
L’internationalisation des flottes automobiles est plus que jamais à l’œuvre, vu que cette démarche intéresse aussi bien les entreprises donneuses d’ordres que les grands fournisseurs. Chez les premières, l’objectif est toujours d’impulser un nouvel élan à l’optimisation des coûts, et éventuellement d’accompagner un développement international qui multiplie les filiales et accroît les parcs. Chez les loueurs et les constructeurs, l’enjeu reste de trouver des relais de croissance hors de leurs marchés les plus matures, tout en renforçant la relation avec ces clients plutôt dynamiques.
Les flottes concernées par cette approche peuvent...
L’internationalisation des flottes automobiles est plus que jamais à l’œuvre, vu que cette démarche intéresse aussi bien les entreprises donneuses d’ordres que les grands fournisseurs. Chez les premières, l’objectif est toujours d’impulser un nouvel élan à l’optimisation des coûts, et éventuellement d’accompagner un développement international qui multiplie les filiales et accroît les parcs. Chez les loueurs et les constructeurs, l’enjeu reste de trouver des relais de croissance hors de leurs marchés les plus matures, tout en renforçant la relation avec ces clients plutôt dynamiques.
Les flottes concernées par cette approche peuvent offrir des profils très divers, en termes de taille comme de secteur d’activité. Parmi les récents adeptes figure ainsi le groupe de luxe LMVH avec ses différentes « maisons » partout dans le monde. C’est d’ailleurs en ménageant leur indépendance que les achats ont engagé l’internationalisation de leur approche du dossier automobile, courant 2012.
Des démarches hétérogènes selon les entreprises
« Le groupe LVMH se constitue d’une soixantaine de ces « maisons », d’autant plus autonomes en matière de « business » que certaines sont potentiellement concurrentes. Mais une coordination achats s’est mise en place en 2011, et s’est rapidement penchée sur le sujet des flottes », indique son directeur, Christian Galichon. Et il y a deux ans, la piste européenne a été mise à l’étude, puis déployée à l’échelle des six principaux pays du groupe, pour un total de 2 300 véhicules dont un peu plus de la moitié en France.
Christian Galichon précise d’emblée : « Il est question d’une coordination et non d’une centralisation des décisions, d’où l’importance de bien expliquer le projet en interne, aussi bien aux représentants des achats, des RH, des services généraux, qu’à certaines assistantes de direction. Nous n’imposons pas nos choix aux maisons, mais nous leur faisons des propositions en expliquant les leviers d’optimisation qui les sous-tendent » .
À une toute autre échelle, chez le géant de l’énergie GDF Suez, cela fait en revanche une douzaine d’années que la flotte est travaillée dans une optique internationale. D’abord côté Suez et depuis cinq ans pour ce vaste ensemble dont la flotte atteint 75 000 véhicules en Europe, sans compter quelques milliers supplémentaires outre-Atlantique, au Moyen-Orient ou en Asie.
« La démarche automobile est de longue date pilotée au niveau du groupe mais elle continue d’évoluer. C’est particulièrement le cas en ce moment puisqu’un appel d’offres a remis à plat le volet constructeurs fin 2013, et que nous procédons pareillement sur le volet loueurs », explique Hichem Bardi, responsable du dossier automobile au sein des achats groupe ; à noter qu’il était précédemment gestionnaire de la flotte de Cofely Ineo, l’une des plus importantes avec environ 10 000 véhicules.
Additionner les leviers d’optimisation
De fait, GDF Suez continue d’approfondir son approche pour tirer avantage de la taille de son parc et optimiser ce budget qui approche les 400 millions d’euros. Le nouvel accent sur la massification des relations fournisseurs participe aussi du programme stratégique One For Value, lancé par GDF Suez fin 2012 à l’échelon du groupe, afin d’améliorer l’efficacité opérationnelle à l’horizon 2015. Ce plan implique d’importantes réductions des coûts auxquelles la flotte contribuera à hauteur de plusieurs millions d’euros, sinon plus.
Il faut dire que l’optimisation des coûts demeure la pierre angulaire de toutes les approches internationales, sans qu’il soit besoin de posséder pour cela une flotte de dizaines de milliers de véhicules. Chez LVMH, l’initiative avait donné lieu à une évaluation préalable, pour laquelle les achats se sont fait accompagner par l’expert en gestion de parc Direct Fleet.
« Le potentiel d’économies a été estimé à 15-20 % en tenant compte de différents leviers, se rappelle Christian Galichon, pour LVMH. D’abord celui lié à la négociation et à la concentration des relations fournisseurs, avec un impact sur les remises constructeurs, sur les taux d’intérêt des loueurs et le bénéfice de remises de fin d’année (RFA) avec chacun d’entre eux », énumère le responsable.
De nouvelles pistes de travail à imaginer
Christian Galichon poursuit : « Mais il existe aussi d’autres leviers d’action comme la mise en concurrence systématique pour chaque mise à la route, en généralisant le principe de l’appel d’offres multiple («multi-bidding») ; ou le déploiement d’une analyse approfondie du TCO pour établir la car policy, en intégrant les aspects fiscaux, notamment sous l’angle environnementa », détaille le responsable du groupe de luxe.
Et les résultats en matière d’optimisation sont au rendez-vous chez LVMH, même si l’impact sur les budgets n’est pas mécanique : les maisons restent maîtresses de leur politique automobile et certaines mettent l’accent sur l’économie tandis que d’autres répercutent l’avantage sur l’offre de véhicules proposée aux collaborateurs.
L’objectif se veut plus explicitement économique chez GDF Suez, bien qu’il soit difficile d’escompter un pourcentage de diminution à deux chiffres compte tenu du travail de fond mené depuis des années. Mais vu la taille de cette flotte qui figure parmi les plus importantes d’Europe, le gain devrait se chiffrer en millions d’euros, sinon plus.
« Une partie des gains relève de l’amélioration de nos conditions d’achat mais nous comptons aussi sur l’optimisation de la gestion de flotte, dans une perspective plus opérationnelle, note Hichem Bardi pour GDF Suez. Depuis 2013, deux groupes de travail ont d’ailleurs été établis pour creuser chacun de ces angles d’attaque, les achats étant à la manœuvre dans le premier, tandis qu’ils sont étroitement associés aux opérationnels et aux gestionnaires de flottes dans le deuxième », relate le responsable. Sans compte qu’un troisième axe de travail pourrait s’ouvrir à l’avenir, selon lui : l’optimisation de la car policy, en lien avec les ressources humaines.
La massification mais à bon escient
Si la massification des relations fournisseurs sert de fondement aux démarches respectives de LVMH et de GDF Suez, notons qu’elles ont pris un tour très différent. En l’occurrence, le premier a monté cinq accords constructeurs, tandis que le second a réussi à imposer le principe d’un fournisseur préférentiel dans ses pays-clés. Mais l’approche tenait du défi dans les deux cas.
« Compte tenu de la culture et de l’organisation très décentralisée du groupe LVMH, nous sommes dans une logique de coordination et non en position d’imposer tel ou tel fournisseur », souligne Christian Galichon. Il se félicite donc du chemin parcouru : alors que près d’une quarantaine de marques étaient jusque-là représentées dans la flotte, le taux d’adhésion aux nouveaux accords a atteint 90 % sur leur première année d’application. Et si la montée en charge des deux loueurs sélectionnés a plafonné à 63 % sur la même période, ce n’est pas si préoccupant s’il y a bien eu mise en concurrence systématique, comme le recommande le principe de l’appel d’offres multiple.
L’exercice relevait moins de la nouveauté chez GDF Suez, déjà rompu aux appels d’offres internationaux. Sauf que l’ambition était de donner un tour de vis supplémentaire à la massification. « L’appel d’offres constructeurs mené en 2013 a nécessité beaucoup de travail car il s’agissait d’une part de raisonner à l’échelle des quatre pays majeurs, soit les trois quarts de la flotte ; d’autre part de monter des accords vraiment préférentiels », précise Hichem Bardi. Un scénario qui s’est revélé atteignable dans des parcs très teintés véhicules utilitaires et/ou très standardisés, où un modèle unique peut être déployé en milliers d’exemplaires.
Assurer le déploiement des accords
Sur le volet constructeurs, les exemples d’une massification à grande échelle ne se font plus si rares. Sans aller toutefois jusqu’à la consolidation de l’ensemble des besoins auprès d’un seul acteur global, comme l’a tenté un laboratoire pharmaceutique ces dernières années. Il devient en revanche assez courant de s’appuyer sur un acteur vraiment dominant, comme le fait Air Liquide, à l’échelle de ses 7 800 véhicules répartis dans 27 pays d’Europe, dont 4 000 en France et plus de 1 000 en Allemagne.
Un objectif de – 20 % pour la flotte d’Air Liquide
« La rationalisation du sujet s’est engagée en 2009, sous l’égide de la direction des achats indirects Europe qui venait d’être créée, dans le contexte d’un vaste plan stratégique visant entre autres la baisse des coûts. Avec un objectif fixé à – 20 % pour la flotte », retrace Sabrina Sense, category manager en charge de la flotte au sein de la direction des achats en question.
Air Liquide avait alors signé un vaste accord avec Renault, lequel a depuis été remis en cause en 2012 par appel d’offres. Une formule à deux constructeurs majeurs a été envisagée, entre autres pour pallier des problèmes de délais de livraison d’utilitaires. Mais cette idée a été contrebalancée lors de la consultation qui a démontré l’intérêt économique décisif du fournisseur unique.
« L’accord avec Renault a été renouvelé lors de cet appel d’offres européen piloté par mon prédécesseur, mais son application n’est pas toujours facile dans certains pays, dont l’Europe du Nord, poursuit Sabrina Sense. Mais l’an dernier, environ 90 % des renouvellements de l’année se sont faits dans ce cadre, le reste portant surtout sur des besoins un peu plus premium ».
Approfondir sa vision des enjeux
Le volet loueurs avait été revisité dans ce mouvement en se focalisant sur les besoins des sept plus gros pays pour négocier des contrats européens avec quatre acteurs internationaux. « Or, le bon déploiement et l’intérêt de ces accords sur la durée nécessitent des échanges tripartites avec le constructeur et les loueurs, pour gérer au mieux les différences de prix des modèles d’un pays à l’autre, ou les écarts de valorisation des valeurs résiduelles », assure Sabrina Sense.
Pour aller plus loin dans la logique d’optimisation économique de ce dossier approchant 75 millions d’euros, c’est justement à l’harmonisation des processus et des interactions avec les divers fournisseurs que s’attache aujourd’hui la démarche d’Air Liquide. Cela vient confirmer que les acheteurs ont bien une vision de plus en plus extensive des pistes d’économies et des leviers à actionner. « La France sert de laboratoire à cette approche qui vise d’une part à augmenter l’adhésion aux accords négociés et d’autre part à optimiser la gestion de flotte », explique Sabrina Sense.
Il faut dire que selon la taille des filiales, la gestion de flotte est professionnalisée ou pas, et c’est dans ce dernier cas que d’importantes marges d’amélioration existent, selon la responsable d’Air Liquide. Ne serait-ce qu’en systématisant le réajustement annuel des contrats au plus près des kilomètres vraiment parcourus. Ou en suscitant des questionnements sur le recours aux cartes carburant ou à la gestion des pneumatiques.
Des leviers externes mais également internes
Chez Air Liquide, cette approche a fait l’objet d’un pilote lancé fin 2013 sur un parc d’une centaine de véhicules et elle est depuis déployée à l’échelle des 24 filiales françaises, et au Benelux. Le sujet est porté par les achats et les RH, sachant qu’il s’accompagne d’une réflexion sur les moyens consacrés à cette gestion de flotte, et sur la possibilité de la confier à un tiers dans certains pays.
Plus que jamais à travers l’internationalisation du dossier flottes, il s’agit ainsi de trouver de nouveaux biais pour optimiser une facture automobile qui figure souvent parmi les plus importants postes des dépenses externes. L’exercice demande une bonne vision des marchés et de leurs dynamiques, mais c’est souvent sur le volet interne que réside le principal défi.