Les manufacturiers misent sur le développement durable

Les manufacturiers misent sur le développement durable

Les unes après les autres, les marques premium de pneumatiques ont lancé des produits estampillés basse consommation à grand renfort de communication. Si leur efficacité n’est pas en cause, les flottes tardent à les adopter.
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Pneumatiques : Les manufacturiers misent sur le développement durable

Mais l’étiquetage programmé à l’échelle européenne et l’émergence du véhicule électrique pourraient bien remettre les pneus verts au premier rang.Dans la traque au CO2 et aux consommations abusives de carburant, les pneumatiques ont un rôle primordial à jouer. Or, l’importance de cet équipement a longtemps été négligée par les gestionnaires de flottes. Mais depuis quelques années, les manufacturiers comme les enseignes spécialisées mènent des actions de longue haleine pour informer les entreprises. A titre d’exemple, Speedy Fleet a créé en 2006 le Baromètre Pneumatique, structure d’information dédiée aux gestionnaires de flottes. A travers des tables rondes, un site internet et des études sur les comportements des entreprises en matière d’entretien et de gestion des pneumatiques, cet outil a contribué à faire évoluer les mentalités.

Réduire la consommation de carburant

L’un des messages essentiels des campagnes menées porte sur l’impact des pneumatiques sur la consommation de carburant. Les manufacturiers oeuvrent tout autant à cette mission d’information. Selon Michelin, un plein de carburant sur cinq est absorbé par les pneumatiques. Sébastien Bricout, brand manager chez Goodyear France, avance le même chiffre, soit 20 % de la consommation d’un véhicule léger.

Ce phénomène physique est assez facile à imaginer. Seul point de contact entre le véhicule et le sol, le pneumatique absorbe l’énergie produite par le moteur pour assurer des performances optimales en termes de freinage et de tenue de route. Cette résistance au roulement est comparable au phénomène physique qui empêche une balle de squash de rebondir autant qu’une balle de tennis. Comme la balle de squash, le pneu se déforme et chauffe, réaction entraînant une perte d’énergie. Le défi des manufacturiers consiste donc à diminuer cette résistance au roulement sans que les distances de freinages et la tenue de route n’en pâtissent.

Les ingénieurs utilisent différentes technologies pour agir sur cette résistance, tout en conservant les qualités et la longévité des enveloppes. Deux innovations principales aident à diminuer les consommations : le remplacement du noir de carbone par des matériaux inédits comme la silice, et l’allègement des pneumatiques.

En travaillant sur ces deux axes, Michelin a été le premier, en 2007, à lancer un pneumatique sous l’étiquette « verte ». Son nom : Energy Saver. Performances annoncées par la marque au Bibendum : un conclut que plus de 92 millions de litres de carburant ont été économisés grâce à son pneu vert. Parallèlement, 184 000 tonnes de CO2 n’ont pas été rejetées dans l’atmosphère. Un résultat qui équivaut à 102 000 voitures qui auraient roulé durant une année sans émissions. Depuis, d’autres manufacturiers ont investi le marché des pneus verts. C’est le cas de Pirelli avec Cinturato, de Continental avec le pneu EcoContact ou de Bridgestone avec Ecopia.

Commercialisé depuis le début de l’année dernière, l’Efficient Grip de Goodyear a été testé par le Tüv Süd Automotive, organisme indépendant de contrôle industriel d’origine allemande. Conclusion des ingénieurs de cet institut : la résistance au roulement de ce nouveau pneu vert baisse de 13 % et la consommation de carburant est réduite jusqu’à 1,9 % par rapport à la moyenne des quatre pneus verts concurrents. « Nous sommes arrivés un an et demi après l’Energy Saver et nous avons bénéficié des progrès accomplis par Michelin, reconnaît Sébastien Bricout. Cela étant, nous avons aussi introduit une innovation majeure : une nappe anti-échauffement placée entre la carcasse et la bande de roulement. En limitant l’échauffement du pneumatique et donc la perte d’énergie, nous arrivons à diminuer davantage la résistance au roulement. »

Pour quelques grammes de moins

Bref, les manufacturiers disposent de tous les arguments face à des entreprises qui cherchent à optimiser leur TCO et, plus particulièrement, leur consommation de carburant qui constitue le premier poste de dépenses de la flotte. Pour Sébastien Bricout, les entreprises et les constructeurs automobiles recherchent le meilleur coût kilométrique : « Quand nous leur expliquons les avantages de nos pneus verts, ils sortent convaincus des réunions. Et gagner 2, 3 ou 4 g de CO2 au kilomètre permet parfois de franchir un palier important. Passer de 143 à 139 g réduit la fiscalité de manière significative ».

Les responsables des départements « flottes » des réseaux indépendants sont plus nuancés. Ainsi, Rodolphe Noulin, directeur de Speedy Fleet, avoue que « le marché des pneus verts n’en est qu’à ses balbutiements ». Et d’enfoncer le clou : « A ce jour, aucun de nos clients actifs ou de nos prospects ne nous a demandé de monter des pneus verts sur ses véhicules. Dans les parcs automobiles, les décideurs n’ont pas encore pris le sujet à bras-le-corps ou cet aspect ne leur paraît pas essentiel. »

Des clients encore à convaincre

Olivier Rigoni, consultant et fondateur du cabinet Cogecar, confirme les propos tenus par Rodolphe Noulin : « Les gestionnaires de flottes que je rencontre ne repoussent pas les pneus verts par principe, mais réaliser une économie de 0,2 l aux 100 km leur paraît marginal. De plus, le discours sur les pneus verts escamote un élément essentiel : en première monte, les véhicules ne sont pas équipés de ce type d’enveloppe. »

Quant à la réalité des économies avancées par les manufacturiers, Rodolphe Noulin note qu’elles sont mesurées par des organismes indépendants, mais qu’il est difficile pour un réseau comme Speedy d’obtenir des statistiques sur la longévité et la résistance au roulement. Et d’ajouter : « Pour les gestionnaires de flottes, c’est encore plus difficile de réaliser des tests indiscutables. »

Rodolphe Noulin et Olivier Rigoni n’en considèrent pas moins que le développement des pneus dits de basse consommation représente un net progrès. « Leur conception et leur fabrication répondent à des enjeux industriels et les manufacturiers ont une réelle volonté de proposer des pneus plus sobres, explique Rodolphe Noulin. Naturellement, la communication et le marketing exploitent ce filon porteur. » Olivier Rigoni reconnaît également la bonne volonté des manufacturiers : « La protection de l’environnement est une tendance lourde et les manufacturiers en profitent pour faire passer des messages. Cela va dans le bon sens. »

Le pneu vert dans le sens de l’histoire

Les pneumatiques devraient jouer un rôle encore plus important à l’avenir avec l’avènement du véhicule électrique. Cette fois, ce n’est plus 20 % comme avec les véhicules thermiques, mais 30 % de la consommation d’énergie qui seront mobilisés par les pneus. En outre, le développement des pneus Run Flat, qui offrent de rouler plusieurs dizaines de kilomètres après une crevaison, amène à se passer de roues de secours et, ainsi, à libérer de la place pour les batteries.

Enfin, le conducteur aura beau rouler avec des pneumatiques verts, si la pression est inférieureou supérieure aux recommandations du manufacturier, les gains sur la consommation et les émissions polluantes seront largement effacés. C’est pourquoi la sensibilisation des conducteurs sur ce point est essentielle et doit être menée sans relâche. La généralisation des TPMS (Tire Pressure Monitoring System) permettra d’alerter le conducteur sur le tableau de bord quand la pression baissera au-dessous d’un seuil critique. L’information comme nerf de la guerre…

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