
Le 2 mars dernier, le P-DG du groupe Volkswagen, Herbert Diess, a déclaré dans le quotidien économique allemand Handelsblatt vouloir « abandonner progressivement les motorisations au gaz naturel ». En cause, des ventes insuffisantes qui ne justifieraient pas de nouveaux investissements.
Un coup dur pour la filière GNV, d’autant que le groupe allemand est l’un des seuls, avec Fiat, à miser sur cette énergie avec sa gamme TGI, soit une vingtaine de modèles répartis entre autres chez Volkswagen, Skoda et Seat. Néanmoins, cela ne signifie pas l’arrêt immédiat de la production : les modèles existants et même les produits récents, telles que la Seat...
Le 2 mars dernier, le P-DG du groupe Volkswagen, Herbert Diess, a déclaré dans le quotidien économique allemand Handelsblatt vouloir « abandonner progressivement les motorisations au gaz naturel ». En cause, des ventes insuffisantes qui ne justifieraient pas de nouveaux investissements.
Un coup dur pour la filière GNV, d’autant que le groupe allemand est l’un des seuls, avec Fiat, à miser sur cette énergie avec sa gamme TGI, soit une vingtaine de modèles répartis entre autres chez Volkswagen, Skoda et Seat. Néanmoins, cela ne signifie pas l’arrêt immédiat de la production : les modèles existants et même les produits récents, telles que la Seat Leon et le Volkswagen Caddy, continueront à se décliner en bicarburation essence/GNV. On peut donc espérer que l’offre gaz continuera d’exister au sein du groupe Volkswagen encore plusieurs années. À condition que les carnets de commandes soient suffisamment remplis.
Une gamme limitée
« Le portfolio GNV reste d’actualité chez Seat pour les années à venir au vu de son impact sur l’environnement et du bénéfice client (tarif et coût d’utilisation) », confirme Sébastien Guigues, directeur général de Seat France, la marque du groupe Volkswagen qui a le plus mis en avant cette technologie en France. Reste que la plupart des constructeurs préfèrent investir massivement dans l’électrification, plutôt que dans les carburants alternatifs, moins efficaces pour respecter les normes européennes d’émissions de CO2 (« CAFE »). « L’électro-mobilité est le meilleur moyen pour arriver à un futur neutre en CO2. Cependant, la période de transition sera accompagnée d’une large gamme de moteurs efficients essence, diesel et GNV », précise Sébastien Guigues.
Du côté de Fiat, seule autre marque à proposer du GNV sous le label Natural Power (Panda, Fiorino, Doblo Cargo et Ducato), la perspective de la fusion avec le Groupe PSA ne simplifie pas la donne. Mais la marque peut compter sur un marché domestique, l’Italie, très mature avec plus de 1,3 million véhicules carburant au gaz sur ses routes. En 2019, 38 915 voitures GNV ont été vendues dans la péninsule, en hausse par rapport à 2018, selon l’ACEA (l’Association des constructeurs européens d’automobiles), soit plus de la moitié des volumes européens (65 092 en 2018). L’Allemagne se situe au deuxième rang avec 7 623 immatriculations l’an dernier devant l’Espagne (5 476). La France arrive en treizième position avec 297 VP. Un marché qui se maintient.
Un marché stable
En février 2020, le nombre de VP au gaz en circulation était de 2 458 (+ 170 par rapport à 2019) dans l’Hexagone, selon l’AFGNV (Association française du gaz naturel véhicule). Mais avec une offre de modèles vouée à disparaître, la courbe pourrait s’inverser rapidement. En revanche, les VUL réunissaient 7 921 unités, soit 600 de plus que l’année précédente. Les artisans, professions libérales et petites flottes offrent un bon potentiel. Reste que les prévisions de la Plateforme automobile (PFA), qui anticipait une part de marché de 10 à 12 % pour les VL GNV d’ici 2030, soit 1 million d’unités (2 millions en 2035) à la route, semblent optimistes dans un contexte toujours plus favorable à l’électrique.
Mais le GNV est loin d’être mis au banc des énergies d’avenir. Au contraire, son utilisation semble pleinement justifiée avec les véhicules lourds : camions, autobus, bennes à ordures et autres véhicules industriels. Là où l’électrique n’est pas adapté à cause des contraintes de recharge et d’autonomie, le gaz constitue une alternative écologique au diesel, avec à la clé une moindre pollution de l’air (NOx et particules fines) et des émissions de CO2 réduites entre 15 à 20 % (voir aussi l’encadré).
En outre, le GNV se prête bien à l’hybridation des moteurs, et des engins gaz/électricité (non rechargeables) existent déjà. C’est pourquoi les collectivités locales, exploitants de bus et transporteurs routiers y sont de plus en plus favorables. La preuve, le parc global de véhicules GNV en circulation augmente de + 20 % chaque année depuis 2015, avec plus de 11 000 véhicules lourds actuellement, selon l’AFGNV. En 2019, les véhicules lourds au gaz ont progressé de 26 % en France. Et tout laisse à penser que ce carburant va poursuivre sa croissance ces prochaines années dans le mix énergétique du secteur du transport. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit ainsi d’atteindre 800 000 poids lourds au gaz en 2030.
Un réseau public sous-dimensionné
En parallèle, le réseau de distribution de GNV continue de se développer. Dans le cadre des objectifs du CANCA (Cadre d’action national pour les carburants alternatifs) et de la directive européenne sur les infrastructures de carburants alternatifs, l’État français s’est engagé à installer 80 points d’avitaillement GNV d’ici la fin de l’année, ce qui portera leur nombre à 200 environ contre 116 actuellement. L’AFGNV, qui a lancé un plan massif de développement du GNV et du bioGNV à l’horizon 2030, vise 250 stations à mi-2021. À cela s’ajoutent les quelque 300 stations privatives des principaux utilisateurs de flottes GNV (transports publics et logisticiens). Un réseau encore largement sous-dimensionné face à ceux du GPL (gaz de pétrole liquéfié) et de l’E85 (bioéthanol), lesquels dépassent chacun les 1 500 pompes sur le territoire.
Pour développer l’offre, la filière GNV mise sur l’implication croissante des transporteurs, des collectivités locales et des agriculteurs. Mais surtout sur la prise en compte de l’ACV (analyse du cycle de vie) dans le calcul des émissions de CO2 (voir aussi l’encadré). Une méthodologie ardemment réclamée par l’AFGNV, qui pourrait changer la donne et redonner sa chance au GNV. Il est d’ailleurs question que la Commission européenne définisse un nouveau mode de calcul des émissions de CO2 en 2023, cette fois basé sur cette analyse complète du cycle de vie (ACV).
« Actuellement, on mesure les émissions des véhicules au pot d’échappement sans tenir compte de l’ACV », rappelle Gilles Durand, secrétaire général de l’AFGNV. Dans ces conditions, le gaz n’est pas valorisé en CO2 et les modèles GNV pas avantagés pour répondre aux objectifs CAFE des constructeurs. D’où l’abandon par Volkswagen de cette technologie.
L’analyse du cycle de vie en question
« Cela est regrettable car nous avons démontré dans une étude réalisée par l’IFPEN qu’en intégrant l’analyse du cycle de vie, le véhicule au gaz devient aussi vertueux qu’un véhicule électrique en termes de CO2, sans ses inconvénients. Tant que ce mode de calcul ne sera pas adopté, on ne pourra pas connaître les qualités environnementales réelles des énergies employées ni leur véritable empreinte carbone. Et les constructeurs ne pourront pas revoir leur stratégie en matière de carburants alternatifs. Ne pas avoir une vision complète des émissions de CO2 induit en erreur, déplore Gilles Durand. Sans oublier que le bilan carbone du véhicule électrique (à batterie ou à hydrogène) varie fortement d’un pays à l’autre, selon la manière dont est produite l’électricité. »
Avec un prix oscillant de 0,70 euro/l (contrats négociés avec les fournisseurs) à 1,26 euro/l (prix public), le modèle économique du GNV reste intéressant pour les flottes. Selon l’AFGNV, le prix de revient kilométrique (PRK) des véhicules au gaz serait inférieur de 30 % à celui des diesel et de 50 % à celui des essences. « En TCO, les véhicules GNV sont rentables immédiatement », assure Gilles Durand.
Un carburant avantageux pour les flottes
Ce carburant donne également accès à des avantages fiscaux : exonération de la TVS pendant trois ans, gratuité (ou demi-tarif) du certificat d’immatriculation dans certains départements et TVA récupérable à 80 % sur le carburant. Et les véhicules GNV bénéficient tous de la vignette Crit’air 1 leur ouvrant les portes des zones à faibles émissions (ZFE) dans 19 villes françaises, contrairement aux modèles flexfuel E85. Les véhicules GNV pourraient aussi profiter de l’interdiction des diesel dans les centres urbains, comme à Paris ou à Grenoble qui ont déjà pris des engagements dans ce sens pour 2024. Des décisions qui devraient entraîner un retour à l’essence et aux carburants alternatifs.
Des entreprises et collectivités pourraient alors, dans leur stratégie de transition énergétique, être tentées par la solution GNV. De grandes flottes ont déjà compris l’intérêt de panacher les énergies en fonction de leur usages, entre électrique et thermique. C’est le cas de La Poste qui possède l’une des plus grandes flottes de véhicules GNV (voir le témoignage). Mais aussi de nombreux acteurs de la logistique urbaine. Pour Gilles Durand de l’AFGNV, « on va vers plus de mix énergétique dans les flottes d’entreprise, car l’électrique n’est pas encore adapté à tous les usages ».
Dossier - GNV : le gaz n’a pas dit son dernier mot
- GNV : le gaz n’a pas dit son dernier mot
- Yacine Kara, Ecolotrans : « Le GNV apporte entière satisfaction pour l’usage et la fiabilité »
- Charles Poutiers, Groupe La Poste : « Le GNV en attendant des solutions 100 % électriques »
- Fiat Panda TwinAir GNV : la seule citadine qui gaze
- Seat Arona et Leon TGI : une offre GNV maintenue
- GNV et bioGNV : un bilan écologique positif