
Cela ne fait pourtant pas longtemps. Une époque où les responsables de parc s’occupaient des voitures « à l’ancienne ». « Nous n’étions alors pas reconnus comme des gestionnaires, se remémore Christine Lesueur, assistante de direction et responsable des 170 véhicules de Konecranes France, spécialiste du levage et de la manutention. Ce n’était pas un métier. On livrait les voitures. La plupart d’entre nous étions des autodidactes. »
Du gestionnaire traditionnel…
Mais maintenant, c’est autre chose car depuis une dizaine d’années, la fonction a acquis ses lettres de noblesse. « Nous avons plus d’importance dans l’entreprise. Ce n’est plus seulement...
Cela ne fait pourtant pas longtemps. Une époque où les responsables de parc s’occupaient des voitures « à l’ancienne ». « Nous n’étions alors pas reconnus comme des gestionnaires, se remémore Christine Lesueur, assistante de direction et responsable des 170 véhicules de Konecranes France, spécialiste du levage et de la manutention. Ce n’était pas un métier. On livrait les voitures. La plupart d’entre nous étions des autodidactes. »
Du gestionnaire traditionnel…
Mais maintenant, c’est autre chose car depuis une dizaine d’années, la fonction a acquis ses lettres de noblesse. « Nous avons plus d’importance dans l’entreprise. Ce n’est plus seulement un travail administratif : il s’agit d’optimiser la flotte en renégociant les contrats de location, les pneus, en choisissant le bon carburant, le bon véhicule pour le bon collaborateur. Bref, cette fonction a gagné en importance car notre travail a un impact sur le résultat financier de nos dirigeants. En effet, cela peut vite déraper si nous ne faisons pas attention à la sinistralité, au carburant, aux réparations. Notre tâche est donc de recadrer tout le monde en cas de dérive », détaille Christine Lesueur.

Traditionnellement, le métier de gestionnaire de flotte exigeait de posséder deux qualités qui demeurent indispensables. « La première est liée à la gestion administrative. Le gestionnaire doit effectuer des tâches “classiques“ qui prennent beaucoup de temps : commandes à passer, contrats à recevoir et à négocier, avenants, entretien des véhicules à vérifier, etc. La seconde est à relier aux achats, aux optimisations et aux recherches d’économie », expose Maxime Sartorius, président du fleeteur Direct Fleet qui embauche cinq collaborateurs par an.
Maxime Sartorius reprend : « En outre, un bon gestionnaire, celui que j’embauche, doit montrer un intérêt pour l’automobile. Il doit aimer cela, lire des revues spécialisées. Ensuite, je vérifie qu’il est sensible à l’importance du service aux clients : le gestionnaire doit avoir une relation de fournisseur à clients avec les salariés de son entreprise. Enfin, il faut savoir compter, gérer, analyser. Voici les compétences de base. »
Cette notion de service est très importante. « Pour être promu, le gestionnaire de flotte doit parfaire le service offert aux collaborateurs de son entreprise. Il y a une notion essentielle de service », avance Thomas Jeanselme, consultant pour le cabinet de recrutement Fed Office qui réalise une dizaine de missions par an pour des postes de gestionnaires de flotte.
En parallèle, ce gestionnaire doit se montrer disponible car la voiture de fonction peut constituer un élément anxiogène. « Un collaborateur inquiet, voire parfois paniqué, doit être bien accueilli et recevoir des explications claires sur les procédures à suivre lorsqu’il y a un souci à régler », ajoute Ludivine Nzuzi. Gestionnaire de 200 véhicules pour Accor Hôtels, Ludivine Nzuzi est titulaire d’une licence (bac + 3) en gestion et management, réalisée en alternance au sein du parc automobile d’un laboratoire pharmaceutique.
… au gestionnaire en mode numérique

Et en s’équipant d’outils numériques pour gérer informatiquement les tâches dont il a la charge, le gestionnaire de flotte doit, de surcroît, acquérir de nouvelles compétences, des « qualités à développer dans les dix ans », prévient Robert Maubé, directeur consultant du cabinet RRMC, spécialiste de la gestion des flottes d’entreprise et consultant pour Flottes Automobiles.
La première de ces compétences est de montrer un véritable intérêt pour le numérique afin de maîtriser les outils informatiques et les données qu’ils engendrent. Deux chiffres illustrent cette montée en puissance de l’informatique. En 2008, quelques logiciels se disputaient les faveurs des professionnels des flottes ; on doit dorénavant arbitrer – et donc faire le bon choix – entre plusieurs dizaines de systèmes informatiques. Et ce mouvement devrait se poursuivre.

« Tout va aller vite, estime Daniel Vassallucci, fondateur-président d’Optimum Automotive, spécialiste des solutions connectées pour les flottes. Le gestionnaire de flotte devra rapidement maîtriser un nombre massif de données. Ces données devront être apprivoisées, analysées et exploitées. Ce responsable devra alors décider pour le bien de son entreprise. C’est le véritable enjeu : sortir du tableur Excel pour faire le bon choix financier, environnemental et sociétal. Ces sujets ne faisaient pas partie du périmètre du gestionnaire à l’origine. D’où aussi une revalorisation de son métier. »
Cette revalorisation pourra supposer une amélioration des salaires pratiqués, mais en demandant en contrepartie des diplômes plus élevés aux candidats entrants sur le marché de l’emploi. Avec un bémol : « Cette connaissance de l’informatique demeure très faible quand j’embauche un gestionnaire », déplore Maxime Sartorius de Direct Fleet.

« Les outils contribuent à améliorer la rentabilité des flottes. Pour cela, ils génèrent des données à structurer pour prendre les meilleures décisions possibles, complète Karen Brunot, directrice marketing d’Arval France. D’où des compétences indispensables en informatique et en gestion de données. Mais cela demande aussi de discuter avec les différents départements d’une entreprise, de fonctionner de manière plus transversale en s’extirpant de la seule gestion de flotte. D’où la nécessité de posséder des compétences en communication, en travail en équipe, en gestion de projets, etc. »
Gestion des données et communication
La deuxième compétence essentielle aujourd’hui pour les gestionnaires de parc sera donc la communication. « Pour convaincre les conducteurs, les collaborateurs mais aussi la direction, il faut faire œuvre de diplomatie et communiquer », confirme Christine Lesueur pour Konecranes France. La troisième compétence à détenir dans les dix ans consiste à savoir se détacher de la sacro-sainte « bagnole ». On devient alors gestionnaire de la mobilité ou mieux encore Mobility Manager – ce qui veut dire exactement la même chose… Il faudra donc définir d’autres moyens de locomotion si possible « alternatifs » comme « l’autopartage, les transports en commun ou encore le véhicule à assistance électrique dans le cadre du plan de mobilité de son entreprise », énumère Robert Maubé.
Un élargissement de la fonction
Enfin, le gestionnaire de flotte devra aussi maîtriser une série de micro-compétences très techniques mais qui n’ont rien à voir avec la mécanique et la voiture. On attend alors, pêle-mêle, des compétences en fiscalité bien sûr, mais aussi en responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises pour verdir les déplacements et émettre moins de CO2. Sans oublier, de plus en plus souvent, des connaissances poussées en achat et négociation pour contrôler des fournisseurs toujours plus nombreux et plus roués. Le tout sera parfois mené en anglais pour le gestionnaire d’une grosse flotte répartie entre plusieurs pays.

« Pour évoluer, ce gestionnaire devra aussi traiter en interne des sujets de type supply chain. Il s’intéressera ainsi à la finance, à l’immobilier. Cela pourra lui permettre de réfléchir à la conception du produit et d’évoluer vers d’autres fonctions comme la gestion des stocks. Au bout de quelques années, avec peut-être une formation à la clef, et en montrant toute sa motivation et sa capacité d’adaptation, il pourra candidater à des postes toujours plus élevés en interne ou en externe », rappelle Oualid Hathroubi, directeur du cabinet de recrutement Hays Île-de-France.

« Je conseille au gestionnaire de flotte d’être polyvalent, résume Albane Guerrier, Executive Manager de la division Immobilier, Construction & Facility Management du recruteur Page Personnel. Il doit, en entretien d’embauche, mettre en avant ses compétences comportementales (soft skills) comme le sens du Gestionnaire de flotteservice, la culture d’entreprise, sa vision globale de sa société, ses valeurs. » Une vision plutôt motivante.
Dossier - Gestionnaire de flotte : sur la route de la mobilité
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