
Le rattachement de la flotte reste compliqué. Nombre de services, voire tous, souhaitent s’en occuper. La direction financière l’exige car elle suit l’assurance ou l’arbitrage entre location et achat. Les achats s’estiment tout désignés puisque c’est leur rôle de négocier les véhicules. Et la DRH veut avoir la main parce que la voiture de fonction fait partie intégrante de la rémunération des salariés.
Le CHSCT désire aussi garder un œil sur la question pour améliorer la sécurité des conducteurs. Le directeur logistique considère pour sa part que la flotte appartient à son domaine : n’assure-t-il pas les transports de la société ? Au total,...
Le rattachement de la flotte reste compliqué. Nombre de services, voire tous, souhaitent s’en occuper. La direction financière l’exige car elle suit l’assurance ou l’arbitrage entre location et achat. Les achats s’estiment tout désignés puisque c’est leur rôle de négocier les véhicules. Et la DRH veut avoir la main parce que la voiture de fonction fait partie intégrante de la rémunération des salariés.
Le CHSCT désire aussi garder un œil sur la question pour améliorer la sécurité des conducteurs. Le directeur logistique considère pour sa part que la flotte appartient à son domaine : n’assure-t-il pas les transports de la société ? Au total, cinq ou six services – parfois en guerre – peuvent s’estimer en mesure de se pencher sur le sujet.
Une gestion de flotte très disputée
Cas particulier : dans certaines entreprises, des TPE-PME généralement, le dirigeant en personne assure le suivi du parc. Jean-François Bourgeot est ainsi gérant des Ambulances Bourgeot et de Bourgeot Location et Transport, et responsable des 90 véhicules. À la tête de cette entreprise située à 30 km de Montluçon (03), « plus à la campagne qu’à la ville », ce dirigeant cumule les fonctions. « Je n’ai pas les moyens d’embaucher un fleet manager. Et puis, j’aime acheter et revendre des voitures. J’ai toujours fait cela avec l’appui de mon mécanicien à plein temps et de mon atelier mécanique intégré », relate Jean-François Bourgeot.
Pas facile donc de déterminer à qui doit être rattaché le gestionnaire de flotte. « Il faut le positionner sous les ordres de la DAF, commente un responsable de parc qui ne veut pas être cité. Mais il peut aussi être contrôlé par les achats ou les RH, résume-t-il. Notre parc a été supervisé par ces trois services. Cela a toujours été problématique. Le mieux est d’être le plus autonome possible, tout en discutant et en prenant conseil auprès de ces trois départements. »
« Moi, je suis rattaché à la direction de l’immobilier et de la logistique, sous la responsabilité du service logistique, complète un autre responsable de parc d’une grande collectivité locale, qui souhaite lui aussi rester anonyme. La gestion de flotte est une mission transversale et ma direction est, par définition, transverse. Appartenir à cette dernière est donc une bonne idée », conclut-il.
Un rattachement aux RH, à la finance…
La position de la gestion de flotte reste donc très fluctuante. Mais on peut quasiment toujours placer ce service sous les ordres des services généraux, le N + 1. Pour les N + 2, on retrouve le plus souvent le parc automobile dans quatre départements de l’entreprise, les ressources humaines, la finance, les achats et la logistique, avec pour chacun des avantages et des inconvénients.
L’intérêt du rattachement aux RH réside dans le fait que la gestion de parc est intimement liée à la car policy orchestrée par ce service. Les RH ont donc une légitimité, surtout si la flotte se compose majoritairement de véhicules particuliers et donc bien souvent de voitures de fonction. Le responsable de parc pourra alors impulser, sous l’égide de la DRH, une car policy de qualité.
Mais avec un inconvénient : la DRH met au centre de ses préoccupations la valorisation du collaborateur. Et peut se montrer moins impliquée dans la gestion du parc ou sa polyvalence. D’où une difficulté, parfois, à se comprendre avec une DRH souvent peu intéressée par la technicité que suppose le suivi de la gestion de flotte, peu passionnée par les véhicules, le TCO, la location, etc.
À l’opposé, ce sera le grand intérêt d’être rattaché à un service financier sensible, par définition, aux processus de gestion. De plus, très souvent décisionnaire, la DAF peut contribuer à accélérer les procédures. En revanche, la finance peut manquer d’expertise dans la prise en compte de la voiture de fonction comme partie de la rémunération et de la motivation d’un salarié. Logiquement, la DAF s’intéressera alors plus à la composante coût-TCO.
… ou à la direction des achats ?
Reste enfin la possibilité de travailler sous les ordres du service achat ou de celui de la logistique, une situation valable au sein d’Adréa Mutuelle. Dans cette entreprise mutualiste, les 260 véhicules sont sous la responsabilité de la fonction achat des moyens généraux, laquelle appartient à la direction ressources dont le directeur est aussi DAF. Et ce DAF siège au comité directeur (Codir).
« C’est logique d’être rattaché à la direction patrimoine et moyens généraux, explique Pierre Will, le gestionnaire du parc d’Adréa Mutuelle. Mais pour être franc, la place de la gestion de flotte dans l’organisation n’est pas déterminante. L’important consiste à disposer de suffisamment de moyens et d’autonomie, tout en bénéficiant de l’appui de la direction générale pour faire respecter les règles validées et optimiser le pilotage de la flotte », poursuit-il. « In fine, qu’importe le rattachement. Un responsable s’occupera bien de son parc si son N + 1 et son N + 2 possèdent un fort leadership, s’ils peuvent comprendre les problèmes de la gestion de flotte et “vendre“en interne les décisions prises », confirme Maxime Sartorius, président du fleeteur Direct Fleet, qui privilégie pour sa part le rattachement aux RH.
« Quand je m’occupe d’une flotte, la première chose est de savoir qui a le leadership, qui est décisionnaire, qui soutiendra le projet, qui a la capacité de dialoguer avec la direction générale, reprend Maxime Sartorius. C’est essentiel que le responsable de parc soit rattaché à un département pouvant et sachant discuter avec les instances décisionnaires tels le Comex ou le Codir. Car il m’arrive régulièrement de côtoyer des services rattachés à une direction opérationnelle peu concernée. »
Avant tout une question de leadership
« C’est l’un des principaux problèmes, acquiesce Robert Maubé, directeur consultant du cabinet RRMC, spécialiste de la gestion des flottes d’entreprise et consultant pour Flottes Automobiles. Pour qu’une flotte fonctionne bien, elle doit être rattachée à un patron qui a la responsabilité budgétaire de ce parc et un périmètre de responsabilité pour appliquer cette politique. Ce peut être le secrétaire général, la direction financière, celle des achats ou de la logistique. L’essentiel : que la personne ait l’autorité pour appliquer la car policy et le pouvoir de discipliner le management de proximité pour appliquer les décisions prises par le responsable. Dans le meilleur des cas, ce responsable doit donc regrouper toutes les fonctions liées au parc et être rattaché à un manager visible, puissant. Sinon, le management est faible, le compromis mou et la gestion chaotique », poursuit Robert Maubé.
Se positionner au plus près de la direction…
Les bienfaits d’un bon rattachement sont nombreux. Tout d’abord, la prise de décisions se fait plus rapide. Il n’est en effet pas rare de voir des car policies faire la navette entre des N + 1 et N + 2 peu intéressés, avec en conséquence une présentation à la direction mal ficelée. Parfois, le fleet manager est obligé de monter au créneau devant le comité exécutif alors qu’il n’a ni les responsabilités, ni la légitimité, ni parfois la formation et les compétence pour convaincre. Il y a donc un fort intérêt à ce que ce gestionnaire soit aussi proche que possible des instantes dirigeantes. Et même parfois du patron.
À ce propos, Jean-Marc Décaudin, professeur en marketing pour la Toulouse School of Management, suggère une idée intéressante en termes de communication : « Il faut faire comprendre à la direction que le service flotte doit servir de trait d’union entre la politique générale de l’entreprise et ses salariés. Le but de cette communication interne de la gestion de flotte sera de traduire la politique générale de l’entreprise en matière d’automobile. On y évoquera donc les soucis d’économie, de responsabilité sociale et/ou d’image de marque de la société », énumère cet enseignant (voir aussi le témoignage). Sans oublier non plus les démarches de réduction de la sinistralité routière (voir l’article). Une idée à méditer.
Cette proximité du centre de décision de l’entreprise, c’est la situation de Julien Pouymayon. Ce dernier occupe la fonction de responsable moyens et méthodes en charge, entre autres, de la gestion du parc d’Avenel, une entreprise de taille intermédiaire. Cette ETI est spécialisée en prestation de services et travaux dans les métiers du bâtiment-réseau-communication-maintenance.
« Chez nous, précise Julien Pouymayon, la flotte de 320 véhicules et engins est suivie au niveau de la holding. Je suis rattaché au comité opérationnel où se gèrent les questions de maîtrise budgétaire et les orientations stratégiques. Mon patron est le directeur général du groupe. Les liens qui nous unissent sont très étroits pour la définition de la car policy et le choix des modalités de mise en œuvre du plan de déplacement d’entreprise (PDE). »
… pour agir vite et concrètement
Julien Pouymayon s’occupe directement de tout ce qui recouvre l’environnement et la sécurité. « J’ai la main sur la flotte et je n’ai donc pas d’intermédiaires à convaincre, ajoute-t-il. J’ai ainsi inclus rapidement les questions de QSE (qualité-sécurité-environnement) dans la stratégie de gestion du parc. Comme je fais aussi partie du comité opérationnel, les décisions stratégiques impliquant la flotte sont mises en œuvre rapidement. Notre organisation accélère la concrétisation de nos décisions. C’est le meilleur rattachement possible car le nombre d’intermédiaires est faible et le responsable de parc légitime, avance Julien Pouymayon. Qui conclut : en France, la voiture est un sujet qui suscite de la passion parfois au-delà du raisonnable. Ma position me permet d’être dépassionné, de maîtriser le budget qui avoisine les 3,3 millions d’euros par an. » Un autre constat à méditer.