
De Big Brother aux robots capables de prendre la place des humains, l’intelligence artificielle alimente bien des fantasmes, y compris dans le secteur de l’automobile. « Nous parlons d’IA lorsque des processus peuvent être considérés comme “intelligents“, c’est-à-dire capables de reproduire ou d’imiter des comportements du cerveau humain, notamment dans le domaine de l’interprétation du langage naturel, la reconnaissance visuelle, la résolution de problèmes ou la prise de décision, expose Guillaume Barillot, asset manager en charge des datas chez IBM. Les algorithmes standards opèrent généralement un calcul sur la base de règles prédéfinies...
De Big Brother aux robots capables de prendre la place des humains, l’intelligence artificielle alimente bien des fantasmes, y compris dans le secteur de l’automobile. « Nous parlons d’IA lorsque des processus peuvent être considérés comme “intelligents“, c’est-à-dire capables de reproduire ou d’imiter des comportements du cerveau humain, notamment dans le domaine de l’interprétation du langage naturel, la reconnaissance visuelle, la résolution de problèmes ou la prise de décision, expose Guillaume Barillot, asset manager en charge des datas chez IBM. Les algorithmes standards opèrent généralement un calcul sur la base de règles prédéfinies. Avec l’IA, il y a une notion de raisonnement et certains cas d’usage les plus connus s’appuient sur de l’apprentissage (“machine learning“) », poursuit Guillaume Barillot.
La voiture autonome
Une évolution à laquelle le secteur de l’automobile et de la mobilité n’échappe pas, même si les applications industrielles de l’intelligence artificielle y restent encore limitées et très encadrées. À ce titre, la conduite autonome, annoncée il y a peu comme imminente, ne semble plus la priorité des constructeurs à cause des nombreux freins juridiques, réglementaires et psychologiques.
Basée sur l’analyse des données, des algorithmes et des mécanismes d’apprentissage, l’IA embarquée se heurte de fait aux limites du réel. « La voiture, une fois sur la route, n’apprend plus, prévient Rodolphe Gelin, expert leader en IA chez Renault. Elle ne peut augmenter ses capacités au fil du temps car cela nécessiterait des puissances de calcul trop importantes, et l’apprentissage ne pourrait pas être validé par le constructeur. Pour des raisons de sécurité, tout apprentissage, pour des fonctions critiques, se fait hors ligne, c’est-à-dire en usine avant la mise sur le marché. Le véhicule bénéficie ainsi d’un bagage de connaissances plus ou moins important mais contrôlé par le constructeur », complète cet expert. À bord des véhicules, l’IA a d’abord vocation à seconder le conducteur. Pour ce faire, elle s’appuie sur des organes, capteurs à ultrasons, radars, caméras et autres lidars (télédétection par laser), pour collecter des données, mais aussi sur un processeur, soit un cerveau avec un réseau de neurones, pour centraliser et traiter toutes ces informations.
Mieux que des algorithmes basiques qui utilisent des règles pour interpréter les données, l’IA peut apporter des réponses à un problème et prendre des décisions. Elle sert déjà à faire fonctionner des aides à la conduite (ADAS) complexes et joue un rôle fondamental dans le développement de la conduite autonome. « L’IA intervient principalement pour les ADAS qui fonctionnent avec la caméra embarquée, tels que le régulateur de vitesse actif, le freinage automatique d’urgence et, bien sûr, la conduite semi-autonome de niveau 2. Car c’est à partir des images données que l’IA peut analyser des situations et agir en conséquence. La reconnaissance visuelle représente la principale brique d’IA dans le véhicule », rappelle Rodolphe Gelin.

L’IA et les ADAS
En exploitant une quantité de données issues de l’environnement extérieur du véhicule, de la signalisation routière et de la cartographie GPS, l’IA apprend des situations rencontrées pour appliquer la bonne réponse au bon moment. C’est pourquoi les acteurs de la conduite autonome comme Waymo font rouler des voitures autonomes cobayes depuis des années sur les routes pour emmagasiner un maximum d’expérience et nourrir l’IA de leur propre système de conduite automatisée.
La navigation et la télématique
Au-delà du véhicule, l’IA se développe dans les systèmes de navigation par satellite (GPS) connectés où elle optimise les itinéraires en temps réel pour trouver le meilleur chemin d’un point A à un point B en fonction du trafic et des conditions météo. C’est le cas de l’application Waze (Google) ou du système de cartographie Here (consortium Audi, BMW et Daimler), qui exploitent d’immenses quantités de données routières, celles de leurs utilisateurs (position et vitesse) et celles des autres automobilistes, issues des satellites. Avec donc une image très précise du trafic en cours et la possibilité de réaliser des prévisions grâce à un processus de machine learning.
La navigation intelligente aide alors à contourner les bouchons ou les zones de travaux. Et plus tard, elle exploitera les données provenant des infrastructures routières connectées grâce aux technologies V2X (vehicle to everyting). Des feux de signalisation dotés de capteurs pourront ainsi s’adapter au flux de circulation et donc réduire les embouteillages dans les zones urbaines. L’IA aura alors un vrai pouvoir de régulation du trafic.
Pour les flottes, l’IA se développe surtout via la télématique. Techniques, géographiques ou comportementales, les données prélevées sur les véhicules équipés de boîtiers constituent une mine d’informations pour les gestionnaires de flotte ou les loueurs. « Avec la télématique, les véhicules d’entreprise sont mieux suivis que ceux des particuliers, ce qui permet de nourrir l’IA d’un écosystème spécifique aux flottes, de la gestion des véhicules à la surveillance des conducteurs et jusqu’à la maintenance, explique Rodolphe Gelin. Plus la collecte des données est vaste, plus les solutions à base d’IA sont nombreuses. Pour optimiser la gestion d’un parc sur un territoire donné, l’IA peut affecter des véhicules à des tournées en fonction des besoins et des kilométrages, répartir la ressource et accroître la productivité de la flotte », énumère ce représentant de Renault.

Analyse et prise de décision
Les télématiciens misent tous sur ces nouvelles technologies. « Grâce à la collecte des données et à l’IA associée, nous allons plus loin dans l’analyse et la prise de décision de nos serveurs, avec à la clé des applicatifs intéressants, entre autres pour la maintenance des véhicules et le comportement des conducteurs », avance Daniel Vassallucci, P-DG d’Optimum Automotive. Cette association des algorithmes et de l’IA fait l’objet d’un développement chez ce télématicien où plusieurs data scientists travaillent sur le sujet, avec l’objectif de faire baisser les coûts de détention des véhicules et les émissions de CO2 grâce aux données. « On se rend par exemple compte que les plans d’entretien prévus par les constructeurs ne sont pas toujours adaptés aux usages des véhicules. L’IA aide à corriger le tir pour revoir les préconisations de maintenance par rapport aux standards. Elle peut alors envoyer des alertes ciblées aux gestionnaires de flotte mais aussi leur fournir des prédictions financières pour optimiser leur TCO », détaille Daniel Vassallucci.
Baisser les coûts et le CO2
Avec ce type de services, Optimum Automotive répond aux besoins des loueurs et des responsables de parc, mais aussi à ceux des constructeurs qui réfléchissent à des formules d’abonnement tout compris incluant la maintenance. L’analyse des données télématiques les aide alors à trouver le juste prix de leurs loyers.
Les éditeurs de logiciels de gestion de flotte misent aussi sur l’IA. À l’image du groupe Solera qui commercialise une suite de solutions numériques (Sidexa et eDriving) pour accompagner les loueurs et les entreprises dans la gestion des véhicules, leur inspection et le contrôle des sinistres. Ces applications, basées sur l’IA, peuvent s’intégrer aux plates-formes existantes de gestion de flotte.
Le logiciel Qapter de Solera peut par exemple combiner des algorithmes d’apprentissage et de reconnaissance visuelle pour détecter automatiquement des dommages et pré-chiffrer des réparations pour la restitution des véhicules, puis fournir un devis de réparation précis et détaillé. Le responsable de parc peut ainsi contrôler et valider les coûts de réparation grâce à un système de pré-contrôle des dossiers (Smart Expertise). Quant aux solutions eDriving pour les conducteurs, basées sur une application mobile qui analyse le comportement, elles aident les flottes à diminuer leur sinistralité et à optimiser leur TCO, en limitant les risques de collision, de blessure et d’incident.
L’IA gère les flottes…
Chez GAC Technology, les technologies basées sur l’IA « devraient bouleverser la gestion de flotte en termes de prédiction, de simulation et d’automatisation des tâches », souligne cet éditeur de logiciels de gestion de flotte. Outre le logiciel GAC Car Fleet, ce prestataire met en avant sa nouvelle application mobile My Car Fleet et son chatbot, mais aussi des outils intelligents de prédiction du risque routier corporel, d’analyse des relevés kilométriques ou d’optimisation financière d’une flotte. Mieux, lancé en 2022, l’outil Iateract mise sur l’analyse et la prise de décision pour accompagner les gestionnaires dans la transition énergétique de leur flotte. Cette solution fait appel à l’IA pour enrichir, analyser et modéliser les données d’utilisation des véhicules et de comportement des conducteurs en les comparant avec celles d’autres flottes. Elle évalue alors le potentiel de conversion électrique de chaque véhicule et aide à faire les bons choix pour la car policy.
… et se met à l’après-vente
Dans l’après-vente automobile, la maintenance prédictive reste l’application la plus représentative de l’intelligence artificielle. Très en vogue chez les constructeurs (FordLiive), cette technologie anticipe les opérations d’entretien à venir en fonction des niveaux de fluides ou de l’état d’usure des pièces mécaniques (plaquettes de freins). Ce qui promet de réduire le nombre de pannes et d’éviter les immobilisations de véhicules, afin de garantir la productivité de la flotte. L’IA sert aussi à coordonner la prise de décision dans le parcours client en fléchant le flux d’informations vers le bon canal, chez le constructeur (comme pour un problème technique récurrent entraînant une campagne de rappels), le concessionnaire (s’il gère la maintenance dans ses ateliers) ou le client avec des envois de sms ou de notifications via les applications constructeur (type MyRenault). En fonction du problème rencontré, l’IA aide en effet à contacter le bon interlocuteur ou à passer par une machine (Bot) pour trouver la solution.
« La maintenance prédictive vise à anticiper des événements qui ont un impact sur l’usage du véhicule ou à mieux réagir lorsqu’ils se produisent. En accompagnant le client dans la phase d’après-vente avec l’apport de solutions proactives et personnalisées, l’expérience après-vente est transformée et la fidélité à la marque ou au réseau s’en trouve renforcée. Elle est alors une source de revenus supplémentaires pour les constructeurs et leurs réseaux de distribution », estime Guillaume Barillot pour IBM.
Capable d’interpréter des données et d’anticiper des opérations, l’IA pourrait aussi diminuer le nombre de capteurs dans les véhicules “ un coût important “, et donc générer des gains en conception et en production. Toujours pour l’après-vente, l’IA renforce l’efficacité des plates-formes d’assistance technique (Tech Line), censées apporter des réponses rapides aux clients immobilisés.
Plus de réactivité
« L’IA analyse les bases d’incidentologie et corrèle des pannes à des actions correctives. Ces centres d’appels deviennent alors plus réactifs avec des opérateurs à qui la plate-forme suggère des propositions pertinentes de résolution. Cela limite la durée d’immobilisation des véhicules, coûteuse pour les réseaux et les gestionnaires de flotte », poursuit Guillaume Barillot.
Et l’IA s’attaque aussi à la production. Renault a récemment présenté son metavers industriel, soit des usines intelligentes où l’intelligence artificielle joue un rôle central dans la construction automobile. Celle-ci est notamment intégrée dans les outils numériques du personnel de production pour lui faciliter le travail et lui permettre de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Les opérateurs et les chefs d’équipe emploient pour cela des tablettes connectées DWS (Digital Work Station) dotées d’applications d’IA ; ils disposent ainsi de toutes les informations utiles et peuvent communiquer entre eux. Avec sa tablette, le chef d’équipe peut visualiser les évènements en temps réel et prendre les bonnes décisions, tout en restant au plus près des postes de travail.
L’IA sert aussi pour le contrôle visuel des véhicules. À Flins, une nouvelle réglementation impose de vérifier la conformité des pneus en bout de chaîne. Aussi, Renaut a mis en place avec Google Cloud une plate-forme de gestion de données images qui, grâce à une application (Pokaiok Wheel Concept), assure la traçabilité de ces pneus plus rapidement qu’avec un opérateur humain. De quoi traiter une voiture par minute avec des coûts réduits à la clé. L’IA ne prévient l’opérateur qu’en cas de problème.
L’IA entre en production
Dans cette veine, Renault a développé la fonction Cobot, un robot capable de valider la conformité des pièces sans manipulation. Équipé d’une pince et d’une caméra, il automatise le contrôle des pièces et simplifie la tâche de l’opérateur. Enfin, un autre outil numérique innovant à base d’intelligence artificielle, RVT, a été mis au point par ce constructeur automobile pour partager l’ensemble des données d’un véhicule tout au long de son cycle de vie. Il s’agit en somme de reproduire un jumeau numérique complet du modèle, soit une référence unique pour l’ensemble des métiers de l’entreprise et des acteurs impliqués.
Dossier Intelligence artificielle et automobile : la montée en puissance
- Intelligence artificielle et automobile : la montée en puissance
- Guillaume Barillot, IBM : « L’IA va toucher tous les métiers de l’entreprise »