
Les objectifs fixés par le gouvernement lors du Grenelle de l’environnement sont loin d’être atteints. Très volontaristes, les ministères concernés tablaient sur 75 000 points de recharge publics en 2015 et 400 000 en 2020. Deux ans après, le bilan est loin d’être mirifique. À l’heure actuelle, les différents acteurs qui gravitent autour du véhicule électrique estiment à 2 000 le nombre de points de recharge publics installés sur le territoire français. La lenteur de ce déploiement a conduit l’actuel gouvernement à relancer le processus. Le ministère du redressement productif a décidé d’y consacrer davantage de ressources et de lancer une...
Les objectifs fixés par le gouvernement lors du Grenelle de l’environnement sont loin d’être atteints. Très volontaristes, les ministères concernés tablaient sur 75 000 points de recharge publics en 2015 et 400 000 en 2020. Deux ans après, le bilan est loin d’être mirifique. À l’heure actuelle, les différents acteurs qui gravitent autour du véhicule électrique estiment à 2 000 le nombre de points de recharge publics installés sur le territoire français. La lenteur de ce déploiement a conduit l’actuel gouvernement à relancer le processus. Le ministère du redressement productif a décidé d’y consacrer davantage de ressources et de lancer une mission spécifique sur ce sujet.
Pour autant, le faible nombre d’infrastructures publiques n’explique pas à lui seul la progression limitée des immatriculations de véhicules électriques. « Nous avons participé à toutes les expérimentations autour de l’électromobilité, rappelle Michel Couture, directeur de la mobilité électrique d’EDF. Toutes convergent vers la même conclusion : dans 95 % des cas, les recharges se font au domicile ou sur le lieu de travail ».
Encore plus probant, ces résultats restent identiques avec une recharge gratuite sur les infrastructures publiques et payantes à domicile ou au bureau. Dans ces conditions, le développement de l’électrique ne semble pas souffrir du manque d’infrastructures publiques. « Les installations devront se limiter à des endroits stratégiques, reprend Michel Couture. À l’horizon 2015, pour 900 000 bornes privées, seules 60 000 à 70 000 devraient suffire à répondre aux besoins dans l’espace public. »
Le véhicule électrique à l’aube d’une accélération
À titre d’exemple, une infrastructure de recharge publique sur l’autoroute A1 entre Paris et la Normandie permettrait de réaliser l’ensemble du trajet avec un véhicule électrique. De plus, ces endroits stratégiques sont déjà identifiés et connus des acteurs du marché. Si le déploiement des infrastructures publiques a pris du retard, le rythme s’accélère. En 2010, un seul appel d’offres a été lancé, puis quatre en 2012 et d’ores et déjà, plus de dix ont été enregistrés pour 2013. La courbe suit une trajectoire exponentielle et cette accélération s’apparente à celle observée aux débuts du numérique et de la téléphonie mobile.
Selon EDF, le coût d’une infrastructure publique s’élève en moyenne à 15 000 euros. Ce prix englobe une borne de recharge principale avec deux points de charge et les technologies informatiques nécessaires à l’ensemble du dispositif (6 000 euros), deux bornes secondaires (3 000 euros chacune), ainsi que les frais de raccordement et de génie civil. Un coût généralement pris en charge par un opérateur privé choisi par la collectivité territoriale à l’issue d’un appel d’offres. L’opérateur entabilise son investissement en facturant les utilisateurs alors que la collectivité offre une subvention d’équilibre. Cette aide publique compense les pertes de l’opérateur au début de l’exploitation.
De multiples intervenants privés autour de la recharge
D’autres acteurs s’engagent dans l’installation d’infrastructures pour les ouvrir à leur clientèle de particuliers et de professionnels. C’est vrai de plusieurs enseignes de la grande distribution et des opérateurs de parkings publics. Pour ces entreprises, la recharge constitue un produit d’appel. Gratuit, ce service contribue à attirer de nouveaux clients ou à fidéliser les anciens, et donc à augmenter le chiffre d’affaires de l’activité principale.
Autour de sa gamme électrique Z.E., Renault multiplie ainsi les initiatives en termes de recharge et à l’échelle de la planète, l’Alliance Renault Nissan a conclu plus d’une centaine d’accords. Par exemple, Vinci Autoroutes et Renault se sont engagés à équiper les aires de services des axes les plus fréquentés du réseau de l’opérateur autoroutier pour des déplacements de courte distance. Autre illustration, les accords signés avec les centres E. Leclerc visent à équiper 500 des parkings de l’enseigne en bornes d’ici à 2015. Un partenariat a aussi été lancé avec Vinci Park.
Pour les TPE et les PME dont les véhicules circulent dans un environnement urbain, l’autonomie limitée de l’électrique freine davantage les décideurs que l’installation d’une borne de recharge. Pour aider ces entreprises à tester des modèles électriques en situation, EDF a réactivé E.Lease, société créée en 1998, pour proposer une offre de location moyenne durée (de 1 à 23 mois). Les contrats incluent le ou les véhicules et l’installation de bornes. « Essayer l’électrique, c’est l’adopter, affirme Michel Couture. La location est un premier pas vers l’achat. »
Mais pour Renault, la croissance ne pourra se concrétiser qu’avec le déploiement d’infrastructures publiques. « Même si les recharges se font principalement au domicile ou sur le lieu de travail, l’existence de ce réseau est crucial, assure Benoît Treilhou, directeur du centre Renault Z.E. Tout d’abord, les véhicules électriques sont pertinents dans les centres urbains où les parkings privés font défaut pour installer des bornes. Et les infrastructures publiques contribuent à étendre leur périmètre d’utilisation. Enfin, ces installations ont un effet psychologique : elles rassurent le grand public et les entreprises sur la pertinence du modèle électrique ».
L’effet psychologique du réseau public d’infrastructures
Malgré les efforts des différents acteurs, s’équiper de bornes peut s’apparenter à un véritable casse-tête pour une entreprise. Sécurité, coût, fonctionnalité, standard, pérennité, certaines questions restent en suspens. Pour Benoît Treilhou, le meilleur interlocuteur reste l’installateur : « Avec Schneider Electric, Veolia ou Sodetrel, filiale dédiée d’EDF, les réponses sont précises et désormais, le marché des bornes fonctionne comme dans n’importe quel autre domaine d’activité. » Un marché qui a cependant besoin de lisibilité. En octobre 2011, l’Alliance Renault Nissan s’est donc associée à PSA Peugeot Citroën et Mitsubishi pour développer et promouvoir une référence technique baptisée EV Ready. Ce label vise à garantir la compatibilité entre les infrastructures de recharge et les véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Il couvre l’ensemble du processus et ce, du transformateur basse tension jusqu’au véhicule.
Des accords et des labels pour standardiser
Du fournisseur d’électricité jusqu’au fabricant de stations de recharge en passant par les opérateurs de réseau et les soustraitants, plus d’une soixantaine d’acteurs européens participent au développement d’EV Ready. Schneider Electric a été le premier industriel à obtenir le label et à déposer la marque avec Renault. « Aujourd’hui, il est faux de déclarer qu’il est compliqué de recharger un véhicule électrique, affirme Benoît Treilhou. La norme est très claire et le mode 3 est devenu le standard grâce à ses qualités de sécurité et sa capacité à communiquer ».
Plusieurs standards coexistent sur le marché. Outre le label EV Ready, l’EV Plug Alliance rassemble 18 spécialistes de l’électricité dont DBT, Legrand, Schneider, etc. Cette association promeut le mode 3 et la recharge rapide et veut les imposer à l’échelle internationale. Autre standard, Combo associe deux ports, charge rapide et charge lente, sur une prise et réunit les constructeurs allemands, General Motors et Ford. Promu par Tepco au Japon, ChadeMo défend un protocole de charge rapide en 20 minutes en courant continu.
« En France, le mode 3 s’est imposé avec 10 000 bornes installées et s’avère pérenne », constate Vincent Brunel, responsable de l’activité véhicule électrique chez Schneider Electric France. En Allemagne, la recharge d’un véhicule français demande un deuxième câble ou une tête interchangeable. « La standardisation passera par une loi européenne, note Xavier de Froment, directeur France du groupe Legrand. L’ensemble des acteurs concernés a intérêt à développer un écosystème utilisable par tout un chacun. »
Quoi qu’il en soit, l’entreprise doit se préoccuper des infrastructures de recharge dès lors qu’elle envisage de référencer des modèles électriques. « La réflexion doit se concentrer sur l’usage des véhicules, poursuit Xavier de Froment. L’entreprise doit prendre en compte le nombre de kilomètres parcourus chaque jour et étudier l’organisation de la flotte sous les angles dynamique et statique. De fait, si le véhicule est stationné sur un parking le soir et y passe la nuit, le mode 2 suffit et le véhicule est rechargé en 7 heures. »
« Toutes les bornes sont interopérables, reprend Vincent Brunel. Seule la puissance et donc la vitesse de la recharge diffèrent. » Alors que les infrastructures publiques autorisent une recharge rapide, les entreprises peuvent bénéficier de la même puissance pour des charges accélérées d’appoint dans la journée couplées à des charges lentes pendant la nuit. Quant aux particuliers, la recharge à domicile utilisera des puissances compatibles avec les habitats collectifs et individuels et ne pourra pas être accélérée.
La gestion de l’énergie au centre de l’équation
« Lorsqu’une entreprise étudie les processus de recharge, explique Vincent Brunel, elle ne doit pas simplement s’interroger sur le mode de recharge et le protocole de communication de la borne, mais aussi sur la gestion de l’énergie. » À titre d’exemple, le savoir-faire développé par les installateurs permet de privilégier les recharges en heures creuses avec un tarif de 1,8 euro contre 2,5 euros en heures pleines. Plus avant, les spécialistes étudient l’ensemble des consommations de l’entreprise pour assurer une disponibilité de la puissance électrique lors de la recharge. Les consommations globales ne doivent pas dépasser le forfait souscrit et l’installation doit être dimensionnée pour absorber l’ensemble des besoins.
« Quand une municipalité n’achète qu’un ou deux utilitaires électriques, la recharge ne pose aucun problème, illustre Vincent Brunel. Mais un audit est nécessaire si un hôpital veut référencer quinze véhicules électriques et exprime le besoin d’une charge accélérée. » Dès que la flotte dépasse cinq unités avec une perspective de montée en volume, une étude détaillée s’impose pour adopter des infrastructures pérennes. Cela étant, les technologies évoluent rapidement et les installateurs reconnaissent que, dans deux ans, les bornes seront totalement différentes.
Pour La Poste, Alain Roset a suivi de très près le déploiement de la flotte électrique. Il en tire des enseignements : « Avant de choisir telle ou telle technologie, il faut étudier précisément les plages d’utilisation et d’inutilisation des véhicules et définir le lieu de la recharge. Le mode de conduite guide également le choix. Avec des arrêts et des départs répétés, la batterie se vide plus rapidement. L’entreprise doit aussi se demander si les besoins de recharge sont quotidiens ou non », détaille le responsable de la prospective 2015 au sein de la direction du courrier.
Alain Roset reprend : « La réflexion ne doit pas s’appuyer sur des moyennes, mais sur la réalité des usages. Lorsqu’un véhicule parcourt 25 km le lundi et 120 km le mardi, l’organisation de la recharge doit en tenir compte. Il faut pouvoir contrôler les aléas autour du fonctionnement moyen », complète Alain Roset. Avant de conclure : « Le déploiement des infrastructures de recharge publiques va contribuer à la démocratisation de l’électrique. Avec la hausse des volumes, les prix vont diminuer et l’industrialisation va renforcer la qualité. Cette évolution nous sera bénéfique comme à l’ensemble des entreprises et collectivités. »
Un audit préalable des besoins
Un constat bien compris par Spie qui a participé à l’appel d’offres piloté par l’Ugap pour 18 entreprises des secteurs public et privé autour des véhicules électriques. Spie vise pour son propre usage un parc de 750 véhicules électriques à l’horizon 2015 (voir aussi Flottes Automobiles n° 178). Trois des filiales régionales sont très en pointe. Ainsi, Spie Île-de-France Nord Ouest dispose d’une cinquantaine de modèles électriques. Ces Kangoo Z.E. sont affectés à des techniciens pour passer d’un site à un autre ou évoluer sur un périmètre limité, comme l’aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle. L’ensemble de la flotte électrique stationne au siège régional d’Éragny où ont été installées des bornes.
« Dès que nous nous sommes positionnés sur l’appel d’offres “Bailly”, nous avons réfléchi aux solutions de ravitaillement en électricité », relate Gabriel Werlen, chef de département déploiement maintenance logistique (DML). Après avoir défini les besoins précisément et en s’appuyant sur une connaissance approfondie des prix et des technologies proposées, Spie a lancé un appel d’offres début 2011. L’analyse des utilisations a permis de définir les besoins de recharge pour chacun des véhicules, les implantations des bornes (sur la voie publique ou sur un site privé), la nécessité de contrôler leur accès ou non. Spie a aussi précisé ses besoins pour la remontées d’informations. « Avec cette grille de lecture, nous avons départagé les offres des fabricants avec pertinence », note Gabriel Werlen.
Spie valorise son expérience auprès de ses clients
Sur l’ensemble du territoire français, Spie collabore avec cinq fabricants d’infrastructures et commercialise ses solutions. « Nous mettons en place les deux tiers des points de charge nécessaires à l’alimentation de la flotte électrique de La Poste sur leur première phase de déploiement », rappelle Gabriel Werlen. Parallèlement, Spie a formé une cinquantaine de ses responsables d’affaires pour offrir une expertise et des réponses homogènes sur l’ensemble du territoire. Un nouvel appel d’offres vient d’être lancé pour bénéficier de la baisse des prix. Malgré ces tarifs plus compétitifs, de nombreuses entreprises reculent encore devant le montant de l’investissement. Pour les aider à expérimenter l’électrique et lever ce frein, Spie propose une offre de location de bornes sur des durées de trois à cinq ans.
« Il existe une multitude de fabricants dont une vingtaine très actifs, constate Gabriel Werlen. Les coûts peuvent varier de 700 à 40 000 euros HT. Il n’existe pas de mauvaises bornes, mais des technologies adaptées ou non à la flotte. Leur fiabilité ne constitue pas un sujet d’inquiétude. En revanche, l’installation électrique doit convenir aux bornes et aux consommations comme à l’usage des véhicules. » Autrement dit, trente techniciens aux parcours aléatoires et susceptibles de réaliser plus de 100 km par jour n’auront pas les mêmes besoins qu’un seul véhicule de liaison réservé à la circulation entre les bâtiments d’un site. En matière de gestion de flotte comme dans de nombreux domaines, la fin justifie les moyens.
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