
On le sait, les objectifs en termes de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) obligent les entreprises à électrifier massivement les véhicules dans leurs flottes et à réfléchir donc à la recharge. Avec en outre le poids croissant des réglementations, à l’image de l’instauration progressive des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) qui vont à terme bannir les motorisations thermiques des centres urbains, à commencer par le diesel.
Sans oublier non plus la LOM, publiée au Journal Officiel le 26 décembre 2019. Une loi d’orientation des mobilités qui a dressé une liste de quotas applicables aux flottes de plus de 100 véhicules...
On le sait, les objectifs en termes de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) obligent les entreprises à électrifier massivement les véhicules dans leurs flottes et à réfléchir donc à la recharge. Avec en outre le poids croissant des réglementations, à l’image de l’instauration progressive des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) qui vont à terme bannir les motorisations thermiques des centres urbains, à commencer par le diesel.
Sans oublier non plus la LOM, publiée au Journal Officiel le 26 décembre 2019. Une loi d’orientation des mobilités qui a dressé une liste de quotas applicables aux flottes de plus de 100 véhicules. Celles-ci doivent ainsi obligatoirement se renouveler en intégrant une part croissante de véhicules à faibles émissions (VFE, les émissions à l’échappement ne dépassent pas 50 g de CO2/km). Pour le secteur privé, ce taux de renouvellement doit être de 10 % depuis 2022, pour atteindre 20 % à partir de 2024, 35 % à compter de 2027 et 50 % en 2030.
La loi impose…
Pour le secteur public, les objectifs se font plus ambitieux. Depuis le 1er juillet 2021, au sein des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises nationales, les VFE doivent peser au moins 30 % des renouvellements. Ce chiffre montera à 40 % au 1er janvier 2025, puis à 70 % en 2030. Pour l’État et ses établissements publics, ce seuil de renouvellement atteint 50 % à ce jour, avant de grimper à 70 % au 1er janvier 2027.
Face à ces impératifs, les entités publiques et les entreprises se définissent donc des objectifs d’électrification. Comme sa maison-mère EDF, le groupe Dalkia vise la neutralité carbone à l’horizon 2030. À cette date, la flotte de ce spécialiste des services énergétiques ne devrait compter que des véhicules électriques. Actuellement, le quart de ce parc de 11 500 véhicules, soit 9 000 VUL de service destinés à l’exploitation et 2 500 voitures de fonction, carbure aux électrons.
… des objectifs ambitieux
Tout comme Dalkia, Schneider Electric a élaboré pour sa flotte un plan d’électrification dont il faut respecter les échéances. « Nous avons déjà atteint le premier objectif d’électrifier 9 % du parc, en passant cette année le cap des 200 véhicules électrifiés (électriques et hybrides rechargeables [PHEV]). Notre voulons parvenir à un parc composé à 30 % de véhicules électrifiés en 2025 et à 100 % en 2030 », avance Hervé Detraz, fleet manager France à la tête de 2 400 véhicules, à 95 % des voitures de fonction. À ce jour, ce spécialiste de la gestion de l’énergie a mis sous tension 9 % de ce parc.
Du côté de Saint-Gobain, l’électrification va aussi bon train, avec une car policy qui vise à exclure le diesel parmi les 8 000 véhicules légers dont plus de 80 % de voitures de fonction. « En 2028, nous n’aurons plus de voiture de fonction diesel, appuie Milka Lahaye, responsable gestion des contrats pour ce spécialiste des matériaux. En effet, si notre parc de véhicules légers se constitue essentiellement de modèles diesel, nous avons commandé en 2022 de nombreux véhicules essence, électriques et PHEV. Et dans trois ans, ce parc sera totalement renouvelé », anticipe cette responsable.
La car policy sous tension

Plus précisément, en 2022, Saint-Gobain a commandé plus de 50 % de véhicules diesel, plus de 30 % d’essences et 15 % de véhicules électrifiés (électriques et PHEV). Et en 2023, le groupe commandera au moins 25 % de véhicules électrifiés, 60 % d’essences et 15 % de diesel. « Le diesel est voué à disparaître de la flotte : en 2025, nous n’aurons plus de diesel en commande », conclut Milka Lahaye.
Et face à ces objectifs, les infrastructures de recharge doivent suivre. Ce passage aux électrons a ainsi orienté la stratégie de recharge chez Dalkia : le déploiement des bornes y a commencé en 2019, alors que ce groupe lançait l’électrification de sa flotte. « Aujourd’hui, nos sites en France s’équipent d’un peu moins de 700 points de charge », indique David Portejoie, responsable national de la filière véhicules au sein de la direction des opérations du Groupe Dalkia. Et la typologie de ces infrastructures évolue pour répondre aux besoins.
« Au début, nous ne proposions que des points de charge à 7 kW de puissance car nous n’avions alors que des PHEV, rappelle David Portejoie. Mais maintenant, en basculant sur les véhicules 100 % électriques, nous passons aussi à la puissance de 22 kW, même si ces points ne chargent que jusqu’à 11 kW pour la majorité des véhicules. Entre 7 et 22 kW de puissance, nous restons sur de la recharge en courant alternatif. »
Les bornes doivent suivre
« En revanche, en 2023, nous lançons un projet en courant continu, de 24 ou 50 kW, reprend David Portejoie. De fait, pour répondre à la demande des clients, les techniciens de Dalkia interviennent de jour comme de nuit. Nous ne pouvons donc pas immobiliser les véhicules trop longtemps lorsqu’ils doivent se recharger dans la journée. D’où le choix de puissances plus élevées afin de garantir une recharge rapide. Ce sont nos besoins et nos objectifs organisationnels qui nous poussent à monter en puissance », explique ce responsable.
David Portejoie prévoit déjà l’acquisition de nouveaux véhicules électriques : « Et nous allons en conséquence enrichir nos sites de nouvelles bornes et commencer à réfléchir à la mise à disposition de points de charge aux domiciles des collaborateurs », poursuit-il. Pour mémoire, chez Dalkia, les 2 500 VP sont des voitures de fonction, et les 9 000 restants regroupent des VU de service.
Tous les responsables que nous avons interrogés dans le cadre de cet article s’accordent sur ce point : pour faire les bons choix en termes de recharge, la connaissance des besoins reste déterminante. Chez Saint-Gobain, les besoins des collaborateurs ont plutôt poussé à miser sur la recharge à domicile. « La majorité de nos véhicules sont des voitures de fonction. Comme les collaborateurs les gardent pendant les week-ends et les vacances, ils doivent être en mesure de recharger à domicile », souligne Milka Lahaye. Pour chaque véhicule 100 % électrique acquis, Saint-Gobain équipe donc les collaborateurs d’une borne de 3,7 kW à domicile. « Nous installons aussi des bornes en agence, poursuit ajoute Milka Lahaye. Leur déploiement est en cours et certaines sont déjà en service. Mais notre stratégie interne reste vraiment axée sur les bornes à domicile ».

Bien connaître les besoins
Chez Saint-Gobain, la capacité à s’équiper d’une borne chez soi représente d’ailleurs un critère affiché par la car policy du groupe. « Tout collaborateur qui parcourt moins de 30 000 km par an se voit proposer une fiche de choix où ne figurent que des modèles électriques et PHEV, et nous lui proposons systématiquement d’équiper son domicile avec une borne, décrit Milka Lahaye. Et si ce collaborateur ne peut pas avoir de solution de recharge chez lui, nous mettons alors en avant des modèles hybrides ou essence. Pour donner un exemple : typiquement, les personnes qui ne peuvent pas installer de borne à domicile sont les collaborateurs citadins qui habitent un appartement sans parking. »
Avec une nuance pour les conducteurs de PHEV : « Ils ont aussi la possibilité d’installer une borne chez eux. Mais s’ils ne peuvent pas et qu’ils sont prêts à se recharger en agence car ils sont sédentaires et qu’une borne y est disponible, c’est aussi faisable », précise Milka Lahaye. Sans oublier que Saint-Gobain, qui possède 2 200 poids lourds, fait rouler deux camions électriques qui se rechargent dans les sites du groupe.
Passons maintenant à Schneider Electric dont pratiquement tous les sites s’équipent d’au moins une borne, « soit environ 200 bornes déployées dans l’Hexagone, avance Hervé Detraz. Nous comptons accroître leur nombre, sans pour autant entrer dans une logique d’une borne par véhicule. Mais nous considérons qu’une borne à domicile reste un moyen complémentaire de recharge. Et depuis quelques mois, nous constatons que sur la trentaine de bornes livrées à domicile cette année, les collaborateurs rechargent chez eux », complète ce responsable.
Recharger à domicile
Pour Hervé Detraz, « la recharge à domicile lève un frein majeur : elle donne la possibilité aux collaborateurs de se recharger de nuit, chez eux, et non plus seulement le matin sur site. En outre, nos collaborateurs sont itinérants. Le site ne constitue donc pas une véritable solution de recharge, ou il peut être uniquement une solution occasionnelle. » De fait, en plus des trente premières bornes installées en 2022 aux domiciles de ses collaborateurs, Schneider Electric prévoit d’en déployer 170 autres en 2023, voire plus. « En effet, nous renouvelons nos véhicules tous les ans et nous proposons donc des véhicules électrifiés aux collaborateurs qui changent de véhicule, justifie Hervé Detraz. Ainsi, en 2022, 77 % de nos commandes de renouvellement ont concerné des modèles électrifiés. »


Le kilométrage fait loi
Autre facteur décisif dans le dimensionnement d’une infrastructure de recharge : les lois de roulage. « Nos lois de roulage représentent un avantage », note Laurent Bouvet, responsable service véhicules et engins de la métropole de Brest, à la tête de 600 véhicules légers dont 84 électriques, soit 40 véhicules particuliers et 44 utilitaires légers.
Tous les véhicules légers de la métropole de Brest, à l’exception de neuf d’entre eux, sont des véhicules de service. D’office, la recharge à domicile n’est pas une option. De plus : elle n’est pas vraiment nécessaire. « Nos véhicules particuliers ne circulent qu’en ville et ils roulent peu, 6 000 km par an en moyenne, décrypte Laurent Bouvet. De leur côté, les fourgons parcourent entre 7 500 et 8 000 km par an. » À titre de comparaison, les salariés de Saint-Gobain dotés d’une voiture de société parcourent en moyenne 25 000 km par an, d’après Milka Lahaye. Mais pour la métropole de Brest, le parc de bornes en place satisfait largement les besoins. « Dans les grands sites, nous avons installé des prises Green’up standards d’une puissance de 3,7 kW, et quatre prises supplémentaires de 22 kW, détaille Laurent Bouvet. Nos petits sites possèdent chacun deux prises Green’up standards, mais pas de bornes de 22 kW. Pour l’instant, les puissances de 3,7 kW suffisent amplement : nos véhicules affichent une autonomie moyenne de 200 à 300 km, ils tiennent donc plusieurs jours avec une seule recharge par semaine de nuit et sur site. À un moment donné, nous allons quand même déployer davantage de bornes. Mais nous avons d’abord un calcul des dépenses à faire, surtout pour celles liées aux travaux en voirie pour les câblages », indique Laurent Bouvet.
Cet usage croissant des bornes, en réponse aux acquisitions de véhicules électrifiés, s’accompagne aussi de nouveaux besoins. Ainsi, le pilotage de la recharge, afin d’en surveiller les consommations de manière fine, devient une nécessité. « Chez Dalkia, nous travaillons sur le pilotage de la recharge en nous appuyant sur les données et les moyens d’Izivia, comme nous filiale d’EDF, en charge de l’installation des bornes sur les sites du groupe, développe David Portejoie. Nous construisons ensemble des indicateurs pour nous renseigner sur les puissances transmises ou sur les durées de recharge, mais aussi pour suivre le bon fonctionnement et la disponibilité des bornes. Nous pourrons alors repérer les véhicules “ventouses” qui stationnent auprès des bornes alors qu’ils sont chargés », anticipe David Portejoie.
Le pilotage s’impose
Pour la métropole de Brest, ce besoin d’outils se fait également sentir. « Actuellement, le nombre de nos véhicules électriques augmente et nous avons donc toujours plus besoin d’informations sur la recharge, souligne Laurent Bouvet. Un constat d’autant plus vrai aujourd’hui, au regard des déficiences en termes d’énergie et du coût de celle-ci. Nous allons donc passer à des wallbox plus évoluées qui autorisent la recharge avec le badge du véhicule, et permettent le suivi de la consommation d’énergie individuelle par date et par véhicule. Il est possible que nous déployions ces bornes cette année, dans de grands sites où nous avons beaucoup de véhicules, afin de mieux gérer la demande et le coût de l’électricité », prévoit Laurent Bouvet.
Par ailleurs, la métropole de Brest équipe déjà chaque îlot de bornes d’un compteur électrique spécifique, ce qui renseigne sur le volume électrique consommé, mais sans détail par véhicule.
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