
Au sud de la métropole de Tours, la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre (22 communes, 53 000 habitants) s’est lancée dans le déploiement de nouvelles énergies dont l’hydrogène. « En 2016, nous avons répondu à l’appel à projet “Territoires hydrogène“ de l’Ademe, avec le projet d’un centre routier multiservices et d’une flotte captive pour desservir localement les besoins des collectivités », relate Alain Esnault, maire de Sorigny et vice-président de Touraine Vallée de l’Indre, qui en était à l’époque le président.
Le projet n’a pas été retenu faute d’une envergure suffisante à l’échelle départementale ou régionale. Mais la...
Au sud de la métropole de Tours, la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre (22 communes, 53 000 habitants) s’est lancée dans le déploiement de nouvelles énergies dont l’hydrogène. « En 2016, nous avons répondu à l’appel à projet “Territoires hydrogène“ de l’Ademe, avec le projet d’un centre routier multiservices et d’une flotte captive pour desservir localement les besoins des collectivités », relate Alain Esnault, maire de Sorigny et vice-président de Touraine Vallée de l’Indre, qui en était à l’époque le président.
Le projet n’a pas été retenu faute d’une envergure suffisante à l’échelle départementale ou régionale. Mais la communauté de communes a acheté un Kangoo électrique Z.E. H2 doté d’un prolongateur hydrogène, tout comme sept autres communes, avec l’aide de fonds européens du programme LEADER (Liaison entre action de développement de l’économie rurale). Ce véhicule est réservé aux services techniques et environnement : « Il couvre l’intégralité des 22 communes et parcourt entre 8 000 et 10 000 km par an, soit l’équivalent des autres modèles en parc », précise Aurélie Michel, chargée de mission transition écologique et hydrogène pour Touraine Vallée de l’Indre. Le Centre Le Ripault du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) a également acquis deux véhicules qui se déplacent dans l’enceinte de son site. Aujourd’hui, dix Kangoo Z.E. H2 sont donc en circulation sur le territoire.
Une phase d’acclimatation
Le retour d’expérience est positif : « Le véhicule est finalement très similaire à un modèle électrique, le confort de conduite est là, indique Aurélie Michel. Le plus : le chauffage vient de la récupération de la chaleur de la pile à combustible (PAC), offrant un peu plus d’autonomie l’hiver. Et la recharge s’effectue en trois minutes à la station. » En coût d’usage, le coût est équivalent sur la maintenance, et plus élevé sur le carburant. En pratique, Symbio assure la maintenance de la partie hydrogène et le garage Renault de Chambray-les-Tours, de la partie véhicule. « Et nous avons de plus investi dans une station de distribution installée par McPhy, financée intégralement par la communauté de communes à hauteur de 350 000 euros », complète Alain Esnault.
« Néanmoins, une phase d’acclimatation est nécessaire, avertit Aurélie Michel. Nous avons la première version du Kangoo Z.E H2 qui date de 2016. Celle-ci n’est pas 100 % hydrogène, elle dispose seulement d’un prolongateur d’autonomie. Or, la PAC est peu puissante et n’alimente pas suffisamment la batterie pour la maintenir à niveau. » Résultat : la gestion de la batterie est la même que sur un Kangoo 100 % électrique. Les utilisateurs doivent donc faire attention à recharger régulièrement le véhicule pour éviter que le collègue suivant ne puisse aller au bout de son trajet. « Ce Kangoo nous a permis d’expérimenter la technologie pour savoir si nous allions nous lancer, et de déterminer les usages les plus pertinents pour l’électrique et l’hydrogène », résume Aurélie Michel.
Vers la mobilité lourde hydrogène
La communauté de communes souhaite maintenant aller plus loin : « Avec le projet Hy’Touraine, en collaboration avec le Syndicat intercommunal d’énergie d’Indre-et-Loire (SIEIL), Tours Métropole Val de Loire et la communauté de communes Loches Sud Touraine, nous travaillons sur un écosystème plus global à l’échelle du département », explique Aurélie Michel. Ce projet s’intéresse aux usages industriels de l’hydrogène et à la mobilité lourde.
Touraine Vallée de l’Indre va ainsi acquérir une benne à ordures ménagères (BOM) hydrogène. « L’hydrogène se montre le plus intéressant pour la mobilité lourde, tandis que l’électricité répond à un certain nombre d’usages des véhicules légers, expose Aurélie Michel. Les véhicules lourds ont besoin de plus de puissance et de se recharger plus rapidement. En outre, les usages lourds consomment plus. Avec cette BOM, nous nous rendrons compte des bénéfices réels du 100 % hydrogène. »
« En parallèle, nous allons installer en septembre une station de distribution d’hydrogène avec une nouvelle génération de compresseur dans le cadre du projet européen Cosmhyc Demo, financé par le programme Horizon 2020 et la FCH-JU sur trois ans », avance Alain Esnault. L’un des enjeux consiste à s’assurer de la compatibilité de la station d’avitaillement avec tous les véhicules. « Il existe pour l’instant de nombreuses normes qui varient entre VL et PL, note en effet Aurélie Michel. Notre station n’est par exemple pas compatible avec la BOM. Celle-ci doit être avitaillée en 700 bars contre 350 bars pour les Kangoo, sans compter les différences d’embouts ou de refroidissement de l’hydrogène. Nous travaillons donc vraiment les projets en amont pour identifier tous les usages. »

Calibrer l’écosystème
« Nous calibrons aussi l’écosystème, reprend cette responsable. Faut-il plusieurs petits électrolyseurs ou un seul d’une capacité plus importante ? Il s’agit de trouver le point d’équilibre. Sous les 200 kg de production journalière, l’installation d’un électrolyseur est estimée non viable. Inversement, plus on produit d’hydrogène, moins il coûtera cher à produire et plus l’électrolyseur sera rentabilisé. Mais il faut pour cela des usages en face. L’une des options envisagées est d’installer un gros électrolyseur avec plusieurs stations de distribution dans un rayon de 100 km, auxquelles serait livré l’hydrogène. »
« Par la suite, notre objectif est de développer l’hydrogène en interne dans notre flotte et en externe, anticipe Aurélie Michel. Nous collaborons avec les entreprises de logistique pour les préparer et voir si elles envisagent cette solution pour leurs poids lourds, notamment en itinérance. De grandes enseignes sont intéressées, d’autant que des obligations à l’échelle européenne vont arriver en 2025-2030. Plus l’écosystème est complet et les usagers divers – comme avec des véhicules en régie et des véhicules lourds comme les bennes ou les bus –, plus le modèle économique sera facile à équilibrer, note-t-elle. Pour cela, les communautés de communes peuvent travailler avec les agglomérations, les métropoles, les entreprises, etc. », décrit cette responsable.
Seul souci : « Nous sommes confrontés à un manque de financements, déplore Alain Esnault. Nous attendons donc un soutien de l’Ademe pour aider les artisans et les entreprises à acquérir des véhicules hydrogène qui restent chers, aux alentours de 50 000 euros. Ces professionnels sont partants alors que de nouveaux modèles vont bientôt arriver sur le marché, entre autres chez Peugeot. »
De son côté, la collectivité ne s’est pas encore fixé d’objectifs de transition énergétique pour son parc. « Il faut d’abord des infrastructures suffisantes d’avitaillement en hydrogène et de recharge électrique, prévient Aurélie Michel. Par ailleurs, une petite citadine essence est parfois écologiquement plus intéressante qu’un véhicule électrique, du fait de l’impact de la batterie. »
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Des mesures pour la qualité de l’air
La communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre dispose d’un plan climat-énergie territorial. « Nous cherchons à réduire notre impact environnemental dans tous les domaines et un programme d’actions va être adopté cette année, indique Aurélie Michel. Comme nous sommes situés dans la zone couverte par le plan de protection de l’air (PPA) de l’agglomération de Tours, nous avons dû renforcer nos mesures de la qualité de l’air, poursuit-elle. Nous avons ainsi réalisé une étude d’opportunité de zone à faibles émissions (ZFE-m). Nous ne pouvons pas la déployer en tant que telle, mais nous allons définir des mesures compensatoires d’accompagnement des entreprises sur les mobilités actives, le vélo et les véhicules à faibles émissions. »
La communauté de communes réfléchit aussi au déploiement de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments industriels de sa zone d’activité à Sorigny, voire sur des terrains proches de la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux et de l’autoroute A10. « Ils permettront de produire l’électricité nécessaire à une éventuelle station d’hydrogène vert », précise Alain Esnault.
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Quelle mobilité ?
La communauté de communes s’interroge plus largement sur le transport des personnels des collectivités. « Au-delà de l’hydrogène, la mobilité sera l’enjeu des prochaines années, rappelle Alain Esnault. Nous réfléchissons donc à une réorganisation avec une réduction du nombre des trajets grâce au télétravail. » Un groupe de travail est mobilisé sur ce sujet. Et le covoiturage est aussi conseillé aux agents. À suivre…