
Volkswagen a eu beau faire amende honorable – reconnaissant sa volonté de tricher lors du passage des normes de dépollution sur le diesel –, le doute demeure sur la validité des normes européennes pour lutter contre la pollution et la crédibilité des tests pour en vérifier la réalité sur les véhicules commercialisés.
Car les réglementations, tests et normes successifs depuis le NEDC (New European Driving Cycle) des années 70 jusqu’au décret européen Euro 6c aujourd’hui, restent toujours aussi difficiles à respecter par les constructeurs (voir le schéma en ouverture). Ces derniers se voient donc tous dans l’obligation « d’optimiser » le passage...
Volkswagen a eu beau faire amende honorable – reconnaissant sa volonté de tricher lors du passage des normes de dépollution sur le diesel –, le doute demeure sur la validité des normes européennes pour lutter contre la pollution et la crédibilité des tests pour en vérifier la réalité sur les véhicules commercialisés.
Car les réglementations, tests et normes successifs depuis le NEDC (New European Driving Cycle) des années 70 jusqu’au décret européen Euro 6c aujourd’hui, restent toujours aussi difficiles à respecter par les constructeurs (voir le schéma en ouverture). Ces derniers se voient donc tous dans l’obligation « d’optimiser » le passage des tests d’homologation – autrement dit de tous tricher et, pour certains, de le nier et de mentir.
Et un an après le Dieselgate, le Mondial de Paris qui vient de fermer ses portes a démontré que les constructeurs doivent se refaire une virginité de « motoristes propres », quitte à laisser accroire que leur gamme ne comportera plus que des modèles électriques.
Des normes toujours plus contraignantes
En parallèle, les normes de dépollution vont encore se durcir en 2017, et les outils de mesure de cette pollution et de la consommation réelle des véhicules se rapprocher de la réalité vécue par les automobilistes, avec la mise en place du WLTP, pour « World Light Duty Test Procedure ».
Ce WLTP succédera au NEDC en septembre 2017, avant d’être lui-même remplacé par le RDE pour « Real Driving Emissions ». Le « green washing » des années 2000, limité à la baisse du CO2, semble bel et bien terminé.
Mais revenons à la lutte contre les émissions polluantes en Europe avec la Commission européenne qui édicte une norme exigible pour tous véhicules neufs au 1er septembre 2017, Euro 6d. Cette norme comprend des tests en conditions réelles et plus seulement en laboratoire ; elle ne sera plus basée sur les mesures effectuées avec l’actuelle norme NEDC qui n’a pas évolué depuis son introduction en 1973.
De fait, le mode de calcul normalisé NEDC est censé simuler les conditions de circulation rencontrées sur tous les types de routes européennes et se déroule en une phase urbaine répétée quatre fois et un cycle routier, le tout sur un banc à rouleaux en laboratoire. Dans le cycle NEDC, ce parcours urbain est long de 4,052 km et seuls les trois premiers rapports de la boîte de vitesses sont utilisés. La vitesse maximale s’élève à 50 km/h, atteinte quatre fois. Ce cycle dure 195 s pour une vitesse moyenne de 18,7 km/h. N’importe quel vélomoteur de 50 cm3 sans permis est capable de faire mieux !
NEDC : une norme très laxiste
La phase extra urbaine simulée se déroule sur 6,955 km et comporte une succession d’accélérations avec des paliers à 50, 70 et 100 km/h, avec une vitesse maximale de 120 km/h atteinte une seule fois. Le test dure 400 s pour une vitesse moyenne de 62,60 km/h. Pour se conformer aux accélérations, la puissance requise par le véhicule testé ne mobilise jamais plus de la moitié des chevaux et n’est jamais maintenue. De plus, tous les accessoires électriques sont hors service et le constructeur a le droit de couper le moteur dès que les roues motrices ne tournent plus. Autrement dit, on ne mesure qu’une infime partie des émissions du moteur !
Les membres de l’Union européenne et du reste du monde – hors États-Unis qui ont leur propre protocole de mesure EPA (Environmental Protection Agency) – ont tenté de se mettre d’accord depuis 2009 sur un protocole de tests d’homologation, indépendant du niveau des normes de dépollution, et qui refléterait plus fidèlement la réalité des émissions polluantes.
Le WLTP déjà dépassé par le RDE
Le fameux WLTP a alors fait son entrée. Il comprend trois cycles selon la puissance massique du véhicule. Il remplacera le NEDC en septembre 2017 et concernera toutes les voitures neuves au 1er septembre 2018. Il était temps car le taux de NOx mesuré à l’échappement sur un même véhicule peut varier de deux à quatre fois plus entre le cycle NEDC et le cycle WLTP, selon le centre commun de recherche de la Commission européenne (CCR/JRC, juillet 2015). La raison de cet écart est simple et tous les constructeurs le savent pertinemment : le cycle WLTP intègre les pics de consommation avec des vitesses élevées, donc des températures élevées de fonctionnement des moteurs, et c’est justement là où sont formés les NOx. Et c’est pire avec les véhicules testés par la commission Royal selon le protocole RDE (pour Real Driving Emissions) qui émettent jusqu’à vingt fois le maximum autorisé pour les NOx quand ils sont sur la route !
Ce test RDE, employé par l’Utac-Ceram, impose de mesurer les émissions des véhicules selon le cycle WLTP, mais dans des conditions réelles avec un parcours sur route ouverte (25 km de ville, 36 km de route et 31 km d’autoroute), et non plus en laboratoire sur bancs à rouleaux. Encore faudrait-il que ce test soit accepté par tous… ce qui est loin d’être le cas. Qui plus est, ce futur règlement européen Real Driving Emission imposera aux constructeurs de respecter la norme en conditions réelles d’utilisation avec une batterie de tests coûteux et contraignants. Il prévoit une tolérance de dépassement – par rapport aux limites réglementaires sur bancs d’essai – jusqu’à 2,1 fois (coefficient de conformité) les plafonds fixés par la norme à partir de 2019 pour tous les véhicules neufs, puis jusqu’à 1,5 à partir de 2021 pour tous les véhicules neufs. Autrement dit, cette norme est relative et non absolue.
À ce cadre réglementaire édicté par la Commission européenne, il faut ajouter des assouplissements et dépassements des normes autorisés par des députés européens soumis à un lobbying intense des constructeurs européens, tous incapables de respecter la loi…
Une Commission européenne conciliante
Ainsi, un dépassement de 110 % des émissions d’oxyde d’azote est consenti pour les voitures diesel à partir du 1er septembre 2017 avec l’entrée en vigueur de la norme Euro 6c mesurée avec le cycle WLTP. En condition de roulage, les émissions de NOx des diesels pourront donc atteindre 168 mg/km et non 80 mg/km, comme le fixe le règlement. Notez que ce seuil de tolérance sera ramené à + 50 %, soit 120 mg/km à partir de janvier 2020.
Si ces niveaux ne vous parlent pas, sachez par exemple qu’aux États-Unis la norme EPA fixe à 45 mg/km le seuil maximum des émissions de NOx pour les véhicules essence comme diesel ! Aucun constructeur, Volkswagen comme Chrysler-Fiat ou Ford, n’est capable de s’y conformer, d’où la tricherie de certains et l’absence pure et simple de motorisations à gazole outre-Atlantique.
Lutter contre le réchauffement climatique
Pourtant, le moteur diesel est le roi dans la lutte contre les gaz à effet de serre, dont le CO2 qu’il émet avec parcimonie. Un combat qui n’a jamais vraiment passionné les consommateurs américains… Alors qu’en Europe en 2020, la moyenne d’émissions de CO2 par constructeur devra être de 95 g/km pour 95 % de leurs ventes de véhicules neufs, les 100 % devant être atteints en 2021. Des amendes sont prévues en cas de dépassement de cette valeur : 95 euros par gramme de CO2 au-dessus de la norme, un chiffre à multiplier par le nombre de véhicules vendus. Et pour 2025, la limite de CO2 admise devrait être encore abaissée à 65 g.
Des constructeurs et des pays se montrent déjà très vertueux dans ce domaine et la Norvège a déjà rejoint le seuil de 95 g/km de CO2 sur les huit premiers mois de 2016 – elle est la seule… –, suivie par le Portugal (105,94 g), le Danemark (107,12 g), les Pays-Bas (109,52 g) et la France en cinquième position à tout juste 110,07 g, alors que la moyenne des pays de l’Union européenne se situe à 118,36 g (voir le tableau ci-dessous). Du côté des constructeurs, le plus vertueux reste le groupe PSA avec 102,36 g en moyenne sur les huit premiers mois de 2016, puis Toyota (106,28 g), Renault (109,79 g) et Volkswagen (119,67 g) (voir l’histogramme ci-dessus). Un classement qui sera probablement chamboulé dans un an, lorsque les protocoles de mesure WLTP et RDE seront les nouveaux mètres-étalons.
Alors, aujourd’hui, qui faut-il croire ? Quel constructeur aura le courage de dire au législateur français, européen, américain ou japonais que les normes de dépollution imposées sont impossibles à tenir ? Faut-il finalement s’en remettre à la judiciarisation à l’anglo-saxonne, au système américain qui se moque plutôt des émissions de gaz à effet de serre pour privilégier la santé publique et interdire, ou presque, les voitures diesel en raison de leurs niveaux de NOx ?
Europe à 28 – Huit premiers mois de 2016 Émissions moyennes de CO2 (g/km) des VP |
||
1 | Norvège | 95,00 |
2 | Portugal | 105,94 |
3 | Danemark | 107,12 |
4 | Pays-Bas | 109,52 |
5 | France | 110,07 |
6 | Croatie | 111,42 |
7 | Irlande | 111,96 |
8 | Italie | 113,91 |
9 | Espagne | 114,29 |
10 | Belgique | 116,48 |
11 | Slovénie | 118,87 |
12 | Royaume-Uni | 119,98 |
13 | Autriche | 120,77 |
14 | Finlande | 121,03 |
15 | Roumanie | 123,11 |
16 | Suède | 124,67 |
17 | Slovaquie | 125,13 |
18 | Allemagne | 126,61 |
19 | Pologne | 126,65 |
20 | Hongrie | 127,03 |
21 | Luxembourg | 128,21 |
22 | Lituanie | 129,65 |
23 | Lettonie | 133,45 |
24 | Suisse | 134,11 |
25 | Estonie | 136,51 |
Moyenne | EU à 28 | 118,36 |
Source : CCFA/AAA-Data.
Portée par l’électrique, la Norvège arrive en tête de ce classement. Premier des grands pays d’Europe, la France se classe en cinquième position, un rang dû à sa politique fiscale et à la préférence des Français pour les modèles de petite taille. |
Hors de l’hybride essence, point de salut ?
Il y sûrement, entre les deux, une chance pour l’Europe de démontrer que le modèle vertueux suivi par Toyota depuis bientôt vingt ans serait le bon : en dehors de l’hybride essence, point de salut ? Soulignons donc que Toyota est le seul constructeur qui soit aussi près de la « normalité » en matière d’émissions de NOx et de CO2 selon la commission Royal. Même si Toyota doit quelque part enjoliver ses résultats lors des tests, c’est probablement la voie à suivre. Les constructeurs allemands se sont déjà engouffrés dans cette brèche, suivis par Carlos Tavares, le patron du Groupe PSA dont le dernier Peugeot 3008 sera proposé avec une motorisation hybride essence… en 2019. Il était temps !
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