La mondialisation économique fait rapidement évoluer les flottes d’entreprises. Celles-ci deviennent toujours plus internationales au fil des ouvertures de branches commerciales, ou des implantations de nouveaux moyens de production. Sans parler des fusions-acquisitions qui jalonnent le parcours de nombre de groupes. Ainsi, fin 2010, c’est dans la foulée d’un rachat qu’Econocom a été amené à internationaliser son approche.
« L’entreprise a changé de dimension avec la reprise d’ECS, qui faisait à peu près notre taille et appartenait à la Société Générale. La flotte automobile a quasiment doublé pour atteindre 2 000 véhicules, désormais...
La mondialisation économique fait rapidement évoluer les flottes d’entreprises. Celles-ci deviennent toujours plus internationales au fil des ouvertures de branches commerciales, ou des implantations de nouveaux moyens de production. Sans parler des fusions-acquisitions qui jalonnent le parcours de nombre de groupes. Ainsi, fin 2010, c’est dans la foulée d’un rachat qu’Econocom a été amené à internationaliser son approche.
« L’entreprise a changé de dimension avec la reprise d’ECS, qui faisait à peu près notre taille et appartenait à la Société Générale. La flotte automobile a quasiment doublé pour atteindre 2 000 véhicules, désormais répartis dans une douzaine de pays en Europe », retrace Ghislaine Achalid, directrice des achats et moyens généraux du gestionnaire d’infrastructures informatiques et télécoms.
Un périmètre international par définition évolutif
Ce changement de physionomie de la flotte ouvrait de nouvelles marges de manœuvre à l’international, sur un dossier clé pour Econocom car l’enjeu dépasse 10 millions d’euros. « Jusque-là, cette piste n’avait pas été explorée faute de taille critique et d’intérêt économique à se lancer dans un exercice aussi complexe qu’un appel d’offres international, reprend-elle. Pour les fournisseurs, la flotte consolidée présentait une toute autre attractivité et nous avions surtout un impératif à gérer rapidement : le montage de nouveaux accords constructeurs et loueurs, car le parc issu d’ECS ne pouvait plus profiter des conditions favorables que lui valait sa proximité avec ALD Automotive, au sein du groupe Société Générale. » C’est donc avec un calendrier serré qu’entre la fin 2010 et mi-2011, Ghislaine Achalid a réalisé ses premiers appels d’offres européens..
A contrario, l’internationalisation constitue une dynamique déjà ancienne pour une multinationale comme Sanofi, qui compte 110 000 salariés dans le monde et plus d’une centaine de filiales. Reste que la croissance du groupe fait régulièrement évoluer le périmètre de sa flotte : entre 2009 et 2011, trois entreprises d’importance ont été rachetées, ajoutant à chaque fois plusieurs milliers de véhicules à un parc qui en totalise aujourd’hui 32 000. « Cela a contrebalancé les efforts engagés depuis cinq ans, qui tendaient à réduire le nombre de nos véhicules de plus de 15 % », indique Franck-Olivier Bizot, manager achats chargé de la catégorie flotte automobile pour le groupe pharmaceutique.
En central, Franck-Olivier Bizot est à la fois chargé de définir la stratégie d’optimisation de la flotte et d’en piloter le déploiement dans les grandes régions du monde. « Cette approche internationale s’inscrit dans la centralisation des achats engagée mi-2010 par le nouveau directeur des achats groupe, Jean-Philippe Collin. Je peux désormais m’appuyer sur un coordinateur achats par région, en plus des acheteurs nationaux, sans compter mes interlocuteurs dans les fonctions ressources humaines, finances ou hygiène-sécurité-environnement (HSE) », poursuit Olivier Bizot. La stratégie déployée depuis le premier semestre 2011 vise une économie de 15 % sur les 230 millions d’euros que Sanofi consacre à sa flotte. Le tout à l’horizon 2015, compte tenu des renouvellements.
Pour engager l’internationalisation de son approche et de ses appels d’offres, faut-il avoir plusieurs dizaines de milliers de véhicules en parc comme Sanofi ? Pour sa flotte de 2 000 véhicules, qui a récemment presque doublé de taille, Econocom répond à la question positivement, mais avec quelques nuances : « Nous avons voulu tirer parti de la nouvelle physionomie de notre parc : il est devenu de taille moyenne, d’un point de vue fournisseurs, et son périmètre géographique s’est étendu à une douzaine de pays en Europe. Encore a-t-il fallu se faire reconnaître comme flotte internationale par les équipes commerciales des différents fournisseurs. Jusque-là, les contrats d’Econocom étaient au mieux nationaux, avec parfois une relation avec un concessionnaire local ou l’agence d’un loueur », détaille Ghislaine Achalid.
Le levier de volume toujours opérant avec les fournisseurs
Selon le loueur ALD Automotive, la démarche devient pertinente à partir de 500 véhicules sur plusieurs pays. « Pour donner la mesure de l’internationalisation des flottes, nous pouvons relever qu’aujourd’hui, 43 % des véhicules gérés par ALD dans le monde relèvent d’un client avec lequel nous sommes en relation sur au moins trois pays », pointe Pascal Serres, le directeur général délégué d’ALD. Et de noter qu’en 2011, le spécialiste de la LLD et du fleet management a été retenu dans plus d’un tiers des 91 vastes appels d’offres régionaux ou mondiaux auxquels il a participé. Par rapport à l’année précédente, le nombre total de ces grandes opérations a augmenté d’environ 10 %.
« Les multinationales ont inauguré la pratique, notamment les groupes américains qui entendaient remettre à plat toute leur problématique de LLD en Europe via un seul appel d’offres. Mais si l’internationalisation devient monnaie courante, c’est que le levier du volume est bien pertinent dans les discussions commerciales, avec les loueurs comme avec les constructeurs », considère Pascal Serres. Un intérêt économique direct confirmé par Sanofi : Franck-Olivier Bizot estime qu’entre un tiers à 40 % des gains du plan d’optimisation en cours devraient provenir de l’amélioration des conditions négociées avec les fournisseurs, sur la base de volumes toujours plus rationalisés.
Certains ont porté cette logique de concentration des volumes assez loin, à l’image de l’approche adoptée par Bristol-Myers Squibb. « L’internationalisation de notre démarche a franchi un nouveau cap lors du retournement de l’économie mondiale, au tournant 2008-2009. Pour répondre aux fortes attentes d’économies formulées par le management Europe, nous avons pensé aller beaucoup plus loin dans la consolidation et la négociation », relate Dominique Dancie.
Pour baisser ses coûts, BMS choisit un loueur et un constructeur
L’idée du directeur des achats France et siège Europe de BMS : monter un contrat avec un seul constructeur, négocier l’ensemble des mises à la route d’une année en une seule commande, systématiser une gestion mono-loueur dans chaque pays. Le tout devant s’appliquer à une flotte européenne de 4 500 véhicules dans 21 pays européens.
« Ces pistes tenaient du pari, laissant des fournisseurs incrédules à la fois sur le principe et sur nos chances de les imposer en interne », concède Dominique Dancie. Par exemple, Ford avait prédit l’échec de la démarche… avant d’être retenu comme unique constructeur en Europe, puis dans le monde en 2010. Adoptée et négociée sur fond de crise, l’approche a en tout cas généré son potentiel d’économies, même si elle ne semble guère avoir fait école.
BMS a poussé loin le principe de consolidation des achats, Sanofi celui d’un pilotage central par les achats. Un troisième géant pharmaceutique, Pfizer, a encore exploré une autre approche de l’internationalisation pour ses 30 000 voitures. Elle repose sur l’introduction, courant 2009, d’une fonction de Global Fleet structurée à l’échelle du groupe. « La démarche reste pilotée par un responsable des achats basé à New York, qui négocie entre autres les grands accords. Mais son déploiement relève désormais moins du réseau d’acheteurs que de responsables Global Fleet au sein des quatre grandes régions géographiques de Pfizer », explique Fabrice Rols, justement manager subrégional de la flotte pour l’Europe du Nord.
Améliorer le déploiement des politiques internationales
Il relève d’un responsable situé à Londres et compte deux homologues en zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique). Il faut dire que cet ensemble totalise 14 000 véhicules dispersés sur presque soixante pays, les six grands marchés ouest-européens dépassant chacun le millier de voitures.
« Jusqu’à cette réorganisation, il manquait un échelon intermédiaire pour relayer la stratégie globale. Notamment pour assurer le déploiement opérationnel des plans d’actions dans les petits pays, dénués de ressources propres à y consacrer », poursuit Fabrice Rols pour Pfizer, avant d’énumérer les objectifs poursuivis. Sans surprise, le premier concerne l’optimisation des dépenses, via l’effet volume et la négociation, mais aussi la généralisation de la méthodologie TCO depuis 18 mois.
Le second objectif de Pfizer porte sur l’amélioration de la performance environnementale de la flotte, dans le contexte d’un programme global lancé il y a deux ans. Ce qui n’est pas sans rapport avec le volet TCO, compte tenu du lien entre les émissions de CO2, les dispositifs fiscaux et la consommation de carburant. L’objectif est de diminuer les émissions de la flotte de 10 % par an, et de passer dès 2013 sous la barre des 130 g/km de CO2 de moyenne en Europe. Un nouveau plan d’action global s’est ajouté depuis 18 mois, pour améliorer la sécurité des conducteurs. Toute une politique qui fait l’objet d’un suivi régulier, sous l’angle de la satisfaction des collaborateurs.
Optimisation des coûts, TCO, performance environnementale ou sécurité : autant de têtes de chapitre que l’on retrouve dans la stratégie internationale de Sanofi. Avec sa casquette achats, Franck-Olivier Bizot ajoute l’interrogation sur les modes de financement des véhicules. « La recommandation est de préférer la LLD, avec services associés, mais un quart de la flotte est encore en acquisition, compte tenu de notre présence sur des marchés très divers, sur les cinq continents : 4 000 véhicules en Asie-Pacifique, un peu moins en Amérique latine, ou 1 700 en Afrique… C’est d’ailleurs un rôle fondamental de la stratégie achats globale que de ne pas se borner à négocier des accords fournisseurs, mais aussi d’aiguillonner l’évolution des pratiques dans les pays, de les aider à conjuguer mieux et moins cher », insiste-t-il, en se qualifiant tour à tour de chef d’orchestre et de poil à gratter.
Référencer des prestataires en global, sélectionner en local
Mentionner ce rôle d’aiguillon des pratiques soulève la question de la répartition des rôles entre l’échelon international, où s’élaborent les stratégies, et celui des pays, où ces politiques sont appliquées. Or, les modes de fonctionnement demeurent assez disparates d’un groupe à l’autre. Chez BMS, la démarche repose aujourd’hui sur un encadrement strict : il n’y a qu’un constructeur référencé dans le monde et les structures achats régionales désignent à chaque pays son unique loueur. Plus classiquement chez Sanofi ou Pfizer, les accords sont montés et négociés à l’échelon international, puis un second étage d’appels d’offres voit chaque pays sélectionner son ou ses prestataires.
Ainsi, Sanofi travaille aujourd’hui avec sept constructeurs internationaux, mais aussi avec des accords de dimension uniquement régionale. « Côté loueurs, le déploiement de la LLD s’appuie sur des accords avec cinq acteurs internationaux, ce qui permet d’aller plus loin dans la standardisation des niveaux de services. Il s’agit cependant d’un référencement global et, en pratique, des appels d’offres sont menés en local pour assurer le jeu de la concurrence. Cela se fait dans les pays, qui ont la main sur l’évolution de leurs catalogues ; mais aussi dans le cadre d’appels d’offres coordonnés régionalement, si les besoins sont assez alignés pour dégager d’éventuelles synergies », complète Franck-Olivier Bizot.
Toutefois chez Pfizer, les acteurs référencés globalement n’ont pas l’exclusivité : « La stratégie internationale s’appuie sur deux loueurs historiques, un troisième s’étant ajouté suite à des acquisitions. Ils sont forcément consultés lors des appels d’offres menés localement, à charge pour eux de démontrer leur capacité à rester compétitifs et à apporter le service attendu. Mais selon l’organisation du marché, ils peuvent être challengés par un loueur local ou la branche d’un autre acteur global », décrit Fabrice Rols. En l’occurrence, sur la dizaine de pays européens dont il a la charge, seule l’Irlande travaille encore avec un acteur local.
Avant tout, faire preuve de souplesse entre le global et le local
Chez Econocom, le fonctionnement conjugue une certaine souplesse sur le volet constructeurs – il demeure possible de déroger aux trois accords groupe –, et la possibilité de ne travailler qu’avec les trois loueurs référencés. Ghislaine Achalid insiste sur le rôle toujours décisionnaire du management des pays, spécifiquement sur la car policy. « Dans le groupe Econocom, les pays ont une grande autonomie de gestion. Et sur le volet automobile, c’est en local qu’il existe une claire vision des besoins, la connaissance des spécificités des marchés ou des impacts pour l’entreprise ou le salarié, relève-t-elle. Les achats groupe peuvent assurer un rôle de support ou de point d’escalade dans le dialogue fournisseur en cas de problème, mais il est important de conserver un dialogue en local, avec les loueurs ou les constructeurs. Lors de l’appel d’offres international, nous avions pu constater la pertinence d’accords locaux, résultant par exemple d’un partenariat avec telle ou telle concession. Des liens de proximité que nous avons tâché de conserver, dans la mesure du possible », relate Ghislaine Achalid.
Difficile d’ignorer l’internationalisation à l’œuvre dans les flottes d’entreprises, toujours sous-tendue par l’idée d’un levier de volume à actionner dans la relation avec les marchés. Reste que le principe général se met en œuvre de façon très différente d’une entreprise à l’autre, en termes d’organisation et de management opérationnel. Mais quoi qu’il en soit, l’appel d’offres international n’est pas un exercice à aborder à la légère, juste pour voir.
Les flottes s’organisent à l’international
- Les flottes s’organisent à l’international
- « Tenir compte de l’évolution des marchés et d’éléments clés comme la fiscalité » : Franck-Olivier Bizot, Sanofi
- « Se faire reconnaître comme flotte internationale » : Ghislaine Achalid, Econocom
- BMS : un constructeur mondial, une commande par an, un loueur par pays