
Qui peut aborder 2012 en restant serein quant aux économies européennes ? Peut-être le groupe Bouygues… si l’on parle des économies que devrait générer la démarche européenne d’optimisation des coûts de sa flotte. « Nous avons lancé notre premier appel d’offres à l’international sur le volet location longue durée cet automne, en tâchant d’impliquer toutes les activités du groupe. Celles qui se sont montrées volontaires représentent un périmètre de 16 000 véhicules sur treize pays, Maroc compris », annonce Karima Ismaili-Jourdain, responsable des achats dans l’équipe Bouygues Construction Purchasing. Les niveaux de maturité demeurent très...
Qui peut aborder 2012 en restant serein quant aux économies européennes ? Peut-être le groupe Bouygues… si l’on parle des économies que devrait générer la démarche européenne d’optimisation des coûts de sa flotte. « Nous avons lancé notre premier appel d’offres à l’international sur le volet location longue durée cet automne, en tâchant d’impliquer toutes les activités du groupe. Celles qui se sont montrées volontaires représentent un périmètre de 16 000 véhicules sur treize pays, Maroc compris », annonce Karima Ismaili-Jourdain, responsable des achats dans l’équipe Bouygues Construction Purchasing. Les niveaux de maturité demeurent très hétérogènes au sein du groupe, que ce soit en termes de gestion, de politique achats ou de processus. Il faut dire que la démarche touche aussi bien la flotte française, qui dépasse les 10 000 véhicules, que celle d’ETDE en Hongrie, dont la douzaine de voitures s’apprête à passer de la propriété à la LLD. D’où un important travail préparatoire qui mobilise les achats depuis plusieurs mois, en impliquant tous les responsables de flotte dans les pays ou les filiales.
L’international, un accélérateur de maturité
Chez Bouygues Construction, l’internationalisation est l’occasion de déployer partout une méthodologie achats fondée sur l’approfondissement du TCO : faire apparaître toutes ses composantes oblige les loueurs à plus de transparence, mais aussi à rester en phase avec l’évolution générale du marché. L’autre objectif clé est de déployer de bonnes pratiques d’exploitation, avec des processus efficaces et des SLA pertinents. « L’encadrement des frais de restitution a par exemple été identifié comme un point important à verrouiller, poursuit Karima Ismaili- Jourdain. Et les nouveaux contrats seront déployés courant 2012, sans que l’on puisse déjà présager du nombre de fournisseurs ou du mode de gestion dans tel ou tel pays. » Ni même prédire la réduction des coûts qui devrait en résulter, sur un budget LLD qui dépasse les 55 millions d’euros.
L’internationalisation des approches est bien à l’œuvre, surtout dans les flottes de grandes entreprises qui dépassent 500 véhicules, confirme Pascal Vanbeversluys, directeur du marché fleet services chez GE Capital France. « L’ambition générale est de réduire les coûts, en misant d’abord sur un volet de sourcing : l’entreprise améliore ses conditions d’achat sur la base du nombre cumulé de ses véhicules dans X pays, et en rationalisant le nombre de ses fournisseurs, constructeurs comme loueurs, résume-t-il. Mais c’est aussi l’opportunité de diffuser des principes plus élaborés, tels que l’approche en TCO, dans les pays où la taille de la flotte n’avait pas encore justifié ce type d’angle de travail. »
Améliorer le contrôle mais aussi optimiser les ressources
C’est bien le déploiement d’un véritable processus achats qui sous-tend la démarche internationale d’UCB Pharma, pour ses 3 000 véhicules dans le monde. « Jusque-là, il n’y avait d’acheteur à la manœuvre que sur les flottes belge et allemande, les plus importantes du groupe. Dans les autres pays, le dossier restait plutôt entre les mains des RH, sans que l’optimisation des coûts soit leur priorité, indique Geert Behets, directeur travel & fleet management aux achats globaux du laboratoire pharmaceutique basé à Bruxelles. Ce n’est que fin 2010 qu’une politique d’optimisation plus globale s’est établie : l’objectif est d’une part de remplacer le principe d’attribution sur enveloppe par des catalogues managés sur la base du coût total de détention, et d’autre part de systématiser la mise en concurrence entre fournisseurs ».
Comparé à ces nouveaux adeptes de l’internationalisation que sont Bouygues Construction et UCB Pharma, France Télécom-Orange fait figure de vétéran avec une démarche qui remonte au milieu de la décennie précédente. Reste que la flotte a entre-temps évolué, devenant plus européenne : elle était aux neuf dixièmes hexagonale il y a dix ans, alors que sur les 31 500 véhicules actuels, plus d’un quart circulent hors de France.
Travailler les conditions d’achat et la qualité de service
« La part européenne s’est développée pour accompagner soit le lancement d’une activité comme en Roumanie, soit une acquisition : le rachat de l’opérateur historique en Pologne a fait de ses 4 000 véhicules le second parc du groupe », note Cécile Santucci, responsable de l’équipe achats généraux Europe qui couvre entre autres la flotte automobile. Les accords-cadres montés avec les constructeurs et les loueurs sont aujourd’hui mis en œuvre dans neuf pays. Sans compter qu’ils sont aussi utilisés par l’acheteur qui coordonne de façon plus opérationnelle le périmètre complexe d’Orange Business Services, dont les besoins sont répartis un peu partout dans le monde.
« Lorsqu’une entreprise compte 10 000 véhicules en France et que sa démarche en englobe 5 000 de plus sur quinze pays, son marché principal n’améliore pas sensiblement ses conditions d’achat. Les bénéfices directs concernent le reste du périmètre, à la fois sur les prix et la qualité de service », remarque Stéphane Rénie, directeur des ventes et du développement commercial d’ALD Automotive International. Ce qui appuie l’idée que la course au volume et au levier de négociation n’est pas la seule motivation. Lui en distingue trois autres : « Une démarche internationale est aussi l’occasion de structurer la gouvernance du dossier flotte et d’en améliorer le contrôle, ainsi que de rationaliser les processus et la gestion administrative, donc d’optimiser les ressources à y consacrer. Enfin, c’est souvent l’opportunité d’approfondir les niveaux de service, et d’améliorer in fine la satisfaction des conducteurs », assure-t-il.
Une démarche internationale à mener sur la durée
Objectifs multiples, périmètres par définition multinationaux et marchés fournisseurs encore hétérogènes : l’appel d’offres européen n’a rien d’une promenade de santé. Même pour France Télécom-Orange, pourtant rôdé à l’exercice : « Les appels d’offres constructeurs et loueurs qui se sont enchaînés au tournant 2009-2010 ont mobilisé les achats groupe sur une période de six mois. Au programme : l’élaboration du cahier des charges, la réévaluation des principes de gestion et la définition de la stratégie, puis le volet sourcing et négociation, énumère Cécile Santucci. Tout un travail amont validé par un ”Demand Committee”, comité achats impliquant toutes les parties prenantes, aussi bien acheteurs pays que prescripteurs. »
À l’avenir, les achats devraient voir évoluer la relation avec leur client interne, la direction de la gestion des véhicules, qui a aussi pris un tour international depuis mai dernier. Ce changement devrait permettre d’explorer de nouvelles pistes de rationalisation et d’optimisation, portant notamment sur la car policy. L’internationalisation est une approche qui s’approfondit avec le temps, semble plaider le cas de France Télécom-Orange. « Il ne s’agit pas seulement de signer de bons contrats, mais aussi qu’ils soient effectivement déployés et utilisés dans les pays. Cela fait en partie du rôle de l’acheteur que d’en assurer l’après-vente », indique Cécile Santucci.
Assurer une mise en oeuvre vertueuse des contrats déjà en place, c’est ce qui sous-tend la politique formulée par UCB Pharma il y a un an. Elle introduit de nouveaux principes, mais dans un cadre d’accords internationaux montés en 2008-2009. L’approche TCO du laboratoire s’inscrit ainsi dans des relations déjà globales ou européennes avec une demi-douzaine de constructeurs, l’enjeu étant de diriger le choix des collaborateurs vers les véhicules les plus performants de leur gamme, en termes économiques et écologiques. Idem sur le volet loueurs : la concurrence joue désormais en continu, mais entre des loueurs référencés à l’échelle européenne depuis 2009.
Assurer le suivi et le pilotage des démarches
Mais cette concurrence au fil de l’eau exige un important management opérationnel, et faute de ressources internes, le prestataire Fleet Logistics a été retenu pour l’assurer en direct dans une dizaine de grands pays d’Europe. Ses équipes collectent aussi les données de gestion sur tout le périmètre d’UCB Pharma, sauf aux États-Unis où un autre prestataire intervient. La vision des coûts est maintenant globale, bien que la problématique reste complexe, avec des véhicules relevant encore d’une vingtaine de contrats de LLD.
Chez Bouygues Construction, la démarche en cours ne part pas non plus de zéro. « Des protocoles internationaux avaient été signés fin 2010 avec les constructeurs jusque-là référencés pour la flotte hexagonale, rappelle Romain Benoit, responsable exploitation de la flotte Bouygues Construction France chez Bouygues Construction Purchasing. Un mécanisme de remise avait été négocié, mais sans que nous ayons de réelle visibilité sur son intérêt marché par marché, ni la possibilité de préciser aux constructeurs le potentiel international de commandes à venir. » C’est justement pour améliorer cette vision des enjeux et le pilotage de la démarche que le volet LLD est en passe d’être rationalisé.
L’organisation mono-fournisseur en perte de vitesse
Mono-loueur ou multi constructeurs, et vice-versa ? Compétition au fil de l’eau, par lots, ou à chaque remise à plat du catalogue ? Ces interrogations sur la meilleure manière de faire jouer la concurrence entre constructeurs ou entre loueurs sont plus que jamais centrales. « C’est un élément clé de toute démarche achats », confirme Hervé Kohler, responsable des ventes Europe du Sud chez LeasePlan International. Et de relever la perte de vitesse du modèle mono-fournisseur dans les grandes entreprises engagées dans une démarche à l’international.
« Il devient difficile à défendre en interne pour un acheteur, surtout que la crise est passée par là et qu’une notion de risque entre en ligne de compte, note Hervé Kohler. Se développe en revanche le principe d’une compétition en continu, généralement entre deux loueurs européens, voire avec un challenger local. Mais cela revient à ne structurer la relation entre le loueur et son client qu’autour d’une question de prix, alors que nous sommes en mesure de lui apporter autre chose, du conseil, ou de l’optimisation des coûts en améliorant la gestion opérationnelle. » Des pistes qui sont plus naturellement évoquées entre un acheteur pays et la filiale locale du loueur, reconnaît Hervé Kolher. Or la qualité du dialogue qui continue de s’établir à ce niveau reste primordiale, selon lui, car l’adhésion en local demeure une des clés du succès d’une démarche internationale.
Un équilibre entre local et international
Ce double niveau de dialogue, international et local, a bien été identifié et engagé par Bouygues Construction Purchasing, qui a d’ailleurs veillé à associer les acheteurs pays à l’élaboration de sa démarche. Il s’illustre aussi dans le tandem formé Karima Ismaili-Jourdain et Romain Benoit, même si les enjeux de la flotte hexagonale dont ce dernier à la charge dépassent de loin la notion de « local ». De multiples voix au chapitre qui expliquent sans doute les longs mois de préparation avant que l’appel d’offres ne s’engage concrètement via la plate-forme électronique du groupe, mi-novembre. Quant au succès de la démarche, ce n’est qu’à la fin 2012 qu’il pourra commencer à être mesuré, à l’aune du déploiement des accords avec les loueurs, et de l’appel d’offres constructeurs qui devrait le suivre. Quand on vous parlait de projet de longue haleine…