obligation de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Ils doivent donc mener une politique RSE. S’ils ne le font pas, ils ne répondront pas aux demandes de leur employeur et leur société sera considérée comme pollueuse, continue Céline Billard, consultante en mobilité durable pour le bureau d’études Iter et formatrice. Nous n’en sommes pas encore aux politiques de pollueur-payeur mais cela viendra. Un nombre croissant de mes clients vont remplacer leurs véhicules, avec plus de visio-conférences ou un meilleur plan de déplacement pour les salariés. »
Réduire les GES…
Il est difficile pour une entreprise de ne pas développer sa stratégie RSE. « Et cette demande provient des consommateurs, de la société, des collaborateurs », rappelle Bruno Renard, coordonnateur de la responsabilité sociétale de l’entreprise du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA de Grenoble), en charge de 135 véhicules. « La gestion de parc doit être évidemment intégrée dans la RSE, poursuit-il. C’est même le début de toute bonne politique RSE : aller voir le responsable pour qu’il optimise sa flotte, en la diminuant et en l’électrifiant. »
En effet, les trajets au sens large (avion, train, voiture) sont à l’origine de près d’un tiers des GES émis en France. Dans ce tiers, plus de 90 % sont causés par les voitures. « Actionner la gestion de la flotte contribue à plusieurs politiques RSE, avance Cécile Goubet, déléguée générale de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, l’Avere-France. Ces politiques RSE concernent les salariés mais aussi les fournisseurs par le biais des demandes de mobilité verte pour accéder à des marchés et des clients. »
Toucher à ces émissions de GES contribue donc à limiter très rapidement son empreinte carbone. Et faire rouler des flottes dans les rues au vu du grand public mais aussi des employés aide à le faire savoir.
… pour limiter l’empreinte carbone

« Avec la loi d’orientation des mobilités (LOM), les entreprises ont aujourd’hui obligation de proposer un plan de mobilité à leurs collaborateurs, retrace Lydie Recorbet, chargée de mission au sein de l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises), une association d’une centaine de membres qui promeut et informe sur les pratiques RSE grâce à des ouvrages. Ces entreprises doivent donc développer une mobilité douce et favoriser les modes de transport vertueux allant jusqu’au non-déplacement par l’entremise du télétravail. » Reste à mettre en œuvre cette décarbonation. Et c’est là tout le rôle du gestionnaire de flotte.
Pour mener à bien une politique RSE, le responsable de parc doit, tout d’abord, entamer une large réflexion sur la mobilité de ses collaborateurs. « L’important est de se doter d’une feuille de route pour construire une trajectoire de l’empreinte carbone de son entreprise par le biais de l’électrification de sa flotte. L’un va avec l’autre mais l’électrification demeure un indicateur opérationnel plus facilement pilotable, commente Stéphane Rénie pour ALD. Ensuite, il faudra réfléchir en TCO et tout prendre en compte. Cette approche fait alors pencher la balance du côté de l’électrification. En revanche, si on analyse seulement le coût de la location mensuelle, on restera sur les énergies fossiles. »
Un soutien au plus haut niveau
Cette démarche peut couvrir d’autres champs, à l’image des horaires décalés qui offrent aux salariés d’arriver plus tard au travail ou de repartir plus tôt pour désengorger les transports publics et les infrastructures routières. Cette politique doit être menée en impliquant le plus grand nombre de services, avec un soutien au plus haut niveau. Ce qui implique aussi un dialogue avec les collaborateurs grâce à des études sur leur mobilité, leurs attentes et leurs idées.
Dans la mesure où il s’agit d’un sujet du quotidien qui résonne avec l’actualité (un litre d’essence à plus de 2 euros, la guerre en Ukraine), cette démarche suscite l’intérêt du plus grand nombre. Cela montre aussi que l’employeur se préoccupe de son environnement et développe la cohésion de ses équipes. Mais cette démarche passe, dans un premier temps, par un bilan carbone pour convaincre sa direction du bien-fondé de la démarche RSE liée à la flotte. Ensuite, il faut calculer combien coûte l’électrification par rapport aux dépenses liées à un parc thermique.
Convaincre les collaborateurs

« Ma première démarche a consisté à convaincre nos salariés du bien-fondé de notre politique RSE-gestion de flotte », explique Aurélien Antoine, responsable RSE de la société Foodles, acteur de la restauration collective en entreprise à la tête de 40 véhicules. 100 % de sa flotte pour les commerciaux se compose de Zoé électriques. La moitié du parc à destination des techniciens est électrifiée et l’ensemble des véhicules de fonction sont des vélos.
Aurélien Antoine reprend : « J’ai développé les subventions pour les vélos et les véhicules électriques afin de faire adhérer nos collaborateurs à ce changement majeur. J’ai, en parallèle, sondé mes équipes pour connaître leurs modalités de déplacement personnel et professionnel. Nous avons ainsi pu disposer de données pour mener des actions de verdissement avec des mesures d’électrification, de prise en main de vélos, de trajets en train, et une charte d’engagement. Avec des résultats probants : 80 % de nos collaborateurs circulent en mobilité douce : à pied, à vélo, en transport en commun. C’est un bon indicateur », conclut Aurélien Antoine.
La première mesure du responsable de parc vise donc à décarboner sa flotte en privilégiant deux actions. On peut tout d’abord limiter les trajets. Moins de temps sur la route signifie davantage de temps pour travailler et cela abaisse par exemple une location sur quatre ans de 80 000 à 60 000 km, soit une économie importante. Ce responsable peut aussi développer le télétravail et pousser à remplacer les réunions en présentiel par des visio-conférences.
Décarboner sa flotte…

Ensuite, la restriction du nombre des déplacements se conjugue à l’électrification puisque les besoins sont moindres. D’où l’occasion d’intégrer dans son catalogue des modèles plus frugaux.
« Concrètement, ajoute Patrick Martinoli pour PCDM Automotive, le gestionnaire pourra analyser sa flotte, puis proposer le véhicule adéquat à chaque type de collaborateurs. Celui qui ne roule qu’en ville se verra doté d’un véhicule électrique. On offre le bon modèle au bon collaborateur et l’on fait donc œuvre de RSE. »
C’est la pratique du CEA de Grenoble qui a entamé de longue date une politique de verdissement. « 80 % de notre flotte est “vertueuse“ en termes de rejets de GES, pointe Bruno Renard. Nous renouvelons ce parc en nous tournant vers des modèles électriques ou des voitures essence à très bas rejets de CO2. Et, nous offrons des formations afin que les conducteurs consomment moins en améliorant leur conduite. Nous avons ainsi diminué notre flotte de 30 % en cinq ans en multipliant les usages communs et l’autopartage. »
C’est aussi le cas de GLS France, filiale du britannique Royal Mail. Fort de 1 500 collaborateurs en France et d’un parc de 3 200 véhicules appartenant en grande majorité à ses sous-traitants, ce transporteur vise la neutralité en CO2 en 2035-2040. Avec une politique en plusieurs étapes. GLS France s’est ainsi doté d’un éclairage LED ou de chaînes de mécanisation moins énergivores. Cette entreprise a aussi changé de fournisseur en électricité pour se rapprocher d’un prestataire garantissant une électricité renouvelable (éolien, biomasse). Et des études sont en cours pour mettre en place des panneaux photovoltaïques, des toitures végétalisées, des récupérateurs d’eau de pluie ou des turbines éoliennes de toiture sur les bâtiments.
… et compenser ses émissions
GLS France a aussi construit des dispositifs comme la possibilité de livrer les colis chez des voisins. Cela résout le problème des clients absents et des allers-retours pour les livrer. L’entreprise mise aussi sur la gratuité de la recharge sur ses bornes pour les collaborateurs. Enfin, GLS France a décidé de compenser ses émissions en plantant des arbres au Brésil, en Inde, au Pérou ou en France. « Mais le gros de nos émissions de GES demeure la flotte, soit 90 % de nos rejets en gaz carbonique », précise Cyrille Bouquin-Nicolas, responsable des questions environnementales. Qui multiplie les actions pour verdir ce parc.
Autre illustration : pour sa propre flotte, ALD a défini depuis mi-2021 une car policy où les collaborateurs peuvent uniquement choisir des modèles électriques ou hybrides rechargeables. Avec un système ouvert à d’autres formes de mobilité : selon ses besoins, un collaborateur peut bénéficier d’une voiture électrique de fonction comme une Nissan Leaf, et d’un package pour louer soixante jours par an un véhicule thermique pour les vacances ou les week-ends. Et pour les trajets professionnels longs, le collaborateur est invité à prendre le train.
Des mesures techniques
Le gestionnaire de flotte aura aussi à développer toute une série de mesures techniques. La plus complexe reste celle relative à la recharge électrique. Il faudra alors proposer des recharges rapides (les plus onéreuses) aux collaborateurs qui ont besoin de rouler tous les jours, ou des recharges lentes ou semi-rapides pour les autres.
GLS France développe ainsi des solutions avec des bornes multiples et offre de l’électricité aux véhicules qui en ont le plus besoin. « Ces investissements vont de 25 000 à 150 000 euros », prévient Cyrille Bouquin-Nicolas. Se pose alors la question du choix d’un opérateur de mobilité approprié pour fournir des recharges partout en France. GLS France a opté pour les applications Chargemap, ABB ou Shell Recharge Solutions.
Enfin, il sera important de faire correspondre les véhicules aux déplacements. L’électrique va donc s’imposer sur les trajets urbains alors qu’il faudra réserver les modèles à hydrogène dotés d’une plus grande autonomie aux parcours ruraux. Ce qui impose au gestionnaire de s’entendre avec le responsable des infrastructures ou des services généraux, voire avec celui des RH.
Point central : une bonne politique RSE et flotte doit se faire connaître. Pour cela, il faut communiquer et se rapprocher des services marketing et communication. Et expliquer aux collaborateurs, aux clients et au grand public les progrès effectués pour sauvegarder l’environnement. D’où l’importance de mettre en avant le verdissement et l’électrification de la flotte, ou encore la compensation carbone, par exemple en reboisant la ville de son siège social.
Communiquer le plus possible
« Le poste de gestionnaire, qui n’est pas vécu comme une fonction clé, peut, en s’emparant du développement durable, acquérir une dimension plus stratégique », estime Fanny Romestant, auteure de l’ouvrage Pratiquer la RSE en 11 cas d’entreprises (Dunod, 2020) et directrice du développement d’Excelia Group. Cette école de management rochelaise dispense un master en stratégies du développement durable, RSE et environnement.
Cette démarche doit, en outre, intégrer toutes les parties prenantes de l’entreprise en matière de RSE. Et déboucher sur un consensus très large en impliquant et en communiquant avec le responsable RSE s’il existe, la DRH, les commerciaux et, bien évidemment, la direction qui doit appuyer cette démarche.
« Je conseille de mener une démarche participative avec l’ensemble des salariés, conclut André Sobczak, professeur titulaire de la Chaire Impact Positif à l’école de management Audencia Nantes. Car ces salariés peuvent avoir d’excellentes idées. Cela permettra aussi de communiquer avec tous les collaborateurs, de leur expliquer les avantages de choisir d’autres modes de déplacement, de réduire le nombre des trajets, et d’annoncer les résultats. »
Valoriser le gestionnaire de flotte
Et le gestionnaire de flotte pourra aussi se valoriser. « Et s’il n’y a pas de responsable RSE dans la société, cela peut être l’occasion de s’emparer de ces questions, suggère Yoann Magaut, dirigeant de Harmonia Mobility, un cabinet de conseil et d’accompagnement à la conduite du changement en stratégie de flotte et car policy. Ce gestionnaire est tout à fait légitime pour développer ce type de politique. »
Dossier Gestion de flotte : un levier pour la RSE
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