
La croissance du marché du véhicule électrique se heurte encore à plusieurs freins. L’autonomie limitée et les prix élevés tempèrent les ardeurs des entreprises. Le réseau d’infrastructures de recharge publique en devenir demeure une autre interrogation. Et pourtant, lors des tests réalisés par les constructeurs, les conducteurs de véhicules électriques rechargent leurs batteries essentiellement à domicile ou au bureau. Selon EDF, seules 5 % des recharges se font sur une borne publique.
« Même gratuites, les bornes en voirie sont très peu employées. Cela étant, elles sont importantes pour donner de la visibilité à la voiture électrique,...
La croissance du marché du véhicule électrique se heurte encore à plusieurs freins. L’autonomie limitée et les prix élevés tempèrent les ardeurs des entreprises. Le réseau d’infrastructures de recharge publique en devenir demeure une autre interrogation. Et pourtant, lors des tests réalisés par les constructeurs, les conducteurs de véhicules électriques rechargent leurs batteries essentiellement à domicile ou au bureau. Selon EDF, seules 5 % des recharges se font sur une borne publique.
« Même gratuites, les bornes en voirie sont très peu employées. Cela étant, elles sont importantes pour donner de la visibilité à la voiture électrique, l’intégrer au paysage urbain contemporain et, surtout, rassurer le grand public pour lequel la crainte de la panne constitue un des freins à l’usage », explique Michel Couture, directeur de la mobilité électrique pour EDF.
Les infrastructures de recharge, clé de l’électrique
Au-delà de la rareté des infrastructures de recharge ouvertes à tous les publics, les entreprises ont encore du mal à appréhender les technologies des fabricants de bornes privatives. Et hésitent à réaliser un investissement important dont elles doutent de la pérennité. À tort selon les spécialistes : « Les bornes évoluent assez lentement, constate Michel Couture. À Paris, des véhicules se rechargent encore sur les premières prises domestiques installées par EDF il y a dix ans. »
Cela étant, l’opérateur reconnaît la probable nécessité d’adapter les bornes existantes dans un avenir proche pour qu’elles s’intègrent dans le futur standard européen. « Chez Sodetrel, filiale à 100 % d’EDF, continue Michel Couture, nous avons anticipé. Notre système de supervision est dit « ouvert ». Dans les faits, il peut intégrer toutes les nouvelles bornes et ce, quelles que soient les marques. »
Si les technologies de recharge évoluent lentement, la gestion de l’énergie fait en revanche l’objet de nombreuses innovations. « Les bornes amélioreront leurs performances lorsqu’elles seront plus communicantes », poursuit Michel Couture. Dans les faits, grâce aux informations collectées à distance, l’utilisateur pourra localiser les bornes sur internet, identifier leur disponibilité, connaître la vitesse de la charge, s’informer sur la proximité d’un point d’intérêt, etc.
De son côté, l’exploitant pourra gérer à distance les bornes, garantir un accès au plus grand nombre et gérer la puissance électrique utile à la recharge.
Des bornes de plus en plus communicantes
« Plus les bornes seront communicantes, plus les véhicules électriques seront faciles et pratiques à employer », reprend Michel Couture. Parallèlement à cette évolution, les prix des bornes suivent une courbe descendante face à une concurrence renforcée et à une demande plus soutenue. Mais dans le même temps, les nouvelles fonctionnalités et les progrès technologiques renchérissent les prix. « Cela étant, face à l’investissement, plaide Michel Couture, il faut garder à l’esprit que la rentabilité est élevée avec un faible coût de la recharge, soit entre 1 euro et 1,60 euro pour parcourir 100 km. »
Il n’en reste pas moins que les entreprises se posent encore de nombreuses questions face à la diversité des modes de recharge. En résumé, elles se demandent si les véhicules électriques peuvent se recharger sur n’importe quelle borne. « La plupart des projets de mobilité électrique sont développés dans cet esprit, observe Michel Couture. Et les constructeurs fournissent des câbles et des prises pour que les véhicules se branchent partout en mode de charge dite “normale“ (3 kW pour 6 à 8 heures de recharge). Quant à la recharge accélérée, deux systèmes coexistent : CHAdeMO et Combo. Mais peu de modèles sont concernés. »
Un groupement pour l’interopérabilité
Pour assurer la visibilité, l’accessibilité et l’interopérabilité des bornes, la Caisse des Dépôts, la Compagnie Nationale du Rhône, EDF, ERDF et Renault ont créé GIREVE, acronyme de Groupement pour l’Itinérance des Recharges Electriques de Véhicules. « Sous l’égide de cette association, les exploitants de bornes travaillent à la signature d’un accord pour offrir d’accéder au plus grand nombre de points de charge avec un badge unique », explique Michel Couture.
Autrement dit, cette interopérabilité n’est pas encore totalement assurée. Et deux modèles de prise coexistent. Soutenu par l’Allemagne et privilégié par l’Europe, le type 2 offre de se recharger sur n’importe quelle prise domestique. Promu par la France, le type 3 dispose d’un clapet pour renforcer la sécurité de la prise. Renault a fait le choix du type 3, PSA a opté pour le type 2.
« Avec le type 2, le véhicule peut se recharger sur une prise électrique domestique, mais les risques d’échauffement et d’incendie sont élevés car l’installation n’est pas prévue pour supporter une telle puissance sur une durée longue », pointe Stéphane Grenier, responsable marketing à la direction commerciale de Legrand. Les spécialistes recommandent donc d’installer une prise spécifique. Quant au type 3, les broches de la prise s’apparentent aux systèmes électriques employés dans l’industrie et sont incompatibles avec les véhicules électriques ayant adopté le type 2. Cela étant, à l’image de Renault, les constructeurs automobiles qui ont opté pour le type 3 proposent à leurs clients un cordon équipé avec une prise supplémentaire pour le type 2.
La France, locomotive électrique de l’Europe
En s’appuyant sur ses propres chiffres de vente et ceux de la filière, Legrand évalue à 25 000 (10 000 en mode 2 et 15 000 en mode 3) le nombre de points de charge privés et publics installés sur le territoire français. « La France représente un tiers du parc installé en Europe, évalue Stéphane Grenier. Nous sommes encore loin des objectifs fixés, mais nous sommes bien placés. »
Les ingénieurs travaillent à optimiser et à gérer l’énergie fournie par les points de charge alors que la recharge est désormais une technologie maîtrisée qui évolue peu. « Lorsque plusieurs véhicules sont rechargés simultanément, il faut arbitrer avec d’autres besoins en énergie, note Stéphane Grenier. Certains équipements doivent être délestés pour donner la priorité à la borne à un moment donné. » Cette intelligence passe par la création de sites internet et de technologies capables d’assurer la gestion de la charge en fonction des événements détectés. Cela étant, cette couche technologique ne remet pas en cause les installations de recharge en elles-mêmes.
Les appels d’offres se multiplient
Autre acteur historique sur le marché des infrastructures de recharge, Schneider Electric revendique un réseau de 5 000 points de charge dont 2 000 pour le compte de Renault. » Il s’agit principalement de bornes privatives, précise Vincent Brunel, directeur du pôle véhicules électriques. Deux marchés coexistent : celui des bornes installées parallèlement à l’achat d’un véhicule électrique – il a doublé entre 2012 et 2013 –, et celui des infrastructures publiques avec des appels d’offres qui se multiplient grâce à l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) piloté par l’Ademe ».
Les volumes en jeu annoncent une progression rapide du maillage territorial puisque chaque appel d’offres porte sur 200 à 300 bornes. Pour le seul Nord-Pas-de-Calais, le réseau comptera 1 000 bornes. « Dans le cadre des marchés publics, les procédures sont longues et les travaux de génie civil allongent les délais, mais la dynamique est enclenchée. Il y a six mois, nous n’en étions pas encore totalement convaincus », avance Vincent Brunel.
Schneider Electric propose trois grands types de solutions de recharge selon les usages. « Si les normes évoluent, nous garantissons l’installation d’une nouvelle prise sans avoir à changer la borne », assure Vincent Brunel. Du simple coffret installé à domicile à l’infrastructure publique en passant par les bornes dédiées aux flottes d’entreprise, les prix varient dans une fourchette de 1 à 10. Avec une demande et des volumes en hausse, les prix baissent de 5 à 6 % par an.
Des opérateurs confiants dans l’électrique
« Une borne pourra recharger trois à quatre générations de véhicules, reprend Vincent Brunel. Les gestionnaires de flotte réfléchissent en coût d’utilisation alors qu’une borne n’appartient pas à l’écosystème du véhicule, mais à celui du bâtiment avec un amortissement sur une durée beaucoup plus longue. L’approche et les calculs de rentabilité ne sont donc pas les mêmes. » Quel que soit le rythme de déploiement du réseau d’infrastructures, Schneider Electric comme Legrand et EDF affichent un optimisme sans faille quant à la croissance du marché du véhicule électrique. « Avec l’arrivée des modèles de BMW, Volkswagen et Ford, l’offre va croître et les chiffres de ventes vont suivre, estime Vincent Brunel. L’émergence va se poursuivre en 2014 et, en 2015, nous devrions entrer dans une deuxième phase avec des volumes importants. Nous tablons sur encore deux années pour installer l’écosystème avant que le marché atteigne des volumes significatifs. Après les entreprises, les particuliers commenceront à s’équiper. »
Pour ses partisans, l’électrique va devenir une alternative de plus en plus crédible et s’installer de manière pérenne. Avec un réseau d’infrastructures suffisamment développé, des durées de vie beaucoup plus longues que les modèles thermiques et des valeurs résiduelles qui vont augmenter, son attractivité va se renforcer. Dans le même temps, avec des normes anti-pollution toujours plus drastiques, les thermiques deviendront moins compétitifs. L’histoire est en marche.
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