
Quelle profession ne voit pas ses pratiques bouleversées par les évolutions technologiques ? Pas les responsables de flotte, en tout cas, tiraillés qu’ils sont entre la géolocalisation, les outils informatiques de gestion de parc, les reportings et autres dispositifs d’auto-partage… Et les apports de la technologie ne font qu’amplifier la mutation d’une profession qui a connu un tournant décisif en 2006. Cette année-là, l’instauration de la TVS a incité les responsables à affiner la sélection des véhicules de leur flotte en incluant leurs émissions de CO2 dans le calcul des coûts.
Les années suivantes, le bonus-malus et la hausse continue des...
Quelle profession ne voit pas ses pratiques bouleversées par les évolutions technologiques ? Pas les responsables de flotte, en tout cas, tiraillés qu’ils sont entre la géolocalisation, les outils informatiques de gestion de parc, les reportings et autres dispositifs d’auto-partage… Et les apports de la technologie ne font qu’amplifier la mutation d’une profession qui a connu un tournant décisif en 2006. Cette année-là, l’instauration de la TVS a incité les responsables à affiner la sélection des véhicules de leur flotte en incluant leurs émissions de CO2 dans le calcul des coûts.
Les années suivantes, le bonus-malus et la hausse continue des tarifs du carburant les ont poussés à aller plus loin en adoptant un indicateur devenu incontournable pour apprécier les dépenses liées à la flotte : le TCO. « Depuis deux ou trois ans, les entreprises y sont très attentives », constate Stéphane Crescini, directeur commercial de l’aménageur SD Services qui travaille dans le secteur depuis une vingtaine d’années.
Un impact fort du développement durable
Enfin, la sensibilisation aux thèmes de l’écologie, mais aussi les bénéfices en termes d’images qu’une société ou une collectivité peuvent retirer d’une politique responsable, ont rendu nécessaire une sélection pointue des véhicules et valorisé d’autant le rôle du gestionnaire de flotte. Une évolution que confirme Laurent Corbellini, directeur marketing d’ALD Automotive : « Même pour les petites flottes, nos acheteurs sont sensibles aux questions d’environnement et sont en relation avec les constructeurs et les prestataires ».
Certes, la gestion de flotte n’est pas toujours représentée par un salarié à temps plein. « Sur les parcs de 50 à 100 voitures, il n’y a pas forcément de gestionnaire : ce sont les directions ou des responsables techniques qui en sont chargés, soit les personnes les plus compétentes. Des gestionnaires apparaissent à partir de 100 à 300 véhicules », souligne Stéphane Crescini.
Autre évolution notable, la mise en place et l’utilisation d’outils d’analyse. « Entre il y a cinq ans et maintenant, les responsables de flotte se sont énormément spécialisés, note Stéphane Crasnier. Aujourd’hui, nous avons affaire à des professionnels qui sont informés, échangent entre eux et ont une vraie culture de la gestion de parc », complète le directeur commercial et marketing d’Alphabet France.
C’est bien sûr dans les grandes entreprises que cette spécialisation croissante des gestionnaires se fait la plus flagrante et va de pair avec leur valorisation. « Nous voyons de plus en plus de PME et de grandes entreprises qui nomment des personnes à cette fonction, alors qu’auparavant elle était intégrée dans les services généraux, avec la gestion de l’immobilier par exemple », observe Olivier Feneyrol, directeur général de la business unit fleet du groupe Orange.
La gestion de flotte, un métier d’analyse et de réflexion
Dans les entreprises de grande taille, la généralisation de la LLD a participé pour une bonne part à façonner le poste du responsable de flotte. « La gestion du parc pouvait être un poste accessoire, très sommaire, confié à une personne en plus d’une autre activité, avec en outre la charge de la revente et de l’achat des véhicules. Elle est devenue dorénavant un métier d’analyse et de contrôle de la qualité assurée par le prestataire », synthétise Denis Férault, directeur du conseil chez Arval.
En outre, les gestionnaires de flotte ne sont plus « formés sur le tas » mais suffisamment diplômés pour faire face à leurs différentes tâches. « Dans le passé, il s’agissait de salariés qui avaient évolué dans leur société pour arriver à la gestion de parc, sans avoir été formés à la gestion. Ce n’est plus souvent le cas actuellement », résume Stéphane Crescini, pour SD services.
Autre évolution de la fonction : avec la disparition progressive des garages internes et le recours accru à des prestataires pour les réparations et l’entretien, le responsable de parc délaisse de fait les tâches opérationnelles pour une plus grande implication dans la chaîne de décision de l’entreprise. « Il doit construire une car policy attrayante pour les collaborateurs, avance Denis Férault, pour Arval. Pour les structures qui n’ont pas fait le choix d’externaliser, ce responsable constitue un pivot entre les salariés et le prestataire qui gère les voitures. Il doit s’assurer du bon fonctionnement du véhicule et de l’efficacité optimale des collaborateurs, au meilleur coût ».
Définir et rappeler les droits et devoirs des conducteurs
Avec des véhicules considérés comme un outil de management de l’entreprise, définir une car policy revient aussi à élaborer un outil pour « délimiter les droits et les devoirs des collaborateurs : pour savoir qui a droit à quelle catégorie de modèles, mais aussi quels types de services vont être accordés, avec les garde-fous à mettre en oeuvre pour une exécution sans mauvaise surprise », détaille Denis Férault.
Un exercice pour lequel le gestionnaire de parc dispose de plus ou moins de liberté d’action : « Certains ont la main sur leur flotte, en ont la responsabilité intégrale et ne réfèrent qu’aux RH éventuellement pour modifier la car policy. D’autres sont des exécutants, ils gèrent de manière plus opérationnelle et appliquent les décisions de la hiérarchie », reprend Denis Férault.
Car si le chef de parc est impliqué dans l’exercice des ressources humaines au sein de sa structure, il est aussi soumis aux directives des services achats. Deux aspects d’une même fonction qui évoluent en fonction de la conjoncture économique et selon les organisations. « Nombre de sociétés ont laissé libre cours aux demandes et se retrouvent avec des parcs qui comptent jusqu’à dix marques, autant de modèles à gérer, ce qui est compliqué pour l’après-vente ou les assurances », observe Nicolas Fourgous, commercial grands comptes chez Peugeot.
Afin de contenir les dépenses, les entreprises cherchent alors à restreindre le nombre de constructeurs et à obtenir un maximum d’avantages de leur part. Un choix qui a des répercussions sur le rôle du gestionnaire : « Les services achats reprennent alors la main, complète le responsable de Peugeot. Nous avons affaire à des acheteurs qui référencent des marques, avec à la clé le choix d’un loueur unique, d’un constructeur unique pour maximiser les remises et diminuer les coûts… au risque de décevoir les collaborateurs. » Et reviendra, à plus ou moins long terme, la pertinence du choix entre un et plusieurs fournisseurs.
Dans leur quête de performances économiques, les responsables de flotte accordent aussi plus d’attention au comportement des conducteurs. « Avec la flotte, la dépense n’est pas seulement liée à l’achat ou au financement du véhicule ; 50 % du budget dépend de la façon dont le véhicule est utilisé », confirme le responsable d’Arval, Denis Férault.
Mieux prendre en compte le comportement du conducteur
Selon des études menées par Arval Consulting, il peut y avoir une variation des dépenses de 40 % entre deux conducteurs au volant de la même voiture. Des différences dues à des comportements de conduite engendrant certaines dérives comme des changements de pneus supplémentaires, des surconsommations de carburant ou des franchises d’accidents.
Particulièrement mise en avant ces derniers temps, cette volonté de travailler les comportements fait généralement appel à l’éco-conduite, déjà largement répandue. Des formations qui ne sont efficaces qu’à condition de piqûres de rappel régulières mais qui peuvent aussi être optimisées par les outils fournis par les prestataires. Ainsi, Orange propose son offre Fleet Performance de boîtiers embarqués capables de donner des informations en temps réel sur les comportements de conduite et les performances environnementales des véhicules.
La diffusion de tels outils va aussi contribuer à renforcer une nouvelle facette du métier de gestionnaire de flotte, celle d’analyste des données – bien au-delà des dimensions administrative et technique d’origine. Et les loueurs ont bien perçu la difficulté que pouvait représenter le traitement de cette masse croissante d’informations. Afin que celles-ci contribuent à des prises de décision bénéfiques pour l’entreprise, ils sont amenés à se substituer à une partie du travail d’analyste du gestionnaire… « Le rôle du collaborateur à temps plein ou à mi-temps va perdurer mais le poids du loueur dans le conseil sera aussi plus important », estime Stéphane Crasnier, pour Alphabet.
Le loueur élargit son rôle auprès du gestionnaire
C’est dans les plus petites structures que cette progression du rôle du prestataire se fait la plus marquée. « Nous envoyons directement les informations sur l’état du parc aux entreprises et les ajustements de contrat nécessaires. Nous suppléons aux fonctions des gestionnaires des TPE et PME lorsqu’ils n’ont pas les moyens d’assurer le suivi du parc », illustre Stéphane Crasnier. Dans les plus grandes entreprises qui recourent à la LLD, cette substitution reste partielle. Elle se situe dans la continuité de la prise en charge par le loueur des conducteurs pour les questions d’entretien des véhicules et de gestion des incidents au quotidien. « Ils nous téléphonent directement quand ils ont un accident, dans ce cas avant même de contacter le gestionnaire », remarque Laurent Corbellini, pour ALD Automotive.
Des loueurs qui ne manquent pas de mettre en avant leur rôle : « Nous donnons des outils de reporting en ligne avec une meilleure lisibilité pour pointer les éventuelles dérives et voir comment y mettre fin », souligne Denis Férault, pour Arval. Les informations recueillies concernent bien sûr le comportement de conduite mais aussi les évolutions de la réglementation : sur les taxes, les encadrements légaux, etc. « Dans un parc de 500 voitures, chercher les dérives kilométriques ou d’autres alertes est difficile si on ne vous les montre pas », indique pour sa part Laurent Corbellini. Pour ce dernier, l’avenir est à la création « d’outils de gestion plus puissants et plus interactifs ».
Au-delà de la lisibilité des données, cette meilleure interactivité devrait permettre aux prestataires d’indiquer où intervenir efficacement. « Nous allons faire évoluer nos outils d’aide à la gestion de parc : passer d’outils de consultation à des outils interactifs d’aide à la décision au quotidien, grâce à internet », complète Laurent Corbellini.
Mais pour les loueurs, le but – pas non plus désintéressé – d’une meilleure circulation de l’information est aussi d’améliorer la connaissance globale de la flotte et des attentes des conducteurs. La dernière étude du SNLVLD a ainsi souligné le décalage existant entre la connaissance par les conducteurs des services proposés par les loueurs et ceux souscrits par les entreprises (voir le schéma ci-dessus).
Aider et non remplacer le gestionnaire de flotte
« L’avenir du gestionnaire de flotte c’est plus d’externalisation, un pilotage encore plus fin grâce à des outils interactifs et une plus grande efficacité dans la relation avec le loueur », résume Laurent Corbellini, pour ALD Automotive. Des données mieux exploitées par les gestionnaires pour des services plus adaptés à des conducteurs au comportement de conduite exemplaire. Une équation idéale qui a le mérite d’ouvrir à la fonction de nouvelles perspectives professionnelles.
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